Un monde de glace
Malgré la tension qui opposait farouchement la Horde et l'Alliance, le Tournoi d'Argent fut un rassemblement inter-faction sans précédent. Dès son ouverture, les gradins étaient pleines et le public en effervescence. Si certains étaient venus principalement pour se divertir et ainsi oublier ne fut-ce que durant une journée l'éprouvante croisade contre le Roi Liche qui tiraillait tout le monde, d'autres étaient venus soutenir les champions de leur faction respectives, rappelant ainsi que la hache de guerre n'était pas complètement enterrée. Surtout en la présence du roi Varian, de Thrall et de son protégé Garrosh Hurlenfer également dans les gradins, sans compter leur garde d'élite respective — la Garde Royale de Hurlevent pour l'Alliance, l'Élite Kor'kron pour la Horde. Le mépris qu'affichaient l'un envers l'autre, le roi de Hurlevent et le protégé du chef de guerre orc suffisait à raviver les tensions de leur faction respectives, en dépit de la pondération dudit chef de guerre. La compétition était d'autant plus féroces quand les participants qui s'opposaient dans l'arène appartenaient ou provenaient tous les deux d'une faction qui les opposait.
Tel qu'il était convenu, Tirion Fordring, le bras en écharpe, présidait le tournoi et faisait office d'arbitre.
Les épreuves de joutes et les duels se succédèrent, évaluant ainsi la valeur et les aptitudes des participants. Certains furent sélectionnés, d'autres furent éliminés, attisant la joie des uns comme le mécontentement des autres. Ils ne s'arrêtèrent que pour le déjeuner et les collations et ensuite reprendre les jeux de plus bels.
La soir approchait quand les finalistes furent nommés : Bartelo et Bathris. L'un concourant au nom de l'Alliance, l'autre appartenant toujours à la Horde malgré son allégeance à la Croisade d'Argent.
L'effervescence du tournoi allait vite atteindre son paroxysme.
Durant la pause dîner, sous la tente réservée aux concurrents de la Croisade d'Argent, Bathris reçut une flopée de félicitations et d'acclamations de la part de ses frères d'armes, tous impressionnés de voir en finaliste celui qui quelques mois plus tôt n'était encore qu'une recrue, certains même le jalousaient sans trop se l'avouer.
L'elfe de sang apprécia tant d'ovations à son égard — chose qu'il n'espérait plus recevoir deux ans plus tôt — mais n'eût cependant pas le cœur de faire la fête avec ses frères d'armes ni même à partager leur enthousiasme et se contenta de manger dans son coin. Ses pensées étaient focalisées sur la femme qu'il aimait et à qui il avait tenté de demander de partir pour sa sécurité quelques jours plus tôt. Gahahli devait certainement encore lui en vouloir depuis cette discussion, surtout à la manière dont elle s'était terminée. Cependant, il avait espéré que l'elfe de la nuit serait resté le temps du Tournoi, ne fut-ce que pour le soutenir depuis les gradins. Et l'elfe de sang avait beau scruté le public depuis le début du Tournoi, sans surprise, pas l'ombre de sa bien-aimée.
L'absence de l'être qui comptait le plus pour lui et par extension l'absence de son soutien aurait pu suffire à le démoraliser et démotivé. Mais pour il n'en fut rien pour le jeune elfe de sang. Il était même plus déterminé que jamais à la simple pensée de l'elfe de la nuit qui avait eu son lot de souffrance ces derniers temps.
Depuis l'effondrement de Quel'thalas, il s'était préparé pour qu'un jour il ferait payer Arthas pour tous ces crimes, pour avoir en autres brisé sa famille, décimé son peuple et irrémédiablement dévasté son royaume, qu'il vengerait tous les innocents qui avaient péri de sa lame pour assouvir sa soif de puissance. Que ce fut en brandissant le Porte-cendres ou combattant aux côtés de son porteur, peu lui importait. Mais ces derniers temps, il était moins temps question de vengeance ou même de justice, pourtant une cause importante pour tout paladin qui se respectait, mais bien de protéger ce que le Roi Liche et le Fléau n'avaient pas encore détruit, à commencer par l'être le plus cher à son cœur. La protéger du mal qu'un tel démon pourrait lui faire. C'était là sa raison de se battre. Il serait même prêt à donner sa vie pour une telle cause.
La fête fut soudain interrompu par l'arrivée de deux étrangers demandant à s'entretenir avec le finaliste. Bathris mit un temps avant de reconnaître Turakh et Walkyro qui s'avancèrent vers lui, pour avoir si peu combattu à leur côté, sa dernière aventure avec eux remontant au raid sur le Plateau du Puits du Soleil et leur combat contre Kil'jaeden. Si le chasseur troll avançait vers sa table d'un pas décidé, l'imposant tauren avait une démarche plus hésitante. Que diable lui voulait-il ?
— Que me vaut l'honneur de votre visite ? leur demanda l'elfe de sang à la fois curieux et méfiant.
— On voulait d'une part te féliciter pour tes prouesses dans l'arène et que tu sois en final, répondit Walkyro.
— C'est très aimable à vous, lui répondit l'elfe de sang. J'apprécie.
— Et aussi... On a pas été très correct avec toi... l'année derrière... en Outreterre, ajouta le tauren en bafouillant. Et on s'en excuse...
— Oh, c'est du passé, tout ça ! l'excusa Bathris. Et puis j'ai rien contre vous deux à titre personnelle...
— Ce que mon pote veut dire c'est que maintenant que t'es en final et que tu représentes la Horde, on compte sur toi pour l'emporter ! intervint Turakh impatient.
— Sans vouloir te mettre la pression, bien sûr ! s'empressa d'ajouter le tauren comme pour excuser la conduite de son ami.
— Parce que tu comprends, ces derniers temps ont été très difficile pour notre petit groupe comme pour la Horde, expliqua le troll. Et là, tout l'honneur de la Horde repose sur tes épaules. Alors si tu pouvais gagnais cette fichue épée en nom de la Horde, ça nous rendrait service.
— Toujours sans vouloir te mettre la pression, insista le tauren.
— "L'honneur de la Horde sur mes épaules" ? répéta Bathris avec un léger rictus. Et ben, si on m'avait dit qu'un jour je représenterai quelque chose pour la Horde... M'enfin si ça peut vous rendre service, je ferais de mon mieux.
— T'as intérêt ! rétorqua le troll.
— Cela dit, vous savez que je ne fais pas vraiment tout ça au nom de la Horde ? s'empressa de préciser l'elfe de sang.
— Oui, on sait ! rétorqua le troll désabusé. Vous les paladins vous êtes plus pour la Lumière, la justice, protéger les innocents, sauver la veuve et l'orphelin, tout ça...
— Il est vrai qu'avant l'arrivée des elfes de sang dans notre Horde, on avait pas encore tout ça, confirma le tauren. Et il est aussi vrai qu'on devrait prendre l'exemple.
— Ce n'est pas exactement où je voulais en venir mais... ça ne fait rien, dit l'elfe de sang. Au moins, j'apprécie votre sollicitude.
— Bref, t'as pas intérêt à nous décevoir ! s'empressa de lui rappeler Turakh. Sinon, on ne te le pardonnera jamais.
— Toujours sans te mettre la pression ! ajouta Walkyro.
Le tournoi reprit sitôt la pause dîner terminé.
Baelbo et Ouladre félicitèrent et souhaitèrent une dernière fois bonne chance à leur champion qui depuis son entraînement pour le tournoi avait radicalement troqué son marteau pour une épée longue à deux mains.
— Ne vous en faîtes pas les gars ! les rassura Bartelo. Je vais lui faire comprendre sa douleur à ce bellâtre.
Le paladin retourné dans le vestibule réservé aux concurrents, le gnome et le draeneï s'en allèrent retrouver leur place dans les gradins, pendant que le commentateur commença à annoncer les finalistes :
— Venu du noble royaume Hurlevent dont il est le chevalier servant, a défié les Défias en son nom, sauvé le prince Anduin de la terrible Onyxia, chassé les orcs Rochenoires des frontières de Hurlevent, combattu la Légion Ardente en Outreterre et terrassé deux des plus fervents agents du Roi Liche, j'ai nommé : Barthélemy Lockhart !
À l'annonce de son nom, Bartelo entra dans l'arène sous les acclamations de ses frères d'armes de l'Alliance et les huées de ses opposants de la Horde, se pavanant, saluant son public tout en snobant ses détracteurs et exhibant fièrement son arme.
Se frayant tant bien que mal un chemin parmi la foule en effervescence tout en acclamant leur compagnon d'arme qui fanfaronnait dans l'arène, Baelbo et Ouladre eurent toutes les peines du monde à retrouver leur place.
— Enfin, je vous retrouve ! les interpella soudain une voix qui leur était familière.
Il s'agissait d'Harrina. Et étrangement, Jakua était à ses côtés.
— Vous n'auriez pas vu Lili ? leur demanda la jeune magicienne. J'ai quelque chose d'important à lui remettre. J'ai trouvé son tigre qui errait dans les environs mais aucune trace d'elle...
— Qu'est ce que ça peut nous foutre, où qu'elle est ! rétorqua méchamment le gnome.
— Ouh là... Qu'est ce qu'elle a fait encore ? questionna Harrina soupçonneuse.
Le gnome et le draeneï n'eurent pas le temps de lui répondre que le commentateur reprit son annonce :
— Enfin, venu du tristement célèbre royaume de Quel'thalas, un ancien Chevalier de Sang qui s'est fait chevalier errant avant de rejoindre la Croisade d'Argent et y a fait ses preuves plus rapidement que n'importe quel de ses frères d'armes, j'ai nommé : Bathris Feusoleil.
Ce fut donc au tour de l'elfe de sang susnommé d'entrer dans l'arène, toujours équipé d'une épée et d'un bouclier. Son entrée fut plus modeste que son rival. Les acclamations qu'il reçut provenaient principalement de ses frères d'armes de la Croisade et furent plus mitigé côté Horde. côté Alliance, il ne reçut que des huées hostiles.
— Voilà, la réponse à votre question, ma chère ! répondit Ouladre en désignant l'elfe de sang du doigt.
— Si la question était "qui" elle s'est fait, maugréa Baelbo.
Les deux concurrents se saluèrent respectueusement avant de se mettre en position. Au son du cor dans l'arène, ils croisèrent enfin le fer pour ce duel décisif qui décidera à qui incombera la lourde tâche de brtandir le Porte-Cendres et de mener l'assaut final.
— Alors... c'était sérieux entre eux ? commenta Harrina en scrutant d'un air songeur l'elfe de sang en plein duel.
— Comment, vous étiez au courant ? l'interrogea le draeneï avec un air mélangeant surprise et contrariété.
— Moi, non, mais Fyrvas... Il l'avait un peu deviné, depuis l'Outreterre, s'expliqua la magicienne. C'est d'ailleurs en partie à cause de ça qu'ils s'étaient fâchés.
— Ben je comprends le papa ! maugréa le gnome. Ce serait ma fille, je l'aurais renié...
Son commentaire lui valu un grognement sévère et accusateur du Sabre-du-Nuit.
— Jakua a raison, Bibi ! approuva Harrina qui portait un regard tout aussi sévère et accusateur sur le gnome. Comment peux-tu dire une chose pareille ?
— Hé ! Ce n'est pas moi qui copule avec l'ennemi ! se défendit Baelbo.
— Ça n'a pas l'air de vous choquer, d'ailleurs, le rejoignit Ouladre.
— Franchement, je ne suis pas la mieux placée pour juger les sentiments ou les relations des autres, s'expliqua la magicienne. Et croyez moi, Lili est loin d'être un cas à part. Demandez à Jaina. Et de toute façon, c'est sa vie au bout d'un moment ! Tant qu'ils sont entre adultes consentants et qu'ils se considèrent l'un l'autre correctement...
— Certes mais le fait est que notre amie aux cheveux bleus a eu une liaison avec l'ennemi, insista Ouladre. Et ce même en pleine période où notre relation avec la Horde n'a jamais été au plus mal !
— Et par dessus le marché, elle a eu le culot de nous le cacher ! s'indigna Baelbo. À nous, ses amis ! En plus, je ne vois même ce qu'elle lui trouve, avec ses longs cheveux platines et son visage émacié...
— Pour ma part, ce que je ne comprends pas, c'est comment elle a pu vous considérer à ses amis avec une attitude pareille ! lâcha la magicienne.
— Je te demande pardon ? réagit le gnome outré.
— Vous vous écoutez parler cinq secondes ? les gronda Harrina. "Oh là là, elle a une liaison avec 'l'ennemi'" comme vous dîtes. "Oh là là, elle a pas voulu nous le dire !". Vous ne vous êtes jamais dit que c'était justement à cause de ça qu'elle a préféré garder ça pour elle ? Qu'elle n'était complètement à l'aise avec la situation ? Et qu'elle redoutait votre réaction ? Que vous la désapprouverez pour ça ? Vous, ses soi-disants amis ? Et froce est de constater qu'elle avait raison de craindre tout ça. Surtout que... Où est-ce que vous étiez quand je disais qu'à cause de ça elle s'était fâchée avec son père ? Raison de plus de ne pas crier sa relation sur tous les toits ! Et Fyrvas, j'ai été témoin, il n'a pas cessé de se mordre les doigts depuis leur dispute. Lui qui n'a toujours voulu que le meilleur pour sa fille, jusqu'à son dernier souffle.
—Et ben... on est désolé pour ce brave elfe, tenta de répondre le gnome ne sachant quoi dire pour sa défense.
— Vous devrez ! insista la magicienne. Parce que Fyrvas, il en avait fait des erreurs, même avec les meilleurs intentions du monde. Mais là, je vous regarde et je me dis que vous êtes encore plus nuls que lui ne l'a été de son vivant.
— Hé ho, du calme ! tenta de se défendre le draeneï. Ce n'est quand même pas notre faute si dame Gahahli choisit mal ses amourettes...
— Mais décidément, vous n'y connaissez rien en amour ! s'énerva la magicienne. Ça ne se commande pas ! Vous croyez qu'elle a choisi d'avoir une relation qui pourrait compromettre son allégeance et la marginaliser ? Et comme je l'ai dit tout à l'heure, ça la regarde tant qu'ils sont entre adultes consentants et respectueux l'un envers l'autre.
— Euh... En d'autres circonstances, je serais d'accord, tenta de se justifier le draeneï visiblement à cours d'argument. Mais on parle quand même d'un elfe de sang. D'un ennemi.
— Bon, répondez moi franchement ! s'impatienta la magicienne. Est-ce que cet elfe de sang, cet "ennemi" comme vous dîtes, vous a fait du tort par le passé ? À titre personnel, j'entends ! Les crimes commis par Kael'thas et ses compatriotes ne comptent pas ! ... Et est-ce que Lili vous a fait défaut à cause de sa relation avec l'elfe de sang ? Est-ce qu'à un moment elle vous a laissé tomber, au moment où vous étiez en danger, où vous aviez le plus besoin d'elle, pour être avec son amant ?
Baelbo et Ouladre s'échangèrent un regard incrédule alors qu'ils cherchèrent dans leur mémoire une réponse qui irait dans leur sens.
— Ben... Il est vrai que Lili s'est éclipsée plus d'une fois... certainement, pour retrouver ce bellâtre aux oreilles pointus, maintenant que j'y pense, répondit Baelbo évasivement. Mais... Jamais quand on été en danger. Non, elle a toujours été présente... Peut-être qu'elle a été à la bourre une fois ou deux...
— Mais le fait est qu'elle a toujours été présente pour vous, malgré sa liaison clandestine, confirma Harrina. Quant à l'elfe de sang... Est-ce que la haine que vous lui témoignez est justifiée ? Est-ce qu'il la mérite ?
Le gnome et le draeneï demeurèrent interdit face à la question que leur posait la magicienne et finirent par jeter un œil dans l'arène.
Le duel tournait clairement en l'avantage de Bartelo qui optait pour une tactique agressive, assenant sans ménagement et avec acharnements des coups d'épées à son adversaire qui, privilégiant la défensive, ne pouvait que parer les coups et se défendre avec son bouclier. L'elfe de sang semblait compter sur la fatigue de son adversaire mais ce fut lui qui commençait à s'épuiser sous ses attaques incessants.
— Euh... Est-ce normal que je me sente mal, tout d'un coup ? demanda Baelbo gêné.
— Vous croyez qu'on devrait intervenir ? osa demander Ouladre.
— Et prendre le risque de conclure le tournoi sur un match nul ? s'indigna Harrina. Voire de les disqualifier tous les deux ? Non, les gars ! C'est trop tard ! On ne peut rien faire qu'attendre tant qu'ils n'auront pas fini.
Bathris finit par céder et tomba à la renverse. Bartelo le tenait à sa merci.
— Tu ferais mieux d'abandonner, l'ami, lui dit-il en pointant de son épée la gorge de l'elfe de sang. Tu n'es clairement pas de taille.
— Car tu crois l'être, blanc bec ? intervint une voix provenant des hauteurs.
À la surprise générale, tout le monde dans leva la tête et vit un chevalier de la mort survolant l'arène sur un griffon squelettique et entouré de guerrière Vrykul ailées, les Val'kyrs, qui lui servaient d'escorte.
Bartelo fut particulièrement tétanisé de reconnaître la voix du chevalier noir qui les narguait depuis le ciel :
— Troustan...
— Vous tous ici présent, avec vos jeux insignifiants, vous pensez être de taille à affronter le Fléau ? clama Troustan depuis son griffon squelettique. Que l'un de vous sera digne de défier le Roi Liche ? Laissez donc plutôt le Fléau s'en charger ! Faîtes donc plutôt vos preuves face à un de nos champions ! Que voici...
À l'autre bout de l'arène, quelqu'un — ou plutôt quelque chose était en train de forcer la herse de l'entrée des champions jusqu'à la déboiter.
En sortit alors un orc juché sur un loup spectral géant, vêtu d'une armure noire aux motif de crânes, la tête masqué par un heaume cornu qui ne laissait transparaître que ses crocs et ses yeux d'une leur caractéristique des agents du Fléau, armé d'une hache runique à deux mains.
Les deux concurrents scrutèrent ce nouvel adversaire entrant dans l'arène, interdits et méfiants à la fois.
Depuis sa monture mort-vivante, Troustan annonça son champion :
— Un vétéran de la Troisième Guerre né dans les Steppes Ardentes, un fier et vaillant protecteur de Durotar depuis sa fondation, qui a démantelé une secte démoniaque dans les tréfonds d'Orgrimmar et défier la Horde Noire sur sa terre natale ainsi que la Gangr'Horde sur les terres de ses ancêtres, terrassé le dragon Nefarian au mont Rochenoire et Gruul le Tue-Dragon en Outreterre, voici le seul et unique Brotar fils de Grotar !
Une vague mélangé de stupéfaction, de protestations et d'indignations s'éleva depuis les gradins, plus particulièrement du côté de la Horde et notamment ceux et celles qui connaissaient bien l'orc susnommé.
— Brotar ? s'exclama Walkyro abasourdi. Comment... Comment est-ce possible ?
— Depuis tout ce temps, il était avec eux ? s'exclama à son tour Turakh tout aussi décontenancé.
— Le sale traître ! s'indigna Garrosh. Je devrais le mettre en pièce !
— Ce n'est pas du tout ce qui a été convenu ! s'indigna également Varian depuis l'autre bout des gradins. Fordring ! Faîtes cessez ce tournoi immédiatement ! Et que quelqu'un élimine cet intrus !
— Il... Il serait peut-être temps qu'on intervienne avant qu'il n'y ait des morts, suggéra Baelbo complètement dépassé par les événements.
Soudain les Va'kyrs descendirent juste au-dessus des gradins et menacèrent les spectateurs de leurs lances.
— Que tout le monde reste à sa place et profite du spectacle ! ordonna Troustan depuis sa monture volante qui n'avait pas bougé de son poste.
Brotar descendit de sa monture qui l'attendit à l'entrée et brandit fièrement sa hache runique.
— Enfin, je vais pouvoir m'amuser un peu ! dit-il comme s'il allait savourer un délicieux repas et dont la voix résonnait exactement comme celle d'un chevalier de mort ou de n'importe quel agent du fléau, une voix d'outre-tombe à vous glacer le sang.
— Alors lui, je vais le faire regretter de ne pas être six pieds sous terre ! jura Bartelo qui se prépara hargneusement à un affrontement plus féroce.
— Non, attends ! s'écria Bathris tenta de retenir son rival... en vain.
Le paladin humain chargea l'orc en braillant "POUR BOLVAR !" et brandissant son épée à deux mains.
Mais au moment de l'abattre sur son adversaire, Brotar para le coup de sa hache et riposta d'un coup virevoltant d'une telle puissance qu'il déstabilisa son adversaire et brisa sa lame.
Bartelo se retrouva désormais face à un orc à la puissance décuplée qui jouissait à l'avance de le couper en petit morceaux. Ses amis, tout comme les frères d'armes dudit orc depuis les gradins, ne pouvaient que regarder impuissant.
— Et moi qui espérait un vrai combat, je dois dire que je suis déçu, nargua Brotar qui brandissait à son tour sa hache, prête à fendre le paladin qu'il tenait à sa merci.
La hache fendit l'air mais fut stoppé par le bouclier de Bathris qui s'était précipité de justesse entre l'orc et son rival.
Brotar fixa d'un air hagard cet elfe de sang qui le défiait du regard, ravivant sa haine des elfes en générale.
Ce n'était pas la première fois que l'elfe de sang s'était confronté à l'orc aussi violemment. Il se souvenait très bien de leur confrontation en Outreterre. Son nez s'en souvenait très bien.
Sans crier gare, il lui asséna un coup dans la visière de son casque avec le pommeau de son épée.
Brotar recula en hurlant de douleur et de rage pendant que Bathris fit mine à son rival de se mettre à l'abri avant de défier à nouveau son adversaire.
— Toi qui l'an dernier me parler de respecter mes allégeances envers la Horde, pesta l'elfe de sang. Tu devrais te regarder dans une glace plus souvent.
L'orc chargea en hurlant de rage, brandissant de nouveau sa hache pour la fendre sur l'elfe de sang.
Celui-ci l'esquiva de justesse avec une pirouette et enchaîna avec un coup de bouclier dans les reins de son adversaire qui tomba sur ses genoux.
Tout le monde depuis les gradins retenait son souffle.
— Tu voulais un vrai combat, orc ? nargua l'elfe de sang. Alors amène-toi ! Je t'attends !
Brotar chargea de nouveau. Bathris esquiva derechef ses coups avec l'agilité d'un danseur pour riposter avec un coup de bouclier ou bien le pommeau de son épée.
Jamais il n'utilisa sa lame contre l'orc. Peut-être avait-il compris qu'il serait vain d'espérer le toucher ainsi au vu de ce qui était arrivé à l'épée de Bartelo.
Brotar tenta une cinquième fois de fendre l'elfe de sang quand Troustan depuis le ciel s'écria soudain :
— ÇA SUFFIT !
— Quoi ?! protesta l'orc. Je n'ai même pas pu toucher cette lopette...
— On a de nouveaux ordres ! le réprimanda le chevalier de la mort humain. Le maître nous attends dans sa Citadelle pour de nouvelles instructions. Exécutions !
Brotar rengaina sa hache et remonta sur son loup spectrale non sans grommeler.
Batrhis et Bartelo le laissèrent se retirer non sans le quitter du regard, méfiants.
— Un jour, j'aurai mon heure de gloire ! jura-t-il en agitant le poing en direction de ses adversaires. Un jour, je vous ferai regretter d'être né !
Puis il disparut avec par la même issue d'où il était rentré.
Bientôt ce furent au tour des Val'kyrs de se retirer.
Puis sans crier gare, Bartelo se saisit du bras de son rival et le leva au ciel, désignant ainsi l'elfe de sang comme vainqueur du tournoi, à la grande surprise de ce dernier.
Des acclamations s'élevèrent des gradins, plus particulièrement du côté de la Horde et de la Croisade d'Argent. Du côté de l'Alliance, les réactions furent plus mitigées. Certains protestèrent et maintinrent que l'humain l'aurait pu l'emporter sans l'intervention de l'orc, poussant la mauvaise foi jusqu'à accuser la Horde de tricherie.
Bathris lança un regard incrédule son rival qui venait de le déclarer vainqueur, sachant que sans l'intervention du Fléau, cette victoire aurait pu être celle de l'humain.
— Tu viens de me sauver la vie, je te devais bien ça, se justifia Bartelo sans accorder un regard un elfe de sang. Sinon, quel paladin je ferais...
— Alors, sans rancune ? se risqua de lui demander l'elfe de sang.
— Uniquement pour cette fois, lui répondit froidement l'humain.
Une chose était sûre pour l'elfe de sang : Ce serait lui qui désormais détiendrait le Porte-Cendres et qui par conséquent mènerait l'assaut final contre le Roi Liche. Son rêve venait de se réaliser. Et maintenant que l'issue de cette guerre reposait sur ses épaules, les pensées se bousculèrent dans sa tête. Serait-il à la hauteur ? Était-il le bon choix pour mettre un terme au règne de terreur du Roi Liche ? Ou allait-il condamner le monde de par son échec ? Et Gahahli, que penserait-elle de tout ça ? Serait-elle heureuse pour lui ? Ou au contraire en colère et terrifiée qu'un tel fardeau ne le conduisît à sa perte ? Il avait la tête qui tournait avec toutes ces questions et toutes ces émotions. Son estomac se contractait. Et il ne sentait même plus ses jambes.
Puis les acclamations se calmèrent quand Troustan, n'étant pas encore parti pour la Citadelle, fit descendre sa monture jusqu'à la hauteur de l'arène.
— Je vois que tu as bien été formé en mon absence, gamin ! dit-il à l'intention de Bartelo. Tes maîtres doivent être fier de toi ! Tout comme je le serais si j'étais encore doté de sentiments humains ! (Il se tourna vers l'elfe de sang) Quant à toi, t'as su prouver ta valeur dans l'arène. En fin de compte, peut-être que tu es digne de détenir le Porte-Cendres et d'affronter mon maître. Mais le vrai combat t'attends dans la Citadelle.
Il s'éleva de nouveau au dessus de l'arène, dominant les spectateurs hagards de puis son griffon squelettique.
— Écoutez-moi tous ! En gage de la témérité et de la ténacité dont vous avez fait preuve jusqu'alors, le Roi Liche vous offre une chance de mettre fin à cette guerre avec le moins de pertes possible ! Il propose donc un entretien avec le détenteur du Porte-Cendres, demain, au Trône de Glace pour parlementer. Il aura vingt-quatre heures à partir de cet instant pour se présenter aux portes de la Citadelle.
L'annonce du chevalier de la mort agita les spectateurs. On leur proposait une occasion en or, une négociation, qui pourrait éventuellement leur éviter un nouveau bain de sang et mettre enfin un terme à cette croisade qui fatiguait tout le monde dans ces contrées glaciales et hostiles. Cependant, une telle offre venant du Roi Liche devait inciter à la prudence, car cela pourrait tout aussi bien être un piège.
— Et j'oubliais ! reprit soudain Troustan avant de partir à son tour. Un message de dernier minute pour le futur détenteur du Porte-Cendres. Le Roi Liche détient dans sa Citadelle une personne qui t'es cher. Et si tu tardes trop à venir au rendez-vous, les conséquences seront non seulement funeste, mais elle en sera la première victime.
Puis il quitta les lieux sur son griffon squelettique avec un rire sardonique, en direction de la Citadelle, laissant les spectateurs perplexe et Bathris complètement désemparé. S'il avait encore les jambes qui tremblaient quand il fut désigné vainqueur, il eut l'impression que le monde s'écrouler autour de lui. Une personne qui lui était cher était retenu prisonnière, son sort allait dépendre de lui et il craignit savoir qui il pouvait s'agir.
Cette nouvelle ne laissa pas non plus les aventuriers de l'Alliance indifférent.
— "Une personne qui lui est cher", reformula Harrina songeuse. Serait-ce... ? Ce n'est quand même pas...
— J'espère que non ! répondit Baelbo nerveux. Mais la connaissant... Argh ! J'aime pas ça du tout !
— Par tous les naarus, mais par quelle folie a pu-t-elle se retrouver dans cette situation ! se plaignit Ouladre tout aussi désemparé.
— Tu l'as connais ! rétorqua le gnome en émoi. Elle a le chic pour se mettre dans le pétrin jusqu'au cou !
— Certes, mais là, dans sa condition, ce n'est pas raisonnable ! s'indigna le draeneï.
— Quelle condition ? demanda la magicienne perplexe. De quoi vous parlez ?