Un monde de glace

Chapitre 17 : La côte oubliée

4499 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/09/2023 00:57

Dans l'espoir de se changer les idées, Gahahli décida de prendre l'air.

Ce fut l'aurore quand elle sortit de la caserne et s'en alla patrouiller aux alentour du Donjon de Garde-Hiver, accompagnée de son fidèle Sabre-de-nuit.

La forteresse était pratiquement déserte. Seuls quelques sentinelles faisaient le guet depuis les remparts. Bon nombre de gardes avaient dû un peu trop profité de la fête la veille et devaient encore somnoler. Laissant les défenses de la forteresse plutôt sommaire. Une chance qu'aucun ennemis n'en profitât pour prendre le Donjon d'assaut.

Niché dans le col d'une chaîne de montagne, la forteresse était construite sur plusieurs niveaux et surplombait un village ravagé par le Fléau en contrebas. Plus loin, à proximité de la rivière séparant la région des Grisonnes plus à l'Est, reposait la carcasse encore fumante d'une nécropole forte similaire à Naxxramas, signe que l'Alliance gagnait du terrain sur le Fléau.

Postée à la barricade de la porte inférieure de la forteresse, la jeune elfe de la nuit demeura sur ses gardes. Elle avait certes eut une victoire écrasante sur le Fléau avec ses compagnons d'armes, elle savait d'expérience que ses ennemis n'abandonneraient pas leur position aussi facilement. D'autant qu'elle avait affaire à des morts-vivants, le genre d'ennemi qui ne reculait devant rien pour la simple et bonne raison qu'il était déjà mort. En l'occurrence, ils pouvaient en rester quelques uns rôdant dans ce village fantôme, préparant une attaque surprise,

Elle se souvenait encore qu'au moment de prendre leur quartier au Donjon, celui-ci était déjà assiégé par une armée de morts-vivants et qu'il leur avait voulu non pas doubler mais tripler d'effort pour repousser l'assaut.

Là où la jeune elfe se tenait, la jeune elfe de la nuit s'exposait inéluctablement au danger. Surtout sans ses compagnons d'armes pour la protéger. Mais peut-être était-ce mieux ainsi. Au vu de ses récentes mésaventures, elle tenait pas à y entraîner ses amis au risque de compromettre leur sécurité.

Mais même en l'absence de morts-vivants, il lui fallait faire face à un adversaire plus redoutable et inéluctable : le froid. Plus précisément le vent glacial qui lui fouettait le visage.

Cela allait bientôt faire un mois qu'elle avait mis le pied au Norfendre pour combattre le Fléau et elle avait beau s'habiller chaudement, elle ne s'était toujours pas habitué à ce froid aussi mordant. Elle en tremblait encore et même qu'elle pouvait sentir la pointe de ses oreilles gelée, chose qui lui était désagréable. Sans compter que ces vêtements censés la protèger du froid ne faisaient qu'étouffait son corps et la faisait juste davantage transpirer.

Le seul avantage était que cela lui faisait de l'air frais.

Pourvu qu'elle et ses compagnons d'armes en finissent avec le Fléau et le Roi Liche au plus vite qu'elle pût retourner au bercail et retrouver un peu de châleur.

Mais tremblait-elle vraiment à cause du froid ? Ou bien à cause du "rêve" qu'elle venait de faire ?

Depuis qu'elle avait quitter le dortoir, elle n'avait cessé de se creuser la cervelle à ce sujet, se demandant pourquoi avait-elle fait un tel rêve et pourquoi cela lui parût si réelle, comme un évènement qu'elle aurait vécu en vrai alors que cela n'avait jamais été le cas. Et pourquoi se retrouvait-elle à la place d'Arthas ? Elle ne l'avait encore jamais connu et toujours pas rencontré en chair et en os. Et lui même ne devait avoir cure de l'existence de l'elfe de la nuit. Du moins... Jusqu'à récemment.

Gahahli se demanda alors si cela n'avait pas un rapport avec le cœur de glace qu'elle avait trouvé et malencontreusement touché dans la caverne. Et par extension avec le petit garçon que personne ne pouvait voir à part elle et la présence maléfique qu'elle avait ressenti dans la caverne.

Il y avait forcément un rapport avec tout ça. C'était trop gros pour n'être qu'une coïncidence. Elle n'arrivait pas encore a mettre le doigt dessus mais il y mettrait sa lain à couper.


Soudain Jakua se mit renifler l'air avec frénésie.

— T'as senti quelque chose mon grand ? demanda l'elfe en préparant son arc.

Pour toute réponse et sans crier gare, le Sabre-de-nuit traversa la barricade d'un bond et se précipita vers le village fantôme en aval.

Gahahli fut obligée de le suivre, craignant pour la sécurité de son compagnon à quatre pattes. Quelle mouche pouvait bien le piquer ? Et avait-il conscience du danger auquel il s'exposait ? Et s'il fonçait droit dans un piège ? Ce n'était malheureusement pas la première fois que cela arrivait.

Dire que l'elfe était souvent réprimandée pour son imprudence et son impulsivité, de cette manie qu'elle avait de s'attirer des problèmes notamment en fonçant tête baissée dans le danger. Et évidemment, il y avait du monde pour lui faire de tel reproche mais quand il s'agissait de son Sabre-de-nuit, il n'y avait plus personne. Au lieu de ça, on lui reprochait de ne pas assez bien dresser son tigre.

Finalement' Jakua finit sa course derrière une grange abandonnée. Gahahli l'aperçut bondir derrière le bâtiment quand elle entendit un cri de surprise... suivi par des rires.

— Ahaha... Arrête, tu le chatouille !... Moi aussi, je suis content de te revoir !

Son cœur battait la chamade quand elle reconnut la voix.

Arrivée à l'arrière de la grange, elle vit alors Bathris tentant de se dégager du Sabre-de-nuit l'inondant de léchouilles après l'avoir plaqué au sol.

Le village de l'elfe de sang s'illumina lorsqu'il remarqua la présence de l'elfe de la nuit.

— Je le disais bien que je connaissais ce Sabre-de-nuit ! s'exclama-t-il.

Gahahli aida l'elfe de sang à se relever et celui en profita pour la soulever au dessus du sol en virevoltant avant de la serrer fort dans ses bras.

— Tu m'as tellement manqué, lui confessa l'elfe de la nuit extasiée de retrouver son amant en aussi bonne forme et jouissent de la chaleur que lui procurait son accolade.

— Toi aussi, tu sais ? lui rétorqua l'elfe de sang plongeant son regard dans les siens. J'avais presque oublié à quel point tu es belle.

— Oh, arrête ! gloussa Gahahli rougissant. Tu dis ça pour me flatter.

— Mais je n'en pense pas moins. En fait, je te trouve de plus en plus belle à chacune de nos rencontres.

— Grand fou...

Sous le charme, Bathris lui tendit les lèvres.

Gahahli fut tentée d'en faire de même mais...

— Oh non, ne m'embrasse pas ! Je viens de... J'ai une très mauvaise haleine en ce moment.

Elle renifla rapidement sa bouche pour constater qu'effectivement elle avait une haleine à décrocher du papier peint, dû à sa récente régurgitation.

— Mais qu'est-ce qui t'arrive, la belle ? lui demanda Bathris concerné.

— Rien de grave, mentit l'elfe de la nuit. Ça devrait passer. Mais ne restons pas là, on pourrait nous voir.

Elle se saisit alors de l'elfe de sang et l'entraina dans les bois aux branchages couverts de neige et dépourvus de feuilles, au sud du village fantôme.

— Tes amis ne sont toujours pas au courant de notre relation ? lui demanda Bathris quand ils furent à l'abri dans les bois des regards indiscrets provenant de la forteresse.

— Tant que nos deux peuples ne seront pas réconciliés, on a intérêt à garder ça secret, répondit l'elfe de la nuit non sans lassitude. Mais pourrais-je savoir ce que tu faisais à rôder près d'un bastion de l'Alliance comme un... un rôdeur ?

— Si je "rôdais" c'était parce que j'ai quartier libre, lui répondit l'elfe de sang. Alors j'en profité pour voir si par hasard tu ne serais pas dans les environs. Et j'avais raison.

— Attends une minute ! l'interrompit Gahahli. "Quartier libre" ? "Libre" de quoi ?

— Tu ne remarques donc pas que j'ai quelque chose de changé ?

L'elfe de la nuit l'avait pourtant bien remarqué en réalité mais sans y prêter davantage attention, trop heureuse de revoir son amant de façon aussi inattendue.

L'elfe de sang portait désormais une armure argentée et étincelante, ainsi qu'un tabard sur lequel était brodé une sorte de soleil. Un équipement et des vêtements trop propres pour appartenir a un simple chevalier errant.

Le visage de Gahahli s'illumina de nouveau quand elle commença à comprendre.

— Exactement ! lui confirma fièrement Bathris. Le temps du chevalier errant est révolu. Tu as là devant toi un chevalier de la Croisade d'Argent à titre honorifique.

L'elfe de la nuit se retint de crier sa joie, sachant que son amant avait pour rêve d'intégrer l'ordre de paladins qu'était la Main d'Argent. Or, elle avait cru comprendre que cette Croisade d'Argent était ce qui restait de cet ordre pratiquement dissoute avec la chute de Lordaeron.

— Alors là, je suis trop contente pour toi, finit-elle par s'exclamer. C'est un rêve qui se réalise. Mais comment est-ce arrivé ?

— Et bien, je le dois en grande partie à notre cher Kel'thuzad, lui répondit modestement l'elfe de sang. Après qu'on se soit séparé... un des membres de la Horde m'a refilé le phylactère de la liche et m'a recommandé de le refiler au seigneur Fordring.

— Alors c'était toi qui l'avait ! Coquin !

— Pour ma défense, le fait qu'il soit entré en ma possession n'était pas de mon fait. Mais toujours est-il que j'ai suivi ce conseil, suis parti retrouvé Fordring et ses hommes qui venaient de sauver in extremis leur Chapelle de l'Espoir de Lumière et leur ai remis l'objet en témoignage de notre victoire sur la liche.

— Et c'est là qu'ils t'ont intégré et promu chevalier de leur croisade ?

— Pas tout à fait. Il s'est avéré que le phylactère avait été vidé de son essence, rendant les officiers sceptiques. Mais Fordring semblait convaincu de ma bonne foi et m'a accepté dans ses rangs comme recrue.

— Et ils n'ont aucun problèmes avec la présence d'un... de quelqu'un comme toi dans leur rang ?

— Oh que non, c'est une organisation neutre. Ils acceptent tout le monde, tout ceux qui sont prêt à donner leur vie pour sauver Azeroth des forces du Mal, qu'ils soient de la Horde, de l'Alliance ou même neutre. Même pas besoin d'être paladin ou prêtre pour grossir leur rang. Et je t'avoue que ça m'a surpris d'y trouver des orcs, des trolls, des taureaux, d'autres elfes de sang et même des elfes de la nuit et de les voir travailler ensemble sans aucune animosité. En fait, je songe même à te proposer... à toi et tes compagnons de rejoindre leur rang. Ça pourrait être la solution a nos problèmes.

— Ce... C'est à envisager... Je suppose ?

— Toujours est-il que ce qui m'a promu chevalier de la Croisade d'Argent c'est lorsque j'ai déjoué un complot au sein d'Âtreval, là où ils envoient les recrues pour les entraîner. Un complot qui consistaient à affaiblir l'ordre de l'intérieur, certainement pour l'empêcher de prendre part à la guerre actuelle contre le Roi Liche. D'autant qu'on a compris après coup que le traître était de mèche avec le Culte des Damnés. J'ai pu mettre la main sur le coupable qui s'est trahi en tentant de me réduire au silence car je posais trop de question. Et une chose en entraînant une autre... ben c'est moi qui ait dû le réduire au silence.

— Par légitime défense, je suppose ?

— Plutôt par accident mais je n'étais pas vraiment fier. Je devais le capturer vivant, pas faire justice moi-même. Et comme le coupable était officiellement un dignitaire de l'ordre et que je l'ai éliminé sur notre terrain, je savais que j'allais avoir des problèmes. Alors quand Fordring m'a convoqué dans son bureau, je m'attendais à me faire sévèrement sanctionner. "Je suis au courant de vos actions" le dit-il avec sa grosse voix. "Je vous ai accueilli dans les rangs, accorder la bénédiction, et qu'est ce que vous faites ? ... Vous nous débarrassez du traître que nous traquons depuis des semaines. Bravo. Vous nous prouvez votre valeur plus tôt que je ne l'avais prévu".

Elle ne saurait dire si c'était ce que Bathris lui racontait ou son imitation de Turion Fordring mais Gahahli ne put s'empêcher de rire.

— Un sacré numéro, ton bonhomme ! commenta-t-elle.

— Ouais, répondit l'elfe de sang d'un air soudain mélancolique. Si seulement mon peuple avait collaboré avec lui lors de la campagne de reconquête de Lordaeron, plutôt que... l'autre abruti que je ne nommerai pas.

— Les choses auraient été différentes, c'est sûr, approuva l'elfe de la nuit compatissante. Et tellement plus simples pour nous deux.

— Toujours est-il que ce fut suite à cette affaire que je fus promus chevalier de la Croisade à titre honorifique.

— Et donc, tu t'es rendu au Norfendre rien que pour m'annoncer la nouvelle ?

— Ah mais, je ne suis pas seul ! Mon nouvel ordre et moi-même venons tout juste de débarquer et d'établir notre premier campement. On n'est pas très loin, d'ailleurs. Si tu veux, je peux te faire visiter...

— PAR ELUNE !


Pendant que Bathris racontait sa vie, les deux elfes s'étaient a vagabonder dans les bois jusqu'à atteindre une plage brumeuse et en apparence désertique où traînaient d'imposantes carcasses de bateaux qui, à en juger par leur état, devaient dater de bien avant le début de la guerre contre le Roi Liche.

— Heu... Je peux t'assurer que ce ne sont pas nos bateaux, tenta de rassurer Bathris. On a débarqué plus à l'Est, dans le Fjord...

— Oublie les épaves ! s'impatienta Gahahli. Regarde plutôt les fantômes !

— Quelles fantômes ?

— Là, sur la plage !

Devant elle erraient par centaines et sans but des esprits d'humains, de nains, de gnomes et d'hauts-elfes. Des paysans, des fantassins et des cavaliers parmi les humains, des fusiliers, des canonniers et des chevaucheurs de griffons parmi les nains, des ingénieurs et des pilotes de gyroptère parmi les gnomes, ainsi que des mages et des prêtres parmi les elfes. Ils ne semblaient cependant pas agressifs, contrairement aux spectres servant le Fléau, ni se préoccuper de la présence des deux elfes ni du Sabre-de-nuit.

Cependant, seule Gahahli semblait les voir. Bathris et Jakua la regardaient avec des yeux ronds, incrédules.

— Mais, Lili, de quels fantômes tu parles ? lui demanda l'elfe de sang perplexe. Ce n'est qu'une plage vide et un cimetière de bateaux !

Elle serait donc la seule à voir les fantômes ?

— Ne vous fatiguez pas. Vous seule pouvez les voir.

Elle reconnut la voix du petit garçon qu'elle avait vue dans la caverne et eut aussitôt la réponse à sa question. Du moins un élément de réponse.

"Qui sont... Qui étaient tous ces gens ?" demanda-t-elle intérieurement.

— Certains faisaient parti de l'expédition de Muradin Barbe-de-bronze, lui répondit le garçon dans sa tête. Ce fut sur ces terres qu'ils croisèrent la route de notre "prince" et de son expédition. Ce qui a scellé leur destin.

"Les autres sont tous ceux qui ont suivis le prince depuis Stratholme jusque dans ces terres gelées pour combattre le Mal et sauver leur patrie. Tous étaient prêts à donner leur vie pour aider leur bien-aimé prince à mener à bien sa mission. À le suivre jusqu'au bout du monde. Ils croyaient en leur prince. Les pauvres. S'il savaient quel genre d'homme il était... Jusqu'où il était capable pour atteindre ses objectifs... Et comment il considérait la vie de ses hommes si loyaux...

"Qu'est ce qui leur est arrivé ? Qu'est-ce qui s'est passé ?"


Après des semaines de voyage maritime depuis Stratholme, elle avait enfin atteint le Norfendre.

Aussitôt débarquée, elle avait eu la surprise d'y retrouver un vieil ami, Muradin Barbe-de-bronze, frère du roi Magni de Forgefer, dirigeant une expédition naine dans le but de mettre la main sur une épée runique nommée Deuillegivre. Elle avait donc décider d'allier son expédition a celle des nains, jugeant que cela ne pouvait que lui être utile pour traquer et éliminer Mal'Ganis qui était encore introuvable.

Mais à peine ses hommes avaient-ils fini d'établir le campement qu'ils recevaient a visite d'un émissaire royal de Lordaeron, ordonnant à ses derniers d'abandonner l'expédition et de rentrer sur ordre du roi Terenas, lui même conseillé par Uther.

Folle de rage en recevant cet ordre, elle se sentait de nouveau trahie par ses proches et désemparée.

— Si mes guerriers m'abandonnent, je ne pourrais jamais vaincre Mal'Ganis, se plaignait-elke auprès de Muradin tandis que ses hommes commençaient à remballer leurs affaires.

Une seule solution s'offrait à elle :

— Il faut brûler les navires avant que les troupes n'atteignent le rivage.

— N'est-ce pas un peu excessif, mon garçon ? tenta de raisonner Muradin.

— Brûlés jusqu'au dernier ! répondit-elle sèchement, faisant fi des paroles du nain. Aucun ne doit rentrer tant que le travail n'est pas terminé.

Ses mots étaient dures et plus glaciales que le froid environnant, elle en avait conscience. Mais qu'importait ce qu'en pensait son père le roi ou Uther, il fallait que son expédition fût couronné de succès. Il en allait de la survie de Lordaeron, ainsi que de son honneur.

Il lui fallait cependant agir vite avant que ses soldats n'eurent fini de défaire le camp.

Elle partit donc en catimini et se rendit à un campement de mercenaires qu'elle avait localisé plus tôt. Ces mercenaires se composaient principalement de trolls des glaces, provenant certainement des tribus locales, ainsi que d'ogres et de gobelins, probablement des rescapés de la précédente guerre contre la Horde.

Elle parvinrent à convaincre les mercenaires de brûler les bateaux accostés le long de la côte, arguant qu'elle saura les récompenser s'ils effectuaient à bien cette tâche.

Le résultat dépassait ses attentes. Les mercenaires avaient mis le feu à tous les navires. Elle en fut en même temps satisfait car sûre de poursuivre sa traque et en même temps navrée de priver ainsi de ses hommes de moyen de rentrer chez eux.

Quand ses soldats, alertés par les fumées provenant des bateaux en flammes, atteignirent la côte, ce fut l'incompréhension et le désarroi.

Les mercenaires ayant accompli leur mission avec succès regagnèrent la rive trempés jusqu'aux os et épuisés.

Afin de sauver la face, elle avait rejoint ses hommes et ordonné l'exécution des mercenaires sur lesquels elle rejetait entièrement la faute.

Assistant au massacre, elle ne put s'empêcher de ressentir en son for intérieur de la culpabilité d'avoir menti autant à ses hommes qu'au mercenaires qu'elle venait de condamner à mort, de s'être ainsi joué de leur vie. Mais son égo répétait qu'elle agissait pour la bonne cause, que cela ne pouvait que requérir quelques sacrifices.

Les mercenaires éliminés, les soldats de Lordaeron n'en était pas moins désemparés. Leurs navires brûlés, ils pouvaient être sûrs de ne jamais revoir ni leur famille ni leur patrie même s'ils sortaient victorieux de cette expédition qui prenait de plus en plus des airs de mission suicide.

Elle tenta néanmoins de les encourager :

— Écoutez-moi tous ! Aucun de nous ne peut rentrer, sauf si nous sommes vainqueurs ! Ici nous n'avons d'autres choix que de vaincre ou mourir. Retournez à la base et reprenez votre poste.

Ces mots suffirent à convaincre ses hommes de retourner au camp ainsi qu'au poste qu'ils occupaient avant l'arrivé de l'émissaire, mais livrés à eux-mêmes, sans moyen de rentrer chez eux et avec aussi peu de chance d'en sortir vivant, le cœur n'y était pas davantage.

Qu'importe qu'il n'eurent pas le moral, tant qu'ils restaient à leur poste et suivaient les ordres ! songeait-elle.

Muradin, qui l'avait suivi tout du long, ne le voyait pas d'un bon œil. Fulminant de honte, il l'avait pris à part :

— Vous avez menti à vos hommes et trahis les mercenaires qui se sont battus pour vous ! Que vous arrive-t-il, Arthas ? La vengeance est-elle la seule chose qui comptent pour vous ?

— Épargnez-moi, Muradin, lui répondait-elle toujours aussi sèchement. Vous n'avez pas vu ce que Mal'Ganis a fait à la terre de mes aïeux.

À en juger par le regard désapprobation du nain, elle aurait beau justifié ses actes, cela ne suffirait pas à le convaincre. Peut-être avait-il raison, en fin de compte.

Seulement, elle avait fait tout ce voyage pour une raison et elle comptait bien y mener à son terme.

— Aidez-moi à récupéré l'épée runique dont vous m'avez parlé, demandait-elle au nain. Si elle est aussi puissante que vous le dites, cela pourrait faire pencher la balance de notre côté.

— Je n'aime pas beaucoup ça, mon garçon, lui confiait Muradin. Mais j'ai promis d'aller jusqu'au bout.


Lorsque Gahahli revint à elle, elle avait à nouveau le souffle coupé, le corps tremblant et dégoulinant de sueurs froides. Elle sentait également que des larmes avaient récemment coulés le long de ses joues. Ce fut comme à son réveil. Et si elle n'éprouvait pas une nouvelle et irrépressible envie de vomir, son estomac n'était pas moins noué.

Le choc d'être retourné à la réalité lui fit perdre l'équilibre et elle fut rattrapé de justesse par Bathris.

— Loué soit la Lumière, tu reviens à toi ! s'exclama l'elfe de sang plus que soulagé. J'ai si peur pendant un moment.

— Qu'est-ce que... Que m'est-il arrivé ? demanda l'elfe de la nuit déboussolé.

— Et ben... je comptais sur toi pour que tu m'expliques, lui répondit l'elfe de sang. Tu fixais cette plage vide d'un air horrifié en affirmant y voir des fantômes. Et d'un seul coup, tu étais... comme en transe.

Elle jeta un rapide coup d'œil aux alentours et constata qu'elle était toujours sur la plage où elle se tenait au moment de recevoir cette vision. Vision qui se situait sur cette même plage. Les épaves qu'elle voyait échouées devant elle était bien les bateaux qu'elle avait vu brûlés sur ordre d'Arthas par des mercenaires ogres et trolls. Elle ne voyait cependant plus les fantômes mais pouvait encore sentir leur présence, ainsi que leur désarroi d'avoir été trahi par leur prince.

Mais ce n'était ce qui la préoccupait le plus.

— En transe, tu dis ? demanda-t-elle à Bathris, gênée.

— Je te jure, t'avais les yeux révulsés, t'étais figée comme une statue et tu marmonnais des choses... J'ai pas tout compris. Aussi, t'avais les larmes qui voulaient... comme ça, comme si il y avait une fuite dans tes yeux. On n'avait très peur, on ne savait pas quoi faire, même Jakua ne savait plus où donner de la tête. J'avais beau te secouer, te crier dessus, te donner des baffes pour te sortir de ta torpeur, rien n'y faisait. J'ai d'ailleurs cru que t'étais sous l'emprise de quelque chose de mauvais et j'étais sur le point de t'exorciser quand t'es enfin revenue à toi. Et au fait, excuse moi pour la baffe.

Maintenant qu'il en parlait, l'elfe de la nuit sentit qu'effectivement sa joue lui brûler. Bathris avait dû la frapper assez fort pour que cela l'irritât mais pas assez heureusement pour lui faire décrocher la mâchoire ou lui casser une dent. Son Sabre-de-nuit, également soulagé, se précipita sur sa "partenaire" pour se frotter contre elle et lui lâcher le visage de sa langue râpeuse.

— Lili, la chérie, qu'est-ce qui t'arrive ? demanda soudain Bathris concerné.

Tandis que son regard plongeait dans celui préoccupé de l'elfe de sang, Gahahli comprit qu'elle ne pouvait plus lui mentir plus longtemps. Pas après qu'il l'ait vu en transe pendant qu'elle recevait une vision du passé. Elle se résout alors de tout lui raconter, au risque de passer pour une folle. Sa chute dans la caverne, sa découverte du cœur de glace, la sensation de lacération quand elle avait tenté de s'en emparer, l'apparition du petit garçon que personne ne pouvait voir à part elle, la présence maléfique qu'elle avait ressenti peu après et maintenant ces visions. Ces visions où elle revivait les exactions d'Arthas.

— Je... cette nuit, je l'ai vu quand il a purgé Stratholme, balbutia-t-elle. Je l'ai vu massacré ces pauvres gens, sans distinction. Pire, "j'étais" Arthas.

— T'es sûre ? lui demanda Bathris confus. T'es sûre que tu n'étais pas simplement spectatrice de la scène ? Parce que ça m'est arrivé aussi, je te rappelle, de revivre les pires souvenirs d'un prince qui a mal tourné...

— Non ! insista l'elfe de la nuit. Je me voyais ordonner l'extermination et m'embrouiller avec ceux qui discutaient mes ordres... enfin ses ordres à lui. Je ressentais ce qu'il ressentait, sa colère, sa peine, sa haine grandissante, son désir de vengeance et même les remords qu'il refoulait.

— Ah parce qu'il avait des remords, le bougre ? demanda l'elfe de sang sceptique. Intéressant...

— Et ce n'est pas tout ! Je ressentais également ce qu'il éprouvait à l'égard de Jaina, d'Uther et de Muradin. Or, hormis Jaina, je n'ai jamais connu ces gens de leur vivants. Et n'ai éprouvé de sentiment aussi intime à l'égard de Jaina. Et pourtant ce fut comme si je les connaissais depuis ma tendre enfance.

— Et maintenant, tu vois des fantômes ?

— Pas seulement... Je l'ai vu mettre le feu à ces bateaux là-bas. Il a enrôle des mercenaires pour le faire... avant de les trahir en leur faisant porter le chapeau . Tout ça our empêcher ses hommes de rentrer chez eux alors qu'ils en avaient reçu l'ordre. Ils croyaient tous en lui... et il s'est servi d'eux... comme il s'est servi des mercenaires...

Gahahli fut empli d'indignation. On lui avait parlé des exactions d'Arthas commis dans les royaumes de l'Est, avant comme après son séjour au Norfendre mais personne ne savait exactement ce qui s'était passé sur ces terres gelées pour qu'il passât à l'ennemi. Et voilà que l'elfe de la nuit recevait des visions lui indiquant ce qui s'y était passé. Elle ne pouvait que constater le radicalisme du prince félon.

— Et encore ! intervint le petit garçon désincarné. Il n'a pas encore basculé dans les ténèbres à ce moment là.

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