Un monde de glace

Chapitre 30 : L'héritage du Damné

4949 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/08/2024 22:23

Les forces de la Horde et de l'Alliance de nouveau réunis malgré quelques tensions et renforcées par les Givre-Nés et les Taunkas, la guerre contre le Roi Liche pouvait à nouveau reprendre.

Bientôt, les forces terrestres supervisées par la Croisade d'Argent conquirent la partie est de la Couronne de Glace.

Après Fléauholme, ce fut au tour "la Porte de la Mort", Mord'rethar de tomber aux mains de la Croisade, une occasion pour les aventuriers de prendre leur revanche sur le Portail du Courroux tant la muraille avait la même architecture.

Puis la Chute de Sindragosa, un bout de glacier qui surplombait la région et servait vraisemblablement de tombe d'une dragonne autrefois reine du Vol Bleu et épouse de Malygos. Et à en juger par l'énorme trou dans le glacier, celle-ci avait fini par quitter sa tombe, sans doute "réveillée" par le Roi Liche pour le servir et se joindre à son armée des morts. L'idée même de devoir affronter une dragonne mort-vivante aussi gigantesque si ce n'était davantage qu'Onyxia mettait les aventuriers mal à l'aise.

Sitôt l'ancienne "tombe" de la dragonne prise, la Croisade battit une nouvelle base dans les montagnes aux nord où ils seraient plus en sécurité des ripostes du Fléau. Car malgré leur progression, ils n'étaient pas au bout de leur peine. Il leur faudrait encore prendre les Portes de la Désolation et de l'Horreur avant d'atteindre la Citadelle.

La Horde et l'Alliance de leur côté survolèrent la région à bord de gigantesque aéronefs lourdement armés. Celui de l'Alliance, le Brise-ciel, était une véritable canonnière à hélice de confection à la fois naine et gnome avec un aigle doré comme figure de proue, tandis que le Marteau d'Orgrimm, était plus de confection gobline, ornée de pics de fers et d'une tête de loup avec un canon sortant de sa gueule en guise de figure de proue et volait grâce à deux ballons de dirigeables.

Que de tels engins survolassent la Couronne de Glace pouvait en impressionner plus d'un.

La croisade ne fut pas sans une sinécure pour autant. À mesure que les combattants progressaient, les ennemis qu'ils devaient affronter, n'en furent que plus puissants, vicieux et monstrueux, à la limite du cauchemardesque. De ce fait, ils devaient redoubler d'efforts et de vigilance. Mais grâce aux directives de Fordring et de la vigueur de ses soldats, l'avancée de la Croisade d'Argente était certaine. Lente mais certaine.


Ce fut cependant un calvaire pour Gahahli qui supportait de moins en moins le froid et encore moins l'odeur pestilentielle de la mort pourtant omniprésente. Rien qu'à regarder, cette région dépourvu de vie et de chaleur était l'Enfer pour les elfes de la nuit. Même la vue des morts-vivants et d'autres abominations du Fléau la rendaient nauséeuse. Jamais elle n'avait vu autant de monstruosités ni de paysages aussi désolant depuis son séjour en Outreterre et elle en gardait encore des souvenirs peu agréables.

D'autant que ses problèmes de santé n'avaient pas l'air de s'arranger depuis qu'elle avait pénétré la Couronne de Glace. Elle avait beau le cacher, ses maux de têtes, ses nausées, ses vertiges et ses épuisements étaient de plus en plus fréquents, ce qui inquiétait autant son amant que ses compagnons d'armes. Malgré les protestations de ces derniers, la jeune elfe de la nuit insistait pour continuer le combat malgré tout, refusant purement et simplement d'être laissé sur le banc de touche tandis que les personnes auxquelles elle tenait le plus risquaient leur vie à sa place.

De toutes manières, ce n'était pas sa santé qui la préoccupait le plus.

La simple présence de ses compagnons d'armes sur le front l'empêchaient de passer davantage de temps auprès de son amant. Et elle devait faire des pieds et des mains pour qu'ils ne les vissent jamais ensemble sous peine de générer des disputes inutiles et de perdre à jamais leur confiance. Leur rencontre se firent pas conséquent plus épisodiques. Elle avait de la chance que l'elfe de sang fut suffisamment compréhensive pour ne pas lui en tenir rigueur, autrement la situation aurait été plus insupportable pour elle qu'elle ne l'était déjà.

Mais le pire restait la présence du Roi Liche... dont elle approchait dangereusement la demeure de jour en jour. Depuis qu'elle avait à nouveau franchi la brèche pour poursuivre la croisade, elle ressentait sa présence, lui infligeant plus de sueurs froide que la Couronne de Glace. Et elle sentait que le Roi Liche ressentait également sa présence sur ces terres. Pourtant, il ne semblait toujours pas pressé de sortir de sa sinistre Citadelle. Peut-être n'en avait-il pas besoin ? Avec l'armée qu'il avait à ses ordres, il n'était pas impossible qu'il avait déjà envoyé des assassins à ses trousses. Ses perspectives rendait la jeune elfe de la nuit que plus mal à l'aise, craignant à tout moment que des assassins surgissent de l'ombre et ne s'en prenaient à ses compagnons. Ce pourquoi, elle commençaient à s'isoler quand la Croisade avait atteint la Chute de Sindragosa, ce qui générait plus de questionnement et d'incompréhension au sein de son groupe.


Et pour ne rien arranger, les souvenirs des crimes d'Arthas continuèrent de la tourmenter. Principalement dans son sommeil. Tant et si bien qu'elle devait lutter contre le sommeil, quitte à compromettre davantage sa santé, par peur de devoir s'infliger une nouvelle vision où elle se verrait à nouveau dans la peau d'Arthas en train de massacrer sans sourciller des innocents par dizaine tout en sentant son âme se déchirer. Elle estimait qu'elle avait suffisamment vue d'horreurs pour s'en infliger davantage. Mais en raison de la fatigue due à ses combats contre les morts-vivants ainsi qu'à ses autres problèmes de santé, le sommeil eu raison de sa détermination. Et de ce fait, les cauchemars reprirent.


Dans un de ses souvenirs, elle le vit revenir dans les terres natales du prince renégat, dévastées par ses soins, afin de s'en revendiquer le roi auprès des Seigneurs de l'Effroi qui occupaient les ruines de Lordaeron en son absence. Ses derniers avaient refusé, clamant que ses terres, ainsi que le Fléau, appartenaient toujours à la Légion Ardente et ce même après la défaite d'Archimonde au Mont Hyjal.

Mais cela importait peu Arthas, toujours convaincu d'être l'unique maître de ses terres ravagées par ses soins et n'ayant pas d'autre maître que le Roi Liche lui-même. Avec l'assistance de l'archi liche Kel'thuzad et de la sombre forestière Sylvanas Coursevent, sa première décision furent de massacrer les derniers survivants avant qu'ils ne pussent s'échapper. Peu lui importait qu'ils ne s'agît que de civils sans armes et désœuvrés, peu lui importait qu'ils ne représentassent aucune menace pour le Fléau et peu lui importait qu'ils furent autrefois ses plus loyaux sujets ou d'anciens frères d'armes, qu'ils aient cru en lui, avaient foi en lui à une époque pas si lointaine. À ses yeux, leur vie étaient aussi insignifiantes que futiles. À ses yeux, ce n'était plus que de la chair destinée comme tribut à son unique maître, le "seul vrai Roi". La cruauté d'Arthas n'avait décidément aucune limite.

Mais alors qu'il traquait les derniers survivants du royaume qui fut jadis le sien, il ressentit une douleur indescriptible. Une douleur que Gahahli ressentait également dans son sommeil alors que son esprit était obnubilé par ce sinistre souvenirs. Impossible de déterminer ce qui n'allait pas ou ce qui en pouvait être la cause, seulement qu'elle était insupportable.

Ce ne fut qu'après coup qu'Arthas avait compris que cette douleur provenait du Roi Liche — peut-être même était celle du Roi Liche — quand il entendit la voix de ce dernier dans sa tête. Apparement, l'entité maléfique était en danger. Son pouvoir s'amenuisait. Quelque chose de puissant, probablement supérieur et plus ancien que la Légion Ardente, cherchait à l'anéantir. Et Arthas devait retourner au plus vite au Norfendre pour vaincre cette menace.

L'ancien prince avait par conséquent dût se résoudre à laisser tomber ses terres, au risque de voir s'effondrer l'empire qu'il avait mis tant de mal à bâtir et à récupérer des griffes de la Légion. D'autant que les Seigneurs de l'Effroi eux-mêmes avaient très vite compris que le Roi Liche était en train de s'affaiblir et qu'Arthas allait par conséquent être vulnérable. Pire encore, cela avait permis à Sylvanas de se libérer de l'influence de son meurtrier et elle n'avait pas attendu longtemps pour mettre sa vengeance à exécution avec l'aide de quelques banshees. Et après ce qu'Arthas lui avait fait subir, à elle ainsi qu'à son peuple, son royaume, la colère et la haine de la forestière elfe ne pouvait qu'en être redoutable.

Arthas était en route pour le port, dans les Clairières de Tirisfal quand il était tombé dans un piège tendu par Sylvanas. L'elfe mort-vivante lui avait tiré une flèche empoisonnée qui l'avait paralysé tout entier. Seulement "une fraction de l'agonie qu'il lui avait infligée" aux dires de Sylvanas, déterminée à le faire souffrir comme elle avait souffert plutôt que de lui infliger une mort rapide. C'était œil pour œil, dent pour dent.

Kel'thuzad, resté fidèle à Arthas et par extension au Roi Liche, était intervenu à temps pour chasser Sylvanas et ses "sœurs" banshees et ainsi sauver le prince renégat, lui permettant de gagner l'embarcation pour le Norfendre. En remerciement, Arthas confie à la liche la tâche de veiller en son absence sur les terres fantômes qu'ils s'était résolu à abandonner pour sauver le Roi Liche. Il s'était douté cependant en prenant le large qu'il n'en avait pas encore finit avec Sylvanas, que pour elle, la chasse ne faisait que commencer.

À son réveil, Gahahli fut une fois de plus couverte de sueurs. Non seulement terrifiée par la douleur qu'Arthas avait ressenti quand son "maître" était danger mais aussi par la colère de Sylvanas qui, une fois revenue à elle, pouvait être la sienne et à l'idée que ce fut la quête de vengeance de la reine banshee ainsi que des morts-vivants ayant rejoint sa cause qui avait conduit au drame du Portail du Courroux.


La nuit suivante, elle vit Arthas débarquer au Norfendre pour se faire attaquer, à peine arrivé, par des elfes de sang chevauchant des faucons dragons venus venger leur royaume.

Il s'en était tiré grâce à l'intervention salutaire d'Anub'arak, dont il avait fait la connaissance par la même occasion, et des soldats nérubiens, envoyés par le Roi Liche lui-même pour lui prêter main forte.

Sur le chemin pour le Glacier de la Couronne de Glace, il avait croisé le prince Kael'thas dirigeant les elfes de sang, déterminé à non seulement venger Quel'thalas mais aussi à faire payer le chevalier de la mort pour "d'autres insultes". Avant de se téléporter, le prince elfe lui avait fait comprendre qu'il s'était allié à Illidan Hurlorage et que c'était ce dernier qui menaçait le Roi Liche, qu'il était en train de détruire le Glacier lui servant de "prison".

Comme le temps leur manquait, Arthas et ses troupes avaient dût prendre un raccourci par le royaume souterrain d'Azjol-Nerub, guidé par Anub'arak. En parcourant ses tunnels, ils avaient eu la malchance de tomber sur un groupe de nains, rescapés de l'expédition de Muradin, ayant investi les lieux pour survivre et bien décidés de venger leur chef. Ils avaient dû les massacrer jusqu'au dernier et également combattre des monstres "sans-visages" et vraisemblablement très anciens avant d'atteindre à nouveau la surface.


La nuit suivante fut consacré à la confrontation décisive entre Arthas et Illidan.

En arrivant au Glacier, le Roi Liche, via la communication mentale, avait révélé au Chevalier de la Mort que lui ainsi que Deuillegivre avait été "créé" par l'archi-démon Kil'jaeden et que c'était même démon qui avait envoyé Illidan, ainsi que d'autres agents de la Légion pour éliminer sa propre "création".

La confrontation contre le chasseur de démons ne fut pas une chose aisée. Outre les forces d'Illidan composés d'elfes de sang ayant suivis Kael'thas en Outreterre et les nagas commandés par Dame Vashj, le chasseur de démon n'était plus un simple elfe de la nuit qu'Arthas avait croisé en Kalimdor, convaincu de s'emparer d'un certain artéfact maléfique et de s'en servir pour défaire ses ennemis. C'était désormais un être à moitié démon, imprégné jusqu'au sang du pouvoir corrompant du crâne de Gul'dan, aussi sombre et intimidant que dans les souvenirs de Gahahli. Et dire qu'Arthas avait lui même "créé" un tel monstre pour parvenir à ses fins, sans se douter une seule seconde que, comme pour Sylvanas, ledit monstre se retournerait contre lui.

L'affrontement entre le chevalier de la mort et le demi-démon devant les portes vers le Trône de Glace avait été d'une férocité sans précédent. La puissance d'Illidan ayant été décuplée par le crâne de Gul'dan, celui-ci était déterminé à mener à bien sa mission coûte que coûte. Et peut-être même avait-il voulu par la même occasion se venger de celui qui avait fait de lui un monstre rejeté et traqué par ceux qui fut jadis les siens.

L'issue du combat aurait pu être fatal pour Arthas et marqué la fin du Fléau sans Deuillegivre. De sa lame runique, il porta un coup fatal au demi-démon, mettant ainsi fin au combat et laissant ainsi Illidan gravement blessé dans la neige avant de pénétrer dans la "salle" du Trône, au cœur même du glacier. Le temps pour Illidan d'être retrouvé et sauvé par ses sbires, de se remettre de ses blessures, Arthas aura d'ores et déjà accompli sa mission, sauvant ainsi le Fléau et infligeant une nouvelle défaite à la Légion Ardente.


Quand elle revint à elle, Gahahli fut plus estomaquée que jamais par ces visions.

Elle réalisa d'une part qu'Illidan, contre qui elle avait toujours une dent pour ce qui s'était passé en Outreterre, aurait pu sauver à lui seul Azeroth du Fléau et aurait pu ainsi se racheter... s'il n'avait pas agi pour le compte de la Légion Ardente.

Mais d'autres parts, la jeune elfe de la nuit avait surtout constaté que cette dernière série de visions confrontait Arthas à ses actes, ses victimes, ses conséquences de sa trahison, de ses crimes et de ses propres fourberies. Les survivants de Lordaeron et de Quel'thalas, ses anciens frères d'armes, les nains de Muradin, Sylvanas, Kael'thas, Illidan et même la Légion Ardente qu'Arthas lui même avait pourtant sciemment (et bêtement) aidé à envahir et réduire Azeroth à feu et à sang. Et même confronté aux conséquences de ses actes, tout ce que le chevalier de la mort avait en tête était que ses victimes ne restaient pas mortes ou qu'on lui déroulait pas le tapis rouge lors de son retour à son royaume qu'il avait lui même réduit à néant.

Le pire étant qu'en dépit de tout ce qui lui était reproché, Arthas en était toujours sorti impuni jusqu'à présent. Ou alors il en était sorti plus vindicatif que jamais, comme s'il n'avait rien de mal, qu'il était dans son droit tout du long de son point de vue.

Même pas un regret, pas un remord, pas une once de honte, pas la moindre compassion ni de compréhension pour ses victimes. Comme si la jeune elfe de la nuit ne détestait pas assez cet individu.


Elle avait besoin de s'aérer la tête.

Elle sortit de sa tente. Seule. Sans même la compagnie de Jakua qui dormait comme un loir. Et ce alors qu'il faisait encore nuit — ou du moins, la température était au plus bas dans cette région déjà froide et sombre comme la mort.

Elle quitta le campement, errant seule et sans but sur le bout de glacier qui renfermait jadis la dépouille de Sindragosa, prenant soin de contourner le trou laissé par la dragonne mort-vivants, pour au final s'arrêter au bord de la falaise surplombant la Couronne de Glace.

Elle contempla amèrement cette région de mort, son effroyable Citadelle et ses non moins effroyables fortifications ainsi que les mort-vivants qui rôdaient par centaines en contrebas sans noter la présence de l'elfe de la nuit, ce qui fut jadis un glacier sur lequel démons et mort-vivants s'affrontaient et se disputaient le sort du monde (dans le seul but de l'anéantir) songeant que tout ce qu'elle avait vu en rêve jusqu'alors avait contribué à tout ça.

Et c'était sans parler des immenses canonnières de l'Alliance et de la Horde qui survolaient la région, sécurisant la zone depuis le ciel.

La seule chose amusante était de songer que, après avoir assisté à l'affrontement décisif entre Arthas et Illidan et bien que le paysage avait été déformé entre-temps, leur combat avait dû se dérouler non loin d'ici.

Et dire que tout ça était dû à une Peste qui ravageait Lordaeron et un prince un peu trop zélé qui désespérait de pouvoir sauver son royaume d'un tel fléau... pour au final le condamner à ce même fléau.


À force de le voir commettre de tels atrocités en rêve, sa détermination n'en était que plus grande. Notamment en prenant en compte son rôle dans l'invasion de la Légion Ardente et la "création" d'Illidan ou encore de Sylvanas. Même Morpsev était en un sens et même indirectement le fruit de la cruauté d'Arthas. La guerre contre le Roi Liche devenait de plus en plus personnelle pour Gahahli.

Mais à mesure qu'elle et ses troupes approchaient de la Citadelle, sa détermination de mélangeait à une peur grandissante.

Et si comme Sylvanas ou Illidan, elle et ses troupes échouaient ? Qu'allait-il advenir du reste du monde ? De leur patrie, foyer et familles respectives — ou du moins tout ce que le Roi Liche et ses "créations" n'avaient pas déjà anéanti ?

Et surtout, allaient-ils survivre à cette bataille ? Ou bien allaient-ils finir comme Sylvanas, Illidan ou encore Kael'thas ? Des êtres torturés et rendus fou par la colère et le chagrin jusqu'à devenir ce qu'ils avaient juré de combattre ? Emprunteraient-ils le même chemin qu'Arthas ?

Une telle perspective pétrifia Gahahli plus que le froid environnant, elle qui l'année précédente avait échappé de peu en une transformation qui aurait fait d'elle un démon comme Illidan.


Ce qu'elle ne parvenait toujours pas à comprendre c'était comment un humain, un prince doublé d'un paladin avec des principes moraux et des idéaux, qui de base ne songeait qu'à sauver son peuple, ait pu aussi drastiquement et en si peu de temps la parfaite incarnation du Mal, l'être le plus cruel et sanguinaire qu'Azeroth eût pu engendrer. Même après tout ce qu'elle vu, même en se mettant à sa place, même dans une situation aussi désespéré et drastique, rien de ce qu'Arthas ait enduré à Lordaeron ou au Norfendre lorsqu'il traquait le démon Mal'ganis ne justifiait les crimes qu'il avait commis depuis son retour triomphant. Elle ne pu concevoir qu'on pût basculer aussi délibérément et drastiquement vers le côté obscur sans le moindre remord ni la moindre honte.


— Si proche de la vérité et pourtant vous ne savez toujours rien...

C'était à nouveau le garçon de la grotte, apparut de nulle part comme à son habitude. Aussi soudaines fussent-ils, ces apparitions avaient cessé de surprendre Gahahli. C'était comme si il ne lui avait pas lâché les basques depuis la grotte où elle avait touché ce maudit cristal rouge sang.

— J'en sais assez pour savoir que j'ai affaire à un traître, un meurtrier et un lâche qui se terre dans son donjon, rétorqua amèrement la jeune elfe de la nuit. Un monstre dépourvu d'honneur qui ne mérite ni le pardon ni la pitié.

— Il n'en pas toujours été ainsi, vous savez ? tenta de rectifier le garçon. Du moins, pas avant son retour du Norfendre. Je pensais que vous l'aurez compris...

— Mais qu'est-ce que je suis censée comprendre, par Elune ? s'impatienta l'elfe de la nuit. Pourquoi m'infliger ces visions aussi atroces ? Suis-je censé comprendre son point de vue, ses motivations ? Justifier ses actions ? L'excuser pour tous ses crimes ? Le pardonner ?Pour Stratholme et la première expédition au Norfendre, je veux bien, éventuellement. Mais le reste ? Il n'y a rien à justifier ! Rien à pardonner ! Il avait gagné, par les bois de Cénarius ! Rien n'excuse autant de sang coulé... Autant de vies volés et détruites...

— Vous n'avez donc décidément rien compris, la fustigea le garçon. Il n'a jamais été de question de comprendre ni d'excuser ce qu'il a fait et certainement pas après qu'il se soit emparé de cette maudite épée.

— Alors quoi ?

— Il fallait que vous sachiez à qui... Ou plutôt à quoi vous avez affaire. Que vous le voyez de vos propres yeux. Et pourquoi vous aviez commis un erreur en touchant... ce que vous avez touché dans la grotte. Vous pensez affronter un prince qui se terre dans une toire noire au cœur d'un continent gelé parce qu'il n'assume pas ses crimes ? Vous vous trompez ! C'est un roi que vous affrontez ! Un roi implacable disposant d'une armée la plus mortelle qui soit sur cette terre.

— Ça je le sais ! Tout le monde le sait !

— Ce que vous et vos compagnons ignorez ce que votre adversaire n'est plus un humain désormais. Mais bien quelque chose de plus puissant et pas moins cruel. Vous êtes la seule qui soit à deux doigts de connaître la vérité. Mais peut-être que "ça" aussi vous devez le voir de vos propres yeux.

"Non, pitié, pas encore une de ces horribles visions !" supplia intérieurement la jeune elfe.

— Rassurez vous, c'est la dernière.


Sous le Glacier de la Couronne de Glace, elle montait le long escalier en colimaçon menant au Trône de Glace, en partie exténuée par le l'on voyage qu'elle venait de faire et surtout le récent combat contre Illidan qui avait failli lui coûter la vie. Mais ce qui l'accablait le plus durant son ascension étaient les voix qui faisaient écho dans sa tête. Des voix du passé. Celle d'Uther lui rappelant qu'elle deviendrait aussi mauvais que les orcs si elle se laissait aller à la vengeance, tenant de lui rappeler à l'ordre quand elle l'avait ordonné de purger Stratholme et la réprimandant d'avoir anéanti son propre royaume. Celle de Muradin lui reprochant d'avoir menti à ses hommes et trahi les mercenaires qu'elle avait enrôlé pour brûler ses propre navire, tentant également de l'appeler à la raison en oubliant Deuillegivre et ramenant ses hommes chez eux. Ainsi que celle de ce mystérieux prophète encapuchonné rencontré sur le chemin de Stratholme qui lui prédisait un avenir sinistre si elle poursuivait sa voie vers le "nord glaciale". Ces voix lui rappelant le parcours tortueux qui l'avait amené à gravir ces marchés de glace.

Elle se rappelait également de les paroles du démon Tichondrius, peu de temps après avoir assassiné son propre père et qui concordaient avec l'avertissement inscrit sur le socle où se tenait Deuillegivre. Comme quoi la lame avait ete forgé pour voler les âme, à commencer par celle de son porteur. Ce qui expliquait pourquoi elle n'avait ressenti aucune honte ni aucun remord tandis qu'elle assassinait son propres pères, ses propres sujets, ses anciens frères d'armes et plein d'autres innocents par la suite.

Pourtant, à mesure qu'elle approchait du sommet de l'escalier, elle sentit ses remords s'éveiller et lui peser sur le cœur et la conscience après avoir été refoulé si longtemps. Comme si elle ressentait sa propre âme retenue prisonnière par le Roi Liche qui l'attendait au sommet des marches.

Elle redoutait de ce fait ce qui allait se produire une fois qu'elle aura accompli sa mission. Mais il était trop tard pour reculer. Aprés tout ce qu'elle avait parcouru, elle devait allait jusqu'au bout, quoi qu'il lui en coûtait.

Arrivé au sommet des marches, elle se retrouva face au Trône de Glace. Il s'agissait ni plus ni moins que d'une colonne de glace retenant le Glacier et dans laquelle était renfermé une armure et un heaume noirs et vides, constituant l'esprit du Roi Liche enfermé.

La voix désincarné de l'entité maléfique retentit dans sa tête, faisant taire à elle seule les autres voix du passé.

" Retournez la lame !" lui ordonna-t-elle. "Bouclez la boucle ! Libérez moi de cette prison !"

Elle s'exécuta et frappa la glace de sa lame dans un cri mêlant rage et désespoir. Le Trône de Glace vola en éclat et sans rien pour le soutenir, le Glacier commença à s'effondrer. Libéré de sa prison, le heaume contenant l'esprit du Roi Liche roula jusqu'à ses pieds, non sans lui rappeler la couronne de son père roulant sur le sol après qu'elle l'eût assassiné. Elle prit délicatement le heaume et enfila ce qui était désormais sa couronne.

Le heaume sur la tête, trois entités se manifestèrent dans sa tête avec chacun leur propre visage. La première, représenté par un chevalier à l'armure noire, au visage émacié' au regard sombre et à la chevelure blanche comme la neige, était celle qu'elle était en ce moment-même. La seconde plus silencieuse représentait un garçon blond aux habits nobles et au regard doux et innocent mutant en un séduisant chevalier à l'armure brillant et au regard plus noble, comme une version lumineuse de la première entité. La troisième, plus ténébreuse et clairement la plus puissante des trois montrait un orc chaman avec une tête de mort peinte sur le visage et prenant la forme du heaume qu'elle portait en ce moment-même : le Roi Liche.

"Maintenant, nous sommes un." déclara la voix du Roi Liche tandis que les trois entités fusionnèrent dans son esprit.


L'instant suivant, ce fut le calme plein et le néant, comme plongé dans un sommeil sans rêve, une torpeur qui semblait durer une éternité.

Puis elle sentit quelque chose lui transpercer la poitrine et lui agripper le cœur, comme une main dans un gant de fer.

Elle sentit la main tirer le cœur hors de sa poitrine... avant de se rendre compte que c'était elle qui était empoignée et qu'on arrachait à la poitrine d'Arthas.

Elle se retrouva plus tard palpitant de terreur dans la main de celui qui fut jusqu'alors son hôte. Celui-ci marchait d'un air décidé, en compagnie d'Anub'arak, dans ce qu'elle reconnaissait comme étant les tunnels d'Azjol-Nerub.

— Cette chose n'a fait que me ralentir, dit le Roi Liche en la contemplant avec dédain et dégoût comme s'il tenait un rat mort. Elle ne m'est plus d'aucune utilité, désormais. Qu'elle ne revoit plus jamais la lumière du jour.

— Il en sera fait selon vos désirs, maître, lui répondit obséquieusement Anub'arak.

Puis tel un déchet, le Roi Liche la jeta dans ce qui sembla être un puits sans fond et elle finit sa chute dans un lac d'eau glacée.


Quand elle revint à elle, Gahahli était allongée sur le sol de glace de son point d'observation, le souffle coupé. Elle porta sa main à la poitrine et fut soulagée de sentir son cœur battre la chamade. Cela lui avait pourtant parut si réelle tant elle avait eu la sensation qu'on lui avait arracher le cœur.

Tout s'éclaira alors dans son esprit.

Elle entendit au loin Bathris l'appeler "Lili !" avant de voir son Sabre-de-nuit se précipiter sur elle et tenter de la réanimer en lui léchant le visage.

— Par la Lumière, qu'est-ce qui t'es passé par la tête ? la réprimanda l'elfe de sang. Quitter le camp, seule, sans prévenir personne et s'aventurer en territoire ennemi ? Es-tu donc suicidaire à ce point ?

— Son cœur...

— De quoi ?

— Le cristal rouge... Que j'ai trouvé dans la grotte, tenta d'expliquer Gahahli encore sous le choc de son épiphanie. Le cœur de glace... C'était le sien !

— Mais enfin, de qui est-ce que tu parles ? s'impatienta l'elfe de sang.

— D'Arthas !

— Que... Comment ?

— Je l'ai vu ! Ou plutôt je l'ai senti se l'arracher et je l'ai vu s'en débarrasser. Je te jure ! Il l'a fait aprés être devenu le Roi Liche... Peu de temps avant qu'il n'ait lancé son invasion. Par Elune, ça explique tout ! Les souvenirs ! Sa réaction quand je l'ai touché ! Et... Le garçon ! Je sais enfin qui c'est !

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