Un monde de glace

Chapitre 11 : À la découverte du Norfendre

4309 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/07/2023 23:28

Le voyage en mer fut plus long que convenu.

Pour cause, le bateau brise-glace transportant les cinq aventuriers de l'Alliance avait à peine passé les Îles Brisées qu'il fut prit dans un épais brouillard et perdit ainsi la trace du reste de la flotte. Pour ne rien arranger, le navire s'était aventuré trop à l'ouest du trajet prévu, vers le centre de la Grande Mer où grondait le puissant Maelstrom. Il s'en était fallu de peu pour que l'équipage et le groupe d'aventuriers ne furent entraînés vers les profondeurs d'Azeroth. Par chance, ils avaient pu frôler la catastrophe mais ils se retrouvèrent plus isolés que jamais dans ce vaste océan.

Les jours passèrent sans que le groupe ou l'équipage ne vît l'ombre d'une terre à l'horizon. Tout le monde à bord du navire commençait à trouver le temps long.

Même Gahahli, bien qu'habituée aux voyages en mer et sachant comment gérer le mal de mer se sentait nauséeuse à mesure que le voyage s'allongeait. Pourtant, depuis qu'ils avaient échappé au Maelstrom, l'océan était plutôt calme.

Ils n'eurent pour seul compagnie que les baleines dont les chants et les souffles résonnaient au loin sans que qui que ce soit pût les repérer.

Puis le brouillard se dissipa enfin, faisant place à un océan constellé d'icebergs de la taille d'une maison. Plus loin au nord se dessinaient à l'horizon les contours d'une terre. Certainement le Norfendre. Le groupe était finalement sur le bon chemin.

Et au vue du nombre et de la taille des icebergs, ce fut une bonne chose que l'Alliance avait envoyé des brise-glaces pour l'expédition.


Ils eurent à peine le temps de crier victoire qu'ils aperçurent des tortues de mer géante émerger de l'océan en s'en allait à leur rencontre. Plus étonnant, elles transportaient sur leur carapace des êtres humanoides à tête de morse, trapus, vêtus de vêtements tribals en fourrure et tous armés de harpons.

Par chance, ces êtres qui se faisaient appeler les "roharts" n'avaient aucune intention belliqueuse. Au contraire, ils étaient venus se proposer d'escorter le navire jusqu'à bon port.

— Il faut bien, expliqua celui qui semblait être leur chef et s'était embarqué sur le bateau pour établir le contact. Ces eaux ne sont plus sûres depuis que le "Dieu de la Mort" est sorti de sa torpeur.

— Le "Dieu de la Mort" ?

— Celui que vous appelez le "Roi Liche". Jadis, nous pêchions et chassions la baleine dans ses mers. Néanmoins, on pouvait avoir la malchance de tomber sur des kvaldirs, nos ennemis héréditaires.

— Qui ?

— Les kvaldirs ! Les esprits de guerriers vrykuls damnés, écumant les eaux et les côtes du Norfendre pour le compte de leur déesses des Enfers.

— Et qui sont ses vrykuls ? demanda Baelbo un peu inquiet.

— Des géants qui vivent sur le continent, répondit le rohart. Des guerriers redoutables naviguant sur des drakkars et chevauchant des proto-dragons. Ils ressemblent un peu à votre ami à grosse barbe mais en beaucoup plus grands. Et malheureusement, certains ont prêté allégeance à celui qu'ils appellent le "Dieu de la Mort", se sont enhardis dés lors. De même que les kvaldirs.

Les aventuriers furent perplexes face aux propos de l'homme-morse. Des géants qui avaient prêté allégeance au Roi Liche, chevauchaient des "proto-dragons" et dont les esprits hantaient et écumaient les eaux où ils naviguaient en ce moment même. Rien de rassurant, eux qui ne s'attendaient qu'à affronter une horde de morts-vivants.

— Tout ça pour dire que votre présence sur ces terres est une providence pour nous, reprit le rohart. Ainsi vous nous aiderez à venir à bout de ce Fléau mort-vivant qui nous menace tous.

— C'est un peu la raison de notre venue, après tout, rétrrorqua Batël.

— Vous et vos amis à peau verte, j'imagine, repris le rohart.

— À "peau verte" ? demanda le gnome. Vous ne voulez pas dire...

— Ceux qui arrivent au bord de bateaux volants avec un ballon, expliqua le rohart. Tenez ! Il y en justement un qui passe au dessus de nous à l'instant.

Les aventuriers virent précisément très haut dans le ciel un zeppelin de la Horde émerger de la brume et se dirigeant vers le Norfendre. À la vue de l'engin, il était clair que l'Alliance allait une fois de plus devoir faire équipe avec la Horde pour venir à bout d'un ennemi commun. Au grand désarroi des aventuriers.

— Vous pensez que nos "amis" de la Horde, ceux avec lesquels nous avons combattu en Outreterre, sont à bord de cet engin ? demanda Ouladre.

— Ce serait bien notre veine si nous devions à nouveau faire équipe avec ces hurluberlus ! grommela le gnome. Comme si on n'avait pas assez d'ennuis comme ça.

Gahahli quant à elle était plus intrigué par les tortues de mer géantes qui nageaient aux côtés du brise-glaces comme pour les protéger d'une éventuelle attaque maritime et servaient vraisemblablement de bateaux de pêche pour les roharts. Elle demanda à leur chef :

— Dites donc, ces tortues de mer...

— Magnifiques, n'est-ce pas ? Elles sont notre plus grande fierté.

— Sans doute mais... Est-ce que par hasard vous n'auriez pas une qui aurait... La taille d'une île ?

— "La taille d'une île" ? répéta le chef Rohart en éclatant de rire. Mais que ferez vous donc d'une tortue de cette taille ?

— Euh... Rien mais... Il m'est arrivée d'en apercevoir une en pleine mer et je me demandais juste...

— Ma petite dame, je connais cette histoire de tortues assez grande pour être prise pour une île, l'interrompit l'homme-morse. Mon grand père me l'a raconté. Et son grand-père le lui a raconté avant lui. Mais ce n'est qu'une légende. Une tortue de cette taille ne peut existé. Et même si c'était le cas, il nous serait impossible de la dresser et de la piloter. Les nôtres ne sont déjà pas faciles.


Quelques heures plus tard, ils arrivèrent en vue du port fortifié du Donjon de la Bravoure, situé sur la côte sud-est de la Toundra Boréenne et qui semblait encore en construction. Les roharts retournèrent à leur tortues marines et s'en allèrent pêcher plus loin dans les eaux glacées et constellées d'icebergs.

— Ils ont eu le temps de construire tout ça ? demanda Gahahli impressionnée par les fortifications du port. Depuis notre départ de Hurlevent ?

— Ne sois pas stupide ! lui répondit Batël. Ces constructions doivent dater d'avant la récente invasion du Fléau. Au moins pour pouvoir surveiller ses activités après la seconde guerre.

— Mais je croyais que le Norfendre était le continent le plus hostile et inhospitalier de tout Azeroth, se défendit l'elfe incrédule.

— Ça l'est, lui rétorqua le nain. Mais personne n'a dit que c'était inhabitable pour autant.

Le brise-glace à peine amaré au port, les aventuriers débarquèrent sans plus tarder du bâtiment , trop impatients de retrouver le plancher des vaches après tant de temps en mer, et se frayèrent un chemin sur le port grouillant de soldats et d'autres aventuriers-mercenaires venus en découdre avec le Roi Liche. Ils vinrent de ce pas se présenter au donjon, devant le généralissime Bolvar Fordragon, occupé à donner des instructions à ses subalternes dans la salle de conseil de guerre.

— Et bien, vous en avez mis du temps ! leur fit remarquer Bolvar légèrement amer. Je commençais à croire que vous nous aviez fait faux bond.

— Veuillez nous excuser, seigneur Fordragon ! s'empressa de s'excuser Bartelo en posant servilement le genou à terre. Notre bâtiment s'est égaré en cour de route. Nous avons échappé de peu au Maelstrom et des hommes-morses avaient eu la bonté de nous guider jusqu'à bon port.

— Repos, paladin, lui rétorqua le généralissime. Pendant que vous cherchiez notre chemin, nous avons subi une tentative d'invasion des nérubiens du Fléau ainsi qu'une infiltration du Culte des Damnés dans nos rangs. Pour ne rien arranger, la Preste mort-vivante vient de frapper les fermes de Comté-loitaine, au nord du port, qui devrait nous fournir les provisions pour notre croisade. J'ai déjà mis les hommes sur le coup et nous avons pu déjoué à temps les attaques du Fléau, mais votre soutien aurait été la bienvenue si vous ne vous étiez pas perdus en mer.

L'elfe de la nuit serra le poing face aux reproches de l'ancien régent de Hurlevent alors qu'ils venaient d'expliquer la raison de leur retard qui ne dépendait en rien de leur volonté.

— Quels sont vos plans ? osa demander le nain.

— Pour le moment, notre priorité est de sécuriser la zone, répondit Bolvar en leur désignant le plan de la région. Heureusement que nous ne sommes pas seuls. La Horde a établi sa base au nord-ouest d'ici, le Bastion Chanteguerre. Ce serait un certain Garrosh Hurlenfer qui dirigerait les opérations depuis cette base.

— Garrosh... Où ai-je déjà entendu ce nom ? demanda Baelbo pensif.

— Nous avons dû le... "croiser" à la Citadelle des Flammes Infernales, répondit Ouladre. C'est le fils du légendaire Grommash Hurlenfer.

— Grommash avait un fils ? demanda Gahahli d'un ton qui trahissait son amertume.

Elle avait gardait un souvenir cinglant dudit orc non seulement pour avoir été sa première introduction à son espèce mais surtout pour avoir mené l'assaut sur son village natale et l'avoir vu sauvagement massacré ses habitants. Et ce peu de temps après avoir volontairement et de son propre chef absorbé du sang de démon, ayant ainsi agi pour le compte de la Légion Ardente. La jeune elfe frémissait de rage à la simple évocation de son prénom, du nom "Hurlenfer" ou du clan orc qu'il dirigeait de son vivant, les Chanteguerre. Jamais elle n'oublierait le regard empli de haine dudit orc, brandissant d'une main une hache de guerre de sang, tenant de l'autre des têtes d'elfes décapités par les cheveux. On avait beau lui dire qu'il s'était racheté et avait libéré son peuple de la soumission de la Légion au pris de sa vie, pour elle le mal était fait et n'en gardait le souvenir d'un boucher impitoyable. Selon elle, l'orc n'aurait jamais dû boire aussi volontairement le sang du démon en premier lieu — chose qui serait indigne d'un guerrier clamant avec fierté "Force et honneur" — et n'aurait pas eu à se racheter quitte à le payer de sa vie.

Et maintenant elle apprenait qu'il avait un fils.

— Par curiosité, que sait-on exactement sur ce... Garrosh ? se risqua-t-il le de demander.

— Rien qui devrait nous préoccuper pour le moment, lui répondit Bolvar.

C'était loin d'être satisfaisant pour la jeune elfe de la nuit. Elle ne put qu'espéré (sans trop y croire) que le fils ait plus de jugeote et de décence que son père, qu'il leur poserait moins de problème à l'avenir. Mais comment en être sûr ? Après tout, la pomme ne tombe jamais loin de l'arbre.

— Le fait est qu'une fois nous aurons sécurisé la Toundra, nous avancerons vers la Désolation des Dragons, à l'est, reprit Bolvar. Et ainsi, nous serions au plus près du bastion de notre ennemi : la Couronne de Glace.

— Et au plus prés de la Mort, je le crains, intervint une voix que les aventuriers reconnurent entre milles.


En se retournant, ils reconnurent Harrina Corbeau-noir, se sentant seul sur le seuil de la salle. Étant une de ses plus vieilles connaissances, Baelbo fut le premier à se précipiter sur la jeune magicienne aux cheveux auburn pour la serrer dans ses bras — au vu de sa taille, il ne pouvait qu'éteindre ses cuisses. Cela amusa ses compagnons qui de mémoire savaient que le gnome n'avait pas toujours été en bon terme avec la magicienne humaine du temps où ils résidaient tous les deux à Dalaran... avant sa destruction par le Fléau et la Légion Ardente. À présent, ils avaient l'air de s'entendre comme larron en foire.

Puis ce fut au tour d'Ouladre d'accueillir chaleureusement la magicienne, le draeneï ayant eu l'occasion de faire sa connaissance bien avant d'intégrer le groupe.

Puis à son tour, Gahahli échangea une accolade tout se qui avait de plus cordiale avec Harrina, n'étant pas mécontente de retrouver une connaissance dans un lieu aussi éloignée. Cependant, elle ne put s'empêcher de scruter les alentours, sachant pertinemment que depuis qu'ils avaient fait connaissance, son père traînait sans cesse avec la jeune magicienne et s'attendait par conséquent de voir ce dernier surgir à tout moment dans la pièce... En vain.

— Mon père va bien ? demanda-t-elle doucement à l'oreille de la magicienne.

— Il va bien, lui répondit Harrina. Il est simplement occupé ailleurs.

Leur retrouvaille furent malheureusement interrompu par un raclement de gorge du généralissime.

— Pourrais-je savoir ce que signifie cette intrusion, dame Corbeau-noir ? demanda Bolvar d'une voix autoritaire.

— Veuillez pardonner la hardiesse, général, mais je dois vous rappeler de ne pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, comme on dit chez nous, tenta de se justifier Harrina.

— On doit tuer des ours en plus des morts-vivants ? grommela Bartelo. Je déteste les ours !

— Ce que je veux dire c'est qu'il faut nous garder de toute précipitation lorsque nous serons en vue de la Couronne de Glace, reprit Harrina comme si le paladin n'avait rien dit. Déjà, ce n'est plus un simple glacier ayant enfermé l'entité maléfique que nous connaissons tous. C'est désormais une citadelle gardée par les ennemis les plus mortelles du Norfendre, une forteresse aux murs impénétrables.

— Ça on s'en doutait ! fit remarquer Bolvar impatient.

— Mais il n'y a pas que la Couronne de Glace, reprit la magicienne. La Désolation des Dragons regorge également d'ennemis à ne pas négliger. Dont des serviteurs du Fléau prêt a tout pour défendre leur maître. Croyez moi, j'ai eu le temps d'examiner les lieux pour en venir à cette conclusion. Si cela peut nous éviter d'être pris en sandwich, il faudra s'en occuper avant de prendre la Couronne de Glace d'assaut.

— Ça, je l'entends, mais encore ? demanda Bolvar de plus en plus impatient.

— Et bien j'ai des raisons de penser que ces terres abritent le nid des nérubiens, expliqua la magicienne. Je ne suis en mesure de situer son emplacement exact sur aucune carte... Mais j'ai récemment localisé un moyen d'y entrer. À savoir... au village de Brume-Glace qui s'est fait vidé il y a peu de ses habitants.

— C'est bon à savoir ! se contenta le généralissime. Dés lors que nous aurons établi notre base à la Désolation des Dragons, le nid des nérubiens sera notre priorité. Une fois règle, Arthas devra répondre de ses crimes. D'ici là, rompez soldats ! Vous avez quartiers libres.


Seul Bartelo resta au donjon pour s'entretenir avec Bolvar. Probablement pour lui demander des conseils en tant que paladin... Ou bien lui informer que son ancien mentor avait rejoint les rangs du Roi Liche en tant que Chevalier de la Mort et ainsi lui faire part de ses inquiétudes quant à devoir l'affronter.

Le reste du groupe, guidé par Harrina, quitta le donjon et s'en allèrent visiter le port.

— Si on fait abstraction des piles de cadavres de nérubiens et de morts-vivants que les soldats sont en train d'entasser et de brûler derrière les remparts, ça a l'air plutôt calme par ici, commenta le Ouladre

— C'est toujours comme ça, en temps de guerre, rétorqua Batël moins optimiste. Le calme avant la tempête. Un moment, t'es tranquille, on te laisse respirer, l'instant d'après, attaque surprise ! Et si par chance tu t'en sors, ça recommence.

— Tant que l'ennemi nous laisse un peu de répit, que diriez vous que je vous fasse visiter Dalaran ? suggéra Harrina.

— Alors c'est vrai ? demanda Baelbo dont le visage s'illuminait. Elle a été reconstruite ?

— Même mieux, elle flotte à présent ! lui répondit la magicienne.

Le gnome avait l'air d'un enfant un matin du Voile d'Hiver, découvrant au pied du sapin une pile de cadeaux. Ayant dû fuir l'attaque de la Légion Ardente et du Fléau, il avait été bouleversé par la destruction de la cité des mages où il avait étudié. Et il fut perplexe et encore plus abattu quand il apprit plus tard qu'il ne restait plus rien des ruines de la cité si ce n'était qu'un immense cratère — non pas comme s'il y avait eu un cratère ou si un volcan s'y était formé mais plutôt comme si la ville avait été extraite de la terre et emmené on ne savait où par une force mystérieuse. Il avait fallu au groupe au moins une semaine pour consoler le gnome persuadé de ne plus jamais revoir ce qu'il avait considéré comme sa vraie maison. À présent, il était aux anges.

— Fyrvas et moi-même y avons pris nos quartiers, s'empressa d'ajouter Harrina en faisant un clin d'œil complice à Gahahli. S'il n'est pas encore rentré, on pourra lui faire la surprise.

La jeune elfe de la nuit hésita. Elle n'avait pas quitté son père en très bons termes et se connaissant elle-même ainsi que le mauvais caractere de son paternel, elle craignait que leurs retrouvailles se fassent moins dans l'allégresse que dans une nouvelle engueulade. D'un autre côté, cela allait bientôt faire un an qu'ils ne s'étaient pas revus, de l'eau avait coulé sous les ponts et cela commençait à lui peser. Peut-être était-il temps d'enterrer la hache de guerre.

— Je... D'accord, je serais du voyage, dit-elle finalement non sans trahir son appréhension.

— Il me tarde de découvrir cette fameuse cité dont on me parle tant ! dit le draeneï impatient.

— Allez-y sans moi ! dit à son tour le nain. Les cités de mages qui se reconstruisent, disparaissent, réapparaissent et flottent, ce n'est pas mon truc. Je vais plutôt inspecter les forges, voir comment sont les armes et les armures par ici.

— Comme vous voudrez, répondit Harrina avec un haussement d'épaules. J'avais loué trois griffons pour l'occasion mais deux vont suffire en fin de compte.

— Des griffons ??? répétèrent les trois aventuriers restant.

— Pour que vous puissiez profiter du paysage, s'expliqua la magicienne. Si on fait abstraction de la présence du Fléau, le Norfendre est un si beau pays. Ce serait dommage de ne pas profiter de la vue.

— Mmh... Ben personnellement, je peux m'en passer ! rétorqua le gnome dont le sourire s'était brusquement affaissé. Je ne suis déjà pas à l'aise sur une monture terrestre, alors une volante...

— Et comment comptes tu te rendre à Dalaran, gros malin ? le nargua Harrina. Avec un sort de téléportation ? Trop risqué ! Tu ne connais pas encore son emplacement exact et tu risquerais d'apparaître dans un mur ou bien dans le sol. Quant à y aller à pied, je doute que tes petites jambes supporteront le voyage. Et je rappelle que la cité flotte.

— Si seulement j'avais un sort qui le permettrait d'allonger mes jambes, pesta le gnome.

— N'ayez crainte, maître Baelbo, le rassura le draeneï. Je vous tiendrai durant le vol.

— C'est bien beau tout ça mais... Et pour Jakua ? demanda Gahahli en désignant son Sabre-de-nuit. Lui non plus n'aime pas trop les voyages aériens et... Comme vous le voyez, ce n'est plus un tigreau, il approche de sa taille adulte. Je crains qu'il ne soit trop lourd pour être porté par un griffon...

— Pas de panique, j'ai tout prévu ! annonça Harrina en claquant des mains.

Elle entama une incantation et le Sabre-de-nuit se retrouve enveloppé dans une bulle flottante dans laquelle le tigre semblait nager en toute quiétude.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Gahahli abasourdi.

— Un simple sort de lévitation de voyage que je viens de maîtriser, lui répondit la magicienne. Très pratique si on est lourdement chargé. Il nous suivra jusqu'à ce que nous ayons atteint notre destination.

— Du moment que c'est sans danger, commenta l'elfe de la nuit à moitié convaincue.

— Hé, Harrina ! interpella Baelbo. Pourrais tu créer une autre bulle pour un gnome qui a le mal de l'air.

— Désolée, Bibi ! lui répondit la magicienne. Je ne peux qu'en créer qu'une à la fois. Autrement je risquerais d'égarer l'un ou l'autre.

— Et vous ne vous pouvez pas simplement le laisser ici au port, dans une écurie ? demanda le draeneï. Je suis sûr qu'un maître d'écurie se fera un plaisir de le surveiller pour vous.

— Pas Jakua ! répondit l'elfe de la nuit avec fermeté. Et puis s'il n'est pas du voyage, je ne le serai pas non plus. C'est comme ça. C'est notre règle.

— Et c'est pour ça que le tigre a droit à la première classe, rouspèta le gnome.


Finalement le groupe, réduit au nombre de quatre, prirent leur envol à dos de griffons et quittèrent le Donjon de la Bravoure. Comme convenu, Ouladre et Baelbo se partageaient la monture, le draeneï maintenant le gnome nerveux du mieux qu'ils pouvaient, tandis que Gahahli et Harrina se partageaient la leur. La bulle transportant Jakua les suivaient comme prévu. Le Sabre de nuit semblait à peine se rendre compte qu'il était dans les airs.

Le vent glaciale fouettant les aventuriers en plein visage et couvrant le moindre bruit rendait certes le voyage difficile, surtout pour Gahahli dont les oreilles et l'ouïe étaient les plus sensibles, mais comme l'avait suggéré Harrina, la vue vallait le détour.

Ils survolèrent la Toundra Boréenne dont Gahahli admirait la beauté à couper le souffle. Elle s'extasie en voyant des troupeaux de mammouths et de rhinocéros laineux arpenter paisiblement de vastes étendues de plaines rouges et marrons sans se soucier de la présence du groupe ou de leur monture. Elle aurait tant aimé les observer de plus près. Pourvu qu'on lui en laissât l'occasion malgré la guerre contre le Fléau.

L'espace d'un instant, elle crut voir Harrina, tenant les rênes du griffon, esquisser un sourire amusé et complice.

Ils passèrent également au dessus d'un village de pêcheurs. Vraisemblablement les roharts qui avaient eu la gentillesse d'escorter leur bateau jusqu'au port. L'elfe de la nuit ne pût s'empêcher de saluer les hommes-morses depuis le ciel.

Au vu de la tranquillité des villageois et de la faune locale, il était difficile d'imaginer que ces terres étaient sous la domination du Fléau mort-vivant.

Pourtant qu'ils avaient passé un champ de geyser, le paysage devint plus sinistres glaçant et rappelant aux aventuriers la raison de leur presence. Ils survolèrent effectivement une zone enneigée où ils virent des villages de peuples primitifs, fort semblable aux villages de taurens, ravagés ainsi que des bâtiments du Fléau tel des ziggourats ou des carcasses de nécropoles, avant d'apercevoir le village de Brume-Glace toujours infesté par les nérubiens du Fléau.

— C'est ici qu'on a localisé l'accès vers le nid de ses horreurs arachnoïdes dont j'ai parlé tout à l'heure, indiqua Harrina en criant assez fort pour couvrir le bruit du vent. Comme ça, au moins, vous savez où il se situe.

En continuant à l'est, ils survolèrent la bien nommée Désolation des Dragons, un vaste désert de neiges et de glaces où étaient à moitié enseveli des squelettes de dragons assez énormes pour écraser une cité avec leur seule et simple masse.

Ils virent au loin, vers le sud-est, une immense tour à l'architecture très ancienne qui s'élevait vers le ciel.

— Ce que tu vois là c'est le Temple du Repos de Ver, expliqua Harrina à sa copilote. C'est grosso modo le conclave des Vols Draconiques.

De l'autre côté, vers le nord, juste derrière les montagnes formant les frontières naturelles de ce désert de glace, Gahahli aperçu la silhouette d'une tour plus sinistre et imposantes que le dit Temple, aux contours acérés tels des couteaux.

— Et ça, là bas ? demanda-t-elle anxieuse en pointant le bâtiment. Serait-ce... ?

— Là où réside notre ennemi, oui, confirma la magicienne le ton grave. La Citadelle de la Couronne de Glace.

Bolvar n'avait donc exagéré tout à l'heure en disant qu'ils approcheraient à grand pas de leur objectif. La jeune elfe de la nuit ne s'était pas douté que le bastion du Roi Liche était si près. Si près qu'ils pouvaient s'y rendre avec un simple détour. Elle en eut des frissons — et ce n'était en rien dû au vent qui lui fouetter la figure.

Puis finalement, après avoir franchi la chaîne de montagne formant la frontière naturelle nord de la Désolation, ils survolèrent à présent une forêt d'arbres de cristal dont la beauté et l'étrangeté compensait le manque de végétation naturelle de la région. D'en haut, Gahahli pouvait apercevoir des vestiges d'une civilisation elfique, certainement antérieur à la Grand Fracture, indiquant que ces bois furent en des temps oubliés le domaine de ses ancêtres.

Et devant eux flottait sur un immense rocher la fameuse et non moins magnifique cité de Dalaran, aux coupoles de toits violets et aux tours démesurées semblables à des fleches' voire des lances.

Rien que par son architecture et sa lévitation, la cité témoignait de la magie qu'elle abritait.

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