Un monde de glace
Une fois sortis du village, les mercenaires de la Horde prirent la route vers leur bastion fortifiée tout en les laissant prendre aux aventuriers de l'Alliance le chemin vers le leur.
À nouveau, les deux groupes se séparaient après avoir coopéré et unis leurs forces contre un ennemi commun.
Pour Brotar et les deux trolls, il était temps. Plus ils passaient du temps en compagnie de leur homologues de l'Alliance, moins ils le supportaient. En particulier Brotar qui voyait en cette collaboration avec "l'ennemi" un déshonneur.
D'autant que l'elfe de la nuit leur avait laissé une mauvaise impression, leur faisant croire que l'autre groupe comptait une timbrée dans leur rang.
De son côté, Sonulia était surtout soulagé de ne plus avoir le paladin dans ses pattes, lui qui n'avait pas cessé de lui faire du gringue.
Seul Walkyro trouvait les aventuriers de l'Alliance sympa malgré tout mais n'osait l'avouer face à la majorité. Il songeait le secrètement qu'ils devraient collaborer plus souvent, tellement ils étaient efficaces quand ils unissaient leurs forces.
Leur retour au Marteau d'Agmar, avec en leur possession la tête décapitée d'Anub'arak en témoignage de leur victoire sur les nérubiens d'Azjol-Nerub, fut triomphal. Tout le bastion fut en effervescence et on décida d'organiser un banquet pour célébrer cette victoire.
On envoya également des coursiers du vent pour prévenir les Taunkas délogés et réfugiés aux quatre coins du continent qu'ils allaient bientôt retrouvé leur village.
Et contre toute attente, Baorekh et Sonulia qui n'étaient pas de l'expédition à la base, seulement par accident, décidèrent de passer la nuit au bastion.
— Il se fait tard et on n'est trop fatigué pour regagner Vexevenin dans l'immédiat, se justifia le sorcier-troll.
— Et puis il aurait fallu faire une partie de la route avec ceux de l'Alliance, ajouta amèrement l'elfe de sang. Et j'ai eu ma dose !
— Sans compter qu'on a un peu faim, alors autant en profiter !
— Alors vous allez nous quitter ? demanda Turakh légèrement contrarié.
— Demain à l'aube, petit frère !
— Tu disparais durant des mois et à peine tu refais surface, c'est pour repartir aussitôt ? s'indigna le chasseur troll.
— Qu'est-ce que tu croyais ? l'interrogea Baorekh. Qu'on ferait équipe jusqu'à la fin de nos jours ? Juste parce qu'on est frères ? Je vis ma vie, petit frère ! Et tu devrais en faire autant ! On n'est plus des bébés, que je sache !
— Dites... Vexevenin, c'est une base de Réprouvés, intervint Walkyri suspicieux. Que comptez vous faire là bas.
Le sorcier troll fut sur le point de répondre que ce n'était pas leurs oignons mais Sonulia le prit de vitesse :
— Disons qu'on espère y retrouver Morpsev et qu'il nous doit des explications. Avant on faisait équipe mais en ce moment, il nous fait de plus en plus défaut.
Le banquet eut lieu sur la place centrale du bastion et la victuailles coulait à flot.
Mais cette effervescence générale cachait une ombre de zizanie.
Peu de temps avant le début des festivités, Brotar et ses comparses furent chargé de prévenir leur chefs que la fête allait commencer.
En effet, durant leur absence, des seigneurs de guerre comptant entre autres Garrosh Hurlenfer et Varok Saurcroc s'étaient réuni dans la salle du conseil pour parler stratégie militaire.
Les mercenaires surprirent donc une querelle impliquant Varok insistant qu'ils manquaient encore de ressources et d'effectifs pour prendre d'assaut la Couronne de Glace sans risquer le casse-pipe et Garrosh suggérant d'y remédier en s'emparant des bastions de l'Alliance.
Une décision que seul Brotar semblait approuver.
— Ainsi le fils prodigue a parlé, commenta Varok avec sarcasme. Je reconnais là le sang de votre père. Toujours aussi impatient... Et irréfléchi. À foncer tête baissée dans des batailles sans réfléchir une seconde aux conséquences.
— Ne me parlez pas de conséquences, vieillard ! protesta Garrosh.
— J'ai bu le même poison que votre père, Garrosh. Le sang maudit du démon Mannoroth a également coulé dans mes veines. J'ai commis d'innombrables massacres sous son influence. Et bien que Grom nous ait libéré de cette malédiction au prix de sa vie, cela n'a pas suffit à effacer le souvenir de notre passé sanglant ni les horreurs que nous avons commis. Et ces souvenirs nous hantent encore.
" Chaque fois que j'entends nos fermiers d'Orgrimmar égorger des gorets, cela me renvoie aux cris des enfants draeneï que mes frères d'armes et moi même avons massacré. Nous étions peut-être sous l'influence de Légion, mais ces cris... Ça ne s'oublie pas...
— Vous me parlez de ces marmots comme s'ils étaient né dans l'innocence alors qu'en grandissant ils auraient pu prendre les armes contre nous !
— Je ne parle seulement des enfants de nos ennemis...
Sentant la tension monté, Walkyro fut obligé d'intervenir et de faire irruption dans la pièce pour leur avertir que le banquet allait commencer.
— Je vous remercie, soldat, répondit respectueusement Varok.
En quittant la pièce, celui-ci prit toutefois soin d'avertir Garrosh :
— Je ne vous laisserai pas sombrer sur le même chemin que votre père, jeune Hurlenfer. Je veillerai à ce que cela ne se reproduise pas.
— Comment avez-vous pu vivre aussi longtemps, Saurcroc ? l'interrogea Garrosh avec dédain. Sans être victime de vos propres souvenirs ?
Le vétéran de guerre fit une longue pause avant de répondre avec dégoût :
— Je ne mange pas de porc.
Cette scène avait jeté un froid sur les trois mercenaires tandis que leurs frères d'armes se délectait des victuailles. Alors qu'ils étaient les héros du jour.
Seule Sonulia mangeait à l'écart, ayant pour habitude de festoyer ainsi, se contentant d'une assiette de saumon et d'un thé à la menthe tout en polissant ses sabres
Le tauren et le troll tentaient de faire comme si de rien était en imitant leur voisin de table. Brotar quant à lui touchait à peine à sa nourriture.
— Non mais pour qui il se prend, celui là ? pesta-t-il en plantant rageusement son couteau dans son gigot.
— De qui ? demanda Turakh.
— De ce vieux fossile de Saurcroc, tiens ! répondit l'orc. Comprend pas qu'on l'ait pas banni de la Horde, lui avec ses "remords" et prêchi-prêcha.
— Il ne faisait que parler d'expérience, tenta de calmer Walkyro. C'est pour cette raison que Thrall l'a nommé pour guider...
— Ne te fatigue pas, va ! l'interrompit le chasseur troll. Dés que quelqu'un s'embrouille avec son idole, il s'en fait un ennemi personnel.
— Garrosh n'a pas besoin qu'on le guide ! s'impatienta Brotar. Il EST le guide !
— Qu'est-ce que je te disais !
— Il n'est pas comme ce pacifiste de Thrall ni comme cette chiffre molle de Saurcroc ! insista l'orc. Lui, il voit grand ! Lui, il pense action ! Lui, il ne s'embête pas avec la morale ou les sentiments, que des trucs de tapette ! Il est le chef de guerre qu'il nous faut ! Celui dont la Horde a besoin ! Vous êtes juste trop bêtes pour le voir !
— Mais épouse-le, au bout d'un moment ! s'énerva Baorekh qui, soûl, avait écouté d'une oreille distraite depuis l'autre bout de la table. Sérieux, à t'entendre, on croirait que t'es amoureux ! Et puis qui te dit que c'est lui le chef qu'il nous faut et pas un autre ?
— Il est le fils de Grommash Hurlenfer, par ma hache ! s'impatienta Brotar. Et plus que ça, il en est le digne héritier ! Même cette lavette de Saurcroc l'a reconnu ! Je vous prie même qu'il en tremble de peur !
— Et ben laisse moi te dire un truc ! l'averti le sorcier troll. Si Garrosh est bien le fils de son père comme tu dis et qu'un jour il prenait la tête de la Horde, moi je la quitte !
L'avertissement de Baorekh jeta un froid encore plus glacial sur ses compagnons d'armes.
— Quitter la Horde ? répéta Turakh incrédule. Frérot, t'es pas sérieux !
— Dois-je considérer cela comme de la désertion ? interrogea Brotar d'un ton menaçant. De la trahison ?
— Prends ça comme tu veux, mais je te rappelle que je ne garde pas un bon souvenir de ton vénéré chef, se justifia le sorcier-troll. Et je n'ai pas envie de revivre la même expérience.
— Tu oses insulter sa mémoire ? En ma présence ? Une fois de plus ?
— Et je le cogné de ce que disent tes semblables à son sujet ! Il vous a peut-être libéré des démons mais je rappelle que c'est lui qui vous a condamné, lui compris, à leur influence. Même que ce n'était pas la première fois. Et qu'il a quand même agi en connaissance de cause. Ton soi-disant "héros" a failli mener ta Horde à sa perte et l'a fait délibérément.
Pour Brotar, ce fut la goutte qui faisait déborder le vase.
De rage, il se saisit de Baorekh par le col de sa robe, le souleva et le plaqua sur la table avec une telle violence qu'il renversa tout ce qui était dessus.
Le sorcier troll se débattit comme il put mais il n'avait pas la force physique de l'orc qui tentait de l'étrangler et arriva à peine à lui griffer le visage.
Turakh tenta d'intervenir pour aider son frère en se mettant sur Brotar mais celui-ci le renvoya d'un coup de coude dans les défenses, en brisant une au passage.
Walkyrie fut tellement terrifié et déconcerté par la scène qu'il en fut tétanisé et n'osait intervenir.
Contre toute attente, ce fut Dranosh Saurcroc qui dut intervenir et fut en mesure de séparer les bagarreurs.
— Ça suffit, tous les deux ! s'écria-t-il.
— Cet ur'gora a insulté la mémoire de Grommash ! se défendit Brotar.
— Et lui traite ton père de mauviette ! se défendit Baorekh.
— Je ne veux rien savoir ! les gronda Dranosh. Vous êtes a l'honneur de ce banquet et vous la gâchez avec vos querelles intestines ! Alors que nous sommes toujours en guerre contre le plus redoutable ennemi qui existe sur cette terre ! Il y a-t-il quelque chose que vous ne comprenez pas dans "l'union fait la force, la division la faiblesse" ?
— Non mais t'y crois ça, toi ? se plaignit Turakh que Walkyro aidait à se relever. J'ai survécu aux murlocs, à l'Alliance, à des démons, des dragons, des morts-vivants, des géants ainsi qu'à des trolls ennemis sans une égratignure. Et voilà que je me retrouve avec une défense fendue à cause d'une stupide embrouille !
— J'espère que t'es content ? s'indigna Baorekh. T'as défiguré mon frangin !
— Tu veux peut-être en venir au mak'gora pour venger son honneur ? suggéra Brotar d'un air menaçant.
Tout le monde retint son souffle à l'évocation de ce terme. Le mak'gora signifiait "duel d'honneur" en langage orc. Et selon les règles établit par les participants, il pouvait aller jusqu'à la mort.
Toutefois, le sorcier troll ne broncha pas. Il semblait même accepter le défi avec plaisir.
— Si c'est le seul moyen de t'enseigner l'humilité et le respect, alors je suis ton troll...
— Non-non, frérot, ne te donne pas cette peine ! s'empressa d'intervenir Turakh. Pas pour moi ! T'en fais pas pour ma défense, je vais m'en remettre !
— Et pourquoi pas ? se défendit Baorekh. Je suis un sorcier-docteur, lui n'a que du muscle et rien dans le crâne. Je peux me le faire quand je veux...
— Sauf si d'un commun accord vous décidez que le duel se fasse à mains nues et sans magie, tenta de le raisonner son frère. Et tu sais qu'il ne retient jamais ses coups. Alors sois pas idiot !
— Mettrais-tu mes aptitudes au combat en doute ? le questionna le sorcier-troll.
— Excuse moi de m'inquiéter pour le seul membre de ma famille qui me reste ! se défendit le chasseur troll.
— Personne ne combattra personne ! intervint Walkyro avec impatience et en frappant fermement le sol de son sabot. N'avez vous pas entendu Dranosh ? Nous avons une guerre sur les bras ! Et l'union fais la force, la division la faiblesse ! Alors ce n'est pas le moment de s'embêter avec des duels d'honneurs qui ne ferons que nous diviser et nous affaiblir davantage, bon sang de bois !
— Sages paroles, mon ami ! le complimenta Dranosh. Mais cela ne suffit pas à résoudre le problème ! Ton attitude ce soir déshonore la Horde, Brotar ! En tant que supérieur, je devrais te sanctionner pour ça !
— Alors comme ça vous vous liguez tous contre moi ? s'indigna Brotar. Dans ce cas, laissez-moi vous faciliter la tâche.
Il prit alors ses affaires et quitta le fort avec Croc-sanglant, sa monture lupine. Pour lui, il n'était pas question de rester une seconde de plus entouré de lâches, de traîtres à la "vraie Horde" et de ur'gora — "pas d'honneur" en langage orc et la pire insulte qu'ils pouvaient employer. Il irait donc combattre le Fléau seul si cela lui chantait.
Son départ laissa ses compagnons d'armes dans le désarroi, à l'exception de Baorekh qui semblait plutôt s'en moquer :
— Tu parles d'un guerrier ! Ça te sermonne à propos de l'honneur et de la bravoure mais quand vient le moment de répondre de ses actes, ça se tire la queue entre les jambes.
Avec Croc-sanglant pour seul compagnie, Brotar erra dans les terres gelés de la Désolation ruminant sa frustration et l'humiliation dont il était la victime.
Dire que cinq minutes plus tôt, il était traité en héros pour avoir amené la tête d'un des lieutenants les plus redoutables du Roi-Liche et maintenant on l'accusait d'avoir déshonoré la Horde. Alors qu'il avait combattu toute sa vie en son nom.
Tout ça parce qu'il s'était entouré d'abrutis qui ne comprenaient rien à rien.
Mais il ne perdait pas espoir. Il jura qu'un jour, ces mêmes abrutis finiraient par comprendre et seraient obligés de lui cirer les bottes. Un jour viendrait où les faits lui donneraient raison et où la Horde qu'il avait tant chéri retrouverait enfin sa grandeur perdue depuis que Thrall avait pris la tête en tant que chef de guerre.
Il attendrait ce jour avec impatience.
Et si ses soi-disant frères d'armes refusaient de reconnaître, alors il en ferait une affaire personnelle.
Heureusement qu'il avait encore Croc-sanglant pour lui tenir compagnie. Le loup au moins le comprenait et le respectait — de moins, il ne remettait pas en doute son opinion. Sans se l'avouer, l'orc commençait à s'y attacher. D'autant que juché sur son dos, il l'avait l'impression d'être un guerrier légendaire.
L'orc fut tellement absorbé par ses pensées qu'il ne s'était pas aperçu que lui et son loup géant s'étaient aventuré dans un réseau de crevasses. Et le temps qu'il s'en rendit compte, il se sentit comme dans un labyrinthe de glace.
Il songea à rebrousser chemin quand une silhouette lui barra la route. Il s'agissait d'un chevalier en armure noire, juché sur un cheval squelettique et dont les yeux brillaient sous son heaume à cornes. Un chevalier de la mort.
— Écarte-toi de mon chemin, raclure ! le défia Brotar avec témérité. Où tu gouttera de ma hache !
Même son loup, ayant vraisemblablement senti le danger, grognait et montrait les crocs en fixant l'individu du regard.
Face aux menaces de l'orc et de sa monture, le chevalier ne broncha pas. Sans quitter son adversaire du regard, il dégaina lentement sa lame runique, comme un signe de défi.
— Tu l'auras voulu ! s'écria l'orc en brandissant sa hache. Lok-tar ogar !
Il chargea alors sur sa monture lupine prête à déchiqueter l'adversaire. Mais celui-ci ne broncha toujours pas. Il resta impassiblement immobile tandis que l'orc et son loup approchaient à tout allure.
Puis au dernier moment, le chevalier de la mort leva son épée runique vers le loup géant de manière à ce que sa lame se planta dans l'encolure de la bête qui s'y empalait.
Le choc fit vaciller et tomber Brotar de sa monture prise de spasmes.
Puis le chevalier retira lentement sa lame de la bête qui s'écroula sans vie. Cette vision brisa le cœur de l'orc — un sentiment auquel il n'était loin d'être familier.
— Croc-sanglant ! s'écria-t-il empli de colère. Espèce d'enfoiré ! Tu vas me le payer !
Toujours impassible, le chevalier de la mort leva sa lame au ciel et celle-ci brilla de milles feux. Aussitôt, une horde de squelettes, de goules, de geists et autres zombies s'extirpèrent du sol enneigé et encerclèrent l'orc, titubant pour certains, rampant ou bondissant pour d'autres.
Brotar se retrouva très vite entouré d'une cinquantaine de morts-vivants prêts à lui arrachait les boyaux à mains nues mais ne broncha pas pourtant." Un orc ne connait pas la peur " se répétait-il. "Seulement celle qu'il inspire. "
— Vous croyez m'impressionner ? clama-t-il en défiant ses adversaires. Chez moi en m'appelle le "Casse-Goule".
Puis les assaillants morts-vivants chargèrent. Les goules étant les plus rapides et les geists étant les plus agiles, ils furent les premiers à atteindre l'orc... Et à goûter de sa hache.
Malgré ses efforts pour repousser les assaillants, Brotar se retrouva vite submergé leur nombre, subissant de toutes part leurs griffures et leurs morsures.
Mais il ne fléchit pas pour autant. Toute sa vie il avait appris à supporter la souffrance. Il y avait même été entrainé dés son plus jeune âge. Tant et s'y bien qu'il fut déjà solide comme un roc quand l'Alliance avait réduit son peuple à l'esclavage suite à leur défaite lors de la Seconde Guerre. Les attaques de morts-vivants n'étaient que des chatouilles pour lui.
Malgré les coups qu'il subissait, il parvint à réduire le nombre de ses adversaires de moitié. Mais la fatigue le guettait dangereusement. Si seulement ces prétendus compagnons d'armes ne l'avaient pas laché, il ne serait pas en si mauvaise posture.
Il en oublia même la présence du chevalier de la mort qui en profita pour se glisser derrière lui et le transperça de sa lame runique au niveau des reins.
Avant de comprendre ce qui lui arrivait, l'orc eut la sensation qu'un stalactite de glace lui avait traversé l'abdomen et dont la froideur se répandait dans tout le corps telle une gangrène.
Quand son ennemi retira sa lame, Brotar sentit son énergie se dérobait avec la lame et s'écroula sur le sol de glace. Il rassembla le peu d'énergie qui lui restait pour se remettre sur le dos et appuyer de ses mains sur la plaie sur son ventre. Et son corps continuait de se refroidir, comme s'il était en train de se changer en glaçon.
Le chevalier de la mort s'agenouilla auprès de sa victime agonisant. Derrière son heaume, on pouvait deviner un sourire sadique.
— Œil pour œil, dent pour dent ! murmura-t-il sous son heaume.
— On... On se connait ? demanda l'orc qui avait à peine la force de parler.
Pour toute réponse, le chevalier retira alors son heaume, révélant le visage de Troustan Hauvent, toisant sa victime d'un air hautain.
Sans dire le moindre mot, n'ayant plus la force de bouger les lèvres, Brotar demeura perplexe. Depuis qu'il avait pris les armes, il en avait tué des humains. Peut-être avait-il effectivement croisé la route de celui-ci avant de l'envoyer manger les pissenlits par la racine. Mais il était incapable de se remémorer où et quand. D'autant qu'il avait une très mauvaise mémoire des visages de ses ennemis qu'ils fussent humains, nains ou elfes, seulement des cicatrices qu'il leur avait laissé. À ses yeux, ils ressemblaient tous.
Comme pour répondre à son silence, Troustan lui planta à nouveau sa lame, cette fois dans le creux de l'épaule. La douleur fut plus fulgurante que la précédente, assez pour ranimer l'orc entre la vie et la mort. Ce n'était plus de la froideur qu'il ressentait, c'était de la brûlure.
— Tu ne te rappelles peut-être pas de moi, mais en ce qui le concerne, je n'oublierai jamais le visage de celui qui m'a laissé pour mort, murmura le chevalier avec haine.
— Je... Je ne vois... Toujours pas, marmonna faiblement Brotar.
— Alors laisse moi te rafraichir la mémoire ! rétorqua Troustan en tournant sa lame dans l'épaule de l'orc qui souffrait le martyr. Le débarquement en Kalimdor, ça te dit quelque chose ? Mes hommes venions à peine de monter notre campement quand toi et tes larbins à peau verte nous sommes tombés dessus. Vous étiez à dix contre un, seul la moitié d'entre nous était armée et nous étions tous épuisé après avoir traversé l'océan. Et malgré ça, vous nous avez massacré jusqu'au dernier. Sans nous laisser une chance de nous rendre. Et toi, tu m'as laissé à l'agonie comme un vieux rat, sans prendre la peine ni avoir la décence de m'achever. Cela te revient à présent ? Parce que j'ai la ferme intention de t'infliger la même chose mais en pire. En dix fois pire.