Un monde de glace
À peine Gahahli avait pénétré la brèche, une violente et désagréable odeur de mort lui retourna l'estomac, tant et si bien qu'elle ne put réprimer une non violente envie de vomir. Elle espéra de tout son cœur que personne ne l'eût vue ni entendue recracher son déjeuner.
Elle ne put que constater que ses problèmes de nausées ne s'amélioraient pas mais ne saurait dire à quoi cela était dû, elle qui avait pourtant l'estomac relativement solide et commençait à avoir l'habitude de scènes de guerre.
Mais ce ne fut pas le moment de s'en inquiéter. Elle devait continuer coûte que coûte.
Alors qu'elle essuya les résidu de vomi qu'elle avait au coin de la bouche avec son manche, elle entendit des bruits de combat provenant de l'autre bout de la brèche. Une autre bataille devait faire rage. Alors que la précédente venait de s'achever.
Craignant voir ses craintes se confirmer, elle pressa le pas, Jakua sur ses talons, préparant son arc avec le peu de flèches qu'elle avait pu récupérer.
La brèche déboucha sur une base de Fléau nichée dans un autre vallon, comportant trois ziggourats et un abattoir. La zone était infesté d'autres nérubiens et divers morts-vivants que les Croisés de la Croisade d'Argent combattaient sans relâche.
La bataille fut cependant plus courte que prévue et tourna vite en la faveur de la Croisade, le camp de Fléau ayant perdu trop d'effectifs pour contenir la contre-offensive. Gahahli n'eut pas à intervenir, trop occupée à chercher son amant des yeux.
— VICTOIRE ! cria soudain le généralissime Fordring, brandissant son épée peu ordinaire. FLÉAUHOLME EST À NOUS !
"Fléauholme" ? songea la jeune elfe de la nuit. Que que fût celui ayant nommé l'avant-poste, il devait vraiment manquer d'imagination.
Alors que les Croisés étaient occupé à sécuriser la zone fraîchement conquise, Gahahli profita du calme pour examiner plus en détail la zone qu'elle pénétrait tout en se tenant à distance des cadavres de morts-vivants et de nérubiens dont la puanteur agressait ses sens.
Le vallon était en grande partie enneigée ou couvert de glace à l'exception d'une sorte de mare au milieu des trois ziggourats où ruisselait un liquide verdâtre et nauséabond rappelant les égouts de Fossoyeuse et dans lequel pataugeaient les cadavres. Le ciel était complètement couvert par d'épais nuages noirs qui obstruait la lumière du soleil tel un mur sans fenêtre, plongeant la région dans l'obscurité.
Gahahli avait beau être une enfant de la nuit, cette obscurité n'avait rien de naturel, pas plus que ce froid de mort, plus mordant que dans le reste du Norfendre. Ou même l'absence de vie que la jeune elfe, en bonne fille de la forêt, pouvait flairer à des kilomètres. Ce fut comme si elle avait découvert la seule région à la surface d'Azeroth où la vie, la chaleur et la lumière était hors d'atteinte. Une terre d'ombre et de glace.
Même son Sabre-de-nuit qui la suivait comme son ombre avait l'air d'un chat embourbé dans une mare tant il n'était pas à l'aise, malgré que le danger avait été écarté... du moins temporairement.
Elle fut très vite rejoint par Bathris qui l'arracha de sa contemplation. Son armure, tout comme son visage et sa chevelure, était tâché de sang de nérubiens et terres noires, mais hormis de légères coupures et contusions, ils ne semblait pas blessé.
— Tu vois ? la rassura l'elfe de sang. Plus de peur que de mal !
— T'as pourtant l'air d'avoir été traîné dans la boue, lui fit remarque l'elfe de la nuit sceptique.
— Et alors ? se défendit Bathris. T'as jamais assisté à des batailles ? Toi l'aventurière ?
— J'en ai assisté, figure-toi ! lui rétorqua Gahahli avec véhémence. J'y ai même participé, quelques fois et ce encore récemment ! C'est pour cela que je me fais autant de soucis !
— C'est bon, calme toi ! Je comprends que tu sois tendu, surtout après ce que tu viens de traverser... Mais je peux t'assurer qu'il n'y pas de quoi s'inquiéter. Regarde par toi-même ! Regarde ce qu'on a accomplit en si peu de temps !
Gahahli ne put s'empêcher de constater que son amant avait gagné en prétention et arrogance depuis qu'il avait rejoint l'ordre de la Croisade d'Argent. Elle pria pour que cela ne lui attira pas de problèmes, sachant d'expérience où une trop haute estime de soi pouvait mener.
— Alors, ça y est ? demanda-t-elle en revenant à sa contemplation du paysage. Nous y sommes enfin ? À la Couronne de Glace ? Le fameux "royaume des morts" ?
— Seulement à l'orée de ce royaume des morts, gente dame, intervint Fordring qui s'immisça dans la conversation. Le sol que nous foulant en ce moment est aujourd'hui un résidu du glacier qui recouvrait jadis la Couronne de Glace.
Il désigna de son immense épée l'abord d'une falaise à l'autre bout du vallon, vers l'ouest.
Gahahli s'en approcha prudemment afin d'avoir un meilleur aperçu.
Elle ne put se faire une meilleure description d'un royaume des morts après ce qu'elle vit aussi bien devant elle qu'en contrebas.
Il s'agissait d'une région fortifiée, divisée par des murailles exactement de la même construction et architecture que le Portail du Courroux — rappelant ainsi à l'elfe de la nuit de douloureux souvenirs encore récents — et parsemée de tours à l'architecture similaire, aux bord acérés et d'un métal noir et plus froid que la glace elle-même, ce qui donnait à toutes ces constructions un aspect aussi sinistre et mortifère.
En contrebas, sur un sol de glace noir de corruption — certainement un résidu du glacier que formait jadis la Couronne de Glace — et entre deux murailles grouillaient de morts-vivants comme Gahahli n'en avaient pas vu depuis l'assaut au Portail du Courroux, la plupart ayant l'air plus robustes, dangereux et non moins monstrueux que ceux qu'elle avait affronté jusqu'alors. Par chance, aucun d'eux n'avaient remarqué sa présence. Mais pour elle, la présence d'autant d'ennemis à proximité suffisait à l'intimider. Et de là où elle se tenait, elle n'y voyait qu'une portion de l'armée de morts-vivants qu'elle allait devoir affronter.
Plus loin vers l'ouest, elle put distinguer les contours de la sinistre Citadelle où résidait actuellement le Roi Liche. Elle pouvait y sentir sa présence ainsi que ses déplacements, même sur une aussi longue distance ce qui suffisait à lui donner la chair de poule. Mais de ce qu'elle put détecter, le Roi Liche semblait plus préoccupé à faire les cents pas dans sa tour d'ivoire noire qu'à venir s'occuper de l'intrusion qui était en train de se dérouler sous son nez.
La peur qui la tenaillait fit alors place à de la haine et une fureur sans nom comme elle ne l'avait pas ressenti depuis que les démons et les orcs qu'ils avaient corrompu avaient rasé sa forêt natale et massacré ses semblables.
Fixant la Citadelle d'un regard noir, elle fustigea intérieurement le Roi Liche :
"Tu terres comme un lâche, c'est ça ? ... Car c'est tout ce que tu es ! ... Un sale lâche qui ose se dire roi ! Qui ose prétendre au droit de gouverner le monde après ce qu'il a fait ? J'ignore si tu peux entendre mes pensées mais j'ai sais ce que tu as fais ! Je l'ai vu de mes... Non, de TES yeux à toi ! Et pour avoir commis de tels crimes, s'en féliciter et s'en tirer impunément, il faut être un sale lâche sans honneur ! Une ordure qui ne mérite pas de vivre ! Même les orcs m'inspirent plus de respect et de pitié alors que je ne les porte pas plus dans mon cœur que tes goules décérébrés ! Tandis que toi... tu me dégoutes ! Tu incarnes à toi seul tout ce que je déteste et ce contre quoi je me bats... Toutes ces souffrances que tu as causés... Ces vies volées et détruites... Ces âmes arrachées et profanées... Et tout ça pour quoi ? Pour un trône de glace au sommet d'une tour noire ?... Alors ta chute n'en sera que plus dure. Même si je n'ai aucune chance contre toi, tu vas bientôt connaître ta douleur quand nous marcherons sur ton satanée donjon... "
Elle fut vite rejoint Bathris qui à son tour contemplait au loin la Citadelle d'un air sombre, comme s'il pouvait voir de cette distance celui qui avait ravagé son royaume, décimé son peuple et anéanti sa famille dans sa quête de pouvoir.
— Tu peux sentir sa présence, n'est-ce pas ? demanda-t-il à sa bien aimée.
— Il est dans sa tour à faire les cents pas, répondit Gahahli. Sûrement à s'y terrer comme le lâche qu'il est.
— Peut-être prépare-t-il quelque chose, supposa l'elfe de sang. Tu ne saurais pas par hasard ce qu'il a en tête ?
— Je peux détecter sa présence et ses déplacements mais je ne peux pas lire dans ses pensées, lui rétorqua l'elfe de la nuit. Et même si je le pouvais... Je préférerais ne pas savoir...
— Dommage, ça aurait pu un être un atout pour nous qu'on connaisse ses plans, dit Bathris d'un air pensif. Ou qu'on sache comment il pense, afin de le battre à son propre jeu...
Dès l'instant où l'elfe de sang lui avait posé la question, celle-ci tarauda l'esprit de la jeune elfe de la nuit. Elle avait accès aux souvenirs d'Arthas, plus particulièrement à ses crimes les plus infâmes. Mais pour des raisons qui lui échappaient, elle n'avait pas accès à ses pensées alors qu'elle pouvait le sentir sa présence à des kilomètres.
Comme pour répondre à ses questions sans qu'elle eût à les formuler, le petit garçon fantomatique apparut de nouveau à ses côtés sans un bruit ni rien pour lui répondre :
— Vous aurez la réponses en temps voulu ! Et dès lors, vous saurez enfin à quoi vous avez affaire !
Le petit garçon disparut comme il était apparu sans laisser le temps à Gahahli de répondre.
Celle-ci fut à nouveau en proie à une crise de nausée, l'odeur de la mort agressant à nouveau ses sens, accompagné d'un fulgurant mal de tête et des vertiges qui la fit vaciller. Ce qui aurait pu provoquer un accident si Bathris ne l'eût pas rattrapé à temps.
— Par la Lumière, tu vas me dire ce qui t'arrives ? l'interrogea l'elfe de sang plus soucieux.
— Je suis désolée... Je pense que c'est ce pays... Mais je vais m'y habituer, ne t'en fais pas... J'ai bien réussi à m'habituer à la lumière du jour alors...
— En attendant, tu dois te reposer ! Je sais que tu as horreur de rester sur la touche à te tourner les pouces mais dans ton état... Ce n'est pas prudent et tu ne saurais d'aucune aide à personne...
L'elfe de la nuit lâche un grognement d'exaspération en guise de réponse. Elle ne voulait pas l'admettre mais son amant avait raison.
Les deux elfes quittèrent alors la zone fraîchement sécurisée par la Croisade d'Argent, passant de le généralissime Fordring qui supervisait les opérations.
— Généralissime, demande d'accompagner cette gente dame à... ma tente, demanda humblement Bathris. Je crois qu'elle a besoin de repos.
— Autorisation acceptée, soldat, répondit Fordring. Votre amie l'a bien mérité. Mais... soyez brefs. On pourrait à nouveau avoir besoin de vous. On vient peut-être de gagner une bataille mais la vrai guerre ne fait que commencer.
— Entendu, généralissime, rétorqua l'elfe de sang tandis qu'il prit congé.
Les deux elfes traversèrent à nouveau la faille pour se rendre à l'avant-poste. Gahahli anxieuse attendit que Fordring fut hors de portée d'oreille pour demander Bathris :
— Dis moi, ton généralissime, est-ce qu'il est au courant pour nous deux ?
— Il se peut que j'ai évoqué à des confrères et à des supérieurs que j'avais une idylle avec avec une ravissante jeune femme aux cheveux bleus, lui répondit l'elfe de sang. Mais ne t'en fais pas, la Croisade, en la personne de Fordring, est un ordre indépendant qui ne prend pas parti dans le conflit Horde et Alliance et qui recrute dans toutes les races sans distinctions. Alors je ne pense pas qu'ils désapprouveraient notre relation, tant que ça ne compromet pas notre croisade contre le Roi Liche.
Maintenant que l'elfe de sang l'avait évoqué, Gahahli se rendit compte que les unités de la Croisade qui les entouraient ne comptaient pas uniquement des races de l'Alliance comme les humains, les nains, les gnomes ou encore les draeneïs mais aussi des hauts-elfes, des elfes de sang, des orcs et des taurens, des races qu'elle ne s'attendait pourtant pas à voir en paladin à combattre sous une bannière affiliée de la Sainte Lumière. Et ceux-ci avaient pourtant l'air de bien s'entendre malgré leur différences, comme si le conflit opposant la Horde et l'Alliance n'avait jamais eu lieu. Le rêve pour Gahahli qui désespérait de trouver une issue pour vivre sa relation avec l'elfe de sang sans avoir à se cacher.
— Et au fait, ce n'est pas une épée ordinaire qu'il a, ton généralissime ! fit remarquer l'elfe de la nuit. Où-est ce qu'il a pu dégoté une lame pareille ?
— Tu veux parler du Porte-Cendres ?
— Le "porte cendres" ?
— Ça m'étonnes que tu n'en jamais entendu parler ? C'est pourtant une épée légendaire...
— Je ne suis pas une experte en épée, tu sais. Je suis plus arc, flèches et couteau de chasse.
— Elle a a été forgé par le roi de Forgefer pour venger son frère Muradin quand celui-ci a disparut au Norfendre !
— C'est Magni qui l'a forgé ? Et pour venger son frère ?
— Franchement, ça me surprends que tu n'ai jamais entendu parler de cette épée...
— Je ne suis pas non plus calée en forge, plus en technique de survie et je te rappelle que je n'avais pas encore intégré l'Alliance quand Muradin a été tué. Et que je ne savais rien de tout ça avant d'arriver au Norfendre.
— Alors t'as dû en rater des choses, parce que depuis qu'elle a été forgé, elle a parcouru un sacré chemin. Pour te la faire courte, elle a été forgé à partir d'un éclat de démon récupéré sur un sorcier orc durant la seconde guerre, éclat qui a été purifié lors de la fabrication de la lame afin de contrer la menace du Fléau et qu'elle est passée par différentes mains... et pas toujours des nobles, si je puis dire. Certaines ont eu l'audace de la corrompre et ont servi l'ennemi avec. Mais toujours est-il qu'elle appartient désormais à Fordring. Et... Tu te souviens quand nous avons combattu Kel'thuzad à Naxxramas ?... Tu te rappelle également qu'à ce moment là, Fordring était parti avec ses hommes sauver la Chapelle de l'Espoir de Lumière des griffes du Fléau ?... Et bien c'est au terme de cette bataille qu'il a récupéré et re-purifier le Porte-Cendres.
— Et vous espérez vaincre le Fléau avec ça ?
— Mieux, on pense qu'on peut égaler le Roi Liche et sa lame Deuillegivre avec une tel épée. Il faut dire qu'au vu de leur passé, elles ont un truc en commun. Mais je préfère t'épargner les détails, ça risque de te déplaire. Sache simplement que contrairement à Deuillegivre, le Porte-cendres sert la Lumière. Et c'est ce qui en fait l'arme approprié pour combattre le Fléau et le Roi Liche aussi efficacement.
— Je dois avouer que ça me dépasse un peu. À mes yeux, ce ne sont que des épées. Vous tuez des gens avec en les plantant dedans et en les tranchant. ... Mais après ce que j'ai vu... Et l'effet qu'a eu Deuillegivre sur Arthas... Je dois dire que ça m'inquiète.
— Parfois, il faut combattre l'ennemi à armes égales pour avoir une chance de le battre. Mais ne t'en fais pas, tant que le Porte-Cendres sert la Lumière, elle n'a aucune chance de faire de son porteur un monstre génocidaire... À moins qu'il s'en serve à mauvais escient, genre à l'opposé de ce pourquoi elle a été forgé, mais je peux t'assurer que Fordring n'en fera rien.
Après avoir traversé la vallée parsemé de cadavres pourrissants (et puants) des nérubiens, ils arrivèrent enfin à l'avant-poste qui n'avait subi que des dommages superficiels au niveau des remparts. Les tentes des soldats en toile tendue, drastiquement alignés, étaient restés intactes.
Bathris amena donc Gahahli dans la sienne qui avait tout juste assez d'espace pour deux personnes et ne comportait qu'une couchette très spartiate.
— Je sais que ce n'est pas grand luxe, mais c'est tout ce qu'on a pour le moment, dit l'elfe de sang.
Alors que l'elfe de la nuit s'allongea tant bien que mal sur la couchette, elle s'imagina les nuits difficiles que son amant devait endurer à dormir à même le sol sous une tente étroite et à peine hermétique dans la région la plus glacée du continent déjà pas très chaleureux en soi.
— Tu sais, Bathris, je suis en train de penser... Ça commence à faire un moment qu'on a pu... Tu sais ?... Un moment intime... Juste nous deux... Et ce seulement maintenant qu'on a un lit...
— Moi aussi, ces moments me manquent, chérie, lui répondit l'elfe de sang. Mais tu ne vois que ce n'est ni le moment ni le lieu adéquat. Trop de promiscuité... Et puis ce sera beaucoup mieux quand nous auront une chambre pour nous deux, au chaud avec un vrai lit.
— Mais si ce moment ne se présentait jamais ? demanda Gahahli anxieuse. Avec ce qui nous attend derrière ces murs... On n'aura peut-être pas d'autres occasions...
— Ne sois pas aussi défaitiste ! tenta de la rassurer Bathris. On gagnera cette guerre et on en aura milles des occasions de faire nos galipettes quand tout sera fini. Mais pour le moment tu dois te reposer.
— Est-ce qu'au moins tu pourrais... rester me tenir compagnie ?
— J'aimerai bien mais je regrette. Le devoir m'appelle.
Et l'elfe de sang prit congé, laissant Gahahli seule sous une tente spartiate avec pour seul compagnie son Sabre-de-nuit encore plus éreinté qu'elle.
L'elfe de la nuit se sentit à la fois honteuse d'avoir ainsi proposé à son amant un moment d'intimité dont elle était en manque quand bien même le lieu et le moment étaient effectivement mal choisie et également frustrée de se sentir à nouveau laissé pour compte et mis en retrait par l'homme qu'elle aimait le plus et ce alors où elle voulait se rendre utile. Pour ne rien arranger, elle avait le sentiment que les nouvelles responsabilités de l'elfe de sang étaient en train de prendre le pas sur leur relation et elle espérait se tromper à ce sujet tant cette perspective l'inquiétait.
Ne sachant quoi faire d'autre en attendant son retour et pour faire passer ses maux de tête et de ventre, elle se laissa gagner petit à petit par le sommeil, se blottissant contre Jakua qui avait le mérite de lui procurer un peu de chaleur dans cette région glacée.
Et alors qu'elle croyait en avoir fini...
Elle arpentait une forêt elfique d'un continent oublié dont elle n'avait jamais soupçonné l'existence jusqu'alors. La forêt tout comme la faune et les elfes qui l'habitaient étaient bien plus étranges et sauvages que ce qu'elle avait connu à Quel'thalas.
Mais cela n'avait pas d'importance pour elle car d'ici peu, tout allait être consumé par les flammes de la Légion Ardente... ou bien être ravagé par la puissance du Fléau pour la gloire du seul vrai roi de ce monde, le Roi Liche.
D'où sa présence dans cette forêt inhospitalière. Malgré ses bons et loyaux services envers la Légion, les démons lui avaient injustement retiré le commandement du Fléau pour le confier à l'un des leurs. Et elle comptait réparer cette injustice. Le démon en question, Tichondrius qui l'avait supervisé durant ses missions pour le compte de la Légion, opérait justement dont cette forêt, émergeant des elfes soi-disant ennemis héréditaires aux démons.
Elle n'avait cependant pas le droit à l'erreur. Mal'ganis lui avait déjà donné assez de fil à retordre. Mais depuis qu'elle avait pris possession de Deuillegivre, sa puissance s'était décuplé. Elle aurait peut-être moins de difficulté à venir à bout du Seigneur de l'Effroi, d'autant qu'elle avait eu vent de son point faible... à moins que celui-ci n'eût anticipé son action. Il lui fallait donc ruser et doubler de vigilance.
Soudain, elle aperçut un de ses elfes sauvages et nocturnes qui auraient mis les orcs en difficultés très récemment. Celui-ci était torse-nu et clairement plus baraqué que ceux de Quel'thalas, la peau tirant sur le violet et de longs cheveux noirs. Ses yeux était bandé, son torse marqué de tatouages aux motifs démoniaques et étaient armé de deux imposants glaives à double-lames. Ce devait être un de ces chasseurs de démons à en juger par sa description, comme lui avait mentionné Kel'thuzad. Une aubaine se présentait à elle.
— Je suis libéré après dix milles ans d'emprisonnement et mon frère continue de me voir comme un vaurien ! se plaignit l'elfe chasseur de démon. Je vais lui montrer mon vrai pouvoir ! Je vais lui montrer que les démons n'ont aucune prise sur moi !
— En es-tu certain, chasseur de démons ? l'interpella-t-elle avec suffisance. Es-tu certain que ta volonté est tienne ?
— Tu empestes la mort, humain ! la fustigea l'elfe qui avait dès lors toute son attention. TuU vas regretter de m'être approcher de moi !
— Viens donc !
Le chasseur de démons chargea de ses glaives jumelles, son apparente cécité ne l'empêchant pas de filer droit vers sa cible comme une flèche, mais elle bloqua les lames avec la siennes. Suivit alors un bras de fer entre elle et l'elfe chasseur de démons.
— Que veux tu vraiment ? finit par demander ce dernier las de cette confrontation.
— Le Seigneur de l'Effroi qui commande cette armée mort-vivante se nomme Tichondrius, lui expliqua-t-elle. Il contrôle un puissant artéfact de sorcellerie, le Crâne de Gul'dan. Il est responsable de la corruption de ces forêts.
— Et tu souhaites que je le vole ? la questionna l'elfe sceptique. Pourquoi ?
— Disons juste que je ne porte pas Tichondrius dans mon cœur, répondit-elle sobrement. Et que la chute de la Légion serait... profitable pour le seigneur que je sers.
— Pourquoi devrais-je croire à tes paroles, petit humain ? questionna l'elfe toujours sceptique.
— Mon maître voit tout, chasseur de démons, répondit-elle avec plus de persuasion. Il sait que tu as recherché le pouvoir toute ta vie. Maintenant, il est à ta portée ! Saisis-le et ton ennemi sera défait.
Cet argument suffit finalement à convaincre le chasseur de démon à se mettre en quête dudit crâne, soit-disant pour sauver sa forêt de la corruption qui en dégageaient, s'empara de son pouvoir devenant ainsi un démon avec assez de puissance pour réduire Tichondrius au silence... et se faire bannir par les siens pour ce qu'il était désormais.
Elle ne pouvait que son réjouir d'un tel drame. Guidé par son arrogance et sa soif de pouvoir, l'elfe lui avait mâcher le travail et elle pouvait à présent reprendre le contrôle des morts-vivants, sans qu'elle eût à se fatiguer.
Gahahli revint à elle et se frappa la tête de frustration. Elle pensait en avoir fini avec les souvenirs d'Arthas, maintenant qu'elle connaissait son implication dans l'invasion de la Légion Ardente qui lui avait coûté sa famille et son foyer.
Et comme elle ne s'était pas déjà fait une mauvaise image de l'ancien prince de Lordaeron, elle avait la confirmation de son ignominie. Non content d'avoir presque délibérément laissé des entités maléfiques l'influencer et le corrompre, voilà qu'il en faisait de même avec un de ses semblables pour qu'il soit au final banni des siens après une longue période d'emprisonnement. Et ce alors qu'il pouvait faire le sale boulot lui-même, qu'il ne s'était pas gêné quand il fallait massacré ses propres sujets, les elfes de Quel'thalas ou les mages de Dalaran et qu'il avait toujours à la main l'épée grâce à laquelle il avait terrassé un démon de la même espèce que celui dont il avait commandité le meurtre. Elle n'arrivait pas à se décider s'il était simplement fourbe ou juste débile.
Mais la vraie révélation fut qu'elle savait qui été cet elfe qu'Arthas avait manipulé pour parvenir à ses fins : Illidan Hurlorage, auquel elle avait été confronté l'année d'avant et qui avait tenté de la convaincre de rejoindre ses rangs. De même qu'elle connaissait le Crâne de Gul'dan, cet artéfact maléfique provenant d'un sorcier orc tristement célèbre au sein de la Horde et qui cette même année avait changé la jeune elfe de la nuit en démon comme il l'avait fait avec Illidan.
Arthas avait donc "créé" Illidan.
Elle pouvait d'ores et déjà ajouté ce griefs à la déjà très longue liste qu'elle avait contre Arthas.