Un monde de glace

Chapitre 27 : La Croisade d'Argent

4381 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 18/05/2024 22:27

L'aube venait tout juste de se pointer quand Gahahli au saut du lit rassembla et prépara ses affaires.

Maintenant qu'elle savait que le Roi Liche était en grande partie responsable du drame qui avait déchiré sa famille, qu'elle comptait même (indirectement) parmi ses innombrables victimes, elle était à nouveau déterminer à lui faire payer ses crimes.

Elle n'avait pas encore décidé si elle allait rejoindre Baelbo parmi les mécagnomes ou Batël chez les nains de givres mais il était hors de question pour elle qu'elle restât plus longtemps sur la touche. Pas en sachant jusqu'où s'étaient étendu les crimes d'Arthas.

En se rhabillant, elle fut néanmoins surprise de se sentir serrée dans son pantalon et même d'avoir à desserrer sa ceinture d'un cran, comme si elle avait pris du ventre et des hanches entretemps. Elle ne se rappelait pourtant pas d'avoir mangé si copieusement ces derniers jours.

Mais ce ne fut pas le moment de se soucier de ses prises de poids ou de son alimentation. Des vies étaient en jeu.

Elle voulait néanmoins avertir Harrina qu'elle retournait se battre sur le terrain mais en sortant de sa chambre, elle ne trouva aucune trace de son hôte. Ni même de son dragonnet.

Seul un bout de parchemin traînant sur la table à manger, à côté d'un panier de fruits sur lequel était écrit :


"Partie dans les Grisonnes, régler un problème de worgens,

reviendrai dès que possible.


Harrina


PS : Braise est avec moi. Me suis partout en ce moment."


Plutôt que d'attendre son retour, l'elfe de la nuit se saisit d'une plume qui traînait sur le bureau de son hôte, la trempa dans l'encrier et écrivit au verso du parchemin :


"Partie rejoindre les autres et reprendre le combat.


Lili


PS : Merci pour la chambre"


Elle laissa le parchemin là où elle l'avait laissé, non sans prendre une pomme du panier de fruits pour la route. De cette manière, la magicienne saura qu'elle était partie.


Se sentant enfin prête, elle se dirigea vers la porte d'entrée, son sabre-de-nuit à ses talons.

Mais quelle ne fût sa surprise quand en ouvrant la porte, elle tomba nez-à-nez avec Bathris sur le point de frapper.

Elle se sentit comme frappée par la foudre à la vue de l'elfe de sang aux longs cheveux platines, dans une armure plus étincelante que jamais et qui semblait aussi hagard qu'elle.

Elle ne lui laissa pas le temps d'exprimer sa joie de la revoir qu'elle tira l'elfe de sang à l'intérieur, ferma la porte précipitamment et tira tous les rideaux, priant pour que personne ne les ait vus.

— Mais qu'est-ce que tu fiches ici ? le questionna-t-elle au bord de la panique. On pourrait nous voir... On pourrait te voir...

— Du calme, ma chérie, tenta de la rassurer Bathris. Dalaran est une ville neutre, je te rappelle ! Même les orcs et les Réprouvés en droit de circuler dans cette cité flottante. Ce qui me surprend concernant les Réprouvés après ce qui s'est passé...

— Ça ne me dit toujours pas ce que tu viens faire ici ! insista l'elfe de la nuit. Et comment tu m'as retrouvé.

— Je voulais simplement m'assurer que tu allais bien, se défendit l'elfe de sang. J'ai appris pour ce qui s'est passé au Portail du Courroux... et ce qui est arrivé à ton père. Et je suis désolé, à ce propos.

— Oh, je te remercie...

— Je peux t'assurer que mon sang n'a fait qu'un tour quand j'ai appris pour la trahison des Réprouvés. Même que j'ai voulu prendre part au siège de Fossoyeuse pour les faire payer. J'ai toujours su qu'ils n'étaient pas dignes de confiance et je déteste quand les faits me donnent raison.

— Et qu'est-ce qui t'as retenu alors ?

— Mes supérieurs n'étaient tout simplement pas d'accord à ce que je quitte la croisade, même temporairement pour assouvir ma haine des morts-vivants, surtout en pleine mission. J'ai été convoqué par le seigneur Fordring qui m'a fait comprendre que je pourrais être sanctionner pour désertion et que je ne devrais pas me laisser motiver de la sorte par la haine. Il m'a d'ailleurs rappelé que c'est précisément ce qui contribuer à la descente aux enfers de notre ennemi actuel.

— Il n'a peut-être pas tort...

— Du coup j'ai dû attendre qu'on me laisse quartier libre pour que je puisse prendre de tes nouvelles. C'est à dire aujourd'hui même. Et je peux te dire que ça n'a pas été une mince affaire. Dalaran a beau être une ville neutre et tolérer ma présence en tant qu'elfe de sang de la Horde, c'est impossible de d'aborder la conversation à qui que ce soit dans cette foutue ville. Et les quelques rares qui ont daigné répondre à mes questions, ce n'était que des gens de la Horde et qui du coup n'en avaient rien à battre de ton existence, sans vouloir t'offenser.

— Ça ne fait rien. Et je ne peux pas leur donner tort, à vrai dire.

— Mais heureusement que j'ai croisé cette gentille magicienne qui m'a indiqué qu'elle hébergeait une elfe de la nuit qui pourrait être celle que je recherche. Et c'est ce qui m'a amené ici. Et j'avais vu juste.

— Une magicienne aux cheveux auburns ? Avec un dragonnet de compagnie ? T'as croisé Harrina ? Tu ne lui as rien dit au sujet de nous deux j'espère ! Elle ne doit pas savoir... Je n'ai encore dit à personne pour...

— Je ne lui ai rien dit, rassure-toi. J'ai même prétendu ne pas te connaître quand elle a mentionné ton nom, que je recherchais une autre personne et dû attendre qu'elle soit hors de vue pour me rendre ici.

— Tu devrais faire attention, quand même. Elle n'est pas née de la dernière pluie.

— Alors du coup, comment tu te sens ? Après ce qui s'est passé au Portail du Courroux... Et à Fossoyeuse.

— Oh... Je te mentirai si je disais que c'était le pied. Le pire c'est qu'on ne s'est toujours pas réconcilié, mon père et moi. Maintenant je peux être sûre que ça ne se fera jamais. Quant à la bataille de Fossoyeuse, ça été une réussite plutôt amère et n'a fait que raviver les tensions entre la Horde et l'Alliance.

— Voilà qui ne nous arrange pas concernant notre relation.

— Tu peux remercier Varian d'avoir rendu les choses plus compliquées qu'elles ne l'étaient déjà.

— Et tes visions ? Tu les as encore ?

— C'est de pire en pire... J'ai vu Arthas... massacré ses propres hommes... Assassiné son propre père... et Uther... et tous ses sujets... Je l'ai vu massacré ton peuple... Oh, si tu savais comme je suis désolé pour tout le mal qu'il vous a causé... Injustement en plus !

— Tu n'y es pour rien, allons. Au moins maintenant, tu comprends on prend cette guerre très à cœur.

— Oh, je comprends plus que jamais, je peux te l'assurer. Figure toi que j'ai réalisé que non seulement il a commis tout ces crimes, il a permis l'invasion de la Légion Ardente. Cette même invasion qui a frappé mon peuple il y a sept ans. Cette invasion qui m'a pris ma mère... Autant dire que cette guerre c'est aussi la mienne !

— Oh...

— T'étais au courant de ça ?

— Seulement des rumeurs, mais faut croire qu'elles sont fondés...

— En tout cas, c'en est assez pour me motiver à reprendre le combat, coûte que coûte. J'étais justement sur le départ quand tu t'es pointé.

— Navré de t'avoir imposé un contretemps.

— Oh, ça ne fait rien ! Je suis toute de même contente de voir. J'aurais quand même aimé que tu sois présent quand mon père est...

— Je te l'ai dit, avec mon ordre, on était un peu occupé ces derniers jours. Surtout après ce qui s'est passé au Portail du Courroux, on dû revoir nos plans et trouver une autre entrée pour pénétrer la Couronne de Glace et affronter le Roi Liche sur son propre terrain.

— Et j'imagine qu'il n'y avait pas d'autre entrée.

— Aucune par voie terrestre, en tout cas. Mais par chance, mes troupes ont repéré une faille dans ses remparts naturelles.

— C'est vrai ?

— Même que nous venons d'établir notre base avancé devant cette brèche. On m'a justement accordé quartier libre après avoir sécurisé le périmètre...

Une idée germa alors dans l'esprit de la jeune elfe de la nuit.

— Et où se trouve cette brèche ? demanda-t-elle.

— Euh... Dans la Vallée des Échos, répondit l'elfe de sang. C'est au nord, d'ici... Enfin de la région que au-dessus duquel nous flottons...

— Il faut que tu m'y emmène, alors !

— À-à-à la brèche ? T-t-t'es sûre ? ... Mais c'est que tu vas te retrouver en première ligne...

— Tant mieux !

— Et puis... Tu ne m'avais pas dit que le Roi Liche avait senti ta présence quand t'as touché ce... cristal ? Et ce qu'il ne risque pas de te localiser à nouveau si tu pénètres dans son domaine !

— Qu'il me localise donc, ce pleutre ! Je suis prête à courir le risque ! Car j'ai un compte à régler avec lui...


Comme les deux elfes s'étaient convenus, Bathris fut le premier à sortir de la maison et quitter Dalaran via un portail de téléportation situé dans une salle en dessous de ce qui fut autrefois l'entrée principale de la cité et qui devrait le ramener à la surface. Gahahli et Jakua attendirent cinq minutes avant de le rejoindre.

Le cristal téléporta les deux elfes et le Sabre-de-nuit comme convenu dans un avant-poste du Kirin Tor, protégé par une bulle magique et établi dans des ruines elfiques remontant certainement avant la Grande Fracture. La cité de Dalaran flottait haut au dessus de leur tête, presque dans les nuages.

L'elfe de sang apprêta son destrier qu'il avait laissé attelé à l'avant-poste, un splendide cheval de bataille en armure d'argent aux bordures jaunes, portant les symboles de la Croisade d'argent.

— Belle monture ! complimenta l'elfe de la nuit.

— Une des meilleures de la cavalerie, confirma l'elfe de sang. Si madame veut bien se donner la peine...

Il aida alors l'elfe de la nuit à monter l'imposante bête, sous le regard jalousant de Jakua. Chez les elfes de la nuit, en plus d'être de redoutables compagnons de chasse pour les chasseurs, les sabre-de-nuit leur servait également de monture, aussi communément que les chevaux pour les humains. Et Jakua n'avait encore ni la taille ni la robustesse nécessaire pour avoir servir une telle tâche. Mais son heure allait venir et il aurait alors l'honneur d'être monté par sa partenaire de chasse. En attendant, il devra se contenter de suivre ce cheval prétentieux qui transportait sa partenaire et son amant.

Les deux traversèrent alors la Forêt du Chant de Cristal, les vestiges d'une forêt elfique remontant à des temps immémoriaux qui avait place à une terre triste et stérile parsemé de ruines elfiques, aux arbres mourant pour la plupart mais comptant également de grands arbres de cristal qui valaient à la région son nom.

Ils prirent d'abord vers l'est, traversant la rivière qui coulait depuis la muraille de la Couronne de Glace au nord-ouest puis bifurquèrent vers le nord, empruntant un col leur permettant de franchir les montagnes, où la forêt faisait place à un paysage enneigé et d'atteindre la vallée où la Croisade avait établi son avant-poste.

— Quand s'on doit bien d'accord, s'empressa de rappeler Bathris à sa bien-aimée quand ils franchirent le col. J'accepte de te conduire à la brèche uniquement pour que j'ai un œil sur toi. On n'est pas là pour...

— Je sais, on n'est pas là pour jouer les héros, j'ai compris, rouspéta Gahahli. Tu sais, ce n'est pas parce que je viens de perdre mon père que je t'en donne le droit de le remplacer.

— Ce n'est nullement mon intention, se défendit l'elfe de sang. Je m'inquiète pour toi, c'est tout ! Moi aussi, j'ai perdu des êtres qui m'étaient chers, je te signale. Alors il est hors de question que je te perde à ton tour. Tu comptes trop pour moi.

— Excuse moi, je ne voulais pas te vexer, s'excusa l'elfe de la nuit. C'est juste... on croirait entendre mon père. Mais sache toi aussi tu comptes beaucoup pour moi. Que moi non plus je ne supporterai pas de te perdre à ton tour.

— C'est gentil de t'inquiéter pour moi et j'apprécie l'attention, mais sache que je ne m'en sors pas si mal au sein de la croisade, lui répondit l'elfe de sang. Je m'en sors bien mieux que quand j'était un chevalier solitaire. C'est comme si je m'étais trouvé une nouvelle famille.

— C'est bon à savoir. J'espère que simplement que...

Elle laissa sa phrase en suspens, songeant tristement à ses compagnons avec lesquelles elle perdait de plus en plus de cohésion.

— Que quoi ? lui demanda Bathris inquiet.

— Laisse tomber, ce n'est pas important ! rétorqua sèchement Gahahli.

— J'en ai pas l'impression. Il y a quelque chose qui te tracasses Et dont tu ne m'as pas encore parlé.

L'elfe de sang lisait décidément en elle comme dans un livre ouvert.

L'elfe de la nuit avait conscience qu'elle devait la vérité à son amant mais elle avait également des scrupules à l'ennuyer avec ses problèmes personnels quand bien même ce n'était pas la raison de leur présence en ces terres gelées.


Elle fut toutefois sur le point de lui déballer son sac quand ils entendirent un effroyable rugissement retentirent dans la vallée suivie d'une corne d'alerte.

Gahahli sentit son sang se glacer d'effroi quand elle reconnut le rugissement inhumain.

— Des nérubiens...

— Ça venait de l'avant-poste ! s'écria Bathris également terrifié. Ils sont attaqués !

Ni une ni deux, il secoua les rênes de son destrier qui descendit la vallée au triple galop.

— Je croyais pourtant que t'avais sécurisé le périmètre ! lui fit remarquer l'elfe de la nuit.

— Et moi je croyais que toi et tes compagnons avaient résolu le problème des nérubiens, lui rétorqua l'elfe de sang.

— Et bien faut croire que ça n'a pas été suffisant, se défendit l'elfe de la nuit. Que même sans leur souverain, ils restent fidèles au Fléau.

— Et faut croire que le Fléau n'a pas perdu son temps pour nous repérer, pesta l'elfe de sang.

Ils devaient pourtant s'y attendre, songèrent amèrement les deux elfes. Si la Croisade d'Argent avait localisé une faille dans les montagnes qui formaient les remparts naturelles de la Couronne de Glace, il était fort probable que le Fléau l'ait remarqué également. Peut-être même bien avant la Croisade. Et en conséquence, il aurait pris des mesures repousser ou désamorcer toutes tentatives d'évasion le temps de colmater la brèche.

Leur craintes se confirmèrent quand ils arrivèrent en vue de l'avant-poste et le virent assailli par une horde, ou plutôt un essaim de nérubiens qui déboulaient depuis la brèche.

Une bonne chose que Baelbo ne fût pas présent, songea Gahahli.

L'issue du combat était encore trop incertaine. Les défenses de l'avant-poste ne tiendraient pas longtemps. Les deux elfes devaient agir et vite.

— Fonce ! ordonna Gahahli alors qu'elle préparait son arc.

— Quoi ?

— Fonce sur eux, je te dis ! Je te couvrirais avec mes flèches.

— Qu'on fasse une percée dans les lignes ennemies ? Mais c'est du suicide !

— T'as une autre solution ?

— Ça doit être amusant les aventures avec toi ! rouspéta Bathris tandis qu'il dégaina son épée, prêt pour la charge et secoua à nouveau les rênes.

Le destrier dévala aussitôt la vallée, chargeant à toute allure sur l'armée de nérubiens tellement absorbés par leur assaut qu'ils ne prêtèrent pas attention au cheval qui fonçaient sur eux jusqu'à la collision.

Des dizaines de nérubiens furent alors renversés et écrasés sous les sabots du cheval. D'autres se firent décapiter par le coup d'épée de l'elfe de sang devant leurs congénères hébétés et distraits par cette attaque soudaine. L'effet de surprise était en train de faire son effet.

Puis le cheval fit volte-face à chargea à nouveau sur les nérubiens qui focalisèrent alors leur attention sur les deux elfes sur le canasson.

Un des plus gros — vraisemblablement les lieutenants qui supervisaient l'assaut — ordonna à ses troupes d'une voix inhumaine derrière ses mandibules d'attraper les deux elfes avant de se prendre une flèche de l'elfe de la nuit pile entre ses multiples yeux.

Face à la horde de monstres arachnoïdes qui fonçaient sur eux, les deux elfes allaient devoir vendre chèrement leur peau, ne pouvant plus bénéficier de l'effet de surprise.

— J'espère sincèrement que tu sais ce que tu fais, marmonna Bathris en ordonnant à nouveau à sa monture de charger sur l'ennemi.

Gahahli tira une nouvelle flèche pile entre les mandibules d'un second lieutenant, lui traversant la tête, puis une troisième dans l'œil d'un autre, avant que le cheval n'entre à nouveau en collision avec les assaillants, l'elfe de sang les frappant au hasard de son épée et son acolyte continuant de leur tirer des flèches dessus.

Un des nérubiens parvint à stopper le cheval de ses bras griffus mais avant qu'il n'eut le temps de désarçonner les deux elfes que ceux-ci furent rejoint dans leur assaut par Jakua. Celui-ci bondit sur le nérubien et lui arracha la tête de ses crocs. L'elfe de la nuit protégea son Sabre-de-nuit du mieux qu'elle put des nérubiens restant, craignant de le voir submergé par leur nombre.

Puis un autre son de cor retentit dans la vallée depuis l'avant-poste. Cette fois-ci, la Croisade sonnait la charge.

La percée des deux elfes avait eu l'effet escompté, en distrayant les assaillants de leur objectifs original, ils les avaient éparpillés et avaient provoqué la confusion dans leurs rang, donnant l'avantage aux Croisé

La bataille fit alors rage dans la vallée, avec la même intensité qu'au Portail du Courroux. Des croisées par dizaines abattirent leurs armes sur les nérubiens pris au dépourvu par ce retournement de situation. Certains d'entre eux eurent le malheur de se faire piéger et pris dans des cocons de toiles par leurs adversaires, que les deux elfes se chargèrent de secourir.

Gahahli sentit malheureusement son cœur s'arrêter lorsqu'elle entendit le rugissement plaintif de Jakua et le vit à son tour entoilé par les nérubiens. N'écoutant plus que son instinct, elle bondit du destrier et partit à la rescousse de son Sabre-de-nuit en dépit les protestations de Bathris, tirant ses dernières flèches sur les nérubiens ayant piégé son tigre. Tandis qu'elle courrait pour libérer son fidèle compagnon qu'elle oublia complètement le danger, tant et si bien qu'au moment de le libérer avec son couteau de chasse, elle ne vit pas venir le nérubien de taille imposant foncer sur elle et la renverser d'un coup de patte griffue.

Son couteau égarée, son carquois vide de munitions et l'elfe de sang occupé par les assaillants qui les séparaient, elle se sentit à la merci du monstre quand une épée d'une largeur inhabituelle transperça la poitrine de la créature arachnéenne qui s'effondra de tout son long.

L'elfe de la nuit eut alors la surprise de constater que son sauveur n'était autre que le généralissime Tirion Fordring, déjà rencontré quand le Fléau avait commencé son invasion.

— Je vous ai observé depuis les remparts avec sir Feusoleil, lui dit Fordring avec un soupçon de réprimande dans la voie tandis qu'il retirait l'épée de la créature qu'il venait d'abattre. Je ne sais si je peux qualifier ce que vous faîtes de courage ou d'inconscience.

Gahahli resta muette tant elle était intrigué par l'épée qu'arborait le vieux paladin aux cheveux et la barbe poivre et sel. C'était une épée à deux mains à la lame presque aussi large que la garde formant une sorte de L stylisé et à la pointe en biais, donnant à l'épée une forme rectiligne. Le symbole de la Main d'Argent — une main humaine gravée sur un disque argenté — semblait à demi-encastrée dans la lame qui, bien que souillée par le sang du nérubien — brillait de milles feux.

— Enfin, au vue des circonstances, un peu d'aide est toujours le bienvenu, dit finalement Fordring en aidant l'elfe à se relever.

Bathris les rejoint aussitôt, enfin libéré des nérubiens qui l'avaient empêché de secourir sa bien-aimé, sautant de son cheval éprouvé par la bataille.

— Bon sang mais qu'est-ce qui t'as pris ? demanda-t-il tendu à l'elfe de la nuit. J'ai eu si peur ! J'ai cru que...

— Jakua ! lui répondit Gahahli désignant son tigre toujours entoilé. Je ne pouvais pas...

Elle récupéra alors son couteau et s'empressa à nouveau de libérer son Sabre-de-nuit avant qu'un autre monstre ne vint l'interrompre. Cette fois-ci, l'elfe de sang vint l'aider avec sa propre épée.

Par chance, le tigre n'eût que des égratinures légères mais fut quand même éreinté de s'être débattu dans ce cocon où il avait failli y mourrir étouffé.


Tandis que les derniers nérubiens furent exterminés, un des Croisés cria depuis la grande faille dans les montagnes :

— BRÈCHE ! Nous avons pris la brèche !

— Excellent ! s'extasia Fordring. Allons, mes braves ! Profitons-en avant que le Fléau n'envoie une seconde vague ! Que les prêtres soigneurs restent s'occuper des blessés ! Les autres, suivez moi ! Ce soir, nous marcherons sur la Couronne de Glace !

Sur ses mots, le généralissime marcha en direction de la faille enfin sécurisée, accompagné par ses hommes parmi ceux qui furent encore debout et en état de se battre.

— Je dois les rejoindre, dit Bathris à sa bien-aimée. Tu devrais peut-être nous attendre au camp et t'occuper de Jakua...

— Et rester une fois de plus sur la touche à attendre et me ronger les sang ? objecta Gahahli. Pendant que tu t'aventures en territoire ennemi ?

— Il ne va rien m'arriver tant que je reste avec mes frères d'armes ! tenta de la raisonner l'elfe de sang.

— Oui, c'est vrai qu'ils avaient l'air de bien se débrouiller sans nous, tout-à-l'heure ! ironisa l'elfe de la nuit. Il s'en était fallu de peu ! Et qui sait ce qui vous attend de l'autre côté ?

— Mais enfin, soit raisonnable ! Tu n'as plus de munitions !

— Ce n'est pas un problème ! Je n'ai qu'à récupérer sur les cadavres... Du moins, sauf si celles qui sont cassées.

— Bon écoute, je ne serais pas loin de toute façon. Si moi ou mes confrères sommes en danger, tu en seras aussitôt averti.

Gahahli n'écouta l'elfe de sang, déjà parti rejoindre ses camarades, que d'une oreille tandis qu'elle récupérait les flèches encore en état. De toute manière, sa décision était prise. La Couronne de Glace serait à n'en point douter la région la plus hostile de tout le Norfendre et avec ou sans la Croisade d'Argent, il était hors de question pour elle de laisser son amant s'y aventurer sans son aide et sa protection. Le risque était beaucoup trop grand.

Elle eut un sursaut lorsqu'elle revit devant elle le petit garçon qu'elle avait vu dans la grotte au cœur de glace, sorti de nulle part tel un fantôme — s'il n'en était un.

— Vous avez conscience qu'une fois vous aurez franchi ces rochers, que vous aurez pénétré "son" domaine, "il" le saura aussitôt, la prévint-il. Et s'"il" ne se lance pas à votre poursuite, c'est qu'"il vous attend.

— Et bien qu'il vienne me chercher, répondit Gahahli avec amertume. Parce que après ce qu'il a fait, j'ai des comptes à régler avec ce lâche. Alors s'il croit m'intimider...

— Malheureuse et présomptueuse, rétorqua le garçon. Toutes ces visions et vous n'avez toujours pas compris ce qui vous attend derrière ces murs ?

— J'ai bien compris qu'il est resté impuni trop longtemps pour ces crimes et qu'il va bientôt recevoir le châtiment qu'il mérite.

— Ce que vous et vos compagnons d'armes avez affronté jusqu'à présent n'est rien comparé à ce qui vous attend derrière ses murs. Nous ne parlons plus du prince qu'il était trop fois... ni même d'un simple mortel... C'est un roi, désormais. Il dirige les morts...

— Et bien là, d'où je viens, même les monarques les plus puissants ne sont pas à l'abri des retours de bâtons ! Ils récoltent ce qu'ils sèment ! Et si ça les déplaît, c'est tant pis pour eux !

Et ce fut ses mots qu'elle rejoint d'un pas déterminé l'ordre de la Croisade d'Argent à travers la faille.

Elle eut toutefois un sentiment de mal-être au moment de traverser la brèche lorsqu'elle ressenti de nouveau la présence de Roi Liche, signe qu'elle pénétrer bel et bien et pour de bon son domaine. Par chance, celui était terré dans sa citadelle, plus à l'ouest et ne semblait encore pressé d'en sortir. Mais si les avertissements du petit garçon résonnaient dans sa tête. Était-elle en train de se jeter dans la gueule du loup ? Ne courrait-elle pas vers sa propre perte ? Vers un destin tragique ?

Il était malheureusement trop tard pour reculer. Elle n'avait pas fait tout ce chemin pour abandonner. Alors, advienne que pourra...

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