Un monde brisé

Chapitre 28 : L'archimage de l'Outreterre

4332 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/06/2022 01:06

L'évocation du nom d'Illidan avait conduit Fyrvas, Morpsev, Harrina et Béliah dans le marécage de Zangar en pleine investigation.

Si ce nom était vague pour l'humaine, le mort-vivant et le tauren, il n'aurait rien de bon pour le vieil elfe de la nuit. Il ne le connaissait peut-être que de réputation mais suffisamment pour savoir que le Traître avait trop tendance à mettre le bazar chaque fois qu'il s'impliquant dans quelque chose, comme si ses semblables n'avaient pas assez d'ennuis sans qu'il y fourrait son nez.

On parlait après tout d'un elfe qui avait pactisé avec la Légion Ardente avant de la combattre, avait tenté de créer un nouveau Puits d'Éternité quand bien même le précédent avait servi de portail aux démons lors de leur première invasion et failli provoquer la fin du monde, avait fini par devenir lui-même un démon et avait à nouveau risqué un cataclysme en se servant d'une relique démoniaque. Il avait beau prétendre qu'il agissait ainsi pour sauver Azeroth mais au vu de ses méthodes, il ne pouvait être digne de confiance. Il serait capable d'incendier une forêt entière pour la "sauver" de déforestation.

Et maintenant, après cinq ans de calme plein, Fyrvas apprenait que cet elfe renégat s'était auto-proclame Seigneur de l'Outreterre et qu'il y régnait en maître. Alors qu'Azeroth subissait une nouvelle invasion de la Légion Ardente.


Quoi qu'Illidan mijotait, il fallait impérativement limiter les dégâts tant qu'il était encore temps.

Ce qui avait amené le petit groupe dans le marécage... dans lequel ils découvrirent une importante activité de nagas, drainant les eaux du marécage via des stations de pompage ux allure d'araignée et mettant à mal son écosystème.

En tant que druide anciennement membre du Cercle Cénarien, Fyrvas ne pouvait laisser passer ça. Pas même dans un monde partiellement brisé et qui n'était pas le sien. En fait, cela lui faisait une raison de plus de combattre cette infamie. Ce monde ayant déjà souffert de la corruption et la destruction de la Légion Ardente, il n'avait pas besoin qu'on malmenât ce qui lui restait d'écosystèmes.

De plus, il se doutait qu'Illidan était quelque part derrière cette histoire. Après tout, il commençait une armée de nagas la dernière fois qu'on l'avait vu sur Azeroth. Nagas qu'Illidan avait lui-même invoqué depuis les profondeurs de l'océan pour le servir.

Ces même nagas qui, en plus d'être hostiles aux elfes de la nuit, vouaient un culte sinistres aux Anciens Dieux.

Fyrvas entraîna par conséquent ses compagnons d'armes dans sa croisade contre les nagas. Ce malgré les protestations de Harrina, arguant que cette croisade les détourneraient du but initial de leur expédition, ainsi que les craintes de Béliah, redoutant que cette croisade conduirait le vieil elfe vers "une voie dangereuse dont il ne pourra se défaire". Seul Morpsev encourageait Fyrvas dans sa croisade, sous prétexte que les nagas méritaient d'être puni pour leur manque d'égard envers la Nature.

Ce que Fyrvas ne voyait pas, c'était qu'en vérité, Morpsev se moquait éperdument de l'écologie, de la Nature et du devenir de l'Outreterre. Que pour le mort-vivant, ce n'était qu'un prétexte pour collecter plus de fragments d'âmes sur leurs victimes et ainsi décupler sa puissance. Et que Morpsev jalousait les vivants depuis qu'il était mort-vivant, si bien qu'il se serait lui-même chargé d'éradiquer toute vie animale ou végétale sur Azeroth ou l'Outreterre si ça ne tenait qu'à lui.

Mais Fyrvas était trop borné et enhardi par sa haine contre les nagas pour s'en rendre compte.

Et entre eux, la jeune magicienne et le vieux tauren avaient tôt fait de constater que le mort-vivant exerçait une mauvaise influence sur le vieil elfe de la nuit.

Ils prirent donc part à la croisade contre les nagas mais moins dans un but écologique que pour protéger les arrières de Fyrvas et un œil sur Morpsev ainsi que ses agissements.


Leurs pouvoirs druidiques, arcaniques, chamaniques et démoniaques combinés, ils n'eurent pas trop de problèmes à détruire les installations et les machines des nagas ou à mettre en déroute ces derniers. Ils purent ainsi faire tomber les stations l'une après l'autre et libérer au passage quelques esclaves Roués et sporelins.

Du moins jusqu'à ce qu'ils arrivassent à leur quartier général, le Réservoir de Glisseroc.

Situé au nord du marécage, au centre du plus grand lac de l'Outreterre, il s'agissait d'une gargantuesque station de pompage reliée à un non moins immense réseau de cavernes souterraines, situées sous les eaux du lac et aux allures d'égouts.

Plus qu'un simple quartier général, c'était un bastion, une citadelle pour les nagas.

De ce fait, ces derniers étaient légion dans ses cavernes. Et c'étaient sans compter qui s'y étaient réfugié après que les quatre aventuriers aient détruit leur station. De même que leurs esclaves qui contrairement à ceux de la surface, étaient plus réticents à l'idée de retrouver leur liberté.

Fyrvas s'en était vite rendu compte en voulant lancer l'assaut dans un premier réseau de cavernes quand à sa grande surprise, les esclaves venaient prêter main forte non pas à leur libérateurs mais bien à leur maîtres.

Il s'en tira de justesse grâce à l'intervention de Harrina et de Béliah mais en voyant ces derniers épuisés et du nombre conséquent d'ennemis qui leur fallait affronter, il se rendit compte un peu tard qu'il avait conduit ses compagnons vers une mort certaine. Sa haine des nagas et son excès de zèle l'avait complètement fait négliger la prudence.

Seul Morspev semblait au meilleure de sa forme et prendre son pied tandis qu'il affrontait les nagas avec l'aide de ses serviteurs démons, récoltant de plus en plus de cristaux d'âmes, devenant ainsi plus puissant. En tant que mort-vivant, la fatigue ne devait certainement ne plus avoir d'emprise sur lui. Mais lui et ses larbins avaient eux aussi leur limites et par dessus tout, Morpsev pouvait les invoquer au complet, ils restaient inférieur en nombre. Et quand bien même il pouvait ré-invoquer ses démons tombés au combat, non seulement cela lui coûtait des cristaux d'âmes mais celui lui demandait aussi du temps. Le temps pour ses serviteurs de se régénérer et aussi le temps de les appeler et les faire venir depuis le Néant Distordu. Et un temps durant lequel il ne peut contre-attaquer et se retrouve vulnérable. S'il perdait tout ses démons face à une horde d'ennemis aussi importante, c'était fini.

Une bonne chose que Gahahli ne fut pas de la partie, songea Fyrvas. Elle en aurait sûrement profiter pour faire la morale à son père et le fustiger pour son trop plein de zèle, quitte à le tourner en ridicule. Et cela, le vieil elfe tenait absolument à l'éviter s'il ne voulait pas perdre le respect de sa fille. Après la discussion qu'il avait eu avec Morpsev dans la Citadelle des Flammes Infernales, c'était hors de question.


Et puis quelque chose de l'extérieur fit trembler les parois de la caverne et les tuyaux qu'elle abrite, détournant ainsi l'attention des nagas qui furent au branle-bas de combat.

Quelque chose était en train d'attaquer le Réservoir. Pourvu que ce ne fut pas la Legion Ardente.

Le petit groupe profita néanmoins de l'agitation pour se faufiler vers les quartiers des maîtres des lieux et les abattre avec leur garde du corps.

Ils en profitèrent également pour saboter les tuyaux afin de faire tomber plus efficacement le Réservoir avant dû quitter les lieux. Et juste à temps avant que l'installation ne s'écroule.

Durant leur fuite, Harrina ne put s'empêcher d'exprimer son regrets quant aux esclaves qu'ils venaient de condamner.

— Ils ont choisi leur sort, rétorqua froidement Morpsev. Qu'ils l'assument.


Quand ils atteignent la surface, il n'y avait plus aucun naga vivant à l'horizon. Ceux qui n'étaient pas mort avaient vraisemblablement du prendre la fuite.

Ils atteignirent à la nage la rive sud du lac, essoufflés et trempés jusqu'aux os, pendant que le Réservoir Glisseroc s'effondrait.

Mais ils ne furent pas seul sur la rive.

Un contingent de draeneïs et de Roués les attendaient.

Ils étaient mené par un étrange humain, apparemment quarantenaire, vêtu d'une robe bleue-grise (probablement un archimage), les cheveux poivre et sel. Celui-ci, accompagné d'un Roué encapuchonné vint à leur rencontre et invoqua une boule de feu qui vint flotter à proximité du petit groupe pour les réchauffer.

— C'est vous qui venez de faire s'effondrer le Réservoir ? leur demanda l'archimage intrigué.

— Et c'est vous qui avez fait diversion et occupés les nagas ? demanda à son tour Béliah également curieux.

— Nos éclaireurs nous ont informés que les nagas perdaient de l'emprise sur le marécage, expliqua le Roué encapuchonné. Que leur stations de pompage tombaient l'une après l'autre.

— Nous avons donc saisi cette chance pour prendre d'assaut le Réservoir et en finir une bonne fois pour toute, reprit l'archimage.

— Il ne fallait pas vous donner cette peine, rétorqua sèchement Fyrvas qui sentait son orgueil blessé.

— Ne faites pas attention à ce que dit mon ami, tenta de rattraper le vieux tauren. Nous vous devons une fière chandelle.

— "Nous" leur devons une fière chandelle ? s'indigna le vieil elfe. C'est nous qui avons fait tout le boulot tandis qu'eux se prélassaient je ne sais où ou étaient occupés à faire je ne sais quoi. C'est grâce à nous qu'ils se sont bougé le cul jusqu'ici. C'est EUX qui nous doivent une fière chandelle...

— ÇA SUFFIT ! s'écria Harrina pour appeler au calme. L'essentiel c'est que nous avons réussi notre mission.

— En effet, approuva le Roué. Après cinq ans d'occupation, enfin le marécage est libéré de l'emprise des nagas.

— Ainsi que celle du Seigneur de l'Outreterre, poursuivit l'archimage l'air pensif. Il ne reste plus qu'à nous occuper du Raz-de-Néant et...

— Excusez-moi mais je ne suis pas sûr de vous connaître, l'interrompit Morpsev soupçonneux. Qui êtes-vous, cher monsieur ?

— C'est vrai, je ne me suis pas présenté, reprit l'archimage pris de court. Je me nomme Khadgar. (Il désigna le Roué qui lui servait de second) Et voici Nobundo...

— Attendez, Khadgar ? répéta le mort-vivant. Vous ? Vivant ?

— L'apprenti de Medivh ? reprit la jeune magicienne. L'un des commandants de l'expédition de l'Alliance d'il y a vingt ans ?

— C'est cela, répondit modestement le concerné.

Fyrvas resta interdit élucubrations de Morpsev et d'Harrina qui semblaient s'adresser à une légende vivante alors que pour lui, il n'était qu'un parfait inconnu.

— Pas étonnant que je ne vous ai pas reconnu ! s'exclama Morpsev. Vous n'étiez encore qu'un adolescent quand on vous a envoyé à Karazhan.

— Si je paraît plus vieux que je ne le suis en réalité, il se peut que l'affrontement contre mon ancien maître ait quelque peu accéléré ma vieillesse, tenta de s'expliquer Khadgar en se caressant le visage ridé.

— Vous êtes encore plus frais que moi, ça je peux vous le garantir, dit le mort-vivant se comportant soudain comme un vieux maître d'école à la retraite qui retrouve un de ses élèves. Je ne vous savais même pas vivant, après que vous et le reste de l'expédition avait franchi la Porte des Ténèbres il y a vingt ans.

— Nous, on le savait ! s'empressa de rectifier Harrina. Au Bastion de l'Honneur, le commandant Trollemort nous a assuré que vous et Kurdran Marteau-Hardi aviez survécu à la dislocation de Draenor.

— À ce propos, comment est-ce arrivé, cette dislocation ? demanda Béliah. Est-ce le fait de la Légion Ardente ou...?

— Plutôt le fruit de leur magie démoniaque, répondit amèrement le dénommé Nobundo. Notamment celle de Ner'zhul.

— Qui ? demanda Morpsev curieux.

— Autrefois un chaman orc respecté puis reconverti en sorcier démoniste lors de l'avènement de la Horde, expliqua le Roué. C'était lui qui dirigeait les orcs restés sur Draenor pendant que les autres, guidés par Gul'dan, marchaient sur votre monde.

— Quand notre expédition s'est rendu sur Draenor pour empêcher une nouvelle invasion, nous avons découvert que Ner'zhul avait créé d'autres portails à l'image de la Porte des Ténèbres, reprit Khadgar. Il projetait ainsi de conquérir d'autres mondes.

— Intéressant ! commenta le mort-vivant pensif. Continuez, je vous prie...

— Nous avions tenté d'empêcher son projet de venir à bout de son projet mais en vain, reprit alors l'archimage. Voyant qu'on gagnait du terrain, ce lâche à activé les portails pour s'échapper.

— Et ce fut l'énergie accumulée et incontrôlable des portails qui a déchiré Draenor et en fait l'Outreterre que vous voyez ici, conclut Nobundo.

— Impressionnant ! commenta Morpsev.

— Terrifiant, je dirais plutôt ! dit à son tour Béliah.

— Voilà ce qu'il en coûte de jouer les apprentis sorciers ! commenta Harrina défaitiste.

— Ce n'est pas pour rien qu'on a banni cette magie, chez moi ! s'indigna Fyrvas.

— Tout ce qu'on a pu faire c'est fermer la Porte des Ténèbres qui nous liait à Azeroth, reprit Khadgar. Même si ça signifiait ne plus pouvoir rentrer chez nous. En tout cas c'est ce que nous pensions jusqu'à sa récente ré-ouverture. Mais c'était ça ou nous laissons la destruction de Draenor se propager sur Azeroth.

— Vous avez bien fait ! commenta le vieux tauren.

— Mmpf ! Vous n'aurez pas eu un faire un tel sacrifice si vous aviez été plus efficace contre ce Ner'zhul ! rouspèta Fyrvas.

Pour toute réponse, le ciel elfe se prit un coup de coude sec d'Harrina dans les côtes, avant que celle-ci ne questionna à nouveau l'archimage :

— Et par curiosité, qu'est-il advenu de Turalyon et d'Alleria Coursevent ?

— Hélas, nous ne les avons pas revu depuis la destruction de Draenor, répondit Khadgar désolé. J'ignore exactement ce qui leur est arrivé mais je crains qu'ils n'ont pas autant de chance que Kurdran, Danath et moi.

— Comme c'est dommage ! commenta tristement la jeune magicienne.

— Comme vous dîtes ! lui rétorqua l'archimage. C'étaient deux de nos meilleurs éléments et des amis très chers. Ça et le fait qu'ils formaient un joli couple. Quel gâchis...


Le petit groupe sec, Khadgar s'en retourna vers son escorte de draeneï pour discuter de la suite du programme.

Harrina en profita pour prendre Fyrvas à part :

— Je disais à tout-à-l'heure que c'était dommage car j'avais pensé que votre fille aurait pu faire connaissance avec Alleria. J'étais certaine qu'elle se serait bien entendue.

— Qu'est ce qui vous fait dire ça ? demanda Fyrvas sceptique.

— Et bien elles sont toutes deux des elfes archères, pour commencer. Et de ce que j'ai entendu, elle aurait un peu le même caractère que Gahahli. Vous voyez ?

— Mmh... Oui... Mais non.

— Comment ça, non ?

— Il n'est pas question que ma fille fréquente... Ce genre d'elfe. Encore moins après qu'ils aient rejoint la Horde.

— Alleria n'a jamais été une elfe de sang. C'était une haut-elfe. Les elfes de sang n'existaient pas encore à son époque. Et je doute qu'elle aurait accepté de rejoindre la Horde. Certainement pas avec la haine qu'elle éprouvait pour les orcs...

— Ça ne change rien ! Haut-elfe, elfe de sang, Bien-Né, tous des inconscients jouant avec le feu et se prenant pour des dieux, oubliant ce qui s'est passé il y a dix milles ans, la dernière fois qu'ils ont joué les apprentis sorciers. Des idiots incapables d'apprendre de leurs erreurs. De la mauvaise graine, rien de plus et rien de moins.

Fyrvas n'osait l'avouer mais lui-même venait d'une famille de Biens-nés niche dans la jungle de Féralas. Famille dont il avait honte, qu'il avait fini par fuir et renier pour intégrer les elfes de la nuit et ainsi refaire sa vie après s'être rendu compte que ses aînés tiraient leur puissance d'un démon qu'ils tenaient continuellement captif pour le drainer de son énergie.

— Comprenez-moi, je suis content que Gahahli se fasse des amis, du moment qu'ils n'aient pas une mauvaise influence sur elle, tenta de s'expliquer le vieil elfe face à la mine déco certes de la jeune magicienne. Et je me suis montre suffisamment tolérant avec l'humain, le nain et... (Il grimaça) ce gnome.

— Excusez-moi, je n'ai pas pu m'empêcher de vous écouter, intervint soudain Nobundo. Quel est donc ce nom que vous venez de mentionner ?

— Gahahli, ma fille, répondit Fyrvas. Pourquoi ?

— C'est curieux, il me semble que ce nom m'est familier, répondit Nobundo pensif. Serait-ce par hasard une elfe de la nuit archère ? Aux cheveux du même bleu que les vôtres ? Accompagné d'un tigre noir ?

Cela faisait beaucoup trop de coïncidence pour n'en être qu'une.

Fyrvas en déduisit que Gahahli s'était encore sauvée, ce après qu'il lui eût ordonné de ne pas bouger, qu'elle lui avait désobéi une fois de plus et vociféra des injures elfiques avant de demander au Roué :

— Où l'avez vous vu pour la dernière fois ?

— Nous... Nous sommes quittés à Shattrath, répondit Nobundo en balbutiant, à la fois surprise et angoisse d'avoir ainsi froissé le vieil elfe. Je l'ai vu s'enfoncer dans la forêt de Terokkar, à la recherche de son ami...

— Quel ami ?

— Un autre elfe... Un blondinet...

"Un blondinet ?"

Il n'y avait aucun blond chez les elfes de la nuit.

Fyrvas entendit Béliah pouffer de rire avant de s'excuser.

— Irrécupérable, cette petite ! commenta Morpsev avec un sourire mauvais, prenant visiblement plaisir à enfoncer le clou. Il faut toujours qu'elle aille à l'encontre de vos volonté. Même à distance.


C'en fut trop à Fyrvas qui prit la direction du sud.

— Où est-ce que vous allez ? demanda le vieux tauren incrédule.

— Retrouver cette petite effrontée et la ramener à Teldrassil, répondit le vieil elfe. Même si je dois la trainer par la peau des fesses...

— Vous n'en ferez rien ! l'interpella fermement Harrina. Cela ne fera qu'aggraver votre relation ! Et elle bat déjà de l'aile depuis que la Légion a lancé cette nouvelle invasion.

— Et qu'est-ce que vous voulez que je fasse d'autre ? demanda amèrement Fyrvas. Que j'attende sagement qu'elle revienne vers moi en rampant ? En me suppliant de me pardonner ? Que je lui pardonne de m'avoir désobéi une fois de trop ?

— Serait-ce donc ça qui vous préoccupe ? demanda Harrina tandis qu'elle fouillait sa besace à tâtons. Son obéissance ? Plus que sa sécurité ?

— Oui... NON ! Bien sûr que je me soucie de sa sécurité ! se défendit le vieil elfe. C'est justement pour sa sécurité qu'elle doit m'obéir !

Pour toute réponse, Harrina lui afficha un regard désapprobateur puis sortit de sa besace une orbe de communication. Elle avait donné une autre à Baelbo juste avant de partir pour la Citadelle des Flammes Infernales et former deux groupes afin qu'ils puissent communiquer à distance en cas de pépin.

Elle tint la boule à bout de bras et entonna son incantation :

— Orbe magique, je souhaite entrer en contact avec Baelbo Boulon-de-Bois !

La boule se mit à luire de mille feux puis s'atténua. Des formes indistinctes se formaient à l'intérieur de l'orbe.

— Baelbo, tu le reçois ? demanda Harrina en s'adressant à l'orbe.

Le visage du gnome prit finalement forme à l'intérieur de l'orbe, comme s'il y était prisonnier.

— C'est toi, Harrina ? dit la voix du gnome émie depuis l'orbe. Alors quoi de neuf ?

— Oh, la routine ! répondit la jeune magicienne. On s'est frotté à quelques nagas, on a libéré un marécage de leur emprise et on vient de rencontrer Khadgar.

— LE Khadgar ? s'exclama Baelbo. Ah, les culs bordés de nouilles... !

— Je voulais savoir, ou êtes vous en ce moment ? l'interrompit Harrina.

— Nous ?... Et bien on... On est au Bastion ! répondit le gnome. Oui, on est au Bastion de l'Honneur en attente de nouvelles instructions.

Même via une orbe magique, Baelbo trahissait sa nervosité par sa voix et son regard. Il devait caché quelque chose.

— Tant mieux ! dit Harrina en jouant le jeu. Est-ce que Gahahli est avec vous ? Son père souhaiterait lui parler.

— C'est que... Elle ne veut pas être dérangée, répondit nerveusement le gnome.

— Pourquoi donc ?

— Et bien parce que... Parce que... (une autre voix indistincte chuchota quelque chose dans l'orbe) Elle fait sa toilette ! C'est ça ! Elle est en train de faire sa toilette ! Et on ne dérange pas une dame qui fait sa toilette ! Pas vrai les gars !

D'autres voix, celles du reste du groupe, approuvèrent les propos du gnome.

— Mais du coup, elle est avec vous ? insista Harrina. Au Bastion ? Là où elle devrait être ?

— A-affirmatif ?

— Tant mieux car Fyrvas et moi sommes en route pour le Bastion. Nous sommes en ce moment à mi-chemin. Et je n'aimerais pas être à votre place si nous découvrirons que ni vous ni sa fille êtes présents là bas.

— NON ! Vous ne pouvez pas y aller ! intervint la voix de Bartelo dont le visage prit la place de Baelbo dans l'orbe (il avait du vraisemblablement s'en emparer pour communiquer avec la magicienne).

— Et pourquoi ça ?

— Parce que... Nous sommes assiégés ! répondit le paladin. La Légion Ardente nous attaque ! C'est trop risqué pour vous !

— Mais c'est sérieux, ça ! s'exclama Harrina feignant l'effroi. Si l'ennemi vous attaque, ça nous fait une raison de plus pour venir vous prêter main forte ! C'est que vous êtes tous en danger, et Fyrvas doit s'inquiéter pour sa fille.

— N-non-non-non, ce n'est pas la peine, je vous dis ! tenta de se reprendre le paladin de moins en moins crédible. Nous avons la situation en main. Il n'y a aucune raison de s'inquiéter pour nous ou pour Lili.

— Donc si vous avez la situation en main, si vous êtes hors de danger, nous pouvons vous rejoindre au Bastion sans risque, non ? insista la magicienne.

— Et est-ce qu'on ne devrait pas entendre des bruits de combats, s'ils sont attaqués ? demanda Fyrvas sceptique.

— C'est malin ! entendit-on la voix énervée du gnome. Ils doivent se douter de quelque chose à cause de tes bobards ! Rends-moi ça !

— Cessez votre manège et donnez-moi ça ! s'écria depuis la orbe une autre voix que Fyrvas et Harrina n'étaient pas sûr de reconnaître.


Le visage d'un elfe de sang apparut alors dans l'orbe.

— C'est lui ! s'écria Nobundo. C'est l'elfe de sang qui était avec l'autre elfe aux cheveux bleus !

— Ah mais je le reconnais, lui ! s'exclama à son tour Béliah. Il m'a accompagné jusqu'en Outreterre ! Un gentil garçon, si je puis...

— Écoutez-moi ! les interrompit Bathris. L'heure est grave ! Aucun de nous n'est au Bastions de l'Honneur ! Pas même votre fille !

— Alors où est-elle ? s'impatienta Fyrvas.

— Elle est... Elle s'est faites prisonnière... au Temple Noir, répondit le jeune elfe de sang avec difficulté.

L'évocation du Temple laissa le groupe interdit, comme si on venait leur annoncer un horrible drame, et ne manqua pas d'attirer l'attention de Khadgar.

— Que se passe-t-il ? demanda ce dernier. Qui a parlé du Temple Noir ? Qui s'est fait prisonnier ?

— Le "Temple Noir", n'est ce pas la demeure de... du Seigneurs de l'Outreterre ? demanda Harrina déconcertée.

— Si, gente dame, répondit Nobundo d'un ton navré. Mais quelle folie a pu conduire cette enfant dans ce lieu maudit ?

— On le saura une fois qu'on l'aura sortie de là ! rétorqua Fyrvas. Où se trouve ce maudit temple ?

— À l'extrême Est de la Vallée d'Ombrelune, elle même située au delà de la forêt de Terokkar, au sud-est d'ici, répondit Khadgar.

— Alors pressons ! ordonna le vieil elfe. La vie de ma fille est en danger !

— Attendez ! le stoppa le Roué. Je veux bien vous aider à la secourir. Je leur dois ma liberté avec l'elfe de sang dans l'orbe. Mais ne soyez pas bête ! Le Temple Noir ! Personne n'a réussi à prendre d'assaut cette citadelle à part son occupant actuel.

— Et c'est pour ça que nous devions saper son emprise sur l'Outreterre et lui couper les ailes avant de nous attaquer à lui, ajouta Kahdgar. La Citadelle Infernale et le Réservoir Glisseroc sont tombés grâce à vous, mais il nous reste le Donjon de la Tempête qu'il utilise pour collecter...

— Et c'est sur notre route ? demanda Fyrvas avec impatience.

— Non, hélas, répondit l'archimage. Il est situé au nord-est d'ici, à l'extrême nord-est. Pour tout dire, nous sommes à mi-chemin entre le Donjon et le Temple.

— Sans compter qu'il vous faut un plan d'attaque si vous voulez prendre d'assaut le Temple, rappela Nobundo.

— Rah, mais on n'a pas le temps ! s'énerva le vieil elfe.

— Écoutez, je sais comment infiltrer le Temple ! reprit Bathris depuis l'orbe toujours active. Mais il nous faut des renforts et vite ! La vie de Gahahli en dépend !

Le fait qu'un elfe de sang venait de dire le nom de sa fille n'échappa pas aux oreilles de Fyrvas. Ils se connaissaient et pas seulement de nom, il en mettrait sa main à couper.

— Combien d'hommes vous faut-il au juste ? demanda Harrina à Bathris dans l'orbe.

— Une armée, au moins ! répondit l'elfe de sang ! Assez pour faire diversion et assurer nos arrières pendant qu'on exploite la brèche. Et enfin assez pour passer les défenses du Temple.

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