Un monde de glace
Chapitre 9 : En route pour le Norfendre
3115 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 13/05/2023 21:20
Comme convenu, les aventuriers de l'Alliance passèrent la journée à s'approvisionner en vêtements chauds — principalement des capes, des bottes et des gants en fourrure — ainsi qu'en provisions pour le trajet qui les attendaient.
Après cela, ils se rendirent au port fortifié de Hurlevent, fraîchement rénové depuis leur retour de l'Outreterre, situé au nord-ouest de la cité.
Construit en contrebas de la cité, faisant également office de chantier naval et défendu grâce à des canons et des balistes, c'était de loin le plus grand port et la plus importante base navale de toute l'Alliance. Pas moins de cinq navires de guerres était amarres aux quais et en plein chargement tandis qu'une longue file de volontaires s'étendait depuis le bureau des recrutements sur les quais jusqu'au point d'accès vers le port, entre le Quartier de la Cathédrale et le Parc plus à l'ouest. Les aventuriers en avait pour moins une heure de queue avant de pouvoir embarquer... s'il leur restait de la place.
— Il est encore temps de renoncer, les p'tit gars, dit finalement Batël. Là où nous allons, nous avons peu de chance d'en revenir.
— Alors j'aime autant vous prévenir tout de suite, si nous mourons, mon fantôme viendra hanter les vôtres pour l'éternité, leur averti Baelbo.
— Il va donc falloir que je vérifie s'il était possible d'exorciser en étant soi-même un fantôme, tenta de plaisanter Ouladre.
— En attendant, si tu pouvais nous exorciser les fantômes qui servent le Fléau, ce serait sympa, rétorqua le gnome.
— Je ferais de mon mieux, répondit le draeneï.
— Encore une fois, rien ne vous y oblige, tenta de leur rappeler le nain. Vous avez encore toute la vie devant vous...
— Sauf si le Fléau nous la prend d'ici peu ! rétorqua Gahahli plus déterminée que jamais. Donc pas question de flancher !
— Plus têtue, tu meurs ! soupira le nain.
Il pouvait dire ce qu'il voulait à son sujet mais l'elfe de la nuit n'en démordait pas. Se terrer et ainsi se sentir inutile pendant que d'autres se battaient et mourraient à sa place pour leur famille, que des innocents ainsi que des êtres qui lui étaient chers se faisaient ignoblement massacrer lui étaient insupportable. Et pour cause, elle avait déjà éprouvé ce sentiment quand la Légion était venu rasé sa forêt natale et décimer son peuple. Il était hors de question pour elle qu'elle éprouvât à nouveau un tel sentiments d'impuissance.
Et puis c'était l'occasion pour elle de découvrir et explorer ce fameux continent glacé dont elle avait déjà entendu parler quand elle était petite, notamment pour ses majestueux mammouths qui arpentaient ses toundras, ses forêts abritant des furbolgs dont le village serait établi à l'intérieur de la souche d'un ancien Arbre monde. Ce continent était à sa connaissance aussi également connu pour contenir les vestiges de civilisations antérieurs à la Grande Fracture, parmi lesquels celles des Bien-Nés, des trolls des glace et des titans, ainsi que pour avoir été le berceau des différents Vol draconiques. Et déjà petite, elle pourrait d'envie d'explorer ses paysages sauvages et inhospitaliers, mais même accompagnée par ses parents qui l'avaient jugée trop jeune pour un voyage dans de tels contrées, elle n'avait pu s'aventurer en dehors des territoires elfiques jusqu'au jour où elle avait pris seule le bateau pour les Royaumes de l'Est. Et après avoir exploré et survécu l'année dernière à un autre monde, ravagé et défiguré par la Légion Ardente, elle s'estimait apte à fouler du pied le "toit du monde". Que ce fut avec ou sans la permission de ses pairs ou de ses proches.
Elle se sentait déjà prête pour un tel périple dans le continent le plus glacé d'Azeroth, avec les vêtements les plus chauds et les plus épais qu'elle ait pu se procurer. Elle qui avait plus l'habitude de s'habiller plus légèrement, elle crevait déjà de chaud avec sa nouvelle tunique à manches longues ainsi que sa nouvelle cape, ses gants et bottes en fourrure.
Arrivés à la moitié de la queue, des trompettes résonnèrent dans le port, annonçant l'arrivée du roi de Hurlevent.
À la vue de l'escorte royale descendant les escaliers vers les quais, tout le monde commença à s'incliner, qu'ils fussent soldats, aventuriers ou dockers.
Tandis qu'elle posait respectueusement le genou à terre, Gahahli s'attendait à revoir l'enfant-roi Anduin Wrynn pour lequel elle s'était secrètement prise d'affection et qu'elle n'avait pas revu depuis l'affaire Onyxia. Mais en risquant un regard vers le monarque qui approchait, elle se rappela aussitôt que le roi de Hurlevent n'était plus le charmant bambin blond et à peine âgé de dix ans mais père, Varian Wrynn, enfin revenu sur le trône après une longue absence. Une disparition orchestrée par sa propre conseillère, Katrana Prestor, en réalité la dragonne du Vol noir Onyxia, dans le but de fragiliser l'Alliance.
La jeune elfe de la nuit se souvenait qu'à l'époque, avant qu'on ne sût ce qu'il était advenu du roi de Hurlevent, son père, parti à sa recherche après qu'elle eût fugué, s'était malgré lui mêlé à l'enquête sur la disparition de Varian et que c'était ainsi qu'il avait fait la connaissance de la magicienne Harrina, originellement chargée de l'enquête par Bains.
Ce ne fut que plus tard que l'on apprit la vérité sur la disparition de Varian, qu'il fut pris en embuscade et enlevé par les sbires de la dragonne alors qu'il faisait voile pour Theramore pour une mission diplomatique. D'une volonté de fer, le roi parvint néanmoins à échapper à ses ravisseurs mais sans perdre la mémoire en cours de route. Ce fut donc amnésique qu'il fut "recueilli" par des esclavagistes orcs qui en firent un gladiateur. Ayant impressionné la Horde pour ses prouesses dans l'arène, il se fit connaître sous le nom de "Lo'gosh", le "Loup fantôme" en langage tauren, en référence à un demi-dieu a l'apparence d'un loup blanc reconnu pour sa férocité au combat. Le roi parvint néanmoins à s'évader et au gré de multiples aventures à regagner Theramore où Jaina Portvaillant l'avait aidé à retrouver la mémoire, sa vraie identité ainsi que son titre.
Et maintenant qu'il était devant elle en chair et en os, Gahahli peinait a voir un lien de parenté entre le roi et le jeune blondinet qu'elle avait connu lors de ses premiers jours à Hurlevent. Hormis son armure imposante avec pour motif, l'emblême du royaume, et le regard autoritaire il n'y avait rien d'un monarque — du moins, pas le genre à vivre en grand seigneur dans la richesse et l'oisiveté. Dans la quarantaine, les longs cheveux noirs en batailles noués en queue de cheval, le visage balafré de deux cicatrices — l'une sur l'arcade sourcilière gauche et l'autre lui barrant le visage juste en dessous des yeux. Il avait plutôt l'air d'un barbare aguerri ayant vécu à la dure dans des contrées sauvages face aux montres les plus dangereux qui avaient pu exister et avait du acquérir sa renommée et son titre dans le sang, l'adversité et probablement la souffrance. En tout cas, vu son allure, il n'en faisait aucun doute concernant son passé de gladiateurs au sein de la Horde. Au sein de ses ennemis jurés.
Le roi passa impassiblement devant la file d'aventuriers faisant la queue pour s'enregistrer puis s'arrêta devant Batël au garde à vous qu'il toisa de la tête au pied. Gahahli sentit son cœur s'accélérer. Allaient-ils avoir des problèmes ?
— Batël Marteau-de-bronze, dit le roi d'une voix lente et grave. Cela fait une éternité qu'on ne s'était pas vu. Je me souviens encore de l'époque où vous aviez vos deux jambes.
— Mais c'est qu'il a une bonne mémoire, le jeune roi, rétorqua le nain avec tonitruant. Il avait quel âge, a l'époque, déjà ? Douze ? Treize ans ?
— Quatorze ans, pour être précis, répondit Varian étonnement stoïque face au comportement familier du nain.
— Et regarde toi à présent ! reprit Batël qui s'adressait au roi comme un enseignant à la retraite s'adresserait à un de ses anciens élèves. Un adulte, maintenant ! Un roi ! Un guerrier ! Et un père ! Il y a de quoi être fier ! Sans parler de ton séjour au sein de la Horde comme gladiateur ! Ha ! Ils doivent tous être verts de rage quand ils se sont rendus compte que leur star de l'arène est en realité leur ennemi juré !
— La plupart d'entre eux étaient déjà bien vert avant de connaître la vraie identité ! rétorqua le roi toujours impassible.
Le nain rit aux éclats aussitôt qu'il eut compris la blague et fut accompagné dans son rire par ceux plus gênés de ses compagnons d'armes.
Le comportement de Batël n'avait cependant rien de surprenant. Il semblait être familier avec les dirigeants de l'Alliance, incluant le roi nain Magni Barbe-de-Bronze.
— Trèves de plaisanteries ! les interrompit Varian d'une voix ferme et autoritaire. On m'a informé que durant mon absence, vous et vos hommes étiez pour quelque chose dans le démantèlement des Défias, ainsi que le trépas d'Onyxia.
— Pour les Défias, c'est bien vrai ! confirma Batël. C'est même nous qui avions abattu leur chef. Quant à la dragonne, ça a surtout été Bilbo le gnome et Lili "les cheveux bleus" qui ont fait le plus gros du travail.
Le roi se tourna alors vers Baelbo, qui grinçait silencieusement des dents chaque fois que l'on écorchait son prénom, et Gahahli, celle-ci arrivant à peine à soutenir le regard sévère de Varian tant elle fut impressionnée.
— C'est donc à vous que je dois la vie de mon fils ? demanda soudain le roi d'une voix plus posée.
Intimidés, l'elfe et le gnome hochèrent la tête avec un air mal assuré et aussitôt le visage de Varian s'adoucit.
— Alors vous avez mon entière gratitude pour ce que vous et vos compagnons avaient fait, leur dit-il en leur posant à chacun une main chaleureuse a l'épaule. Pour mon fils. Pour Hurlevent. Pour l'Alliance.
La jeune elfe de la nuit se sentait soudain honorée par de tels compliments de la part du roi de Hurlevent en personne et l'un des plus importants dirigeants de l'Alliance.
— Anduin m'a beaucoup parlé de vous à ce sujet, depuis mon retour, confessa le roi à l'intention de l'elfe. À l'entendre, vous l'avez fasciné, vous et votre peuple.
Gahahli n'en fut que plus honoré de réaliser combien le jeune prince Anduin avait de l'estime pour elle, au point qu'elle s'en sentit gênée. Elle se retint de demander au roi comment se porter son fils de peur de paraître indiscrète.
Et de toutes façons, elle aurait été coupé par son élan pour Ouladre qui se râcla la gorge.
— Si je puis me permettre, majesté, bien que faisant parti du groupe, je n'étais pas encore présent lors des évènements susmentionné, dit le draeneï. Alors loin de moi l'idée des m'attribuer des lauriers que je ne mérite pas...
— Vous n'avez pas à vous justifier, le rassura Varian. J'ai également beaucoup entendu parler des exploits de votre peuple contre la Légion Ardente et vous avez parfaitement votre place dans notre Alliance.
— Merci infiniment, votre majesté, répondit respectueusement le draeneï.
— Considérez les alliés de mes alliés comme étant également les miens et je saurez les récompenser avec équité, reprit le roi d'un ton solennel. Mais pour ce qui est de mes ennemis... Des ennemis de l'Alliance... C'est une tout autre histoire.
Varian avait cette fois pris un ton très sombre, grave et son équivoque en évoquant ses ennemis. L'elfe comprit aussitôt qu'il ne plaisantait pas concernant la loyauté... Et qu'elle aurait sûrement des problèmes si sa liaison avec un elfe de sang parvenaient jusqu'aux oreilles du roi.
— Roi Varian ! intervint soudain Bartelo. Dois-je comprendre par votre présence ici que vous partez vous aussi combattre le Fléau avec nous au Norfendre ?
— Il ait des chances que j'y prenne part d'une manière ou d'une autre, jeune paladin, répondit le roi. Non seulement par devoir envers mon peuple et mon fils, mais aussi parce que... Quand la Horde s'est emparé de Hurlevent lors de leur première invasion et que l'on peuple a dû se réfugier en Lordaeron, les Menethil ont été une seconde famille pour moi. Je considérais même Arthas comme un frère, du temps où c'était encore un prince respecté et prometteur. J'ignore encore quelle folie l'a poussé à trahir son peuple et assassiné de sang froid son propre père mais rien que pour ça, il doit répondre de ses crimes. Même si ça doit finir dans le sang.
" Cependant, ce ne sera pas pour aujourd'hui, hélas. Pour le moment, mes devoirs royaux le retiennent encore à Hurlevent.
— Ce sera par conséquent à moi de diriger les opérations en attendant que vous vous libérez, intervint une voix familière aux aventuriers de l'Alliance.
Il s'agissait du généralissime Bolvar Fordragon, un autre paladin, presque aussi vieux que Varian si ce n'était davantage, qui avait occupé le poste de régent en son absence et faisait parti de l'escorte royale dans son plus bel armure.
— Et je suis sûr que vous ferez un excellent travail, mon ami, lui dit Varian en posant une main chaleureuse sur l'épaulière du vieux chevalier. Comme vous avez su gérer Hurlevent en mon absence.
— Je n'ai fait que la moitié du travail, lui répondit humblement Bolvar. Mais je n'en suis et n'en serais pas moins honoré.
En l'observant, Gahahli ne put s'empêcher d'y voir une similitude entre Bolvar et le chevalier de la mort et ancien mentor de Bartelo qu'ils avaient dû affronter récemment, Troustan Hautvent. Principalement dans la coupe de cheveux, la barbe et la forme du visage. Seuls le teint des cheveux plus clairs et le regard plus vivant distinguaient Bolvar du chevalier de la mort.
Après avoir salué les autres aventuriers qui faisaient la queue pour s'enregistrer, Varian monta sur une estrade et entama un discours d'encouragement à leur rencontre, la vraie raison de sa visite au port :
— Chers aventuriers de l'Alliance, c'est avec mon entière reconnaissance que je salue à tous et à toutes votre courage et votre abnégation en rejoignant nos troupes dans cette nouvelle croisade qui nous attend. Alors que la plupart d'entre vous avez déjà tant fait et tant donné pour notre patrie. Et sachant que l'issue de cette guerre qui s'annonce demeure incertaine. Pour cela, je ne peux vous garantir ni la victoire ni votre retour. Seulement vous témoigner de ma gratitude, vous souhaiter bonne chance et vous demander de ne pas faiblir, quoi qu'il arrive.
" Car aujourd'hui, ce traître d'Arthas nous met à l'épreuve. Ses crimes sont trop longtemps rester impunis. Depuis son trône de glace, il nous provoque. Et sa récente attaque dur notre cité sera son dernier affront. C'est pourquoi aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre courage, votre force et votre expertise pour mettre un terme à ses projets mortifère et appliquer la justice.
" Pour l'Alliance ! Pour Azeroth !
Un tonnerre d'applaudissements en faveur du roi résonna dans tout le port tandis que Bolvar embarqua dans le premier bateau prêt à lever l'ancre et que Varian se retira avec le reste de son escorte.
Débuta alors la plus grande flotte d'assaut qu'Azeroth ait connu depuis la Seconde Guerre contre la Horde. Dans tous les ports d'Azeroth, de la Horde comme de l'Alliance, de Kalimdor comme des Royaumes de l'Est des navires de guerres firent voile vers le Norfendre. Des mêmes que des zeppelins gobelins décollèrent de leurs tours vers les nord, transportant des guerriers de la Horde prêts à en découdre avec le Fléau.
Parmi toutes ses embarcations, des dirigeants et officiers de l'Alliance et de la Horde faisaient voile pour le continent glacé du Norfendre. Parmi eux, en dehors de Bolvar Fordragon, la jeune archimage Jaina Portvaillant et le roi nain Magni Barbe-de-Bronze avaient déjà embarqué, l'une se devant d'affronter non sans crainte ni peine son ancien co-équipier (et ex-amant), l'autre ayant juré de venger une bonne fois pour toutes son frère disparu et présumé mort. Côté Horde, l'apprenti du chef de guerre, Garrosh Hurlenfer, s'était engagé à diriger les opérations au Norfendre, secondé (avec plus ou moins insistance par le chef de guerre Thrall en personne) par Varok Saurcroc et son fils Dranosh. Enfin, la reine banshee Sylvanas Coursevent, reine des Réprouvés avait quitté les sinistrés clairières de Tirisfal pour affronter son ennemi juré, celui qui avait fait de l'ancienne et fière forestière de Quel'thalas une sombre et mélancolique elfe mort-vivante. Celle-ci avait d'ailleurs fait de cette guerre contre le Roi Liche une affaire personnelle et promettait avec ses fidèles Réprouvés de ne pas y aller de main morte.
Aprés des heures d'attentes pour s'enregistrer, Gahahli et ses compagnons d'armes furent finalement assignés au dernier bateau resté au port et levèrent l'ancre au coucher du soleil, rejoignant la flotte.
Tandis qu'il regardèrent la cité de Hurlevent s'éloigner derrière eux dans le crépuscule, les aventuriers de l'Alliance s'embarquèrent une fois de plus dans un périple dont aucun d'entre eux n'était sûr de revenir, vivant ou en un seul morceau. Et il était trop tard pour reculer.
Tous ce qu'ils pouvaient c'était de contempler la mer, relativement calme en ces temps troublés, en attendant de voir pointer à l'horizon les terres gelées de leur destination.
Ces voyages en mer, la jeune elfe de la nuit commençait à s'en accoutumer, malgré son intolérance à l'eau de mer, pour avoir pris le bateau à plusieurs reprises pour ses aller et retours de Kalimdor, son continent natal, aux Royaumes de l'Est. Elle ne pouvait en dire de tous ses compagnons, notamment de Bartelo pour qui se fut le premier grand voyage maritime et qui, malgré le calme de la mer, souffrait déjà de mal de mer une heure après qu'ils avaient quitté le port.