Un monde de glace
Chapitre 18 : La caverne de Deuillegivre
3864 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 22/09/2023 00:30
— Et tu penses qu'il y aurait un lien entre ce "cœur de glace que t'as trouvé sous Azjol-Nerub et toutes ses visions ? lui demanda Bathris incrédule.
— Il y en a forcément un ! affirma Gahahli. Je ne vois pas d'autre explication. Reste à savoir qu'elle est ce lien.
Elle avait secrètement une théorie sur le sujet mais elle préférait la garder pour elle. D'autant qu'elle ne l'assumait pas davantage. Rien qu'en y pensant, elle en eût des frissons... et en même temps la nausée.
— Le moins qu'on puisse dire c'est que tu as décidément le chic pour t'attirer des ennuis, la nargua l'elfe de sang.
L'elfe de la nuit lui répondit d'une injure elfique qu'on pourrait traduire en "aller se faire voir", ce à quoi Bathris répondit :
— Ce n'est pas la peine de m'injurier en darnassien ! Ta langue natale n'est pas très différent du thalassien, tu sais ? Juste avec un accent à couper au couteau.
— C'est toi qui a un accent ! lui rétorqua Gahahli en lui balançant de la neige qu'elle fait ramassé à la hâte et que l'elfe de sang reçut sur ses bottes.
Les deux elfes venaient de quitter la plage de la trop bien nommée Côte Oubliée et se rendirent vers le nord, prenant soin de contourner le village fantôme de manière à rester le plus loin possible du Donjon de Garde-Hiver. Guidée par la voix du petit garçon qui communiquait psychiquement avec elle, Gahahli ouvrait la marche d'un pas résolu, Jakua et Bathris devant se contenter de lui emboîter le pas.
— Et où est ce que tu nous emmène exactement ? demanda l'elfe de sang.
— À vrai dire, je ne le sais pas encore, répondit l'elfe de la nuit tout aussi perplexe que son compagnon. Seulement que ce serait... là où Arthas aurait irrémédiablement "sombré dans les ténèbres".
— Parce qu'il ne l'a pas déjà fait avant ? demanda derechef Bathris sceptique. Quand il purgé Stratholme ou fait brulé ses propres navires.
— Non, apparemment non, expliqua Gahahli. Du moins, pas assez pour réduire son propre royaume en ruine.
— Ainsi que le mien, s'empressa d'ajouter l'elfe de sang avec une profonde amertume.
— Je ne cautionne pas ses actions mais de ce que j'ai... "vu" pour le moment, il était seulement aveuglé et enhardi par ses émotions. Au delà de ça, il ne cherchait qu'à sauver son royaume du Fléau et rien d'autre... si ce n'était assouvir sa vengeance sur ses ennemis.
— L'enfer est pavé de bonnes intentions, ma belle. J'en sais quelque chose.
— Peut-être mais franchement, de là à condamner et massacrer à son retour du Norfendre les mêmes gens qu'ils cherchaient à sauver et protéger en premier lieu...
— Tu parlais de vengeance à l'instant. Peut-être qu'à son retour il voulait également se venger de ceux qui avaient contesté ses décision. Peut-être avait-il jugé son père trop inapte à régner, vu qu'il n'avait pas su gérer la Peste mort-vivante. Et peut-être s'en était-il pris à Uther, à mon royaume et Dalaran pour les mêmes raisons.
— Cela n'a aucun sens ! Arthas était rentré vainqueur du Norfendre et avait été acclamé par son peuple, il le semble. Pourquoi avoir causé autant de morts et de misères dans ces circonstances ? Personne ne commettait autant d'atrocités pour une raison aussi... aussi ridicule ! Ce serait... ce serait trop stupide !
— Ta candeur ne cessera jamais de le toucher. Moi même je pensais la même chose quand on m'a expliqué pourquoi mon peuple a dû déserter l'Alliance. Seulement voilà, c'est tout le problème de la réalité : elle n'a aucun sens.
Arrivée au nord du village fantôme, en vue de l'entrée d'une antique cité trolle, Gahahli perçut la voix du garçon lui indiquant de prendre la route à l'ouest en traversant les bois jusqu'aux contreforts des montagnes au nord.
Elle suivie alors l'indication, suivie de prés par son amant et son Sabre-de-nuit, espérant trouver les réponses à toutes ses questions. Qu'il s'agissât de l'origine de ses visions ou de ce qui avait poussé un prince désespéré et prêt à tout pour sauver son royaume à en devenir le bourreau.
Arrivés aux contreforts, ils aperçurent l'entrée d'une caverne au pied de la montagne, ornée de stalactites et stalagmites qui lui donnaient l'apparence d'une monstrueuse bouche de glace prête à dévorer quiconque passerait à travers ses dents.
La voix du garçon indiqua à l'elfe de la nuit d'y entrer s'il tenait à "voir la vérité de ses propres yeux". Elle s'y exécuta non sans peur, toujours suivie de Bathris. Jakua quant à lui restait en retrait.
Les deux elfes parcoururent un assez court tunnel au sol neigeux, jonchés de pièces d'armures et d'armes abandonnées. À qui ils appartenaient, les deux elfes n'en avaient aucune idée. Ils n'en avaient jamais vu de semblables. Néanmoins, une chose était sûre : à en juger par la couche de gel qui les recouvraient, ces armures "fantômes" ne dataient pas d'hier.
Ils débouchèrent finalement sur une immense caverne de glace, assez vaste pour y contenir une chaumière. Il n'y avait pas âme qui y vivait. Pourtant, Gahahli y ressentait quelque chose de mauvais, comme si la grotte avait été le théâtre d'un sombre rituel ou qu'un puissant maléfice y avait été jeté. Elle en avait des frissons jusque dans ses os et se rappela avoir ressenti la même chose là où elle avait trouvé le cœur de glace, quand elle avait senti la présence maléfique. Cette fois-ci, ce ne fut pas tant la présence en elle-même qu'elle était en train de ressentir. Ce fut plutôt... sa trace.
En scrutant davantage la caverne, elle nota en son centre l'existence d'un autel vide, orné d'une inscription runique que l'elfe de la nuit ne pouvait lire.
À quoi pouvait donc être destiné cet autel ?
Elle remarqua alors qu'autour de l'autel traînait des armes. Et par n'importe lesquelles. Elle reconnût le marteau d'Arthas, tellement imposant qu'elle serait incapable de le soulever à elle seule, même avec ses deux mains, ainsi que le marteau et la hache de Muradin. Il y avait également le casque à corne du nain... qui était fendu au niveau du front.
Qu'avait-il bien pu se passer ?
Elle et Muradin avait dû venir à bout de gardiens spectraux pour pénétrer cette caverne maudite et atteindre son cœur.
Apres tout ce chemin, ces efforts, ces épreuves et ses sacrifices, elle le vit enfin : la raison de sa présence en ces lieux damnés. Juste devant elle.
— Voyez, Muradin ! s'extasiait-elle. C'est notre salut : Deuillegivre.
Au dessus de l'autel, enfermé dans un bloc de glace, flottait l'épée runique qu'elle convoitait depuis son arrivée au Norfendre. Il s'agissait d'une sombre épée à deux mains qui avait tout d'une flauberge à la lame ciselée sur laquelle était gravé des runes brillant d'une lumière bleue transperçant la glace. Sur son grade était sculpté une tête de mort de bélier dans les cornes s'enroulaient latéralement autour de la monture.
Elle n'avait jamais vu d'épée aussi sinistre et n'était clairement pas digne d'un paladin de son rang. Pourtant, dès l'instant où elle avait posé les yeux sur sa lame, elle n'eut qu'une envie : briser la glace qui l'a recouvrait et s'en emparer.
Elle s'en approchait, comme hypnotisée par l'épée.
— Attendez garçon ! intervenait Muradin. Il y a une inscription dessus...
Le nain s'approchait prudemment de l'autel et commençait à déchiffrer avec minutie ladite inscription :
— Un avertissement... Il dit : "Quiconque prend cette épée... s'empare d'un pouvoir éternel... Comme la lame tranche la chair... le pouvoir balafre l'esprit."
Muradin avait eu alors un mouvement de recul. Il était devenu tout pâle et son visage figé d'effroi, comme s'il venait de voir un fantôme.
— J'aurais dû m'en douter, murmurait-il horrifié. L'épée est maudite ! Sortons d'ici !
Elle ignorait cependant l'avertissement du nain. Elle n'avait pas fait tout ce chemin ni entreprit une telle mission ni fut contrainte de se salir irrémédiablement les mains pour abandonner si près du but. Et s'il lui fallait sacrifier son âme ce faisant...
— Je subirais avec joie n'importe quelle malédiction pour sauver la terre natale ! disait-elle en avançant vers l'autel plus déterminée que jamais.
— Oubliez tout ceci, Arthas, tentait de la raisonner Muradin. Ramenez vos hommes chez eux...
— QU'IMPORTE LES HOMMES ! s'impatientait-elle avec véhémence. Rien ne le retiendra dans ma vengeance, vieux compagnon. Pas même vous !
Elle voyait dans le regard du nain l'effroi, réalisant qu'il ne s'adressait moins à un noble prince prêt à payer de sa personne pour son peuple qu'à un monstre sans scrupule se servant de ses hommes comme de vulgaires pions pour assouvir ses désirs personnels. Et malheureusement pour elle, le nain ne pouvait plus rien y faire. Elle avait fait son choix.
Sous le regard impuissant du nain, elle brandit son marteau chargée de Lumière divine et clama d'une voix forte :
— J'appelle les esprits de ce lieu. Je donnerai tout ce que j'ai et paierai n'importe quel prix... si seulement vous m'aidez à sauver mon peuple.
Une voix chuchotante et désincarnée s'était fait entendre, comme pour lui répondre. Elle semblait provenir de l'épée elle-même.
Puis sa prison de glace s'était fissurée et avait soudain volé en éclats.
L'un de ses éclats avait frappé Muradin en plein front, brisant son casque au passage.
Elle sentait son cour se serrer à la vue du nain inerte allongé sur le sol, le front ouvert par l'éclat de glace et dégoulinant de sang. De tout ses proches qui avaient remis en question ses précédentes actions et lui en avaient fait des reproches, Muradin avait été le seul à être resté avec elle jusqu'au bout malgré tout, même si cela lui en avait coûté la vie. Là où Jaina, Uther et même son propre père lui avaient non seulement tourné le dos mais avaient tenté d'entraver sa mission, quand bien même leur vie dépendrait de sa réussite.
Mais ses états-d'âmes s'étaient envolés quand elle vit Deuillegivre, désormais libre de sa prison de glace, atterrir sur le sol neigeux de la caverne, devant l'autel. Elle pouvait encore entendre "sa" voix, murmurant son nom, comme un appel à se saisir d' "elle".
Elle avait laissé tomber son fameux marteau qu'elle n'avait jamais abandonné jusqu'alors et tendu la main vers l'épée, comme hypnotisé par elle.
Si tôt elle s'était saisie de l'épée par la poignée, elle avait sentie toute la chaleur de son corps se volatiliser. La voix de Deuillegivre se faisait de plus en plus forte dans sa tête. Et se fut les ténèbres.
Quelque chose de maléfique et ténébreux habitait en elle désormais et l'incitait à quitter la caverne, laissant la dépouille de Muradin à son sort. Une fois rentrée, elle dirait à ses capitaines que le nain était mort et qu'ils devaient continuer le combat coûte que coûte et en finir avec Mal'Ganis une bonne fois pour toute. Deuillegivre entre ses mains, la victoire sur le démon lui était assurée.
Son corps et sa volonté étaient désormais soumis à une entité dont l'identité et la nature lui échappait encore, sa conscience n'était plus que spectatrice de ce qu'elle faire par la suite.
Elle n'était plus que spectatrice de ce que son hôte, Arthas, faisait.
Quand Gahahli revint à elle, elle vacilla et fut rattrapé de justesse par Bathris. En d'autres circonstances, elle adorerait rester entre les bras de l'elfe de sang et s'ils n'étaient pas tout deux entourés de neige et de glace, ils se seraient volontiers dévêtus de manière à n'avoir plus que leur chair pressée l'une contre l'autre. Mais ce ne fut ni le moment ni le lieu pour s'adonner à tant d'intimité.
— Que s'est-il passé, ma chérie ? lui demanda l'elfe de sang le regard plus inquiet. Quel autre crime Arthas a-t-il commis dans cette grotte ?
À en juger par le regard inquiet de son amant, la jeune elfe de la nuit ne pouvait que supposer qu'elle devait faire une forte impression lorsqu'elle était en transe.
— Ce... c'est là qu'il a trouvé, répondit Gahahli en cherchant ses mots, encore sous le choc de ce qu'elle avait vu. Cette épée maudite. "Deuillegivre". Et je crois que c'est cette épée qui le contrôle.
— Mmmh... Je crois savoir à quoi tu fais allusion, lui rétorqua Bathris d'un air pensif. Si ce que tu dis est vrai, cela expliquerait beaucoup de choses.
— Et ce n'est pas tout ! reprit l'elfe de la nuit.
Elle vérifia l'emplacement des armes qu'elle avait repéré peu avant d'avoir eu sa vision et put constater que le marteau d'Arthas était exactement là où le paladin l'avait laissé. De même que les armes et le casque de Muradin étaient au même endroit et dans le même état que quand elle avait vu nain frappé par l'éclat de glace et Arthas quitté la grotte avec Deuillegivre à la main.
Il ne manquait que la dépouille de Muradin. Et le peu de traces que lui et Arthas avaient laissé avaient dû s'effacer avec le temps. Au delà de ça, rien n'avait bougé. C'était comme l'événement auquel Gahahli venait d'être témoin avait eu lieu juste avant que les deux elfes n'entrèrent dans la grotte.
— C'est ici que Muradin a été vu pour la dernière fois, en conclut-elle. Du moins, vu par Arthas seul...
— Il ne l'aurait quand même pas... ?
— S'il l'a tué, ça devait par accident. Enfin, j'imagine. Mais ce qui est sûre, c'est que c'est bien dans cette grotte qu'il l'a laissé pour mort.
— Mais dans ce cas, où est son corps ? demanda Bathris perplexe.
— Ça je l'ignore, lui répondit l'elfe de la nuit. La vision ne le montre pas. Peut-être que des gens de son expédition sont parti à sa recherche et ont trouvé son corps sur le tard...
— Dans ce cas ils auraient emporté ses armes et son casque, contesta l'elfe de sang. J'ai assez bien connu les nains pour savoir que c'est une tradition d'enterrers leur morts avec leur armes. Surtout quand il s'agit aussi notable que notre regretté Muradin. Peut-être est ce simplement des bêtes charognards ou je ne sais quel monstre nécrophage qui l'a...
— Non, j'en doute, contesta à son tour Gahahli. On trouverait au moins ses ossements disséminés dans le coin. Quand bien même, je doute que ce soit l'œuvre d'un animal sauvage. Jakua n'avait pas l'air pressé d'entrer dans cette grotte...
— Alors peut-être que des nécromanciens ou autre partisan du Culte des Damnées ont trouvé son corps et l'ont ressuscité pour grossir les rangs du Fléau en tant que chevalier de la mort. Il paraît qu'ils recrutent toutes les races mortelles.
— C'est... ignoble !
— C'est le Fléau, ma petite dame ! Et puis c'est la seule explication logique qui nous reste. Tu ne crois quand même pas que Muradin s'est relevé, a quitté la grotte de lui-même et aurait simplement oublié ses effets personnels, tout ça en étant mourru ?
— Ne sois pas idiot ! ... À moins que... Et si... ?
— AH ! TE VOILÀ, TOI !
Ce cri tonitruant fit sursauter les deux elfes pris de court.
L'espace d'un instant, Gahahli crut voir entrer dans la caverne le fantôme de Muradin venu réclamer vengeance. Mais à en juger par la démarche claudicante du nain, il s'avéra qu'il ne s'agissait que de Batël. Au grand dam de la jeune elfe de la nuit.
— Comment... Comment m'as-tu retrouvée ? demanda-t-elle décontenancée.
— Je n'ai peut-être pas tes talents de pisteuse mais entre tes traces de pas dans la neige et ceux de ton tigre qui lui t'attend toujours devant cette fichue grotte, ça n'a pas été compliqué ! répondit le nain de méchante humeur. Un mort-vivant sans cervelle aurait pu te détecter rien que pour ça, je te signale !
Sentant le nain plus énervé que jamais et se rappelant combien il pouvait être impressionnant quand il était dans cet état, Gahahli tenta (en vain) de le calmer :
— Batël, laisse-moi t'expliquer...
— M'EXPLIQUER QUOI ? Que t'as quitté la base sans prévenir personne ? Que tu te balades dans ces terres gelées et hostiles comme si t'étais en vacances ? Alors qu'on est en pleine guerre contre le Roi Liche et ses morts-vivants ? Et pour couronner le tout, en compagnie d'un elfe de s... C'est pas vrai, encore toi ?
— Oui, je sais, rétorqua Bathris désabusé. Le monde est petit.
— Non mais là, ce n'est plus une coïncidence ! se plaignit Batël. C'est une malédiction !
— Dans ce cas, je vous dois la vérité, c'est ma faute si Li... si votre coéquipière est avec moi dans cette caverne, dit soudain l'elfe de sang. Oui, c'est moi qui l'ai amené ici.
Gahahli fixa son amant avec décontenancé, lui demandant du regard ce qu'il était en train de faire.
— Tu m'en diras tant ! se contenta de répondre le nain. Et est-ce que je pourrais en connaître la raison ?
— Je viens récemment de faire une découverte et j'ai songé que cela intéresserait quelqu'un de l'Alliance, s'expliqua Bathris. Certainement plus que la Horde. Et c'est tombé sur votre coéquipière.
— Et c'est quoi cette découverte pour que tu me sépares d'un de mes coéquipiers ? demanda Batël sceptique.
— Voyez par vous même, lui répondit l'elfe de sang en désignant les armes de Muradin et d'Arthas traînant au sol.
Le nain fixa les armes un moment avant de s'exclamer d'un " Par la barbe !" et de s'agenouiller devant elles. L'espace d'un instant, Gahahli crut revivre la fois où ce même nain avait trouvé la dépouille de son fils l'autre jour.
— J'ai eu l'occasion et l'honneur de combattre aux côtés de Muradin durant la Seconde Guerre, confessa Batël ému en contemplant les armes du seigneur nain disparu. Je reconnaîtrais cette hache, ce marteau de guerre et ce casque entre milles. ... Quand à cet autre marteau, là....
— Il appartenait à Arthas, je le crains, confirma l'elfe de sang. Et je sais de source sûr que c'est dans cette caverne que Muradin aurait été vu pour la dernière fois.
— Mais on ignore où est son corps, s'empressa d'ajouter Gahahli sans toutefois prendre la peine d'évoquer ce qu'elle avait vu.
— En tout cas, voilà qui doit confirmer certaines rumeurs, en conclut le nain. Et qui fait un autre crime auquel ce traître d'Arthas devra répondre d'ici peu. Il faut que j'en informe Magni au plus tôt, il doit savoir ce qu'il est advenu de son frère. (Il se tourna vers Gahahli le regard noir) Quant à toi, t'as intérêt à rentrer au donjon sans détour et y recevoir les instructions. D'après Bolvar, nous allons bientôt marché sur la Couronne de Glace et régler son compte au Roi Liche alors ce n'est pas le moment de tout gâcher ! Compris ?
Les deux elfes quittèrent sans plus tarder la caverne tandis que Bathris s'occupait de ramasser les armes laissés par Arthas et Muradin qu'ils comptait faire envoyer à Forgefer. Gahahli retrouva son Sabre-de-nuit qui l'avait attendu tout du long devant l'entrée et lui jeta un regard noir non seulement pour avoir trahi sa présence mais également pour n'avoir fait aucun effort pour empêcher le nain d'entrer dans la grotte pour venir l'enguirlander.
Devant eux se dressait la montagne abritant le Donjon de Garde-Hiver.
Profitant que le nain soit encore dans la caverne, les deux elfes s'échangèrent un regard lourd de sens.
— Bon... J'imagine que c'est ici que nos chemins se séparent une fois de plus, suggéra Bathris dans un soupir.
— J'aurais aimé qu'on se soit retrouvé dans de meilleures circonstances, lui confessa Gahahli. Qu'on ait pu davantage profiter de notre temps passé ensemble. Sans ces maudites visions...
— Allons, du calme, mon amour, tenta de la rassurer l'elfe de sang. Quand tout ça sera fini, on pourra reprendre là où nous nous sommes arrêtés. En fait, tu sais quoi ? S'il le faut, je veillerai personnellement à ce que ni le Roi Liche ni son Fléau ne nous cause plus le moindre problème.
— Tu ferais ça ? demanda l'elfe de la nuit sceptique.
— Je le gênerai ! Rien que pour tes beaux yeux.
— Tu ne devrais pas faire de promesses sans être sûr de les tenir.
— Et après ? C'est l'intention qui compte !
— Mais plus sérieusement, je t'en prie, quoi que t'es l'intention de faire... sois prudent.
— J'y compte bien, ma toute belle.
Puis l'elfe de sang se pencha sur l'elfe de la nuit pour lui voler un bref baiser avant de s'en aller vers sa base, plus à l'Est.
— Et si je puis me permettre, je te retournes le conseil, ajouta-t-il en s'éloignant. Même si je me doute que ce sera plus compliqué, te connaissant !
Gahahli se retint de lui répondre d'une nouvelle injure elfique et s'en alla retourner à sa base, son Sabre-de-nuit sur les talons.
Sur le chemin du retour, ses pensées se bousculèrent dans sa tête. Et elle regretta aussitôt n'en pas en avoir fait part à Bathris avant qu'ils ne se séparèrent.
Il y avait pour commencer son amant secret qui allait être de la partie dans cette guerre contre le Roi Liche qui gagnait de l'ampleur. Et qui par conséquent serait inexorablement exposé à un danger mortel dans tous les sens du terme. Elle espérait de tout son cœur que l'elfe de sang plaisantait en affirmant "veiller personnellement" à mettre fin aux exactions du Roi Liche car elle redoutait que ce faisant, il allait suivre le même chemin qu'Arthas.
Et puis il y avait ces visions sur le passé mortifère de l'ancien prince de Lordaeron qu'elle n'avait cessé d'avoir depuis ce matin. Et qui apparemment la mettraient en transe à chaque fois. Et ce sans crier gare. Que se passerait-il donc si cela produisait à nouveau en plein combat ? Ou simplement en présence de ses amis qu'elle tenait encore dans l'ignorance ? Devra-t-elle leur expliquer également ses tourments ? Dans ce cas, quelle sera leur réaction ?
Et surtout, ce qui la préoccupait le plus en cet instant : quelle était la suite du programme ?
Elle qui avait pour habitude de ne jamais se soucier que du temps présent, ce devait être la première fois qu'elle éprouvait une telle angoisse.