Un monde de glace

Chapitre 36 : La colère du Roi Liche

4792 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 7 mois

Quelques minutes plus tôt...


Ils s'étaient jetés dans le gueule du loup et étaient maintenant faits comme des rats. Le Roi Liche allait leur faire payer leur intrusion sans l'ombre d'un doute.

La seule issue par laquelle ils pouvaient fuir venait d'être bloquée par le souffle de glace de Sindragosa.

Gahahli eut définitivement l'impression d'être à nouveau dans cette sordide Cathédrale avec Tirion Fordring tentant désespérément de sauver le peu d'humanité qui restait d'Arthas pour au final finir à sa merci. Et elle se maudissait d'être tombée une seconde fois dans le même panneau.

Tous regardèrent le Roi Liche avec un mélange de terreur et de colère — dans le cas de Sylvanas, c'était surtout la haine qui brûlait dans ses yeux, tandis que Jaina considérait son ancien compagnon d'arme avec tristesse et désarroi.

Arthas quant à lui scruta les intrus avec dédain avant de leur tourner le dos et se rediriger vers ses appartements.

— Falric. Marwyn. Apportez moi leur corps dans ma chambre quand vous aurez terminé, ordonna-t-il à ses chevaliers de la mort.

— À vos ordres, mon seigneur, répondirent d'une même voix sans vie les deux chevaliers de la mort susnommés.

Ceux-ci avancèrent machinalement et menaçant vers les aventuriers, dégainant leurs lames runiques prêt à leur infliger le même sort qu'ils avaient réservés à gens présent dans la salle du trône de Lordearon lors de l'assasinat du roi Terenas.

Sylvanas fut la première à se détacher du groupe pour tenter de rattraper le Roi Liche.

— Vous ne m'échapperez pas aussi finalement, Arthas ! hurla-t-elle rageusement. J'aurai ma vengeance !

Jaina emboîta aussitôt le pas de la reine Banshee et toutes deux évitèrent de justesse les lames des chevaliers de la mort.

— Vous ne me refuserez pas ça, Arthas ! cria à son tour l'archimage. Je dois savoir... Je dois connaître la vérité...

Puis les portes vers la chambre du Roi Liche se refermèrent derrière les deux femmes, laissant les quatre aventuriers restant à la merci des deux chevaliers de la mort.


Baorekh tendit les bras vers leurs adversaires et soudain, leur marche furent plus lente.

— Je suis en train de ralentir leur mouvement mais ça ne durera pas longtemps ! expliqua le sorcier troll. Profitez-en !

— Je prends celui aux deux épées ! clama Sonulia en dégainant ses sabres jumeaux et chargeant l'adversaire en question.

— Alors je m'occupe de lui au bouclier ! clama à son tour qui chargea à son tour.

Gahahli prépara son arc tandis que le nain et l'elfe de sang croisèrent le fer avec les chevaliers de la mort. Elle voulut les aider mais sans trop savoir comment. Ses flèches semblèrent inefficaces contre l'armure noire des chevaliers de la mort et lui était difficile de viser quand la cible ne cessait de bouger. Une erreur de sa part et elle blesserait un de ses alliés par inadvertance. Elle ne put qu'observer le combat, guettant le moment où ses flèches seraient d'un grand secours.

Finalement, ses compagnons d'infortune eurent vite raison des deux chevaliers de la mort, le nain d'un coup de hache dans les mollet de son adversaire, l'elfe de sang d'un coup d'estoc dans la gorge du sien et autre dans le bide pour faire bonne mesure.

Les deux chevaliers de la mort à terre, le petit groupe se précipita vers les portes menant à la chambre d'Arthas dans l'espoir de venir en aide à Jaina et Sylvanas.

— Oui... Courez, leur souffla l'un des chevaliers agonisant. Allez rejoindre votre destin... Son étreinte amère et froide vous attend...

Les aventuriers ignorèrent ses propos et commencèrent à pousser la lourde porte. Si lourde que même à quatre, ils pouvaient à peine la faire bouger d'un centimètre.

— Elles ont franchement des bonnes, ces donzelles ! pesta le sorcier troll qui aidait tant bien que mal ses compagnons d'infortune à pousser. Elles nous entraînent dans leur quête de vengeance, de vérité, de je-ne-sais-pas-quoi pour ensuite nous laisser en retrait. Et c'est à nous sauver leurs fesses.

— Ce n'est pas le moment de rouspéter ! lui rétorqua le nain. Allez, encore un effort !

Ils finirent par entrouvrir la porte et s'y glisser, traversant ainsi un long couloir faiblement éclairé qui les amena dans ce qui ressemblait à s'y méprendre à la salle du trône de Lordaeron — celle-là même où Arthas avait assassiné son propre père à son retour du Norfendre, en meilleure état que la salle originale et pourtant plus sombre et moins accueillante, à l'image du maître des lieux. Arthas devait sûrement nourrir une affection bien tordue pour cette endroit rappelant son parricide doublé de régicide et son héritage qu'il avait lui même bafoué pour ainsi la reconstruire à l'identique et en faire sa "chambre".

Dans cette sinistre salle, le Roi Liche se battait simultanément avec Jaina et Sylvanas. La femme avec qui il avait jadis combattu (et pour qui il avait probablement éprouvé des sentiments qui lui seraient réciproques) et une ancienne adversaire à qui il avait ôté la vie pour en faire son âme damnée jusqu'à ce qu'elle se rebellât et devînt son pire cauchemar. Malgré leur supériorité numérique, la magie de Jaina et l'agilité de Sylvanas, le Roi Liche ne faiblissait. Pas même sous les coups de Sylvanas, la plus agressive de ses deux adversaires et dont le carquoi était déjà à moitié vide. Pire, il semblait avoir l'avantage sur elles et était sur les points de les vaincre.

Elles allaient avoir cruellement besoin de l'aide des aventuriers qui venaient de les rejoindre et se préparaient à une possible confrontation directe avec le Roi Liche. Mais auraient-ils une chance contre un adversaire assez puissant pour mettre en difficulté une si puissante archimage et une elfe mort-vivante aguerrie simultanément ?

— Vos alliés viennent d'arriver, mesdames, comme vous l'aviez promis, clama le Roi Liche quand il remarqua la présence des aventuriers, jubilant de voir ses deux adversaires en train de fatiguer. Pour assister à votre ultime et humiliante défaite.

— Il... Il est trop puissant, souffla Sylvanas à bout de souffle. Plus le choix.

Elle sortit de son carquois une flèche d'Ombre, l'encocha et la tira sur Arthas qui la reçut au niveau de l'aisselle.

Le Roi Liche, visiblement affecté et étourdi par la flèche empoisonné, tenta de riposter mais Jaina en profita pour le geler de sa magie sur place.

— Cela ne le retiendra pas longtemps, dit Jaina. Il est trop puissant. Nous devons quitter ces lieux au plus vite !

— Mais on en profite pas pour le buter ? objecta Baorekh perplexe.

— Il est trop puissant, on vous dit ! répliqua sévèrement Sylvanas. Il faudrait une armée pour le détruire.

— Dépêchez vous ! insista Jaina.

L'archimage pointa du doigt une sortie à droite du trône ténèbreux auquel les aventuriers faisaient face. Où elle menait, les aventuriers l'ignorèrent. Mais voyant la prison de glace d'Arthas commencer à se fissurer, ils comprirent que le temps leur était compté et prirent cette mystérieuse sortie.

Jaina leur emboîta le pas et jeta un dernier regard à l'homme qu'elle avait jadis aimé qui lentement surmontait le poison de la flèche de Sylvanas et n'allait pas tarder à s'extirper de sa prison de glace.

— Vous allez faire de puissant agents du Fléau, pesta le Roi Liche ivre de rage en sa direction. Tous autant que vous êtes. Que vous le vouliez ou non.

— "Il ne reste plus rien d'Arthas", dit Jaina en contemplant son ancien prince avec un mélange de tristesse, de mépris et de résignation, reprenant les paroles de Tirion Fordring. "Seul le Roi Liche demeure..."

Puis elle rejoignit les aventuriers qui l'avaient devancé.


La sortie déboucha sur une immense caverne de glace — vraisemblablement un vestige du Glacier de la Couronne de Glace, où trônait une sombre nécropole inaccessible de la falaise où se tenaient les aventuriers.

Sur leur droite, le chemin longeait la caverne et menait à un tunnel creusé dans la glace, d'où Gahahli pouvait percevoir un léger et non moins vivifiant vent de fraîcheur dans cette caverne à l'ambiance pesante de mort et de ténèbres.

— Là bas ! cria l'elfe de la nuit en désignant le tunnel. Je pense qu'on peut s'échapper par là !

— Il y a intérêt, parce que je n'ai pas l'intention de pourrir ici ! rouspéta le sorcier troll qui emprunta précipitamment le chemin, bousculant l'elfe de la nuit au passage.

Le reste des aventuriers lui emboitèrent le pas quand la voix du Roi Liche fou de rage rententit dans toute la caverne.

"Vous me servirez tous dans la mort ! Et vous vous inclinerez devant le seul vrai roi !"

Tout indiquait que les effets de la flèche de Sylvanas s'étaient dissipé et que le Roi Liche, libéré de sa faible prison de glace, s'était lancé à la traque des aventuriers.

Ces derniers accélèrent le pas, craignant tous pour leur vie.

Gahahli avait l'instinct de survie en ébullition. C'était comme si elle était de nouveau connecté au Roi Liche par le Cœur de Glace. Elle pouvait presque ressentir sa présence et ses déplacements. Chacun de ses pas. Comme dans la caverne où elle avait trouvé ledit cœur.

Elle courrait à en perdre haleine aux côtés des autres aventuriers.

Elle perdait littéralement haleine.

Ils avaient tout juste atteint le tunnel qu'elle était déjà à bout de souffle.

Elle qui avait pourtant une bonne endurance et pouvait traverser un demi-hectare de forêt en une traite, ce n'était pas souvent qu'elle s'essoufflait aussi vite, même sous l'effet de la peur.

Sa poitrine souffrait le martyre.

Sa vision se troublait.

Elle avait la tête qui tournait.

Elle commençait à voir des étoiles non-existantes.

Elle fut contrainte de s'arrêter pour reprendre son souffle. Le moment était mal choisi avec le Roi Liche à ses trousses mais elle avait tellement mal aux côtes et aux ventre qu'elle peinait à respirer et à y voir clair.

— Hé ! La "cheveux bleus" ! Tu traînes ! l'interpella au loin le sorcier troll.

À genoux sur le sol de glace et se tenant les côtes d'une main, Gahahli ne répondit pas. Elle ne pouvait rien répondre tant qu'elle n'avait pas retrouvé son souffle.

Et elle sentait le Roi Liche s'approchait.

Batël et Sonulia coururent alors à son secours.

— Qu'est-ce qui t'arrives, bon sang ? l'interrogea l'elfe de sang à bout de patience. Dépêche ! Je le vois arriver !

— Je n'arrive plus... Peux plus respirer, répondit Gahahli entre deux souffles. Je ne... Partez sans moi... Je ne ferais que vous ralentir.

— Pas question ! objecta le nain qui aida l'elfe de la nuit à se relever et la tint par la taille et qui semblait fort préoccupé par son état. On n'abandonne jamais les nôtres ! Allez, un petit effort ! On peut voir le bout du tunnel. On sera sorti d'ici en moins de deux...

"Il n'y a pas d'issue !" cria la voix désincarnée du Roi Liche qui résonna dans toute la caverne. "La froide étreinte de la mort vous réclame !"

Il y eut un tremblement de terre dans la caverne et soudain, il n'y eut plus une once de vent frais provenant de l'extérieur. Seulement l'atmosphère de mort et de ténèbres omniprésente.

— On est piégé ! s'écria-t-on à l'autre bout du tunnel.

Escorté par le nain et l'elfe de sang qui l'aidaient à marcher, Gahahli put rejoindre le reste du groupe et constater qu'effectivement, la sortie du tunnel était bouché par un mur de glace. Était-ce le fait de Sindragosa ? Ou du Roi Liche ? Impossible à déterminer. Toujours est-il qu'ils devaient sortir à tout prix.

L'elfe de la nuit ne put s'empêcher que c'était de sa faute s'ils étaient coincés dans ce tunnel, avec le Roi Liche qui pourrait arriver d'une seconde à l'autre pour les prendre leur vie. Si elle avait été en meilleure forme, elle n'aurait pas ralenti le groupe à deux pas de la liberté et ils seraient tous en sécurité. Mais que diable lui arrivait-elle ?

— Pas de panique ! tenta de rassurer Jaina qui retroussait ses manches. Je peux toujours détruire ce mur avec ma magie. Mais vu l'épaisseur, ça risque de prendre du temps.

— Vous ne pouvez plutôt nous téléporter avec votre magie ? demanda le troll à bout de patience.

— Non, impossible ! répondit l'archimage qui commençait déjà à détruire le mur de glace. Cette Citadelle... Il y a une magie plus puissante de la mienne qui m'empêche de nous en sortir.

Pour ne rien arranger, une vague de cris inhumains résonna depuis la caverne et le groupe vit une horde de goules, fraîchement relevées par le Roi Liche se précipiter vers le tunnel, prêts à réduire les aventuriers en charpie, tel des rats sur un bout de fromage.

— On dirait bien qu'on a de la compagnie ! ironisa l'elfe de sang.

— Je ne peux pas faire plus vite ! dit Jaina désespérée. Il va falloir les retenir ! Aussi longtemps que vous le pourrez !

— Il va donc falloir vendre chèrement notre peau ! clama Batël qui se mit en position avec Sonulia, près à en découdre avec les morts-vivants.

— Je peux toujours tenter les ralentir avec ma magie vaudou, mais il m'ont l'air bien trop nombreux, suggéra le sorcier troll.

— Heureusement qu'on a deux archères parmi nous ! fit remarquer Sylvanas en se désignant elle même et l'elfe de la nuit qu'elle fixait d'un air qui n'avait rien d'encourageant.

Les premières goules eurent tôt fait de goûter à la hache du nain et aux sabres jumeaux de l'elfe de sang, aidés par la magie vaudou du troll qui ralentissait du mieux qu'il pouvait le reste des assaillants et par le flèches de Sylvanas que cette dernière devait néanmoins économiser s'ils voulaient avoir une chance de s'en sortir.

Gahahli voulut également les aider... mais sa vision était encore brouillée et ses gestes furent maladroits quand elle sortit ses propres flèches de son carquois et les encocha. Elle arriva à peine à bander son arc et ses tirs furent par conséquent plus mous et plus hésitants. Elle qui avait pourtant assez d'expertise pour tirer ses flèches à la vitesse de l'éclair et toucher une cible sur plusieurs dizaines de mètres, elle semblait avoir perdue toute sa vigueur. Mais qu'est-ce qui était en train de lui arriver ?

Le groupe tint bon malgré tout. Malgré leur nombre et leur férocité, les goules n'étaient pas particulièrement résistantes ni même intelligentes, le genre d'adversaire tellement immunisé de la peur de la mort qu'elle en venait à foncer tête baissée et sans protection vers une mort aussi certaine qu'inutile. Et face à nain vétéran de guerre et une elfe assassine endurcie, ils tombèrent comme des mouches.

Mais les aventuriers ne furent pas au bout de leur peine car à peine étaient-ils venu à bout de la première vague, voilà qu'une seconde se présenta. Et pour ne rien arranger, des Abominations s'étaient jointes aux goules. De quoi corser la bataille.

— Retenez encore un peu ! leur ordonna Jaina toujours concentrée sur le mur de glace à demi-effrité. J'en suis à la moitié.

Le combat reprit de plus bel avec des adversaires de plus en plus puissants et coriaces qui mirent même en difficulté le nain et l'elfe de sang déjà maculés de sang — à la fois le leur et celui de leur adversaires. Et Sylvanas allait bientôt être à court de munitions. Malgré son état de santé incertain, Gahahli fit de son mieux pour leur venir en aide. Les Abominations étant plus imposantes et lentes que les goules, cela en faisait des cibles plus grosses. Mais sa bonne volonté ne suffisait à compenser la vigueur qui était en train de lui faire défaut. Elle avait beau atteindre sa cible, c'était à peine si cela affectait la cible en question tant ses tirs étaient mous. Et pour ne rien arranger, l'odeur pestilentielle des cadvres en putréfactions des ennemis qui s'amassaient devant elle la rendait de nouveau nauséeuse.

Excédée devant l'inefficacité de l'elfe de la nuit, Sylvanas finit par lui saisir sans ménagements toutes les munitions de son carquois et les vida sur les adversaires.

Sous la violence de son geste, la Reine Banshee manqua de pousser l'elfe de la nuit au sol, celle-ci se sentant plus impuissante et inutile que jamais, un sentiment qu'elle avait toujours eu en horreur.

— T'es vraiment qu'un boulet, "cheveux bleus", tu sais ? la fustigea Baorekh, enfonçant davantage le clou

— Fous lui la paix, tu veux ! lui rétorqua Batël qui venait d'abattre sa dernière Abomination. De toute façon, le coupable c'est moi.

— Comment ça ? demanda Gahahli incrédule.

— C'est moi qui ai suggéré à Jaina de t'emmener avec nous, s'expliqua le nain profitant d'un court moment de répit. Les autres étant pris par ce stupide tournoi, t'étais la seule du groupe disponible. Et moi, je voyaius dans cette mission une occasion en or de venger mes fils. de venger ma famille détruite à cause de ce traître. Mais j'aurais dû prendre en compte ton état, égoïste que je suis...

— Mon "état" ? demanda l'elfe de la nuit de plus en plus perplexe. Maid de quoi tu... ?

— Ça y est ! s'écria soudain Jaina qui avait finalement réussi à effriter le mur de glace, ouvrant ainsi un passage vers l'extérieur. Nous pouvons sortir !

— Dépêchons nous, alors ! ordonna Sylvanas. Les renforts arrivent ! Et nous sommes à court de munitions.

La Reine banshee désigna de son arc une troisième vague d'assaillant, comptant cette fois des vrykuls mort-vivants en plus des goules et des Abominations.

— Ils sont trop nombreux ! se plaignit le troll. Et j'ai plus assez de force pour les ralentir !

— Partez devant ! ordonna le nain. Je veux les retenir encore un peu !

Nous allons les retenir, à nous deux ! rectifia Sonulia plus déterminée que jamais.

— T'es sûre de toi, petite ? l'interrogea le nain. Parce que nos chances de réussites sont minces, pour ne pas dire inexistantes.

— Tant que c'est pour la bonne cause, je suis prête à courir ce risque, lui répondit l'elfe de sang. Pour vos fils.

Cette simple évocation suffit à convaincre Batël.

Le nain et l'elfe de sang s'échangèrent alors un regard entendu avant de faire signe au reste du groupe de partir. Ces derniers ne se le firent pas dire deux fois et sortirent du tunnel en courant.

Seule Gahahli jeta un regard désolé à son compagnon d'arme qu'elle était sur le point d'abandonner à son sort. Une telle pensée lui déchira le cœur, elle qui avait déjà tant perdu. Mais ne pouvant rien faire d'autre, elle fut contraindre de se résoudre à abandonner celui qu'elle commençait à considérer comme un second père.

Elle finit par rejoindre le reste du groupe... pour constater à son effarement qu'ils étaient dans une impasse.


Le tunnel les avait conduit à un balcon, un belvédère qui surplombait le sinistre Portail du Courroux qui en contrebas portait encore les marques de la trahison des Réprouvés, rappelant de cruels souvenirs aux aventuriers.

— Bien joué, "cheveux bleus " ! fustigea de plus bel le sorcier troll. On peut s'échapper par ce tunnel, que tu disais !

— Comment pouvais-je savoir que cela nous conduirait à un cul-de-sac ? se défendit l'elfe de la nuit.

— Inutile de vous disputer ! s'écria Jaina. Tout n'est pas encore perdu. Il me reste encore assez de mana pour envoyer un signal de détresse...

La jeune archimage tendit le bras au ciel et fit jaillir de la paume de sa main un éclair de givre qui éclaircit le ciel et provoqua une pluie de grêlons.

Pourvu que quelqu'un dans les environs l'ait vu...

À la sortie du tunnel, Batël et Sonulia, maculés de sang de pieds en cap, se battaient du mieux qu'il pouvait pour contenir les assaillants morts-vivants plus nombreux et coriaces que jamais. Pour ne rien arranger, le Roi Liche était présent parmi cette nouvelle vague de morts-vivants. À mesure qu'il avançait d'un pas triomphant, les aventuriers de nouveau pris au piège et plus désemparés que jamais sentirent leur dernière heure approcher.

— Vous n'avez nulle part où aller ! s'écria Arthas jubilant à l'avance sa victoire. Vous êtes à moi, maintenant...

Soudain, alors que tout espoir semblait définitivement perdu, surgit l'aéronef de combat de la Horde, le Marteau d'Orgrimm, et se positionna au dessus du balcon, pointant ses canons sur la montagne, juste au dessus de la sortie du tunnel.

Sur ordre du commandant orc à bord du vaisseau, les canons firent feu et le tunnel commença à s'effondrer, menaçant d'enfermer Batël et Sonulia avec le Roi Liche et les morts-vivants s'ils ne se faisaient pas écraser par l'éboulement.

— Pardonne moi, souffla soudain l'elfe de sang avant de pousser le nain hors du tunnel d'un vif coup de pied circulaire.

Le nain évita de peu l'éboulement et le reste des aventuriers furent sauvés in extremis de la vague de mort-vivants mais durent voir avec impuissance l'elfe de sang se faire ensevelir avec Arthas et son armée de goule dans le tunnel condamné.

Leur sauvetage s'était fait au prix de l'un d'entre eux.

— NON ! s'écria le nain fou de rage et de désespoir, se défoulant sur les débris qui obstruaient le tunnel. Ça aurait dû être moi ! C'était à moi de me sacrifier...

— Pauvre Sonulia, se lamenta Baorekh. Son frère va être dévasté quand il l'apprendra...

La mention du nom de l'elfe de sang interloqua Gahahli qui jusqu'à présent ne la connût que sous son nom de code, "Belette", sans jamais connaître son véritable nom. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'elle entendit son nom, mais la seule personne qu'elle connaissait et qui lui en avait fait mention... lui avait également évoqué sa sœur disparue lors de l'invasion mort-vivante à Quel'Thalas.

Elle eut alors une révélation. Une terrible révélation.

— Nous pleurerons sa perte plus tard ! ordonna soudain Sylvanas rappelant les aventuriers à l'ordre. Il nous faut partir et vite !

Le Marteau d'Orgrimm venait de baisser une rampe sur le balcon, permettant aux aventuriers de monter à son bord, sur le pont.

— Dépêchez vous ! ordonna à son bord le capitaine orc aux aventuriers. La montagne pourrait s'effondre d'un moment à l'autre !

— Ce n'est pas exactement l'aide que j'espérais mais c'est le résultat qui compte, je suppose, se confessa Jaina qui ne tarda pas à monter sur la rampe.

Devant ce cuirassier volant de la Horde, Gahahli demeura perplexe. Si on lui avait dit qu'un jour des orcs lui sauverait la vie, elle l'aurait traité de fou. Et elle appréhendait le fait de monter un bord d'un navire dont l'équipage était majoritairement composé d'orcs, de trolls et d'ingénieurs gobelins, aucune race qu'elle ne portait dans son cœur.

Elle posa un pas hésitant sur la rampe avant d'être poussé vers le pont par Baorekh qui trainait Batël par le bras, toujours abattu par le sacrifice de l'elfe de sang.

Aussitôt les aventuriers à bord, le Marteau d'Orgrimm décolla, les éloignant ainsi de cet endroit qui aurait pu être leur tombe

Se sentant comme des étranger sur ce vaisseau appartenant à la Horde, Batël et Gahahli rejoignirent Jaina qui scruta d'un air triste le tunnel obstrué, dans lequel Sonulia devait croupir. Si sa mort probable n'était dû à l'éboulement, elle devait être morte de la main d'Arthas ou d'un de ses sbires.

— Pardonnez moi, mes amis, se confia l'archimage abattu par l'échec de sa mission. J'aurais dû écouter Uther et Tirion... Je voulais... Je devais voir par moi-même. Le regarder une dernière fois dans les yeux. Et à cause de moi... Je suis désolée.

— Ce n'était pas votre faute, tenta de la rassurer le nain. Personne n'a pu prévoir ça.

Gahahli quant à elle scruta le tunnel effondré. Elle ne saurait comment l'expliquer mais une part d'elle refusait de croire à la mort de l'elfe de sang.

— On peut encore la sauver ! suggéra-t-elle. Il faut faire demi-tour !

— Hé ho ! Ça va pas la tête ? protesta le sorcier troll. On a déjà tout donné !

— De toute façon, c'est trop tard pour elle, dit Sylvanas avec une indifférence glaciale. Elle a fait son choix...

L'elfe de la nuit fut outré du ton apathique de la Reine banshee. Sonulia avait probablement était embarqué dans cette mission suicide de la même façon que l'elfe de la nuit, à la demande de la reine des Réprouvés. Elle avait dût affronter la mort pour aider l'elfe mort-vivante à assouvir sa vengeance. Et malgré ça, sa mort ne semblait pas l'affecter davantage, là où Jaina se morfondait et culpabilisait de les avoir mis en danger.

— Elle s'est sacrifiée pour nous ! s'indigna l'elfe de la nuit. Vous pouvez au moins être compatissante !

— Personne ne s'est montré compatissant à mon égard quand Arthas a fait de moi son âme damnée, se justifia hautainement la Reine banshee.

— En voilà assez ! s'impatienta l'elfe de la nuit. Vous n'êtes pas la seule à avoir souffert à cause de la folie d'Arthas ! Ni vous ni vos Réprouvés !

— Surveille tes propos, elfe de la nuit ! lui rétorqua Sylvanas en la fusillant de son regard le plus haineux. N'oublie pas à qui tu t'adresses, ou le Roi Liche sera le cadet de tes soucis.

Gahahli ne se laissa pas intimider par le ton menaçant de la Reine banshee, ni par son regard qui n'avait de cesse de lui glacer le sang chaque fois qu'elle le croisait mais qu'elle soutint malgré tout avec fermeté. Quoi qu'avait enduré Sylvanas — des choses qu'aucun être sain d'esprit ne souhaiterait à qui que ce soit, pas même à son pire ennemi — cela ne justifiait en rien son attitude. Ce n'était pas aux autres de baisser la tête devant elle à cause des souffrances qu'elle avait enduré, c'était à elle de réapprendre l'humilité et le respect vis à vis de son entourage. Et ayant elle-même vécu des choses affreuses par le passé, l'elfe de la nuit pouvait en témoigner.

— Ça suffit, vous deux ! s'impatienta Jaina après s'être finalement ressaisi. Nous avons assez de problème comme ça ! Nous savons désormais ce que nous devons faire pour détruire le Roi Liche et nous devons en informer Varian, Thrall et Fordring !

— Je vous rappelle que vous êtes sur un navire de guerre de la Horde, ma chère ! lui rappela Sylvanas. Et en conséquence, vous n'êtes pas en état de donner des ordres ! Nous en informerons votre roi, le chef de guerre et Fordring mais uniquement quand je le déciderai !

Batël profita que la Reine banshee détourna son attention sur l'archimage pour prendre l'elfe de la nuit à part et la tenir éloignée de l'elfe mort-vivante.

— Tu ferais mieux de ne pas prendre ses menaces à la légère, Lili, lui conseilla-t-il. Déjà de son vivant, il ne valait mieux ne pas se la mettre à dos...

— Au fait, tout à l'heure dans le tunnel, qu'est ce que tu voulais dire à propos de mon "état" ? lui demanda Gahahli. Tu sais ce qui m'arrive ?

— Tu n'es donc pas au courant ? l'interrogea le nain incrédule. Les médecins ne t'ont rien dit ?

— Personne ne m'a dit quoi que soit depuis que mon secret a été révélé au grand jour ! protesta l'elfe de la nuit. À part pour me harceler et se moquer de moi...

Pour toute réponse, le nain se saisit de la main de l'elfe et la posa à plat sur son ventre. Gahahli observa tour le nain et sans ventre son comprendre jusqu'à ce qu'elle sentit quelque chose remuer à l'intérieur.

Quelque chose d'infime, pratiquement invisible à l'œil nu, mais bel et bien vivant.

Elle eut alors une nouvelle révélation. Une terrible révélation. Plus terrible que la précédente. Une révélation qui l'a pétrifier d'une peur plus éprouvante que celle inspirée par le Roi Liche.

— Tu comprends, à présent ? lui demanda le nain soucieux.

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