Un nouveau monde

Chapitre 18 : Retour à Sombre-Comté

4252 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/09/2020 13:27

Sur le chemin du retour, Gahahli contemplait la lettre qui lui avait confié l'ermite, curieuse. Bien qu'elle sût lire et écrire, elle en avait pas reçu souvent durant sa vie d'elfe de la nuit. De là où elle venait, c'était surtout ses parents qui recevaient des messages et ils leur avaient toujours étaient transmis oralement. Quant à la jeune elfe, de qui pouvait elle recevoir des messages, qu'ils fussent oraux ou écrits ? Les elfes de la nuit étant moins féconds que les autres races mortelles, les enfants elfes étaient très rares, et par conséquent, ceux qui avaient l'age de Gahahli, plus susceptibles d'être ses camarades de jeux avec lesquels elle aurait gardé le contact, encore plus.

Elle contemplait donc l'enveloppe comme s'il s'agissait d'une pierre précieuse. Elle ne savait pas encore lire dans la langue des humains, mais elle fut pas moins curieuse de savoir comme ils rédigeaient leurs missives, et l'enveloppe n'était pas cacheté. ce fut donc dans un élan de curiosité qu'elle ouvrit le pli quand ces compagnons l'arrêtèrent dans son élan.

— Qu'est ce que tu fais là, gamine ? l'interrogea brusquement Batël.

— Je... je voulais juste jeter un coup d'œil, se défendit l'elfe en balbutiant.

— Tu connais la clause de confidentialité ? l'interrogea à nouveau le nain d'un ton énervé.

— On ne doit jamais lire un message qui ne nous est pas destiné, lui expliqua plus calmement Baelbo. Même si on est chargé de le remettre à quelqu'un. Tant qu'il n'est pas parvenu à son destinataire, le contenu du message doit rester secret, même du messager.

— A-ah bon ? fit Gahahli confuse.

— Tu n'as jamais remis de message à qui que ce soit ? lui demanda Bartélo.

— N-non, répondit l'elfe honteuse. Ni même reçu ou envoyé.

Elle vit le nain secouer la tête en signe de désapprobation et l'entendit marmonner de ses oreilles à l'ouïe fine :

— Vraiment arriérés, ces elfes-là... À se demander s'ils connaissent l'eau chaude...

La jeune elfe pris très mal la remarque du nain et dut se faire violence pour ne pas réagir, se contentant de replier l'enveloppe et de ne plus la dévorer des yeux tandis que le groupe reprit sa marche. Elle n'eut droit qu'au regard compatissant du gnome.


Le retour des aventuriers à Sombre-Comté ne passa pas inaperçu. À peine fussent-ils en vue du village qu'ils entendirent un Veilleur annoncer leur arrivée. Les villageois vinrent à la rencontre des aventuriers et les observèrent en silence lorsqu'ils entrèrent dans le village et se présentèrent devant la commandante Ebonlocke qui les attendaient de pied ferme au centre du village.

— Alors ? Votre rapport ? leur demanda-t-elle.

— Et bien, cher commandante, Veilleurs et citoyens de Sombre-Comté, commença Batël, j'ai l'honneur de vous annoncé que la menace mort-vivante à la Colline-aux-Corbeaux a été neutralisée.

Une vague de cri d'ébahissement s'éleva depuis la foule, comme si on leur avait annoncé le retour du roi disparu à Hurlevent.

— Vous parlez sérieusement ? leur demanda la commandante qui ne cachait pas son étonnement. Comment... ?

— On a "coupé la tête du serpent" et voici ce qu'il en reste, répondit le nain en sortant les débris du phylactère appartenant à la liche qu'il remit à la commandante.

Cette dernière contempla les éclats de la relique avec stupéfaction pendant de longues minutes avant de reprendre :

— Et la Colline ? Restent-ils des morts-vivants ?

— Juste des goules qui sont en train de s'entredévorer et privé de chefs, répondit à son tour Bartélo.

— Je dois dire... que ça dépasse mes espérances, reprit la commandante qui semblait manquer de mots pour exprimer sa gratitude. Vous nous avez rendu un grand service à Sombre-Comté ainsi qu'au Bois de la Pénombre. Nous vous en sommes éternellement reconnaissants.

Sur ces mots, une vague d'acclamation et de remerciements accompagnés d'applaudissements s'élevait dans la foule. Tant d'exultations eurent tôt fait de réchauffer le cœur de Gahahli qui se rappela le jour où elle et ses compagnons avaient été acclamé à Hurlevent pour leur victoire contre les Défias. Et comme ce jour-là, elle se sentit à la fois enchantée d'être venue en aide à tous ces gens et à la fois gênée, avec l'impression de ne pas mériter leur remerciements.

Elle sentit Baelbo lui tapoter la hanche et l'entendit lui souffler "La lettre ! La lettre !". La mémoire lui revint aussitôt et se dût se racler la gorge pour se faire entendre, quitte à rompre l'euphorie des villageois.

— Nous avons... un message à remettre au... au maire de Sombre-Comté, dit-elle l'air confuse.

— Un message ? répéta la commandante incrédule. De qui ?

— D'un ermite qu'on a rencontré à la Colline, répondit le gnome à la place de la jeune elfe.

— Même que c'est lui qui nous a révélé comment venir à bout des mort-vivants, ajoute le paladin.

— Et qu'il prétend être un vieil ami du maire, ajouta à son tour le nain.

— Curieux ! commenta la commandante pensive. On m'avait assuré qu'il n'y avait plus âme qui vivait à la Colline depuis qu'elle a été désertée... À l'intention du maire, vous dites ?

Les aventuriers répondirent tous en hochant de la tête.

— Suivez-moi ! leur ordonna la commandante l'air grave.


Elle conduisit le groupe vers l'hôtel de ville dominant le centre du village et l'amena dans une bureau en désordre où résidait un homme d'âge mûr, aux cheveux noirs désordonnés, à la barbe foisonnante et dont les traits fatigués semblaient indiqué qu'il avait connu des jours des meilleurs. Il était avachi sur son fauteuil derrière son bureau où traînait une bouteille de vin vide.

— Encore un qui n'a rien trouvé de mieux que de noyer sa tristesse dans l'alcool, commenta le gnome à voix basse.

Pas étonnant qu'ils ne l'eussent jamais rencontrer depuis leur arrivée à Sombre-Comté ! songea la jeune elfe. Est-ce qu'au moins il était au présence de la présence des aventuriers ?

La commandante s'en vint prudemment approcher le maire et le secouer afin de le faire sortir de sa léthargie.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il en maugréant. Qu'est-ce que voulez ?

— Père, ceux sont les aventuriers qui nous ont été envoyés de Hurlevent pour nous aider à régler les problèmes des morts-vivants et des worgens, lui dit la commandante. Ils reviennent à l'instant de la Colline-aux-Corbeaux qui vient d'être "nettoyée".

Ainsi donc, la commandante était la fille du maire ? Cela expliquerait son air si autoritaire et intransigeant !

— Et ben... Je vous félicite et vous remercie, mes braves, dit le maire aux aventuriers sans montrer davantage de convictions. Et vous remercierez Hurlevent de ma part.

— Il y a autre chose ! ajouta la commandante. L'un d'eux à un message pour vous. De la part d'un ermite qui résiderait à la Colline et qui serait à un de vos anciens amis.

— Un de mes anciens amis ? répéta le maire incrédule. À la Colline-aux-Corbeaux ? Mais je n'ai eu aucun ami, là bas ! Montrez-moi ça, que j'y vois clair.

Gahahli remit donc l'enveloppe au maire qui le déplia aussitôt lut le contenu, après avoir pris soin de placer un monocle à son œil droit. Il prit un air grave tandis que ses yeux parcouraient lentement la lettre.

L'elfe fut distraite par les gloussements de ses compagnons qu'elle interrogea aussitôt du regard.

— Le maire, c'est le père de la commandante, expliqua le nain goguenard. Son père, c'est le maire. Père, maire. Maire, père.

Gahahli resta perplexe. Elle crût comprendre que ses compagnons s'étaient partagé une blague qui était trop subtile pour elle. À moins qu'elle ne fut pas assez familiarisée à leur culture pour comprendre leur humour.

— Bah, typique des elfes, ça ! s'exaspéra Batël. Pas assez "spirituel" pour eux !

La jeune elfe n'eut pas le temps de répondre à la remarque désobligeante du nain dont elle supportait de moins en moins l'attitude quand les aventuriers furent surpris par le son d'un coup de poing sur le bureau du maire.

— VOUS NOUS AVEZ TOUS CONDAMNÉS, PAUVRES FOU ! vociféra ce dernier.

Tous restèrent coi. Même la commandante semblait perplexe.

— L'ermite que vous avez rencontré à la Colline et qui vous a remis cette note, il s'agit de "l'Embaumeur", expliqua le maire de méchante humeur.

— L'Embaumeur ? répéta la commandante incrédule Mais enfin, père, ce n'est qu'une histoire qu'on raconte aux enfants pour...

— Une histoire basée sur des faits réels et encore d'actualité, petite sotte ! s'énerva le maire. L'Embaumeur est réel. Il est responsable de la chute de la Colline.

— Non mais vous devez faire erreur, tenta de calmer le paladin. On l'a éliminé, le responsable. On vous a même rapporter les débris des reliques qui le maintenait en vie...

— Apparement vous vous êtes trompé de cible ! l'interrompit le maire. Pire ! Si j'en crois ces lignes, vous avez aidé ce détraqué à créer un monstre qui va s'abattre sur notre village d'un instant à l'autre !

La commandante s'empara distraitement de la lettre destinée à son père et parcourut rapidement les lignes du regard.

— Nous n'avons rien fait de tel, s'indigna la jeune elfe. Nous avons juste ramené à ce pauvre homme la dépouille de sa défunte femme.

— Ouais, approuva le jeune paladin, ainsi que celle d'un chevalier...

— Sa femme défunte revenue d'entre les morts à la Colline ? s'impatienta de nouveau le maire qui commençait blêmir. Que la Lumière nous garde ! C'est exactement la preuve que nous avons affaire à l'Embaumeur. (il se tourna vers sa fille qui elle aussi semblait avoir perdu ses couleurs, le regard toujours fixé sur la note) Qu'attends-tu pour agir ? Fais sonner l'alarme ! Fais évacuer la ville ! Rameute tes hommes ! Grouille !

La commandante se mit au garde-à-vous et sortit de l'hôtel en trombe, donnant des ordres à tout va. Le maire se tourna à nouveau vers les aventuriers, plus furibond que jamais.

— Quant à vous, jeunes imprudents, vous avez intérêt à réparer votre erreur si vous ne voulez pas que je vous expulse de ma ville, les menaça-t-il. Et que la Lumière aie pitié de votre âme si Sombre-Comté tombe par votre faute.


Les aventuriers s'échangèrent un regard perplexe, ne comprenant ce qui était en train de se tramer, quand retentit la cloche de l'hôtel de ville sonnant l'alarme. Le son fut assourdissant pour les oreilles de la jeune elfe qui suivit machinalement ses compagnons à l'extérieur de bâtiment, réalisant que l'heure était grave.

Ce fut le branle-bas de combat sur la place du village. La commandante se tenait à proximité de la fontaine, ordonnant à ses hommes de se rassembler à la sortie sud de Sombre-Comté, ainsi qu'à l'évacuation des villageois qui durent prendre la sortie nord.

Batël, vint à sa rencontre, à bout de patience.

— Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui se passe ? lui demanda-t-il. Qui est cet "Embaumeur" ?

La commandante attendit que la situation dans le village se calmât avent de répondre à la question du nain. À entendre sa voix, elle parût aussi désemparée que ne l'étaient les aventuriers.

— D'après la légende, ou du moins ce que je croyais n'être qu'une légende... Enfin bref, autrefois, c'était un brillant et bienveillant alchimiste qui fut rendu fou par la mort prématurée de sa femme. Au point qu'il aurait usé de la nécromancie pour la ramener à la vie. Et si c'est vraiment c'est ce qui a amené à la présence des morts-vivants à la Colline-aux-Corbeaux, si cette magie noire n'a pas échappé à son contrôle, c'est qu'il est allé trop loin.

— Un al... un alchimiste, vous dites ? répéta Baelbo qui avait à son tour blêmi.

Gahahli se rappela également du plan de travail débordant de fiole en désordre et à moitié rempli qu'il y avait dans la cachette de l'ermite. Elle prit soudain peur. Est-ce qu'elle et ses compagnons avaient vraiment... ?

— Et c'est quoi ce qui va nous arriver ? re-questionna le nain. C'est quoi ce qui vous met dans tout ces états.

— Si j'en crois ce papier, répondit la commandante en présentant la note à l'origine du remue-ménage, l'Embaumeur aurait créé un "démon de chair, d'os et de métal tordu, grinçant des dents et attendant son ordre pour frapper et nous massacrer".

— De chair, d'os et de... Une Abomination ! s'écria le gnome au bord de la panique.

— Il nous envoie une Abomination ! affirma le nain qui avait à son tour perdu ses couleurs.

Gahahli ne comprit pas tout de suite ce que ces compagnons insinuaient par "abomination" mais elle ne tarda pas à avoir la réponse à sa question quand un cri effroyable provenant des bois se fit entendre, comme un beuglement mélangé à un grognement. Puis l'elfe sentit dans le sol ne série de tremblements réguliers et qui s'amplifiaient, comme si quelque chose de lourd et d'imposant se dirigeait vers le village à toute vitesse.


Gahahli et ses compagnons rejoignirent aussitôt la barricade que formaient les Veilleurs à l'entrée sud de Sombre-Comté. Le paladin et le nain se mirent en première ligne, leur arme respective à la main. En imitant les Veilleurs-archers, l'elfe prépara son arc quand elle vit une silhouette se détacher dans l'ombre. Une silhouette massive et imposante, courte sur pattes et aux bras ballants qui avançait sur le sentier d'une démarche dandinante en émettant une série de gargarismes.

L'elfe crut d'abord à un ogre au vue de la taille et de la corpulence de la chose qui approchait dangereusement, mais elle s'aperçut vite qu'il n'en était rien quand la chose émergea de l'ombre. À ce stade, elle aurait préféré qu'il ne s'agît que d'un ogre armé jusqu'aux dents tellement la chose était abominable. À un point où elle comprenait pourquoi ces compagnons appelait cela une abomination.

Il s'agissait d'une sorte de golem de chair, dont le corps était constitué de cadavres cousus les uns aux autres et dont la petite tête chauve, osseuse et défigurée dépassait à peine des épaules. Il avait le regard vide et la mâchoire béante, garnie de dents crénelés. Mais le plus ignoble restait le trou béant dans le ventre qui laissait ses tripes à l'air et à peine retenus par d'épaisses barres métalliques en plus de dégager une odeur pestilentielle.

Cette chose avait trois bras disproportionnés, l'une d'elle surmontant l'épaule gauche et brandissant une énorme faucille. La chose tenait au bout d'un de ses deux autres bras ballants un fendoir sanglant, tandis qu'une longue et épaisse chaîne se terminant par un crochet était enroulé autour de son autre bras ballant.

En voyant l'immonde créature sortir de l'ombre, Gahahli se rappela en avoir déjà aperçu lors de la bataille du mont Hyjal, parmi les morts-vivants et les démons qui avaient pris d'assaut la montagne. À la différence qu'elle ne les avait jamais vu d'aussi près et en plein action par dessus le marché.


Lorsque la chose arriva à portée de tir, la commandante ordonna à ses archers de lancer une première salve de flèches sur le monstre. L'elfe les imita aussitôt. Mais le monstre eut le réflexe de se couvrir la tête de ses trois bras pour parer les flèches qui, plantés sur le reste du corps, ne lui firent aucun effet.

— J'ai comme un mauvais pressentiment ! murmura Batël face à l'incroyable réflexe de la créature avant de se tourner vers la commandante. Ecartez vos hommes !

Il ne laissa pas le temps à la commandante de lui demander pourquoi qu'il chargea sur la créature, brandissant sa hache en hurlant "Pour Khaz Modan !".

Le nain visa les entrailles à l'air de la chose même celle-ci para son attaque avec son fendoir avant d'envoyer le nains dans les airs avec un simple revers, l'éjectant ainsi du sentier.

Instinctivement, Gahahli se détacha du groupe de Veilleurs et se précipita vers le nain qui avait atterrit dans un buisson, tandis que la créature chargea sur les Veilleurs dans un beuglement.

Par chance, Batël n'avait rien. Il avait juste le souffle coupée et son armure avait été sévèrement enfoncée par le revers du fendoir qui pourtant était assez large pour coupe le nain en deux.

— SOMBRE-COMTÉ... J'AI FAIM !!!

Ce cri effroyable, grave et gutturale provenait de la créature qui avait réussi à disperser les Veilleurs, débordés par ses trois bras armés, et qui commençait à réduire le village à feu et à sang, fendant l'air avec ses multiples armes.

— Ce n'est pas une Abomination ordinaire ! dit Batël désemparé tandis que l'elfe l'aidait à se relever. Jamais j'en ai vu d'aussi vive et habile. Celle-ci a les réflexes de la goule des cata... Par les Titans, qu'avons nous fait ?


Voyant les Veilleurs gravement blessés gisant au sol et la créature fracassant les maisons, Gahahli sentit quelque chose se briser en elle. Elle avait quitté de son propre chef sa terre natale et son foyer, traversé la mer, parcouru des lieues et s'était rendue à Hurlevent dans l'espoir de faire des preuves et d'acquérir assez d'expertises pour combattre le Mal, l'empêcher de semer mort et destruction sur son passage et d'ainsi briser des vies innocentes. C'était le but qu'elle s'était fixé depuis le passage des démons dans sa forêt natale. Elle voulait épargner à des innocents la peur et la souffrance qu'elle avait subie ce jour-là. Et en ce moment, elle réalisait qu'elle et ses compagnons avait (certes à leur insu mais quand même) contribué à ce qu'elle s'était jurée de combattre, qu'ils étaient la cause du malheur qui était en train de s'abattre sur ce village et que la jeune elfe voulait à tout prix empêcher.

Cet idée la dégouta... en plus de la mettre en rogne. Elle ne pouvait le supporter. En son âme et conscience, elle ne pouvait se permettre d'être responsable d'un tel malheur.


N'écoutant plus que son instinct et sa colère, elle fonça vers l'Abomination et profita du fait qu'elle lui tournait le dos pour lui tirer une volée de flèche dans la nuque. Cela blessa à peine la créature et eut pour seul effet d'attirer son attention sur l'elfe.

Voyant l'Abomination charger sur elle, Gahahli n'eut d'autre choix que de courir dans les bois aux alentours, éloignant ainsi la créature du village.

Celle-ci tenta d'attraper la jeune elfe en lui balançant sa chaîne tel un fouet. Le cliquetis de la lourde chaîne parvenant jusqu'aux oreilles de Gahahli, celle-ci l'esquiva d'un bond sur le côté, juste avant que le crochet ne se plante avec fracas dans le sol. La créature extirpa sa chaîne d'un seul geste, ne laissant qu'un gros trou dans le sol, et recommença son lancer qui à nouveau manqua sa cible de peu, mais parvint cette fois à lui faire perdre l'équilibre.

La jeune elfe perdit son arc sous le choc et à peine l'avait-elle retrouvée des yeux qu'elle senti le pied de la créature lui écraser les reins. Il lui fut impossible de se dégager avec un poids pareil et son arc était hors-de-portée de bras.

Du coin de l'œil, elle vit l'Abomination viser la nuque de sa victime avec son fendoir avant de la brandir quand une forme féline se jeta sur l'énorme bras tenant le fendoir et planta ses crocs et ses griffes au niveau du poignet. L'elfe reconnut Jakua qui voyant sa maîtresse livrée à elle-même face à la créature avait finalement dû surmonter sa phobie des morts-vivants pour lui venir en aide.

Malheureusement, le Sabre-de-nuit avait beau lacérer sa prise, elle ne fit pas plus d'effet à l'Abomination qu'un léger pincement. Elle avait toujours le fendoir à la main et tenait toujours l'elfe sous son pied. L'animal tint toutefois quand la créature secoua le bras dans le but de lui faire lâcher prise. Puis elle changea de tactique et Gahahli vit la créature brandir son troisième bras armée de la faucille, près à l'abattre sur le tigre.

— POUR LA LUMIÈRE ! entendit-elle soudain crier, reconnaissant la voix de Bartélo.

Elle vit alors le paladin charger la créature et lui envoyer un coup de marteau dans les reins, ce qui la fit vaciller dans une série d'éructations et de grognements, permettant à Gahahli de se dégager et de récupérer son arc.

Elle vit également son Sabre-de-nuit de nouveau au sol... avec la main de l'Abomination qu'il avait lacéré de ses crocs, tenant toujours le fendoir. La créature s'aperçut d'un air hagard qui lui manquait une main et entra dans une rage aveugle, beuglant et balayant les airs avec sa chaîne que l'elfe et le paladin durent esquiver non sans peine, jusqu'à ce qu'elle vint s'enrouler autour d'un arbre et s'y accrocher. La chose avait beau tirer, la chaîne restait coincée.

Bartélo en profita pour abattre son marteau sur le bras attachée à la chaîne, plus précisément au niveau du coude, et dût s'y prendre à plusieurs reprises jusqu'à ce que l'avant-bras se détache.

La créature privée de deux de ses trois vacilla à nouveau quand ce fut au tour de Batël, ayant dû reprendre son souffle entretemps, de revenir à la charge et de lui planter sa hache dans un de ses mollets, mettant la créature à genoux.

Le nain et le paladin en profitèrent pour rouer l'Abomination de coups de haches et de marteaux jusqu'à ce que l'elfe acheva la créature à coupe de flèche dont le fond de la gorge lorsque celle-ci s'était à nouveau mise à beugler. L'Abomination finit par s'écrouler de tout son long dans un bruit sourd.


— On l'a eu ! s'écria Bartélo victorieux. On l'a eu cette saleté !

— Ouais ben, il n'y a pas de quoi en être fier ! fit remarquer Batël courroucé. Je rappelle qu'on a "un peu aidé" à faire que cette chose existe !

— On ne pouvait pas le savoir ! se défendit le paladin.

— Et vous voyez le résultat ? rétorqua le nain en désignant le village encore visible derrière les arbres, ravagé.

Gahahli ne sût quoi répondre à ça. Cela lui faisait mal de l'admettre mais pour le coup, elle était d'accord. Elle s'en était déjà fait la réflection en peu plus tôt, quand l'Abomination s'était lancée dans son carnage. Cela étant dit, le paladin avait aussi marqué un point. Comment auraient-ils pu savoir ce que l'ermite avait réellement en tête ? Ils avaient tous été bernés.

— Au moins, on s'en est tous sorti, tenta de relativiser Bartélo.

— Va donc dire ça aux Veilleurs qui sont en train de soigner les blessés ! lui rétorqua sèchement le nain. D'ailleurs, tu devrais peut-être aller les aider.

— C'est bon, j'y vais ! rouspéta le paladin en y allant de ce pas avant d'interpeller Gahahli à mi-chemin. Hé, au fait, Lili ! Je vous ai sauvé la vie à toi et ton tigre. On est quitte, maintenant ?

L'elfe lui répondit d'un geste las, n'ayant pas le cœur à se soucier des dettes qu'on lui devait.

— Et au fait, où est Bilbo ? demanda Batël toujours en rogne.

— Pas vu depuis que l'Abomination est arrivée, lui répondit de loin le paladin.

Gahahli se rendit compte également de l'absence de son ami gnome durant la bataille. Elle pria qu'il ne fût rien arrivé, autrement elle ne pourrait jamais se le pardonner. Pas plus qu'elle ne pouvait se pardonner pour son rôle dans la naissance de la créature.

— Il a dû se planquer à nouveau, ce tocard de gnome ! soupira le nain.

— Je ne vous permet pas de parler de mon ami de cet façon ! s'indigna l'elfe avant d'être interrompu par un bruissement suspect provenant des fourrés.


Elle vit alors un vieil homme s'extirper maladroitement des buissons et l'elfe reconnut aussitôt l'ermite de la Colline. Le fameux "Embaumeur".

Il avait peut-être troquer sa robe miteuse pour une plus sombre et plus ornée en plus de maintenant porter des marques sur le visage, mais Gahahli l'avait de suite reconnu.

Il avait dû se rendre en catimini jusqu'aux abords de Sombre-Comté pour assister au carnage de sa création. Ça pouvait n'être que la seule explication de sa présence. Et à juger par son air hagard, il avait fait tout ce chemin depuis la Colline que pour constater son échec.

Se sentant repéré, le vieil homme prit la fuite, aussi vite qu'il pût malgré sa démarche claudiquante et s'enfonça dans les bois.

Se laissant à nouveau emporter par ses émotions, Gahahli se lança à sa poursuite, son Sabre-de-nuit à ses talons et ignorant les interpellations du nain.

Si la jeune elfe voulait épargner à des innocents le malheur qu'elle avait subi lors de l'invasion des démons, elle s'était également jurée de ne pas faire de cadeau à ceux qui ont étaient les architectes.

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