Un monde de glace

Chapitre 34 : Les Salles Gelées

4957 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/11/2024 16:41

Jamais Gahahli ne s'était retrouvée aussi près de la Citadelle de la Couronne de Glace depuis son arrivée au Norfendre. Jusqu'à présent, elle avait seulement pu approcher le Portail du Courroux avec ses compagnons d'armes et encore récemment à s'infiltrer dans la Cathédrale des Ténèbres. Et voilà qu'elle se tenait sur un des remparts de la Citadelle. Du côté nord-ouest, apparement. Elle pouvait même apercevoir en contrebas la Cathédrale où elle avait été quelques jours plus tôt avec son amant.

La peur lui serrait douloureusement le ventre. Si elle ne pouvait plus sentir physiquement la présence du Roi Liche depuis la destruction du Cœur de Glace, elle pouvait toujours senti son aura maléfique émaner depuis la sombre et imposante tour qui les dominait. La muraille où se tenaient les aventuriers avait beau être déserte, ils n'étaient pas pour autant en sécurité, si près de la demeure de leur ennemi juré. D'une manière ou d'une autre, elle s'était de nouveau jeté dans la gueule de loup. Et se sentit bien stupide de ne pas en être à son premier coup d'essai.

La peur se muta en colère quand elle tourna son regard vers Jaina qui l'avait entraîné dans ce guêpier après ce qu'elle avait vécu quelques jours plus tôt.

— Qu'est ce... que vous... avez fait ? demanda-t-elle à l'archimage, fulminante de rage. Pourquoi vous nous avez amené ici ?

— Pas si fort, s'il vous plaît ! l'interrompit Jaina. Vous allez nous faire repérer !

— Entrons vite là dedans, on sera plus en sécurité... j'espère ! ordonna Batël en désignant une ouverture non surveillée à l'autre bout de la muraille qui donnait sur la Citadelle.

L'idée de se réfugier à l'intérieur même de la demeure du Roi Liche n'enchantait guère la jeune elfe de la nuit, furieuse de ne toujours pas comprendre ce qu'ils faisaient en ces lieux. Surtout après son incident dans la Cathédrale. Néanmoins, elle n'eut d'autre choix que d'emboîter le pas du nain et de l'archimage. Autrement, ce ne serait qu'une question de temps avant qu'une sentinelle du Fléau ne la repérât et signalât sa présence. Elle ne pouvait qu'espérer que Jaina et Batël savaient ce qu'ils faisaient et qu'ils ne tomberaient pas nez à nez avec le maître de ces lieux.

Ils pénétrèrent un couloir sombre, dont l'architecture rappelait amèrement à l'elfe de la nuit la Cathédrale, émanant la même froideur, la même aura de mort et de désespoir, comme si toute chaleur et toute joie de vivre avait été banni de ces lieux. Une aura encore plus puissante et oppressante que dans la Cathédrale. Une aura si forte qu'une fois pénétrés ces lieux, les visiteurs eux-mêmes avaient la sensation d'être plongés jusqu'au cou dans un froid de mort, que la chaleur de leur corps s'était évaporée. Gahahli elle-même pouvait sentir cette aura mortifère la pénétrer jusqu'aux entrailles, mais étrangement, elle sentait ses entrailles réagir à cette sensation. Comme s'ils "résistaient" à ce froid de mort...

Le couloir faiblement éclairé semblait tout aussi désert que la muraille à l'extérieur. Pas une sentinelle. Pas même un cadavre. Pour la jeune elfe de la nuit, cela ne présageait rien de bon. S'ils étaient pour une mission d'infiltration, la tâche semblait trop aisée.

— Admettez que c'est plutôt malin comme tactique ! se risqua de commenter Batël. Passer au nez et à la barbe de l'ennemi. La dernière chose à laquelle il s'attend. "Plus proche on est du danger, mieux on en est protégé" comme le disait mon oncle.

— Peut-on enfin m'expliquer ce qu'on fabrique ici ? s'impatienta Gahahli.

— C'est une faille que j'ai récemment découvert dans les défenses de la Citadelle, expliqua finalement Jaina. À travers ce qu'ils appellent les "Salles Gelées". J'ai songé que c'était l'occasion unique pour une mission d'infiltration.

— Et il semblerait vous ne soyez pas la seule à en avoir eu l'idée, intervint soudain une voix inhumaine provenant de l'autre bout du couloir.

Ils n'étaient pas seuls.

Avaient-ils été repérés ?

La voix n'était clairement pas celle du Roi Liche. Trop féminine. Serait-ce alors un de ses agents ?

Le nain prit les devants, brandissant sa hache prêt au combat et s'exclama "Par ma barbe !" quand il déboucha sur une antichambre... où l'attendait la rReine-banshee Sylvanas Coursevent. Ainsi que deux têtes un peu trop familières aux aventuriers. Et qu'ils n'espéraient plus revoir depuis les événements au Portail du Courroux et à Fossoyeuse.

— Ben pour la discrétion, je crains que ce ne soit raté, déplora Sonulia.

— Pourrait-on savoir ce que vous fichez ici ? les interrogea le nain désagréablement surpris.

— Et dis, on pourrait vous retourner la question ! se défendit Baorekh.

— Laissez, mon ami, l'interrompit calmement la reine-banshee dont le regard glaçait toujours d'effroi la jeune elfe de la nuit.

Pourtant, après avoir vu les tristes souvenirs d'Arthas, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir de la compassion pour cette elfe mort-vivante, sachant pertinemment les tourments que lui avait infligé Arthas, ce qu'elle avait dû endurer. Sans compter que de son vivant, bien que provenant d'une race différente, la Reine-banshee n'était de son vivant pas si différente de l'elfe au cheveux bleus — ou du moins, du peu que cette dernière avait vu de son vivant, à savoir deux elfes archères prêtes à tout pour protéger leur patrie et leur peuple du Mal absolu quitte à le défier en personne, au risque de leur propre vie.

— Nous sommes ici pour les mêmes raisons que vous, Dame Jaina, reprit Sylvanas en s'adressant à l'archimage avec un ton désobligeant.

— Je ne vois pas de quoi vous voulez parles, Sylvanas, se défendit l'intéressée en feignant l'ignorance.

— Ne jouez pas les innocentes, jeune imbécile ! la réprimanda sèchement la Reine-banshee. Vous êtes ici pour l'âme d'Arthas. Son cœur a peut-être été détruit aux bon soins de ce "cher" Tirion... mais son âme persiste. Elle retenue... quelque part... dans cette Citadelle. Et vous... Vous cherchez par tout les moyens de la récupérer... dans le vaine et futile espoir de sauver votre si précieux prince. Oh, inutile de le nier ! Après toutes ces années... et ce en dépit de tout ce qu'il a fait... vous êtes toujours persuadé que votre cher prince est un être bon.

Jaina resta silencieuse et baisa la tête en signe d'aveu, laissant Gahahli sans voix.

Leur mission avait donc pour but de tenter (à nouveau) de ramener Arthas vers la bonté et la lumière. Et n'était motivée par nul autre que les sentiments de l'archimage à son égard. Comme si l'échec à la Cathédrale n'était pas une preuve suffisante qu'il n'y avait plus rien à sauver chez Arthas.

L'elfe de la nuit fut tenter d'enguirlander l'archimage de les avoir embarquer dans une mission aussi dangereuse que désespérée car toujours obnubilée par ses sentiments. Mais elle se rappela qu'elle n'était pas la mieux placé pour juger quelqu'un sur ces sentiments ni pour les laisser l'emporter sur la raison. Elle même avait risqué l'impossible pour sauver la vie d'un être qui lui était cher, fort probable qu'elle en aurait fait autant si l'être en question avait basculé et sombré dans les ténèbres.

Puis elle se tourna vers Sylvanas, visiblement satisfaite d'avoir atteint le point sensible de Jaina.

— Vous... Vous étiez au courant ? se risqua-t-elle de demander. Pour l'âme d'Arthas, je veux dire...

— J'ai été éventrée de sa lame plus froide que la glace, petite sotte ! lui répondit sèchement la Reine-banshee. Mon âme a été l'esclave de sa volonté jusqu'à ce que je pût m'en libérer. Assez longtemps pour connaître les secrets de mon geôlier sans qu'une idiote aux cheveux bleus n'ait eu accès par inadvertance à ses souvenirs !

— Oh dites donc ! intervint Batël en s'interposant entre l'elfe de la nuit et la Reine-banshee. Je ne vous permets pas de parler comme ça à ma protégée !

— Surveille ton attitude, l'avorton boiteux ! rétorqua de plus bel Sylvanas de plus en plus odieuse. Tu as peut-être survécu aux premières guerre contre la Horde mais tu ne t'es jamais encore mesuré à un adversaire tel que moi.

— ÇA SUFFIT ! s'écria Jaina en frappant du sol avec son bâton.

Son intervention tombait visiblement à point nommé, le nain étant prêt à en découdre avec la Reine-banshee qui avait pour garde du corps une elfe de sang assassine et le sorcier-docteur troll. Une telle confrontation n'aurait pu que mal tourné... et aurait sévèrement compromis la mission que les deux groupes s'étaient fixés et qui les avait amené en ces lieux si sinistres.

— De toutes évidences, nous avons le même objectif, reprit Jaina avec contenance. Et nos chamailleries ne nous avanceront à rien. Alors, même si les circonstances ne sont pas en notre faveur, je suggère qu'on fassions une trêve afin que nous puissions tous atteindre notre objectif et sortir d'ici vivant.

— À situation désespérée, mesure désespérée, commenta Sylvanas en considérant avec dédain l'archimage et son escorte. Mais j'accepte.

Et afin de conclure leur accord, elles s'échangèrent une poignée de main sous le regard sceptique de leur escorte respective.


Le groupe fusionné commença alors son infiltration dans lesdites Salles Gelées, priant pour que leur présence serait passé inaperçu.

Étant les plus furtives, Gahahli et Sonulia passèrent les premiers, suivi de près par Sylvanas et Batël tandis que Jaina et Baorekh fermèrent la marche. Tous demeurait silencieux, non seulement pour des raisons de discretions mais aussi parce que personne n'était à l'aise avec son co-équipier. Notamment Gahahli qui pouvait à peine croiser le regard de l'elfe de sang encapuchonnée, lui rappelant trop ses relations compliqués avec son amant ainsi qu'avec Bartelo qui quelques mois plus tôt était follement amoureux de cette elfe assassine. Un mal-être que même Sonulia pouvait ressentir sans trop en connaître la raison, ce pourquoi elle évita tout autant de croiser son regard ou de lui adresser la parole, préférant se concentrer sur leur mission.

Ils commencèrent par explorer ce qui semblait être une grotte creusée dans les fondations même de la Citadelle, arpentant une allée de métal qui les faisait passer par des espèces de forges suspendus à mi-hauteur de la grotte au dessus d'étrange machines. Aucun des aventuriers présent ne sût dire à quoi était destiné de tels installations mais on pouvait percevoir à travers les forges et les machines les plaintes des âmes pillés et torturés par le Fléau. Ce lieu avait tout d'une prison pour ces âmes. Le genre de prison qui ne laissait aucun répit à ses prisonniers.

Leur passage ne passa malheureusement pas inaperçu quand ils atteignirent la première forge, surveillée par quelques gardes-squelettes et des adeptes du Culte des Damnés. Pourtant les aventuriers en unissant leur force eurent tôt fait de les réduire au silence avant de leur laisser le temps de sonner l'alerte et d'enfiler les robes et armures des ennemis vaincus — que Sylvanas et son escorte eurent tôt fait de jeter de la plateforme — afin de mieux se fondre dans le paysage. Pour l'elfe de la nuit cependant, cela ne faisait que renforcer sa désagréable impression de revivre l'incident à la Cathédrale.

Les déguisement firent pourtant bel et bien effet, le reste des sentinelles composés de spectres et d'autres squelettes prêtèrent à peine attention à ces étrangers. Et même les plus curieux d'entre eux rebroussèrent chemin de peur aussitôt qu'ils croisèrent le regard mortifère de Sylvanas. La facilité avec laquelle cette dernière tenait à distance les morts-vivants à distances ne laissa pas les aventuriers indifférent. Les morts-vivants la redoutaient visiblement autant si ce n'était plus que le Roi Liche en personne. Du temps où elle était encore sous ses ordres, elle devait inspirer la terreur dans ses propres rangs. Rien d'étonnant que les Réprouvés eurent fait d'elle leur reine vénérée.


Après avoir arpenté les profondeurs de la Citadelle pendant quelques mètres, les aventuriers finirent par atteindre la sortie, débouchant sur une sorte de carrière au fond d'une cour extérieure, le tout dominé par un belvédère attaché à la Citadelle.

Une fois sortis du tunnel, force était de constaté que la fraîcheur de dehors était plus agréable que celle provenant des Salles Gelées. Et pourtant, ils étaient toujours au sein de la Couronne de Glace dont la température était déjà plus glaciale que n'importe quelle région du Fléau.

Ils continuèrent à avancer en faisant profil bas pour ne pas attirer l'attention, d'autant que la carrière était loin d'être inoccupés. Des centaines d'ouvriers s'affairaient à creuser dans la glace et la roche à coup de pioches pour extraire du minerai du même noir que les murs de la Citadelle ou des engins du Fléau, sous le regard vigilant des adeptes, des goules et des gargouilles. Plus effroyables encore, ces ouvriers n'étaient pas tous des morts-vivants, ni même du Fléau. La plupart avaient encore la chair sur leurs os, étaient de toutes races — humains, orcs, nains, trolls, elfes, gnomes — et portaient encore les tabards aux couleurs de l'Alliance ou de la Horde. Et surtout, ils étaient enchaînés.

— Des esclaves ! souffla Gahahli horrifiée.

— Alors comme ça le Fléau capture nos soldats pour les forcer à extraire ces minerais ? commenta Batël tout aussi étonné. Moi qui croyait qu'ils se contentaient de tuer tout ce qui vivait !

— Comme si ça ne leur suffisait pas ! fulmina Baorekh à qui l'esclavage faisait visiblement horreur. Ces démons n'ont décidément aucun honneur !

Seule Sylvanas sembla indifférente quant au sort de ses esclaves.

Puis un rugissement à vous glacer le sang retentit dans toute la fosse, obligeant les esclaves à accélérer la cadence ainsi qu'aux aventuriers, redoutant d'avoir été repéré, de se replier vers l'entrée du tunnel d'où ils venaient de sortit.

Ils virent alors planer au dessus de la fosse un gigantesque dragon squelettique aux yeux d'un bleu brillant et dont les mêmes la membrane de ses ailes étaient en lambeaux.

— Sindrogasa ! souffla Jaina qui semblait reconnaître la créature entre milles.

— Mazette ! s'exclama le nain. Ce monstre ferait passer Onyxia pour une dragonnette.

Gardant un souvenir amère de la dragonne en question pour l'avoir affronté au péril de sa vie, Gahahli ne pouvait qu'approuver d'un hochement de la tête. À cette époque, Onyxia, déjà impressionnante, avait saccagé la moitié de Hurlevent en l'espace d'une seule nuit. Cette Sindrogasa de par sa taille aurait certainement anéanti la cité en moins d'une heure.

La dragonne mort-vivante se contenta cependant de survoler la fosse pour aussitôt s'en éloigner, comme si elle était simplement venu rappeler aux "ouvriers" sa présence et ainsi les dissuader de toutes formes de désobéissance.

"Ce devait être terrible !" songea l'elfe de la nuit en pensant aux esclaves. "Non seulement on les forçait à travailler dont les pires conditions possibles mais en plus, on les mettait sous la surveillance d'un tel monstre... Pour qu'ils soient davantage terrifiées..."

— Assez perdu de temps ! ordonna soudain Sylvanas une fois la dragonne hors de vue. Nous devons continuer ! Et faire vite avant qu'elle ne revienne faire sa ronde !

— Mais ma dame, ces esclaves... Ne croyez-vous pas qu'ils auraient besoin de notre aide ? tenta d'objecter Sonulia. Qu'on pourrait faire quelque chose pour eux, tant que nous sommes là ?

— Et risquer de compromettre notre couverture ? s'indigna la Reine-banshee. En la présence de cette chose au dessus de nos têtes ? Non, la mission est notre priorité. Nous avons déjà pris un risque dans la forge.

— Mais ma dame, nous ne pouvons les laisser comme ça ! tenta à nouveau de raisonner l'elfe de sang. Ayez un peu de...

— Épargnez moi votre sentimentalisme, assassine ! la fustigea Sylvanas. Je suis morte de puis des lustres je vous rappelle et personne ne m'a accordé la moindre clémence. Mais si vous tenez tant à risquer vos vies pour des prisonniers de guerre, faites vous donc plaisir ! Mais ce sera sans moi ! Je suis venue ici dans un but bien précis et je n'ai pas l'intention de me compromettre pour des vies aussi insignifiantes !

Les aventuriers indignée par l'attitude de l'elfe mort-vivante tournèrent le regard vers l'archimage, espérant d'elle une objection de sa part. Mais Jaina, dépitée, se résigna à leur grande stupéfaction :

— Je regrette d'avoir à le dire mais elle a raison sur un point. Notre mission doit être notre priorité. Mais quand tout sera fini, nous nous occuperons des esclaves, je vous le promets.

— Mouais... S'ils survivent, grommela le sorcier troll à moitié convaincu.

Le groupe continua alors sa route, remontant la fosse le plus discrètement possible, tentant tant bien que mal de garder une démarche naturel et évitant de croiser le regard des esclaves et de leurs surveillants, susceptibles de les confondre. Gahahli eut mal au cœur de passer devant tous ces esclaves qui avaient désespérément besoin d'aide qu'elle devait se résoudre à laisser à leur sort, à ignorer leurs souffrances aussi bien physiques que psychologiques. Si elle s'écoutait, elle ferait fi des ordres de Jaina ou de Sylvanas, briseraient les chaînes de ces pauvres âmes et les inciterait à la rébellion. Mais il fallait se rendre à l'évidence : avec Sindragosa dans les parages, ça aurait été trop risqué et fait plus de mal que de bien. D'autant qu'avec l'expérience, elle s'était faite à l'idée que ses initiatives ne faisaient qu'envenimer les choses.

Elle ne pouvait cependant s'empêcher d'avoir une mauvaise opinion de Sylvanas. Elle avait beau être désolée pour tout ce qu'Arthas lui avait pris et l'avait fait endurer, elle commençait à la trouver sérieusement antipathique. Pour être aussi indifférente quant aux sort de personne en détresse en dépit de ce qu'elle avait elle-même dû enduré, elle devait être morte encore plus de l'intérieur qu'elle ne l'était de l'extérieur.

La traversée de la fosse se déroula finalement sans accroc, avec plus de peur que de mal.

Le groupe atteignit le belvédère qui dominait la fosse et d'où il pouvait continuer son infiltration au sein de la Citadelle.

Gahahli le cœur gros jeta un dernier regard vers les esclaves au fond de la fosse avant de pénétrer à nouveau le sinistre donjon où la Mort régnait en maître.


De nouveau dans la Citadelle, les aventuriers (exceptée Sylvanas) avait à nouveau senti leur sang se geler, tandis qu'ils arpentaient un long couloir faiblement éclairé et désert.

L'aura du Roi Liche y était encore plus forte et même omniprésente.

Mais ce ne fut pas le plus troublant comme s'apprêta à faire remarquer Batël :

— Vous ne trouvez que cet endroit vous rappelle quelque chose ?

— Bof ! répondit Baorekh avec un haussement d'épaule. Juste un donjon comme un autre !

Pour les autres, la réponse était à si méprendre vu les salles qu'ils arpentaient en ce moment étaient la réplique du donjon de Lordaeron. Même Gahahli eut l'impression de revivre le moment où Arthas se dirigeait d'un pas décidé vers la salle du trône pour y assassiner son père.

— Est-ce qu'au moins quelqu'un sait où nous sommes, par Elune ? demanda l'elfe de la nuit impatiente et inquiète.

— Si mes sources sont exactes, il s'agirait des appartements privés du Roi Liche, répondit Jaina.

— Le seul endroit dans cette Citadelle où il baisse sa garde, confirma Sylvanas. Ce qui en fait le lieu idéal pour le frapper.

L'elfe de la nuit déglutit — non sans difficulté, sa salive paraissant aussi solide qu'un glaçon dans sa gorge — à l'idée de devoir à nouveau affronter le Roi Liche, clairement le vraie but de leur mission. Elle s'était déjà sentie dans la gueule de loup au moment d'atterrir sur la muraille de la Citadelle, en cet instant, elle pouvait sentir l'étau se resserrer et toujours aussi démunie que lors de lors de sa dernière confrontation avec le maître de ses lieux.

— Qu'on soit d'accord, nous sommes là pour sauver l'âme d'Arthas ! tenta toutefois de rappeler l'archimage.

— Ça dépend de ce qu'on trouvera... et s'il reste quelque chose à sauver, rétorqua froidement la Reine-banshee.

Jaina sembla vouloir lui répondre quand le groupe atteignit le bout du couloir, débouchant sur une immense antichambre aux allures de sanctuaire, au centre duquel se tenait un autel composé d'un amas de crânes. Et au dessus de cet autel, entourée d'innombrables âmes hurlant leur peine...

— Serait-ce ? demanda Jaina incrédule.

— Non surveillée, exactement comme me l'avait dit mon informateur, confirma Sylvanas.

Même Gahahli reconnut l'épée entre milles. Tant et si bien qu'elle eu un flashback de la grotte où Arthas et Muradin l'avaient trouvée...

— Deuillegivre ! s'exclama l'archimage. La lame qui a détruit nos royaumes...

— Celle-là même qui m'a prit la vie, ajouta Sylvanas soudain mélancolique. Me tenir si proche de cette lame impie... Me ravive la douleur. J'ose à peine la toucher...

Ce fut la première fois depuis le début de cette mission que la Reine-banshee éprouva autre chose que du mépris et de l'apathie pour tout ce qui l'entourer.

Le reste du groupe fut comme obnubilée par la présence de cette épée qu'ils n'avaient jusqu'alors jamais vu séparée de son maître. Mais le plus effrayant demeurait les esprits des défunts qui tournaient inlassablement autour de l'épée, gémissant leur peine et suppliant leur délivrance, comme si l'épée les retenait tous depuis sa lame runique.

— Restez à l'écart, vous autres ! ordonna Jaina. Vous touchez cette lame et votre âme sera balafré pour l'éternité !

Les aventuriers ne se le firent pas dire deux fois, encore moins Gahahli qui savait pertinnement qu'elles seraient les effets si elle eût l'imprudence de poser la main dessus. D'autant qu'elle avait suffisamment touché de chose qu'elle ne devrait pour toute une vie.

Jaina et Sylvanas s'avancèrent toutefois vers l'autel avec prudence.

— Essayons de communiquer avec les esprits emprisonnée dans la lame, suggéra l'archimage.

— Peut-être que notre salut se trouve à l'intérieur, approuva Sylvanas.

Le reste des aventuriers recula, laissant l'archimage et la Reine-banshee entrer en communication avec les esprits emprisonnés dans la lame de Deuillegivre. Tous restèrent à l'écart, conscient que le Roi Liche ne se séparerait jamais de son épée et de ce fait, il devait être dans les parages... Tous près... Prêt à surgir...

Le rugissement de Sindragosa retentit soudain depuis le couloir que le groupe venait d'emprunter, suivit d'un crépitement de glace plutôt inquiétant. Est-ce que la dragonne mort-vivante les avait repéré ? Ou bien avait-elle simplement repris sa ronde ?

— Ce n'est peut-être rien mais je vais quand même jeter un œil, histoire d'être sûr se proposa le sorcier troll.

— Sois prudent, surtout ! lui conseilla Sonulia.

Et tandis que le troll s'enfonça dans le couloir, un des esprits prisonniers se matérialisa devant Jaina et Sylvanas. Et cet esprit, Gahahli la reconnut même sans l'avoir connu de son vivant.

— Uther... Uther le Porteur de Lumière ! s'exclama Jaina. Oh, cher Uther, je suis tellement...

— Jaina, Sylvanas, nous n'avons que peu de temps ! l'interrompit l'esprit d'Uther. Le Roi Liche voit tout à travers son épée. Il sera là d'un instant à l'autre.

Gahahli sentit son estomac se retourner et de ses sueurs froides coulait le long de son corps en écoutant les propos du paladin déchu. Si ce qu'il disait était vrai, alors leur ennemi était déjà au courant de leur présence dans ses appartements. Peut-être les attendait-ils derrière la porte à deux battants à l'autre bout de l'antichambre. Rien de très rassurant. L'étau se resserrait de plus en plus.

— Arthas est ici ? demanda soudain Jaina désespérément. Peut-être que je...

— Non, mon enfant, l'interrompit de nouveau Uther. Arthas n'est pas ici. Il n'est plus qu'une simple présence dans l'esprit du Roi Liche. Une présence décroissante...

— Mais Uther, s'il y avait une chance d'atteindre Arthas, insista l'archimage plus désespérée que jamais. Je dois essayer...

— Jaina, vous devez m'écouter ! insista également le fantôme du vieux paladin. Vous devez vaincre le Roi Liche à tout prix. Vous ne pourrez le raisonner. Il vous tuera tous autant que vous êtes et vous relèvera pour faire de vous les plus puissants soldats du Fléau. Et dans votre cas, Sylvanas, le sort qu'il vous réserve sera pire que la dernière fois.

— Puisque nous devons l'anéantir, qu'il en soit ainsi ! répliqua la Reine-banshee plus déterminée que jamais. Alors ma destinée s'accomplira aujourd'hui.

— Vous ne pouvez le vaincre ! la réprimanda Uther. Pas ici ! Vous seriez folle d'essayer.

— Bon, qu'est ce que vous nous racontez-là, Uther ?s'impatienta le nain qui parlait au nom des deux elfes tout aussi perdues que lui. Vous nous dîtes qu'on doit le vaincre à tout prix mais qu'on ne peut pas. 'Faudrait savoir, à bout d'un moment !

— Écoutez moi, tous ! répondit l'esprit du paladin. Le seul moyen de vaincre le Roi Liche est de le battre à l'endroit même où il fut créé. Le même endroit où Arthas a fusionné son esprit avec lui.

— Le Trône de Glace, souffla Sylvanas frappée par l'évidence.

— Nous devons en informer le Roi et les chevaliers avant qu'ils ne lancent l'assaut final, suggéra Jaina résolue.

— Il y a autre chose que vous devez savoir, reprit toutefois Uther d'un ton plus alarmant. Sans le Roi Liche, sans son contrôle, le Fléau va se répandre à travers le monde et détruire tout ce qu'il touche, tel des sauterelles.

— De mieux en mieux ! s'agaça le nain. Maintenant qu'on garder le Roi Liche en vie pour sauver notre monde !

— Et quelle différence ça fera ? s'indigna Sonulia. Avec ou sans ce boucher ? Il a décidé de tous nous anéantir dès le début !

— Non, écoutez-moi, vous devez l'anéantir ! insista Uther. Mais le monde a besoin d'un Roi Liche. Si vous arrivez à le vaincre, un autre devra prendre sa place pour ainsi garder le contrôle du Fléau et l'empêcher de tous nous anéantir. Un grand sacrifice par une âme noble...

Cette dernière information laissa les aventuriers stupéfait. Depuis le début de cette guerre, tous savaient que l'objectif étaient de mettre fin au règne de terreur du Roi Liche, de faire payer à Arthas tous ses crimes et aucun n'avait besoin du fantôme de son ancien mentor pour en décider ainsi. Mais jamais il n'avait encore été question de prendre sa place, même pour préserver le monde de l'annihilation. De plus, s'ajoutait à cela une question plus embarrassante. Une question que seule Gahahli eut le cran de poser :

— Qui... Qui pourrait porter un tel fardeau ?

— Je l'ignore, répondit Uther en secouant la tête en signe de résignation. Je soupçonne ce qui reste d'Arthas qui réside encore dans l'esprit du Roi Liche est tout ce qui retient le Fléau d'annihiler tout Azeroth.

— Alors peut-être de l'espoir, ajouta Jaina.

Ce fut à ce moment que Baorekh revint du couloir en panique.

— Les gars, j'ai une mauvaise nouvelle ! clama-t-il. La dragonne... La dragonne-squelette... Elle vient de bloquer l'entrée ! Avec son souffle... Un mur de glace...

Ce fut clair comme de l'eau de roche, ils étaient pris au piège.

Puis l'esprit d'Uther hurla de terreur et semblait tiré vers la lame par une force invisible.

— Il... Il arrive ! tenta-t-il de prévenir les aventuriers. Vous... Vous devez...

— SILENCE, PALADIN ! ordonna méchamment le Roi Liche tandis qu'il déboula dans l'antichambre, poussant les portes avec fracas.

Tout le groupe recula, à la fois surpris et effrayé par l'entrée fracassante de leur ennemi, lui même escorté par deux chevaliers de la mort qui n'était pas sans rappeler à Gahahli l'escorte d'Arthas dans le souvenir de l'assassinat de son père.

Rien que par sa présence, l'elfe de la nuit se sentit comme prise dans un bloc de glace. Elle ressentait à nouveau la sensation qu'elle avait quand elle pouvait encore sentir sa présence. À la différence que cette fois, ce fut plus brutal.

Le Roi Liche tendit la main vers Deuillegivre qui aspira l'esprit de son ancien mentor, disparaissant ainsi aux yeux des aventuriers. Puis il s'avança vers l'autel et y retira son épée, prêt à en découdre.

— Vous vouliez communier avec les morts ! nargua-t-il aux aventuriers. Votre vœux sera exaucé !

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