Un monde de glace
Ce fut le jour tant attendu.
Aprés avoir privé le Roi Liche de deux de ses meilleurs agents, Kel'thuzad et Anub'arak, ainsi que de toute aide extérieure, il était temps pour la Horde et l'Alliance pour marcher sur la Couronne de Glace, le plus grand bastion du Fléau. Ou plus directement dans la Citadelle de la Couronne de Glace, où siégeait le Roi Liche.
Pour cela, il leur faudrait prendre d'assaut Angrathar, le "portail du courroux", servant d'entrée principale à la Citadelle de la Couronne de Glace.
Déjà, la Horde et l'Alliance avait déjà installé des avant-postes sur des promontoires aux abords de l'avant-cour de l'imposante et sinistre porte, se préparant à l'assaut
Ce fut à ces avant-postes que se rendirent les aventuriers de l'Alliance ainsi que leur homologues de la Horde pour ce qui devait être une avancée décisive sur le Roi Liche et le Fléau mort-vivant.
Un immense et imprenable mur noir, strié de bords acérés, se dressait devant les aventuriers encore en route vers leur avant-poste respectif, les portes ressemblant aux dents acérées d'une bouche monstrueuse et la cour était empli de morts-vivants en tout genre, zombies, squelettes, goules, golem d'os et de chair, ainsi que des nécromanciens et des gargouilles attendaient, prêts à repousser l'assaut coûte que coûte.
Tout annonçait une bataille aussi épique que sanglante.
De tous les aventuriers convoqué, Gahahli avait le plus de trac.
Si au moment de partir pour le Norfendre elle avait été parmi les plus volontaires à faire payer au Roi Liche tous ses crimes, elle ne s'étaient jamais imaginée que ce jour viendrait si tôt.
Et voilà qu'avec ses compagnons d'armes, ils se dirigeaient vers une mort certaine devant ce mur qui lui filait la chair de poule.
En réalité, ce n'était pas le mur ni la porte en elle-même qui filait à la jeune elfe de la nuit autant d'émoi. Ni même la horde de morts-vivants qui en gardaient l'entrée. C'était plutôt ce qu'il y avait derrière ce mur, ce qui s'y terrait de l'autre côté de la porte.
De l'avant-poste où elle se dirigeait, à l'ouest de la cour, elle pouvait ressentir la sombre présence qu'elle avait déjà sentie l'autre jour dans les profondeurs d'Azjol-Nerub se tenir derrière ce sinistre mur, attendant son heure.
À chaque pas approchant l'elfe de l'avant-poste, elle se répétait : "C'est une très mauvaise idée ! Qu'est-ce que je fais ici !"
Elle qui était toujours en quête d'aventure et de frissons, qui avait pour habitude de flirter avec le danger, elle n'eut jamais autant envie de rebrousser chemin et de prendre les jambes à son cou, de fuir le plus loin possible.
Pour ne rien arranger, elle avait eu une autre vision cette nuit, exactement comme la veille. Une vision à cause de laquelle elle eut une nuit très agitée.
Et comme lors des précédentes visions, elle était toujours dans le corps d'Arthas, reproduisant ses gestes et parlant avec la bouche de ce dernier. Mais cette fois ce fut différent.
Depuis qu'Arthas avait pris la possession de Deuillegivre, ça avait été comme si elle n'avait plus le contrôle de son corps... Ou même de sa volonté. Ils étaient vraisemblablement sous l'influence d'une sombre et maléfique entité qui semblait lui transmettre ses instructions via l'épée qu'Arthas tenait à la main. Comme si c'était l'épée qui lui dictait ses actes et ses pensées. De ce fait, Gahahli se sentait réduite à une spectatrices assistant aux crimes d'Arthas à travers les yeux de ce dernier et condamnée à ressentir ce que son "hôte" ne pouvait plus ressentir sous l'influence de cette maudite épée.
Elle revoyait l'instant où Arthas avait enfin terrassé le démon Mal'Ganis, le but de son expédition au Norfendre. Étrangement, lors de la confrontation, le démon se révélait au courant des voix qu'Arthas entendait via l'épée — la voix du Roi Liche, selon ses dires — et semblait pourtant étonné quand le prince l'élimina d'un seul coup d'épée, encouragé par les dites voix, comme quoi "l'heure de sa vengeance avait sonné".
Après quoi, au lieu de rentrer victorieux a sa patrie avec ses hommes qui ne demandaient que ça, elle avait vu Arthas se mettre à errer dans les terres gelées du Norfendre, guidés par les voix dans l'épée, jusqu'à la Couronne de Glace encore un immense glacier à l'époque. La vision fut obstruée par un épais brouillard quand Arthas avait pénétré la zone.
Quand le brouillard s'était dissipé, le prince avait changé. Ses cheveux naturellement blonds avaient blanchi et étaient plus blancs que neige. Son armure était différente, plus sombre. Mais il avait toujours son épée à la main. Et il entendait toujours la voix du Roi Liche lui murmurer des choses.
Elle avait alors vu Arthas retourner auprès de ses hommes frigorifiés n'attendant que de pouvoir rentrer chez eux. Elle avait perçue une lueur d'espoir dans les yeux des soldats au retour du prince, s'attendant à ce qu'il leur donnât l'ordre de lever le camp, puis s'éteindre aussitôt qu'Arthas leva son épée sur eux.
Elle avait assisté avec horreur et incompréhension le massacre de ses propres hommes par Arthas. Ces hommes si loyaux avec lesquels il avait partagé tant d'aventures et de victoires, qui l'avait suivi jusqu'au bout du monde sans jamais lui faire défaut. Et Arthas les avait froidement et implacablement massacré... pour les relever en goules, à l'exception de ses capitaines, eux relevé en chevalier de la mort.
Il ne faisait pas que leur ôter la vie en les frappant de son épée, il leur aspirait leur âme et les conservait dans sa lame runique, ses victimes relevés en morts-vivants étant des lors soumis à sa seule et unique volonté... elle même soumise à celle du Roi Liche.
Sur le moment, Gahahli ne pouvait croire ce qu'elle avait vu. Ce dont elle était sûre en revanche, ce qu'elle avait une idée de ce qui avait conduit Arthas à la folie, qui l'avait fait devenir le Roi Liche qu'elle devait affronter aujourd'hui et Deuillegivre en était la clé.
De nouveau, elle s'était réveillée en pleine nuit couverte de sueurs froides et dû réprimer une envie de vomir.
Elle n'avait cependant pas eu le courage de faire part de ces visions à son équipe, quand bien elle n'était pas passé inaperçu à s'être agitée dans son sommeil. Craignant qu'ils n'eurent pas le même compréhension que Bathris, surtout à l'approche de ce qui pourrait être l'affrontement finale, elle avait prétendu n'avoir fait qu'un vilain cauchemar, ce qui avait semblé suffire à ses compagnons. Pourtant, une petite voix au fond d'elle lui répétait qu'elle aurait dû être plus honnête avec eux.
Elle ne pouvait cependant pas se permettre de rester en arrière pendant que ses amis risquaient leur peau à sa place contre le mal absolu, ni les convaincre de renoncer au combat, d'autant plus que ce fut elle qui les avait encouragé à prendre part à cette croisade. Elle ne pouvait plus rien faire d'autre que de suivre le mouvement, quitte à se jeter corps et âme dans la fosse aux lions.
Les voilà donc à l'avant-poste de l'Alliance, face au Portail du Courroux, en présence de Bolvar Fordragon qui allait diriger l'assaut en première ligne. La peut au ventre chez certains, notamment Baelbo, Ouladre et Gahahli.
Bartelo et Batël quant à eux étaient prêts à en découdre. Et qu'elle ne fut leur désillusion quand Bolvar leur annonça la tâche qu'il leur confiaient.
— MONTER LA GARDE PENDANT SUE VOUS PARTEZ AU FRONT ?! s'indigna le nain. MAIS C'EST UNE BLAGUE ?!
— Vous avez tellement fait pour qu'on en arrive à ce moment décisive, tenta de leur expliquer Bolvar. Ce serait abusé de vous en demander davantage.
— Mais... Justement ! protesta le jeune paladin. Nous avons prouvé notre valeur alors pourquoi nous laisser sur la touche ?
— Laisse moi te confier un conseil, fiston, aux jeux comme à la guerre, "garde toujours ta carte maîtresse pour un moment plus opportun", lui rétorqua le généralissime. De plus, vous nous serez plus utile en couvrant nos arrières pendant que nous marcherons sur la Citadelle.
— En tout cas, moi ça me va ! s'exclama le gnome qui appréhendait l'idée d'être sur le champ de bataille risquant de se faire écraser dans le feu de l'action.
— Moi de même ! ajouta le draeneï dont le travail consistait moins à affronter directement l'ennemi que de s'occuper des blessés.
L'elfe de la nuit se contenta d'opiner de la tête en silence.
Le cor d'appel pour la bataille retentit dans l'avant-poste, mettant ainsi fin à la discussion. Bolvar récupéra son épée et son bouclier pour rejoindre ses hommes qui se rassemblaient et l'attendaient pour lancer l'assaut.
— N'oubliez pas, ne prenez pas de risques inutiles ! rappela-t-il aux aventuriers au moment de les quitter.
Étrangement Gahahli, pourtant habituée à ce genre de remarque, se sentit moins visé que Bartël et Bartelo. Elle réprima un rire.
La bataille du Portail du Courroux eut lieu.
Comme convenu, Bolvar mena l'assaut en première ligne et chargea sur les morts-vivants.
Le combat fut intense et les épées de l'Alliance firent tomber par dizaines les goules et squelettes ennemis.
Les aventuriers de l'Alliance ne pouvaient qu'assister à la scène depuis l'avant-poste, hors de portée de leurs ennemis, tandis que les sons du fracas des épées et les grognements des morts-vivants parvenaient jusqu'à leurs oreilles.
Au milieu de la bataille, on pouvait entendre Bolvar proférer :
— En arrière, misérables sans cervelle !
Puis soudain, alors que les forces de l'Alliance avaient mis à tard plus de la moitié de leurs adversaires, les portes s'ouvrirent et en sortirent des vrykuls du Fléau, proférant leur cri de guerre dans leur langue natale et chargèrent les assaillants.
Dès lors, la bataille n'en fut que plus ardu avec les vrykuls grossissant les défenses du Fléau. Les vrykuls normaux étaient déjà réputés pour être de féroces et impitoyables guerriers, ne redoutant ni la mort ni la douleur, ceux ayant rejoints les rangs du Fléau n'en pouvaient être que plus terrible, car insensible aux choses qu'ils avaient appris à braver de leur vivant.
Mais Bolvar et ses hommes ne cédèrent pas pour autant.
— Combattez, mes frères ! pouvait-on l'entendre crier.
— C'en est trop ! protesta Bartelo en récupérant son marteau. Je ne peux pas rester là les bras croisés à observer ! Il a besoin de mon aide. Qui m'aime le suive !
— Mais Bolvar nous a ordonné de rester ici en attendant qu'ils aient fini ! protesta Ouladre.
— S'ils perdent la bataille, on n'en aura plus rien à foutre de ses ordres ! rétorqua le paladin.
En temps normal, Gahahli aurait été d'accord avec le jeune paladin (pour une fois) et l'aurait volontier suivie, elle qui avait cette fâcheuse tendance à désobéir quand le besoin s'en faisait sentir. Mais elle avait toujours la peur au ventre, de se retrouver nez à nez avec le Roi Liche en se joignant à la bataille et de goûter de sa lame.
Bartelo s'apprêta à abandonner l'avant-poste et se joindre à la bataille en dépit des ordres quand un autre son de cor retentit dans le vallon, annonçant vraisemblablement l'arrivée des renforts et Batël s'empressa d'arrêter le jeune paladin.
— Ce ne sera peut-être pas nécessaire, petit ! dit le nain.
Il ne s'agissait d'aucun cor de l'Alliance. Il s'agissait d'un cor d'orc. Un cor de la Horde.
Sur l'autre falaise où s'était dressé l'avant-poste de la Horde, une troupe entière menée par Dranosh Saurcroc et chevauchant des loups géants descendirent de la colline et se mêlèrent à la bataille.
— Lok'tar ogar ! cria Dranosh. Pour la Horde !
— POUR LA HORDE ! répétèrent ceux qui le suivèrent.
Ce qui s'ensuivit, les aventuriers n'avaient jamais vu de tel. La Horde et l'Alliance, des ennemis héréditaires, combattant ensemble et côte à côte un ennemi commun. Des humains, des nains et des gnomes combattaient aux côtés des orcs, des trolls et des taurens. Des elfes de le nuit et des draeneïs combattaient de même aux côté des Réprouvés et des elfes de sang.
— Par la barbe ! commenta le nain. Si à l'époque de la Seconde Guerre on l'avait dit un jour on combattrait ainsi aux cités de nos vieux ennemis, je l'aurais envoyé se faire voir chez les Sombrefers.
Personne n'avait jamais rien vu de tel depuis la Bataille du Mont Hyjal et parmi les aventuriers, seule Gahahli y avait été témoin. Et sous ses yeux, cette union improbable dépassaient toutes ses espérances. Bien qu'elle ne portait pas la Horde dans son cœur, elle devait reconnaître en les regardant combattre aux côtés de l'Alliance qu'ils faisaient de redoutable alliés.
— Je me demandais si vous viendrez ! dit Bolvar à Dranosh quand celui-ci parvint à ses côtés.
— Je ne pouvais pas laisser l'Alliance s'amuser sans nous ! lui répondit l'orc marron avec un mélange de rivalité et de complicité, avant d'abattre trois vrykuls morts-vivants en un coup de hache.
*****
À l'avant-poste de la Horde dressé sur l'autre falaise, Walkyro et Turakh ayant également eu pour ordre de garder le camp observaient tout aussi également la bataille avec attention.
— Dommage que Brotar n'est pas là ! commenta le jeune tauren. Il aurait insisté pour être de la parti, avec sa hache "qui le démange".
— Il en aurait sûrement profité pour buter un humain et deux elfes pendant que tout le monde regardait ailleurs, ajouta le chasseur troll cynique. Mais sérieusement, où peut-il bien être, cet abruti ?
La mystérieuse disparition de l'orc n'étaient pas passé inaperçu aux yeux de ses compagnons. La veille de la bataille qui faisait rage, le tauren et le troll avait passer la journée à ratisser la zone à la recherche de leur compagnon, du village de Brume-Glace au Temple du Repos-du-ver, de la côte au sud aux montagne aux nord mais hélas sans succès. Il n'avait trouvé aucune trace ni de l'orc ni de sa monture. Même le flair aiguisé du raptor Éventreuse ne leur avait été d'aucun secours. Ce fut comme si l'orc et son loup s'étaient simplement volatilisés.
Ils durent interrompre leur recherche quand ils furent convoqué à l'avant-poste pour se préparer à la bataille d'Angrathar.
Ils étaient tellement concentré sur la bataille qui ne prêtèrent pas attention au pas haletant de Baorekh qui venait d'arriver juste après que Dranosh s'était joint à la bataille.
— Où est-ce... que vous... étiez ? leur demanda le sorcier troll reprenant son souffle. Je vous ai... cherché dans tout le... Marteau d'Agmar !
— Ben quoi ? répondit Walkyro incrédule. Nous étions là. Pour les préparatifs...
— Et toi alors ? demanda Turakh. T'étais pas censé être avec le macchabé... ?
— C'est justement à cause de lui que je vous cherche ! l'interrompit le sorcier troll. Il nous a trahis ! Lui et toute sa clique !
— Qu'est-ce que tu racontes ? demanda le tauren de plus en plus perplexe.
— Je n'ai pas le temps de vous expliquer. Nous sommes tous en danger ! Il faut que vous quittiez cet endroit au plus vite où vous allez tous y passer !
— Qu'on abandonné notre poste ? protesta le tauren. Et les autres-là en bas ? On devrait les avertir eux-aussi, non ?
— Pas le temps ! insista le sorcier troll. Ils sont condamnés de toutes façons !
— Hé, pas si vite ! intervint le chasseur troll. Comment peux tu assurer que nous sommes tous en danger si nous restons ici ? Que sais-tu exactement au juste, mon frère !
— Je vous expliquerai tout en détail quand nous serons en sûreté, lui répondit Baorekh évasif. Allez, tirons nous d'ici !
— Pas temps que j'aurais les réponses à mes questions ! insista Turakh. Qu'est-ce que tu nous a encore fait comme cachotteries, mon frère ?
*****
La bataille venait d'arriver à son terme. Il n'y eût plus un seul mort-vivant debout, excepté les Réprouvés de la Horde. Même les vrykuls avaient cédé aux forces unis de la Horde et de l'Alliance.
Un silence de mort faisait maintenant place au tumulte d'aciers et de fers s'entrechoquant.
Les combattants s'étaient réunis devant la porte, de nouveau scellée après le passage des vrykuls. Dranosh et Bolvar se détachèrent de la masse, se dirigeant vers la porte.
Tout le monde retint son souffle, y compris depuis les avant-postes.
Un sensation de peur et de malaise s'empara soudain de Gahahli. A nouveau des sueurs froides coulaient de son dos, son estomac se contractait, son cœur battait la chamade et elle avait du mal à respirer. Exactement comme dans la grotte... Elle comprit aussitôt que la présence maléfique qu'elle avait ressenti ce jour-là se tenait précisément derrière la porte, attendant son heure.
" Je ne devrais pas être là !" songeait la jeune elfe en proie à la panique. "Je nous mets tous en danger par la présence..."
— ARTHAS ! cria soudain Bolvar en direction de la porte. LE SANG DE TON PÈRE ET DE TON PEUPLE CRIENT JUSTICE ! VIENS ICI ET RÉPONDS DE TES CRIMES, LÂCHE !
En guise de réponse, les portes s'ouvrirent.
Et la sensation de Gahahli s'intensifia. Il n'y avait désormais plus que l'air et la distance qui la séparait de la présence qu'elle ressentait.
Luisant dans l'ombre de la porte, malgré la distance, elle reconnût la lame ciselée et runique de Deuillegivre.
Et elle le vit, enfin, sortant lentement de l'ombre et s'exposant à la coalition de la Horde et l'Alliance auquel il faisait face.
Deuillegivre à la main et vêtu d'une épaisse armure noire ornée de piques et têtes de mort ainsi qu'une longue cape noire, il était plus imposant que ce à quoi l'elfe s'était imaginé. Son visage était masqué d'un sinistre heaume aux bords acérés à l'image de sa citadelle, ne laissant apparaître des mèches de cheveux blancs au niveau des oreilles ainsi qu'une paire d'yeux luisant de la même couleur que la lame qu'il tenait.
Ce détail intrigua la jeune elfe de la nuit l'espace d'un instant. Elle se rappelait dans se dernière vision l'avoir vu vêtu d'une telle armure et ses cheveux prendre une telle couleur, elle ne se souvenait pas cependant l'avoir vu porter ce heaume, auquel cas elle aurait remarqué que son champs de vision aurait changé.
À ses côtés, elle remarquait le regard hargneux que ces compagnons lançaient au Roi Liche sortant de l'ombre, le traitant tour à tour de traître, d'assassin, de boucher, de scélérat.
À mesure que le Roi Liche s'approchait de ses adversaires, de nouveaux mort-vivants s'extirpaient de la terre à ses pieds, comme réveilles par sa simple présence, annonçant une recommencement de la bataille qui venait de s'achever.
— Mais d'où sortent tous ces zombies ? se demanda Baelbo consterné.
— Vous parlez de justice ? nargua le Roi Liche à ses adversaires d'une voix inhumaine, semblable à celle d'un démon, résonnant dans tout le vallon. De lâcheté ? Je vais vous montrer la justice de la tombe et ce que signifie vraiment la peur.
Tout en proférant ses menaces avec sa nouvelle armée de goules attendant ses ordres, il balaya la scène du regard. Et l'espace d'un instant, Gahahli crût que son regard s'était attardé sur elle, comme si le Roi Liche venait de la localiser... Et qu'il viendrait pour elle une fois qu'il aura fini avec ceux venus le défier.
— ASSEZ PARLÉ ! hurla soudain Dranosh en chargeant sur le Roi Liche et brandissant sa hache de guerre. QU'ON EN FINISSE !
Alors que l'orc abattit son arme sur son adversaire, celui-ci para le coup avec Deuillegivre sur laquelle la hache se brisa en mille morceaux.
Le choc fut si violent qu'il fit tomber Dranosh à la renverse et le fit s'écrouler sur le sol inerte et sans vie, devant les regards atterrés de ses hommes et même celui de Bolvar.
De l'avant-poste de la Horde, on pouvait entendre quelqu'un crier "NON !" avec désarroi quand Dranosh tomba aux pieds du Rois Liche.
Ce dernier, vainqueur de ce duel aussi bref fût il, pointa son épée vers la dépouille de sa victime. Il semblait lui aspirer quelque chose via la lame.
"Son âme !" songea Gahahli avec horreur. "Il est en train de lui drainer son âme !"
La chute de Dranosh avait jeté un froid parmi toute l'assemblée venue affronter le Roi Liche, aussi bien (et à juste titre) du côté de la Horde que du côté de l'Alliance. S'il avait pu venir aussi facilement à bout d'un guerrier aussi redoutable et téméraire que Dranosh, "le cœur de Draenor" sans avoir à riposter, quel sort réservait-il aux autres qui n'avait ni sa force ni son courage ?
Seul Bolvar semblait garder la tête froide, assez pour prendre la parole en défiant le Roi Liche :
— Tu vas payer pour toutes ces vies volées, traîtres !
Sa voix trahissait une fureur bouillonnante que le vieux paladin peinait à contenir.
— Bien parlé, répondit le Roi Liche impassible aux injures de Bolvar. Mais il n'est rien que vous ne puissiez... Quoi ?
Le Roi Liche fut interrompu dans son discours par une explosion provenant de l'arrière garde des troupes de Bolvar, suivi d'un nuage verdâtre et accompagné de cris de douleur et de terreur.
Une explosion qui surprit et prit tout le monde au dépourvu, y compris le Roi Liche jusqu'aux avant-postes respectifs de la Horde et de l'Alliance.
Puis un ricanement retentit dans le vallon et tout le monde, le Roi Liche compris, tourna son attention sur le promontoire surplombant le Portail et l'avant-poste de la Horde.
À son bord se tenait un Réprouvé encapuchonné et au visage masqué que les aventuriers de l'Alliance et de la Horde prirent momentanément à tort pour Morpsev alors qu'il s'agissait en réalité de Putrescin.
Derrière lui, des catapultes chargés de barils au contenu verdâtres roulèrent jusqu'au bord de la falaise, prêts à balancer leurs munitions, ainsi que d'autres Réprouves tous équipés de masque à gaz pour manœuvrer les engins, tandis que l'apothicaire narguait toute l'assemblée de puis son promontoire :
— Vous pensiez que nous avions oublié ? Que nous avions pardonné ?... Contemplez la terrible vengeance des Réprouvés !
— Sylvanas, murmura le Roi Liche aussi consterné que ses adversaires par ce revers.
Puis les catapultes firent feu, balançant depuis leur promontoire des dizaines de bombes sur le champ de bataille, libérant une épaisse brule de Peste dans leur explosion, s'étendant dans toute la cour, frappant indifféremment et sans la moindre distinction les combattants de la Horde, de l'Alliance et du Fléau, sous le regard horrifié et consterné des aventuriers restés aux avant-postes.
— MORT AU FLÉAU ! cria Putrescin dont les bombes à peste semèrent la mort, la terreur et la confusion sur le champ de bataille. ET MORT AUX VIVANTS !
— RETRAITE ! cria à son tour Bolvar dans une infime tentative de sauver ses hommes.
Il était trop tard malheureusement. La Peste des Réprouvés était en train de causer un carnage sans précédent. Les combattants succombant à ces effets tombèrent par centaines autour de Bolvar et du Roi Liche qui se retrouvèrent vite entourés des cadavres de leurs propres soldats. Seul un guerrier sur dix parvint à fuir le champ de bataille transformé en zone radioactive en l'espace de quelques secondes et put ainsi échapper de justesse aux effets de la Nouvelle Peste, mais non sans abandonné leurs armes et leurs camarades à leur sort. D'autres tentèrent également de fuir pour malheureusement succomber et s'écrouler quelques mètres plus loin du champ de bataille.
Même le Roi Liche finit par être affecté par la Nouvelle Peste et tomba sur ses genoux toussant gravement, de même que Bolvar qui tombait sur ses mains suffoquant et leva péniblement les yeux vers son avant-poste d'où les aventuriers le regardait agonir impuissants.
Bartelo tenta néanmoins d'intervenir et de descendre au secours du vieux paladin mais une fois encore ses compagnons s'unissaient pour l'em empêcher.
— Laissez-moi ! protesta le jeune paladin. Il a besoin de moi ! Bolvar a besoin de moi !
— Ne fais pas l'idiot ! le réprimanda Batël. Cette... chose va te tuer en moins de deux !
— On a peut-être un autre moyen de les sauver, suggéra désespérément Gahahli. Baelbo, Ouladre, vous n'aurez pas un sort pour lever cette peste ?
— Je suis peut-être un mage mais je ne suis pas un faiseur de miracle pour autant, lui répondit le gnome défaitiste.
— Je crains que même mes pouvoirs sont insuffisant face à cette chose, ajouta le draenei encore plus abattu. Je ne jamais rien vu de tel.
Pour ne rien arranger, ils virent le Roi Liche se relever dans un grognement de fureur puis se retirer du champ de bataille, dans sa citadelle, à l'abri de la Peste.
— Ce n'est pas terminé, murmurait-il vindicatif tandis que les portes du Portail du Courroux se refermèrent derrière lui pour de bon.
À nouveau le rire satisfait de Putrescin retentit dans le vallon, admirant l'hécatombe qu'il venait de provoquer et s'étendait en contrebas. Il ne restait plus que les aventuriers restés aux avant-postes, tous indignés et désemparés, pour l'écouter se vanter de sa victoire sordide.
— Que tous le constate ! clama l'apothicaire avant de se retirer. Voici venu le temps des Réprouvés !
Puis sous le regard impuissants des aventuriers de l'Alliance, Bolvar finit par succomber à la Peste, roulant sur le dos et jetant dans son dernier soupir un regard au Temple du Repos du Ver qui se profilait à l'horizon vers le sud, se laissant dépérir jusqu'à ne plus être qu'un cadavre comme ceux qui l'entouraient.
Bartelo, le plus abattu de tous par la perte du vieux paladin, tomba sur ses genoux et laissa crier sa rage, tandis que Baelbo maudissait les Réprouvés en levant le poing. Gahahli se contentait de leur lancer son regard le plus noir et le plus assassin qui fut, ressentant a l'égard des Réprouvés le même sentiment qu'elle avait ressenti le jour où des démons et des orcs corrompus par leur soin avaient réduit en cendres sa forêt natale ainsi que son village, massacré ses habitants et lui avaient pris sa mère.
Ce que venait de commettre les Réprouvés étaient tout simplement innommable. Qu'ils fissent usage d'une arme biologique aussi mortelle et dévastatrice contre leurs ennemis était déjà ignoble et démontrait un manque de fair-play. Mais qu'ils s'en servissent également sur leur propre alliés, qu'ils prennent pour cible autant leurs alliés que leurs ennemis, c'était juste inacceptable et indigne. Même les orcs faisaient preuve de plus de dignité.
Et pourquoi avaient-ils agi ainsi ? La Horde et l'Alliance étaient parvenu à faire sortir le Rois Liche de sa tanière. La victoire leur aurait été à portée de main sans leur intervention. Désormais, il n'y avait plus qu'à espérer que le Roi Liche succombât à son tour de la Peste dans sa citadelle, autrement tout cela n'aura servi à rien. Tous ces morts auront été aussi inutiles que cruels.
Et pour l'elfe de la nuit, il n'était pas question que les Réprouvés s'en tirassent impunément.
Les aventuriers virent les Réprouvés ré-armer leur catapulte et les dirigeaient vers les avants-postes encore épargnés par la Peste.
— Les salauds ! pesta le gnome plus affolé que jamais. Ils nous prennent pour cible, maintenant !
— Je suggère de filer d'ici en vitesse, proposa le draeneï.
— Ça ne servira à rien, fit remarquer le nain défaitiste. Leur maudite Peste s'étend jusqu'au pied de la colline où nous nous tenons. Impossible de nous échapper dans ces conditions.
Les Réprouvés les avaient donc pris au piège. Et ils allaient leur infliger le coup de grâce.
Puis soudain, un mouvement de panique s'empara des Réprouvés sur le point d'activer leur catapultes. Et aussitôt des dragons rouges surgirent du ciel d'un battement d'ailes et de leur souffle de feu incinérèrent les Réprouvés ainsi que leur catapultes.
Puis, toujours avec leur souffle de feu, les dragons purgèrent le champ de bataille de la Peste et commencèrent ainsi à sécuriser la zone. La brume verte se dissipa aussitôt, faisant place à une terre brûlée, des cadavres de pestiférés qui finissaient de se consumer et ce qui restait de leurs armes et armures chauffé à blanc par le souffle des dragons.
Le danger était écarté. Mais à quel prix ?
Ainsi s'acheva la bataille du Portail du Courroux. Dans la mort et les flammes.
Depuis le début de la guerre contre le Rois Liche, ce fut la plus grosse perte qu'eût connu l'Alliance et la Horde.