Un monde de glace
Cela faisait plusieurs mois que Gahahli n'avait pas dormi aussi sereinement et aussi profondément. Plusieurs mois qu'elle ne s'était pas sentie aussi bien, aussi sereine, aussi détendue. C'était comme si elle s'était débarrassé d'un poids qui durant tout ce temps l'empêchait de se relaxer quand bien même sa santé en dépendait. Elle avait pratiquement oublié tout le bien-être que procurait un sommeil réparateur, de se reposer l'esprit léger.
Elle en oublia même les évènements qu'elle venait de vivre avant de perdre connaissance tant elle se sentait si bien.
Les secondes devinrent des minutes, les minutes des heures, les heures des journées entières...
Puis elle entrouvrit faiblement les yeux avant de se le frotter et les ouvrir à nouveau pour constater qu'elle était sous une grande tente d'infirmerie de la Croisade d'Argent, sur un lit de camp qui n'était pas ce qu'il y avait de plus confortable. Et à en juger par l'obscurité pourtant tamisé par la tente ainsi que le froid mordant, elle devait encore être dans le domaine de la Couronne de Glace. Pourtant, elle ne ressentait plus la présence du Roi Liche comme elle avait l'habitude jusqu'à présent, qu'elle fût dans sa tour sombre, à proximité ou nulle part ailleurs...
D'autres lits de camp étaient disposés en rang dans la tente, la plupart innocupés.
En tournant la tête de droite à gauche, elle reconnut Jakua assoupi à son chevet en ronflant bruyamment, ainsi que Bathris qui somnolait également à son chevet, avachi sur un tabouret.
La jeune elfe de la nuit s'étira et émit un baîllement qui eût pour effet de sortir l'elfe de sang de sa torpeur.
— Loué soit la Lumière ! s'exclama ce dernier débordant de soulagement. Tu t'es enfin réveillée !
— Qu'est-ce... Qu'est-ce qui s'est passée ? demanda Gahahli encore vaseuse. Où sommes nous ?... Et combien de temps ai-je dormi ?
— À l'avant-poste de la Croisade, en sécurité, normalement, lui répondit Bathris se penchant sur sa patiente et lui tâtant le front pour s'assurer qu'elle n'avait pas de fièvre. Et t'as dû dormir pendant au moins une journée entière. ... De quoi te rappelles-tu, au juste ?
Gahahli tenta non sans peine de se remémorer le peu de ce dont elle pouvait se souvenir avant de se retrouver à l'infirmerie.
— J'étais... On étais dans cette sinistre cathédrale, répondit-elle en fouillant dans ses souvenirs. Fordring était avec nous... On devait récupérer le Cœur de glace... Le Roi Liche était présent... Il nous avait tendu un piège... Fordring a brisé le cœur et... Je me souviens d'une douleur horrible... C'était comme s'il m'avait frappé la poitrine de sa lame... J'ai cru que j'allais mourrir... Et puis plus rien. Je ne ressens plus aucune douleur. En fait, je me sens mieux que je ne l'ai jamais été ces derniers jours.
— Au moins une bonne nouvelle ! commenta l'elfe de sang. Figures-toi qu'on a eu beaucoup de chance. Ça s'est joué à une seconde près.
— Mais le Roi Liche ? demanda l'elfe de la nuit perplexe. Est-il... ?
— Toujours vivant, malheureusement ! répondit Bathris. Et plus en pétard que jamais, j'ai l'impression. À croire que la destruction du cœur ne l'a nullement affaibli.
— Alors, cette mission secrète n'aura servi à rien ? demanda Gahahli désespérée.
— À rien à part nous prouver une bonne fois pour toutes qu'il n'y a plus de Arthas Menethil à sauver, confirma l'elfe de sang. Uniquement le Roi Liche. Et ce n'est pas la seule mauvaise nouvelle.
— Comment ça ?
— En brisant le Cœur avec le Porte-cendres, Frodring s'est grièvement blessé, tenta d'expliquer l'elfe de sang. L'épée n'a rien mais le généralissime... Disons qu'il n'est pas en état de guerroyer ni de brandir son épée pendant un long moment. Alors qu'on était à deux doigts de marcher sur la Citadelle de la Couronne de Glace et qu'on comptait sur lui pour menait l'assaut final.
En l'écoutant faire état de la situation, Gahahli ne put s'empêcher de se sentir responsable de ce qui arrivait. Si seulement elle n'avait pas touché ce maudit cœur, si seulement elle ne l'avait jamais trouvé dans cette grotte, rien de tout cela ne serait arrivé. À cause d'elle, l'avancée de la Croisade d'Argent ainsi que de l'Alliance et la Horde était au point mort. Et avec le Roi Liche apparement plus déterminé que jamais à en découdre, ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'il n'annihilât toute résistance, écrasant ses opposants aussi aisément qu'un insecte avec son armée mort-vivante.
Puis elle se rendit compte de quelque chose. Depuis qu'elle avait touché le Cœur de Glace, non seulement elle revivait et ressentait les souvenirs des crimes d'Arthas comme si ça avait été les siens mais elle avait ressenti la présence et les déplacement du Roi Liche chaque fois qu'ils approchaient ou marchaient sur la Couronne de Glace et ressentait également la présence fantomatique d'Arthas étant enfant. Mais depuis la destruction du Cœur, elle ne ressentait plus toutes ces choses. Ni la présence du Roi Liche toujours vivant, ni le fantôme d'Arthas enfant. Quant aux souvenirs de ses crimes, c'était désormais ceux d'un autre pour elle. Comme un mauvais rêve qu'elle aurait fait durant tou ce temps, si authentique qu'elle croyait que c'était réel pour se rendre compte du contraire aussitôt réveillée.
Tout cela ne pouvait dire qu'une chose pour elle :
— Je suis libre !
— Pardon ?
— Le Cœur... Les souvenirs d'Arthas... Son fantôme... La présence du Roi Liche... J'en suis enfin libérée ! s'exclama l'elfe de la nuit se redressant de son lit au comble de l'extase. On n'a peut-être pas pu arrêter le Roi Liche ni sauver l'âme d'Arthas mais... Je suis libre ! Et je devrais remercier Fordring pour ça !
Débordante de joie, elle ne put réprimer l'envie d'enlacer Bathris comme elle ne l'avait jamais enlacé depuis leur dernier rendez-vous galant.
— Je suis content pour toi, mon cœur, lui répondit l'elfe de sang qui ne démontrait aucune résistance. Mais je crains qu'il y ait une autre mauvais nouvelle que je dois t'annoncer.
— Au diable les mauvaises nouvelles ! rétorqua l'elfe de la nuit qui serrait encore plus fortement son amant. Me voilà enfin libérée de ce cauchemar. Rien ne peut entacher un tel bonheur...
— JE LE SAVAIS !
Le cœur de Gahahli se figea quand elle reconnût la voix d'un Baelbo furibond.
Elle avait parlé trop vite.
Son sang se glaça quand elle vit ses compagnons entrer dans la tente, la fixant d'un regard accusateur.
Elle redouta le pire.
— Mes amis ! dit-elle en feignant la joie et la surprise. Vous me rendez visite...
— Je vous en prie, épargnez nous vos mascarades, l'interrompit sèchement Ouladre. Nous sommes au courant pour vous et l'elfe de sang.
— J'ai un nom, vous savez, rouspéta Bathris les yeux au ciel.
— Mais... Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, tenta de réfuter l'elfe de la nuit désespérée.
— Ne joue pas les innocentes ! la réprimanda le gnome. On vous a entendu à l'extérieur ! On l'a même vu te ramener au camp dans ses bras, inconsciente !
— Et à la manière dont il te regardait, il en pince pour toi ! ajouta Bartelo. Maintenant c'est clair qu'il y a quelque chose entre vous. Alors tu peux arrêter de nous prendre pour des cons.
— Dame Gahahli, franchement, avec tout le respect que je vous dois, auriez-vous perdu la raison ? l'interrogea le draeneï. Que vous nous cachiez avoir des visions ou une connection avec le Roi Liche, ce n'était déjà pas très responsable de votre part. Mais que vous ayez une relation avec l'ennemi ?
L'elfe de sang lâcha pour toute réponse un râle d'exaspération. Partageant sa frustration, Gahahli estima nécessaire de parler pour lui :
— Il n'est pas votre ennemi ! Il n'a jamais accepté d'être affilié à la Horde ! Et autant que je sache, il ne vous a jamais fait de tort !
— Peut-être, mais il reste quand même affilié à la Horde, qu'il le veuille ou non, rétorqua le paladin. Ce qui est suffisant pour en faire un ennemi !
— Hé, tu peux parler ! s'offusqua l'elfe de la nuit. T'as pas cessé de draguer cette elfe de sang à capuche depuis que vous avez croiser le fer...
— Ça c'était avant le Portail du Courroux ! se défendit le paladin. Les choses ont changé depuis ! Et tant que la Horde couvrira les responsables de cette trahison, ils peuvent tous être considérés comme complices et seront traités comme tel ! Tous autant qu'ils sont !
— Et il n'échappera pas à la règle, ajouta le draeneï en désignant Bathris d'un regard dédaigneux.
— IL N'Y EST POUR RIEN POUR LE PORTAIL DU COURROUX ! s'impatienta Gahahli. Il n'était même pas présent ce jour-là ! Vous pourrez arrêter de lui mettre sur le dos les crimes des autres ?
— D'autant que ce qui s'est passé m'a autant indigné que vous, je vous signale, se défendit l'elfe de sang. Et si ça ne tenait qu'à moi, la Horde ne devrait plus tolérer les Réprouvés dans ses rangs. En tout cas pas sans surveillance.
— Si tu crois que de belles paroles vont suffire à effacer les crimes de ceux ton espèce, l'invectiva Bartelo plus acerbe et insolent que jamais. Ni ceux de vos copains cadavériques, à peau verte ou à cornes...
— JE T'AI DIT DE LE LAISSER TRANQUILLE AVEC ÇA ! la réprimanda l'elfe de la nuit.
— Et vous voyez l'état dans lequel vous mettez votre propre sœur d'arme ? les sermonna l'elfe de sang. Après ce qu'elle vient de traverser ? Et c'est moi le méchant de l'histoire ?
La tension montait sous la tente. Mais avant qu'une rixe éclata, Baelbo exigea le silence d'un claquement de doigt surprenamment sonore pour un être de son gabarit.
— J'aurais une question à poser à Lili, dit-il d'un ton glacial. Une seule question. ... Depuis combien de temps dure ta relation avec l'elfe de sang ?
Gahahli déglutit. Elle hésitait à répondre, craignant la réaction de ces compagnons déjà bien remontés contre elle. Même Bathris semblait incertain et ne put lui donner de conseil. Et le regard insistant du gnome ne l'aidait en rien. Lui qu'elle avait toujours considéré comme un ami digne de confiance et compréhensible, qui ne lui en voudrait jamais éternellement pour ses erreurs. Peut-être lui devait-elle la vérité pour cette raison malgré tout.
— Depuis... Depuis l'Outreterre, finit-elle par répondre le cœur gros.
Un silence de mort s'installa sous la tente, jusqu'à ce que le gnome lâcha un soupir d'indignation.
— J'en ai assez entendu ! déclara-t-il en tournant les talons, snobant l'elfe de la nuit qu'il avait jusqu'alors toujours traité avec respect et sortit de la tente d'un pas résolu.
Le draeneï et le paladin lui emboîtèrent le pas non sans lancer un dernier regard accusateur envers leur sœur d'arme avant de quitter la tente.
— Franchement, ma chère, je m'attendais à mieux de votre part, lança Ouladre.
— Moi même je ne sais plus si on peut encore te faire confiance, invectiva Bartelo.
Gahahli s'affala lourdement sur son lit de camp, cachant son visage de ses mains, plus désemparée que jamais. Elle qui se sentait si bien et était heureuse d'avoir été libérée d'un poids quelques minutes plus tôt. Ce qu'elle redoutait depuis que sa relation avec Bathris devenait sérieuse venait de se produire. Et dire que sa plus grosse crainte de ses dernières vingt-quatre (ou peut-être quarante-huit) heures était de finir embrochée par le Roi Liche. Et que le pire qui lui fût arrivé ces derniers mois était la perte tragique de son père.
Les larmes lui montaient aux yeux. Sa gorge se serrait. Et même son ventre lui faisait encore mal.
La colère se mêlait à la tristesse dans son esprit. Elle n'était pas seulement désemparée, elle se sentait trahie. Jamais ses amis ne lui avait aussi tourné le dos de manière aussi hostile. Et pouvait-elle encore les considérer comme ses amis à la manière dont il l'avait traité ? Elle leur avait peut-être fait des cachoteries mais était-ce une raison de la rejeter ainsi ? Comme si mentir par omission était plus grave et condamnable que tous les crimes qu'avait commis Arthas ?
Seuls Jakua et Bathris restaient pour tenter de la rassurer et de la consoler, l'un posant sa grosse tête velue sur son ventre, l'autre lui caressant les cheveux de ses doigts. Quant à Batël, resté silencieux depuis son arrivé, à tel point que les deux elfes avaient oublié sa présence, il fixait d'un regard vide l'entrée de la tente d'où venaient de sortir ses compagnons, comme s'il s'attendait à leur retour.
— Il faut leur laisser le temps de digérer, finit-il par lâcher d'un ton las, rappelant ainsi sa présence aux deux elfes.
— Et toi ? lui demanda Gahahli entre deux sanglots. Toi aussi tu déssaprouves ? Toi tu aussi tu m'en veux ?
Le nain haussa les épaules avant de répondre :
— Pour tout te dire, ma réaction aurait été plus violentes que ces trois-là réunis, il y a un an. Mais ce n'est pas important. On a toujours une guerre sur les bras et un Roi Liche à détrôner.
"Enfin un qui avait un peu de bon sens !" songea l'elfe de la nuit.
— Et le tournoi, s'empressa d'ajouter Bathris.
— À ce propos, t'y comptes y participer, toi aussi ? lui demanda le nain.
— Il va bien falloir, lui répondit l'elfe de sang défaitiste.
— Attendez, de quel tournoi parlez-vous ? demanda Gahahli prise au dépourvu.
— Je t'ai dit que Fordring n'était plus en état de guerroyer ni de manier le Porte-cendre, lui expliqua l'elfe de sang. Alors que nous comptions sur lui pour mener l'assaut final sur la Citadelle de la Couronne de Glace.
— Il lui faut donc un remplaçant, ajouta le nain. D'où l'idée du Tournoi d'Argent.
— Le vainqueur de ce tournoi aura l'honneur de brandir le Porte-cendres et de mener l'assaut final, conclut Bathris. Et peut-être même de mettre une bonne fois pour toute un terme au règne du Roi Liche.
— Et... tout le monde doit y participer ? demanda l'elfe de la nuit déconcertée.
— Le Porte-cendres est essentiellement une arme de paladin, d'un servant de la Lumière qui saura manier l'épée, lui répondit l'elfe de sang. Mais le fait est que tous les paladins, qu'ils soient de la Croisade d'Argent, de la Horde, de l'Alliance sont convié à participer au tournoi. Et j'ai bien l'intention d'en faire parti.
— Dans ce cas, je ne peux que te souhaiter bonne chance, dit Batël sur le départ. D'autant que Bartelo compte également concourir au nom de l'Alliance.
Et le nain quitta à son tour la tente, laissant ainsi les deux elfes seul à seul.
— Rassure-moi, tu... Tu n'étais pas sérieux quand tu dis que t'allais participer à ce tournoi ? demanda Gahahli angoissée.
— Au contraire, je n'ai jamais été aussi sérieux de ma vie, lui répondit Bathris plein de détermination.
— Mais... T'es conscient que si tu gagnes ce tournoi... tu te retrouveras en première ligne, tenta de le raisonner l'elfe de la nuit terrifiée d'une telle perspective. À affronter une horde de morts-vivants... et te retrouver en combat singulier avec le Roi Liche.
— Et ce sera pour moi un honneur de l'affronter en personne, si je peux lui faire payer ses crimes, lui répondit l'elfe de sang. Après tout ce qu'Arthas a fait subir à son propre peuple ainsi qu'au mien. À tous ce qui vit sur Azeroth. Même ce qui restait de son "humanité" n'a fait que tourmenter la personne que j'aime le plus en ce monde. Alors si je peux en faire une affaire personnelle...
— Mais il ne faut que tu t'y sentes obliger ! supplia l'elfe de la nuit.Ne le fais pas pour moi, je t'en prie !...
— De toutes façons, je rêvais de cette occasion depuis que je me suis fait paladin, insista l'elfe de sang. J'avais l'ambition de réussir là où Arthas avait échoué. De prouver ma valeur et par la même occasion de laver l'honneur de mon peuple...
— OUBLIE L'HONNEUR CINQ MINUTES, BON SANG ! s'écria Gahahli à bout de patience. TU NE VOIS PAS QUE JE M'INQUIÈTE POUR TOI ?
Bathris se tut face à la réaction brutale de sa bien-aimée. Même le Sabre-de-nuit impressionné par les vocifération de son compagnon de chasse se cacha sous le lit de camp.
— Moi aussi j'ai perdu beaucoup dans cette guerre, je te rappelle ! insista l'elfe de la nuit au bord des larmes. À cause d'Arthas ! Je viens à l'instant de perdre mes amis ! Et là... (sa voix se brisa de sanglots) Je risque de te perdre à ton tour ! Tu comprends ?... Je ne veux pas te perdre... Je ne pourrais pas le supporter... Pas après...
L'elfe de sang serra précipitamment l'elfe de la nuit dans ses bras, tentant quand bien que mal de la consoler.
— Moi non plus, je ne veux pas te perdre, lui souffla-t-elle tout en lui caressant les cheveux. T'es ce qui m'est de plus cher dans ce monde. Mais c'est pour ça que je dois participer à ce tournoi. Au moins pour m'assurer que le Roi Liche ne fera plus de tort à qui que ce soit, ni à toi ni à moi.
— Alors laisse cette épée à un autre volontaire, tenta de convaincre l'elfe de la nuit entre deux sanglots. Avec tous les ennemis qu'Arthas s'est fait, ce n'est pas ce qui manque...
— Non, ma belle. Si tu veux que quelque chose soit bien faite, tu dois le faire toi-même, quoi qu'il t'en coûte.
— Mais... Je ne veux pas que tu... Que tu te fasses... Tuer.
— Moi non plus, mon amour. Moi non plus, je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. D'ailleurs...
Bathris se tût et lâcha un soupir de dépit.
— "D'ailleurs" quoi ? l'interrogea Gahahli. Qu'est-ce qu'il y a encore ?
— Ça ne va pas te plaire ce que je vais te demander.
— Au point où j'en suis, une mauvaise de plus ou de moins...
— Disons que... Il vaudrait peut-être mieux que... Que tu restes en retrait cette fois... Pour de bon, je veux dire...
L'elfe de la nuit repoussa son amant contrariée.
— Attends tu me demandes quoi, là ???
— Je t'avais dis que ça n'allait pas te plaire.
— Tu me veux que je reste là sagement à me tourner les pouces pendant que tu risques ta vie sans que je ne puisse rien à faire ?
— Pas que tu restes là, non !... Disons plutôt... Que tu sois loin de tout ça, au contraire. Que tu te mettes à l'abri... Au cas où ça tournerait mal...
— En gros, que je désertes ! De mieux en mieux !!!
— Je sais que tu détestes ça mais il faut te faire une raison... Tu n'es pas en sécurité dans ces terres... Surtout après ce qui s'est passé dans la Cathédrale... Et surtout dans ta condition...
C'en fut trop pour Gahahli qui s'affala à nouveau sur son lit de camp, s'emmitouflant sous ses draps et tournant le dos à Bathris. D'abord ses amis qui la considèrent comme une traîtresse à cause de sa relation avec l'elfe de sang, et maintenant ce même elfe de sang pour lequel elle venait de perdre ses amis qui ne la faisait pas assez confiance pour la laisser combattre à ses côtés.
— Il ne m'en faut pas m'en vouloir, tenta de se justifier Bathris. Je tiens à toi...
— Moi aussi, je tiens à toi ! lui rétorqua l'elfe de la nuit. C'est pour ça que je t'ai suivi jusque dans ces terres sinistres ! Je t'aurais suivi jusqu'au Trône de Glace s'il le fallait ! Et maintenant tu me demandes de t'abandonner à ton sort ?
— Lili...
— Va-t'en !... Laisse moi seule...
L'elfe de sang ne se le fit pas dire deux fois et sortit de la tente le cœur gros, laissant sa bien aimée elfe de la nuit sangloter de chagrin et de colère sous ses draps.