Un monde de glace
Chapitre 33 : D'heureuses retrouvailles
4182 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 26/10/2024 21:48
Les jours se succédèrent, durant lesquels tout le monde s'affairait aux préparatifs pour le Tournoi d'Argent, plus particulièrement à la construction de l'arène où se déroulerait ledit tournoi, mettant ainsi en pause l'avancée de la Croisade sur la Couronne de Glace.
Néanmoins, il était exclu de baisser sa garde. Le Roi Liche pouvait à tout moment profiter de ce "répit" pour attaquer. De ce fait, les préparatifs pour le tournoi furent étroitement surveillé et tout le monde demeurait sur le qui-vive.
De ce fait, tous étaient très occupés, que ce fut pour les préparatifs du tournoi, l'entraînement des participants ou la surveillance.
À cela venait s'ajouter des volontaires de la Horde et de l'Alliance venus s'assurer de la sécurité et du bon déroulement des événements, le tournoi regroupant quiconque combattait le Roi Liche. Mais de ce fait, la tension était palpable entre les différentes factions, toujours en froid depuis les événements au Portail du Courroux et la bataille de Fossoyeuse. D'autant que les dirigeants de l'Alliance et de la Horde — notamment le roi Varian, Jaina Portvaillant, Thrall et Garrosh Hurlenfer — étaient conviés d'assister au tournoi afin de soutenir leur champions respectifs. Et si Thrall et Jaina firent de leur mieux pour maintenir la trêve entre leur faction respective dans l'intérêt de la guerre contre le Roi Liche, Varian et Garrosh étaient toujours obnubilé par la haine qu'ils se vouaient l'un envers l'autre, ce qui rendrait leur présence, même depuis les gredins, hasardeuse.
De leurs côtés, les champions sélectionnés — principalement des paladins qui furent de la Croisade d'Argent, de l'Alliance ou plus rarement de la Horde — s'entraînèrent d'arrache-pied aux épreuves qui les attendaient, que ce fut la joute équestre ou le duel à l'épée.
Les plus opiniâtres d'entre eux furent sans surprise Bathris, désireux d'affronter le Roi Liche en personne depuis qu'il s'était fait chevalier de sang, de lui faire payer ce qu'il avait infliger à son peuple, à ses proches et ses êtres chers, et Bartelo qui concourrait principalement au nom de l'Alliance et refusait de laisser le Porte-Cendres entre les mains de la Horde. Et étant donné que les elfes de sang étaient la seule race de la Horde à former et compter des paladins, les chances étaient statistiquement plus du côté de l'Alliance où humains, nains et draeneïs avaient accès à cette classe. Même au sein de la Croisade d'Argent, les paladins étaient majoritairement des races ayant d'ores et déjà accès à cette classe dans leur faction respective. Pourtant, le jeune humain paladin devait mettre toutes les chances de côté de sa faction, conscient que ces rivaux de la Horde redoubleraient d'effort en raison de leur minorité.
La compétition s'annonçait rude et intense.
En dehors des champions, les gens étaient impatients d'assister au tournoi, que ce fut pour soutenir leurs champions respectifs ou simplement se divertir. Et il était vrai qu'à combattre continuellement le Fléau mort-vivant et toutes ses abominations jusque dans les régions les plus glaciales et inhospitalières, un peu de distraction ne pouvait que remonter le moral des troupes.
Seule Gahahli ne partageait pas leur enthousiasme.
Bien que sorti de sa convalescence, elle ne parvenait toujours pas se remettre des derniers événements, se sentant toujours trahi et délaissée par ceux en qui elle avait le plus confiance. Et ce alors qu'elle venait de se libérer des tourments que lui avaient infligé le Cœur de Glace d'Arthas.
Et depuis qu'elle était sortie de l'infirmerie, elle se sentit plus isolée que jamais. Non seulement elle n'avait ni le courage ni le moral pour retrouver ses compagnons d'armes ou son amant ne serait-ce que pour tenter une réconciliation et faisait tout pour les éviter mais même tous les occupants, plus particulièrement ceux de l'Alliance, semblaient lui tourner le dos. Et à en juger par les remarques à son encontre qu'elle percevait de son ouïe fine, on lui reprochait d'avoir eu une relation avec un elfe de sang, avec "l'ennemi" comme ils disaient.
Et quand ce n'était pas des reproches qui étaient faits à son égards, c'étaient des railleries.
Elle eut notamment le malheur un jour de se laisser aborder par des guerriers de la Horde, comprenant des elfes de sang, qui lui faisaient des avances plus que douteuses. Elle avait beau les ignorer, ils se faisaient de plus en plus insistant et finissaient même par l'insulter quand elle tentait de les fuir. Seul Jakua parvenait à les tenir en distance simplement en montrant les crocs. Mais cela n'était pas suffisant pour se faire respecter.
La jeune elfe de la nuit en venait par conséquent à resté aux abords du campement, le plus loin possible des badauds, de leurs commérages, de leurs moqueries et de leurs harcèlements, prétextant faire le guet.
Son moral était au plus bas. Même la présence de son fidèle Sabre-de-nuit ne suffisait pas à la réconforter.
Après trois ans à s'être fait un nom au sein de l'Alliance au gré de ses aventures et de ses exploits héroïques, elle avait l'impression d'être revenu à son point de départ, quand elle avait débarqué pour la première fois de les Royaumes de l'Est, où elle était traitée comme une étrangère, voire comme un monstre de foire.
Elle en vint à penser si elle ne ferait pas mieux de suivre les conseils de Bathris et de quitter la région au plus tôt, le laisser combattre le Roi Liche pour eux deux. C'était pourtant contraire à ces principes. Elle pourrait le perdre ce faisant. Mais avait-elle encore la force de continuer le combat ? N'était-ce pas perdu d'avance ? N'avait-elle pas fait une erreur depuis le début en s'engageant dans cette guerre ?
Elle ne se s'était jamais sentie aussi impuissante et inutile depuis la Légion Ardente lui avait pris sa mère. Elle qui en temps normal ne se laisserait pas abattre et trouverait malgré tout une solution, elle ne savait plus quoi affaire.
La jeune elfe de la nuit se tenait sur le bord de la falaise au nord du terrain, contemplant d'un regard vide l'océan qui s'étendait à perte de vue en contrebas et disparaissait dans le brouillard avec pour seule compagnie son fidèle Sabre-de-nuit, de sombres pensées occupant son esprit quand une voix tonitruante l'arracha desdites pensées :
— Ah te voilà ! Je te cherchais partout ! J'ai cru pendant un moment que t'avais mis les voiles !
Il s'agissait de Batël qui malgré les événements n'avait pas perdu de son tempérament.
— Encore une mauvaise nouvelle ! demanda Gahahli d'un ton las. Ai-je encore fait une bêtise ?
— Viens avec moi, plutôt ! répondit vivement le nain en l'empoignant par le bras.
Il embarqua ainsi l'elfe de la nuit à travers le campement, se frayant un chemin parmi les badauds. Gahahli redoutait une nouvelle séance de moqueries et de harcèlements à son égard tandis que le vieux nain la tira par le bras jusqu'au coin réservé aux Givre-nés. Par chance, les nains de givre ne semblaient avoir que faire des fréquentations de l'elfe de la nuit et semblaient plus étonnés qu'un de leur congénère non-givré l'entraînait vers la tente de leur chef.
Sous la dite tente se tenait effectivement le roi Yorg Foudrecœur en compagnie de Brann Marteau-de-Bronze ainsi que du roi Magni et dame Jaina Portvaillant, à la grande surprise de Gahahli.
— Enfin la voilà ! s'exclama Magni.
— Vous m'attendiez ? demanda l'elfe de la nuit encore plus perplexe. Pourquoi ? Qu'est ce que cela signifie ?
— Maintenant qu'on sait tous que t'as eu des visions sur les crimes d'Arthas, on voudrait que tu nous éclaires notre lanterne, lui expliqua Batël.
— Je suis convaincu que ce monarque qui se tient là est notre frère disparu, Muradin, insista Brann. Que toutes les rumeurs autour de sa mort n'étaient que... des rumeurs. Je veux dire, regardez le, il ne ressemble en rien au Givre-nés dont il est le roi. Et il affirme n'avoir aucun souvenir d'avant son couronnement.
— Mais est-ce pour autant le légendaire Muradin Barbe-de-bronze qu'on a cru mort durant toutes ces années ? demanda Jaina, appelant ainsi à la prudence. Gardons nous toutes conclusion hâtive tant qu'on aura pas déceler la vérité. Après tout, il pourrait tout aussi bien être un membre survivant de son expédition qui aurait perdu la mémoire.
— J'aimerai vous aider à retrouver votre frère, se défendit Yorg en s'adressant à ses congénères. Mais je n'ai honnêtement aucun souvenir de ce Muradin ni de ce qui a pu lui arriver.
— Personne ne sait exactement ce qui est arrivé à Muradin, reprit Jaina. Hormis la dernière personne à l'avoir vu vivant, à savoir Arthas Menethil. Et au vu des circonstances, je doute qu'il soit disposé à nous livrer sa version des faits. Mais nous avons ici une personne qui a eu accès à ses souvenirs les plus sombres.
— D'où votre présence ici, conclut le roi Magni en se tournant vers Gahahli.
Les regards tournés vers elle, l'elfe de la nuit sentit un poids pesant sur ses épaules.
— Éclairez-nous, mon amie, lui demanda le roi des nains. Que s'est-il exactement passé dans cette grotte ? Qu'est-il vraiment arrivé à mon frère ? Arthas l'a-t-il assassiné ou pas ?
Gahahli prit une grande inspiration avant de répondre. L'idée de se ressasser les crimes d'Arthas après s'être finalement libérée de ce qui la liait à lui ne l'enchantait guère. D'autant que même si elle n'avait plus la sentiment d'avoir vécu elle-même de tels souvenirs et commis des crimes aussi inhumains, ces souvenirs restaient gravaient dans sa mémoire. Il lui suffisait d'y penser pour s'en rappeler dans le moindre détail. Néanmoins, elle devait la vérité aux nains et ces derniers temps, elle avait suffisamment souffert d'avoir fait des cachoteries à ses proches jusqu'à perdre leur confiance. Elle dût donc se faire violence et se remémora l'instant où Arthas et Muradin étaient dans cette effroyable grotte — la même grotte où son père avait trépassé en affrontant Morpsev — et avaient trouvé cette maudite épée.
— Je... Je ne pense pas qu'Arthas est vraiment assassiné Muradin, répondit l'elfe de la nuit en fouillant dans sa mémoire. De moins pas volontairement... Ils étaient dans cette grotte... où ils ont trouvé cette épée... Deuillegivre... Elle était prisonnière dans la glace... Muradin a pris peur quand il a lut l'inscription sur le socle... C'était un avertissement... Il a tenté de raisonner Arthas mais celui-ci n'a rien voulu entendre... Alors il a brisé la glace... Un éclat a frappé Muradin en pleine face... Arthas a pris l'épée... et laissé Muradin pour mort dans la grotte...
— On a retrouvé ses armes et ce qui restait dans dans son casque il y a peu dans cette grotte, rappela Batël. Mais aucune trace de son corps. C'est comme s'il avait tout simplement disparu et laissé ses affaires...
— Vous dites qu'il a été frappé à la tête ? questionna Brann.
— Au milieu du front si je m'en souviens bien, répondit Gahahli.
— En tout cas, c'est ce qu'indique son casque, confirma Batël.
— Ça a dû laissé un cicatrice ! suggéra Brann avant de se tourner vers le roi Yorg. Pourrais-tu... Pourrais-vous nous montrer votre front ?
Le roi des Givre-nés ne se le fit pas dire deux fois et retira le diadème lui faisant office de couronne. Lui révélant une légère marque entre les deux sourcils.
— J'en étais sûr ! s'exclama Brann au bord de l'excitation. La voilà notre preuve !
— Mais... cette marque pourrais être dû à autre chose ! réfuta le roi Yorg en remettant son diadème. Mais quoi, je l'ignore... Vous êtes vraiment sûr que je sois celui que vous cherchez ?
À en juger par son expression, le roi des Givre-nés appréhendait l'idée d'être quelqu'un dont il ignorait jusqu'au nom. Gahahli se demandait ce que cela faisait de perdre la mémoire et de découvrir des années plus tard qui elle était vraiment après s'être forgée une nouvelle identité entre temps. Ça devait être un moment difficile où deux identités distinctes se confrontaient l'une et l'autre dans son esprit.
Puis Jaina intervint :
— L'avertissement... qu'a lu Muradin avant de prendre peur... que disait-il exactement ?
De nouveau, l'elfe de la nuit se creusa la tête, retournant sa mémoire pour se rappeler de l'avertissement.
— Il disait... "Quiconque prend cette épée... s'empare d'un pouvoir absolu... Comme la lame tranche la chair..."
— "Le pouvoir tranche balafre l'esprit", finit distinctement Yorg.
Tous contemplèrent le roi Yorg, étonnés qu'il ait pu compléter une inscription qu'il n'aurait jamais lu. Mais aucun ne fut plus ébahi que Yorg lui même qui la tête dans les mains semblait en proie à une épiphanie.
— Je me rappelle... Oui ! L'expédition... La grotte... L'épée... L'avertissement... Arthas... Il était comme fou ! Comme possédé par l'épée... Je l'entends encore maudire les hommes qu'il était prêt à sacrifier pour elle... Ses propres hommes... Et qu'il subirait avec joie n'importe quel malédiction...
Il s'interrompit, contemplant d'un air interdit ses frères nains qui le fixèrent silencieusement les yeux humides.
Magni rompit le silence d'une petite voix :
— M... Muradin ?
— Magni... Brann... Mes frères... J'ai des frères !... Je sais qui je suis !... Je suis un Barbe-de-Bronze !
Les trois frères nains s'enlacèrent, les yeux débordant de larmes.
— Toutes ces années, on t'a cru... Loué soit les titans ! s'exclama Magni.
Gahahli fut à la fois ému et étonnée devant ces retrouvailles, elle qui n'avait jamais vu les nains aussi câlins et sentimentales. D'aussi loin qu'elle s'en rappelait, elle les avait toujours vu comme étant stoïques et virils.
— Je crois qu'on ferait mieux de leur laisser un peu d'intimité, suggéra Jaina qui ne cachaient pas non plus ses larmes.
L'elfe de la nuit et le guerrier nain ne se le firent pas dire deux fois et quittèrent la tente, suivis par l'archimage, laissant les trois frères nains à leur retrouvailles.
Muradin allait avoir du temps à rattraper avec sa famille, songea l'elfe.
— Alors, gamine ! interpella Batël. Tes visions auront finalement servi à quelque chose, hein ? Tu viens de faire au moins trois heureux !
— Ouais... Pour une fois, grommela Gahahli, se rappelant que cela ne résolvait pas ses problèmes à elle.
— Cela nous fait un mystère de moins, conclut Jaina. Maintenant, je me permets d'abuser de votre aide.
— Qu'est ce... Que me voulez vous ? demanda l'elfe de la nuit redoutant le pire.
— Rien qui ne soit au delà de vos compétences, lui répondit la jeune archimage. Simplement que vous m'éclairez à mon tour... au sujet d'Arthas.
L'elfe de la nuit s'attendait à tout sauf à ça.
— J'ai besoin de savoir... comment a-t-il pu devenir... ce qu'il est aujourd'hui, s'expliqua Jaina dont les mots semblaient lui déchirer la gorge. Comment a-t-il été amené à commettre... tout ce qu'il a commis.
— Dame Jaina, sauf votre respect, vous avez bien entendu Muradin à l'instant ! intervint Batël. Le mec était complètement fou ! Il voulait l'épée à n'importe quel prix !
— Et puis... Désolée de vous le rappeler mais... vous étiez présente quand il a ordonné l'épuration de Stratholme, se risqua de rappeler Gahahli. Même que cela vous a horrifié !
— Je sais qu'il a commencé à perdre la raison quand la Peste ravageait ses terres ! s'impatienta l'archimage. Avant même qu'il ne pose le pied au Norfendre ! Mais ça ne justifie en rien ce qu'il a commis depuis son retour. Personne ne connaît Arthas aussi bien que moi. Personne d'autre encore vivante, hélas... Et même s'il avait été en désespoir de cause... Même s'il était amené à prendre des décisions radicales... Jamais il n'aurait trahi son royaume... Jamais il n'aurait accepté de servir les forces du Mal... Et jamais il n'aurait assassiné son propre père, même pour prendre le pouvoir.
L'elfe de la nuit lâcha un soupir de désillusion. Après tout ce qu'Arthas a commis depuis Stratholme, Jaina croyait encore dur comme fer qu'il y avait encore du bon en lui. Elle ne pouvait qu'avoir des sentiments pour celui qui fut le prince de Lordaeron — du moins avant qu'il ne sombrât dans les ténèbres. Il ne pouvait y avoir d'autres explications.
Malheureusement pour la jeune archimage, elle n'avait pas vu ce que Gahahli avait vu dans les souvenirs du prince. Ni ne l'avait vu se séparer du peu d'humanité et s'en servir comme appât contre ses ennemis. Si Jaina avait vu n'était-ce que la moitié de ce que l'elfe de la nuit, ses sentiments et son respect à l'égard d'Arthas se seraient effondrés comme un château de cartes.
Pourtant, Jaina avait raison sur un point. Aussi radicales furent les actions d'Arthas quand il combattait le Fléau, jamais il n'aurait commis les crimes qui avaient suivis. L'elfe de la nuit savaient qu'elles avaient été les sentiments du prince durant cette période. Il voulait simplement sauver son peuple de la ruine et venger ce qui avaient péri à cause du Fléau. Il ne voulait que ce qui s'était passé à Stratholme, à Âtreval ou à Andorhal ne se reproduisît. Qu'il n'eût plus à purger des villes comme Stratholme pour empêcher ses sujets d'être les esclaves du Fléau. Il voulait mettre fin à tout ça avant qu'il n'y eût plus rien à sauver ni même à purger. De ce fait, jamais il n'aurait permis tous les innommables qu'il a commis à son retour du Norfendre. S'il avait su à l'époque ce que le Roi Liche allait l'obligé à faire, il se serait retourné la lame contre lui-même après avoir réduit Mal'ganis au suivant.
— Vous avez raison, ma dame, répondit finalement Gahahli dans un soupir. Tout ce qu'il voulait à l'époque c'était protéger son royaume. Seulement... La volonté de Deuillegivre... et par extension celle du Roi Liche... ont eu raison sur la sienne.
— Alors c'est vrai ce qu'on raconte ? demanda Jaina. L'épée est liée au Roi Liche ?
— On peut dire que c'est son bras, au sens propre comme au figuré, confirma l'elfe de la nuit.
— Quant à l'avertissement qu'a lu Muradin... Comme quoi elle entaillerait l'esprit comme elle tranche la chair ? demanda Batël perplexe.
— Il ne peut s'agir que du pouvoir qu'elle procure, suggéra l'archimage. Le "pouvoir absolu". De quoi enivrer le plus fort des esprit. J'en sais quelque chose.
— Plus efficace que l'alcool, je suppose ! plaisanta le nain.
— C'est pire que ça ! intervint Gahahli qui se rappela d'un détail. Non seulement l'épée lui a corrompu l'esprit mais... elle l'a aussi privé de son âme. C'est ce qui fait qu'il n'a eu aucun remord ni aucune honte pour ce qu'il a fait par la suite. Qu'il n'a eu aucune pitié pour ses victimes. Plus rien ne le retenait... Il était comme libre... Désolée, c'était terrifiant.
— Alors l'épée... ne vole pas uniquement les âmes de ses victimes, conclut Jaina pensive. Mais aussi celle de son porteur.
— Exact, confirma l'elfe de la nuit.
— C'est tout ce que je voulais savoir. Je vous recontacterai quand j'aurais à nouveau besoin de vous.
Sur ces mots, Jaina se retira sans plus d'explications, laissant Gahahli dans l'incompréhension avec Batël.
— "À nouveau besoin de nous"... De quoi parle-t-elle ? demanda-t-elle.
— Tu le sauras le moment venu, répondit le nain.
Rien qui rassurait l'elfe de la nuit.
*****
Le jour suivant, tout le campement fut en effervescence dès lors qu'on annonça à coup de trompettes l'ouverture du tournoi.
Tout le monde se précipitait vers l'arène fraîchement bâtie pour un tel événement.
Observant impassiblement depuis une colline les badauds s'attrouper aux entrées de l'arène — des entrées séparées, conçues pour éviter les débordements entre la Horde et l'Alliance— avec toujours pour seul compagnie son Sabre-de-nuit, Gahahli ne s'était toujours pas décidé si elle devait ou non assister au tournoi ne fut-ce que pour encourager son amant... sachant qu'un de ses frères d'armes concourraient également.
— Que penses-tu que je devrais faire, mon fidèle compagnon ? demanda-t-elle mélancolique à Jakua tout en lui caressant distraitement la tête.
Pour toute réponse, le félin se contenta d'un grognement plaintif.
Rien que ne l'avançait.
— Psst...
Cela venait de derrière.
L'elfe de la nuit tourna la tête et vit en contrebas de la colline Batël lui faisant signe de le rejoindre derrière un rocher, à l'abri des regards indiscrets.
Intriguée et surtout impatiente de savoir ce que le nain lui voulait encore, elle le rejoignit sans tarder et eut la surprise d'y retrouver Jaina qui visiblement ne voulait pas être vue.
— Encore vous ? s'étonna l'elfe de la nuit. Mais n'êtes vous pas à l'arène en compagnie du roi Varian ?
— Normalement oui, répondit l'archimage à voix basse. Mais mes agents m'ont révélé quelque chose de capital pour une mission qui ne peut plus attendre.
— Qu'est ce qu'on vous a révélé de si important ? demanda l'elfe de la nuit. Et quelle mission ?
— Je ne peux rien dire pour le moment tant que nous sommes à découvert, lui répondit Jaina. Simplement qu'il faudra être furtif et rapide et que si nous réussissons, il n'y aura peut-être plus besoin de combattre Arthas pour gagner cette guerre. Seulement une telle occasion ne se présentera pas deux fois.
Gahahli sentit une lueur d'espoir revivre en elle. Si ce que l'archimage disait était vrai, alors elle avait peut-être une chance d'épargner Bathris ou même Bartelo un affrontement dont les chances de réussites étaient minces.
Malgré tout, elle demeurait méfiante. Surtout après le fiasco de la mission avec Tirion. Elle demanda alors à Jaina :
— Et vous nous avez convoqué car... ?
— J'ai besoin d'une escorte, répondit l'archimage. Et parmi les mieux qualifiés pour une telle mission, vous deux êtes les seuls disponibles.
— J'ai bien proposé aux autres, intervint Batël. Mais Bartelo est pris par le tournoi et les deux autres ont décidé de le soutenir depuis les gradins. De plus, aucun d'eux n'était chaud pour une mission dont vous étiez la commanditaire... Après l'incident de Fossoyeuse, vous comprenez...
— Je comprends, répondit Jaina. Mais il faudra bien faire sans. Ai-je bien votre accord ?
— Ah, moi, je suis toujours partant pour une mission, aussi risquée soit-elle, répondit le nain enthousiaste. En fait, plus c'est risqué, mieux c'est, je trouve.
Puis tous tournèrent leur regard insistant sur l'elfe de la nuit, toujours hésitante, attendant sa réponse.
— Je... Je ne sais toujours pas en quoi consiste la mission, répondit-elle. Ni en quoi consistera ma tâche...
— Rien qui ne soit au delà de tes compétences, sois-en rassurée, la rassura le nain. Juste de ne pas nous faire tuer.
— Et songez à toutes les vies qu'on pourrait sauver si on réussissait, insista l'archimage.
Gahahli hésita encore un moment puis finit par se laisser gagner par les arguments de Jaina.
— Si ça peut mettre fin à cette guerre et sauver des vies... alors je suis d'accord, dit-elle finalement.
— Parfait ! approuva la jeune archimage. Cependant il faudra faire son votre animal.
— Quoi ? s'indigna l'elfe de la nuit. Comment ça ?
— C'est plus prudent, s'expliqua sobrement l'archimage. Faites moi confiance. Maintenant, assez perdu de temps !
Elle entama alors un sortilège de téléportation, faisant ainsi apparaître un cercle lumineux au sol, englobant l'archimage, le nain et l'elfe de la nuit. Le Sabre-de-nuit tenta tant bien que mal de rejoindre sa "compagne" dans le cercle, mais Jaian avait visiblement érigé une barrière invisible par dessus.
— Une seconde ! tenta de protester Gahahli prise au dépourvu. Je n'ai jamais donné mon accord pour partir sans mon Sabre-de-nuit...
— Trop tard ! rétorqua Jaina.
— Mais attendez, on devrait pas avertir les autres avant ? insista désespérement l'elfe de la nuit.
— Pour quoi faire ? objecta le nain. Qu'ils s'amusent avec leur stupide tournoi. En cas d'échec, on sera toujours heureux que l'un d'eux va porter le Porte-cendres. Et puis s'ils ne veulent pas nous aider, c'est leur problème...
La lumière émanant du cercle éblouit les "passagers" sans que le nain n'eut le temps de finir sa phrase.
Puis quand la lumière s'atténua, Gahahli sentit son sang se glacer d'effroi.
Ils venaient d'atterrir sur une mur sur une des murailles de la Citadelle de la Couronne de Glace.