Un nouveau monde
La Colline aux Corbeaux était située tout à l'ouest du Bois de la Pénombre, à proximité de la rivière séparant la région de la Marche de l'Ouest où le groupe avait combattu la Confrérie Défias quelques jours auparavant. Il n'était donc pas improbable que les aventuriers y trouvassent quelques bandits qui continuaient d'arborer le foulard rouge depuis la mort de leur chef, des bandits résistants et vindicatifs.
Pour s'y rendre, le groupe avait juste à suivre la route vers l'ouest tout en prenant garde à un clan d'ogres qui tenaient un campement à proximité de la route et avaient une fâcheuse tendance à prendre en embuscade les voyageurs non-avertis. Mais aussi imposants et violents étaient les ogres qui selon les dires des habitants locaux avaient fait leur apparition en même temps que les orcs, ils n'étaient pas là plus grande menace qui infestait ses bois.
Le groupe avait pris la route dès l'aube — fut-elle difficile à percevoir dans cette région plongée dans l'obscurité.
Gahahli traînait le pas. Bien qu'elle s'était remise de l'incident de la nuit dernière (du moins partiellement), elle avait toujours du mal à digérer la conduite rustre de Bartélo. Ce dernier avait beau s'être excuser auprès de la jeune elfe, ce sous l'insistance de Batël, elle ne l'avait accepte qu'à moitié et ce uniquement pour ne pas compromettre leur mission. La jeune elfe en venait se demander comment elle avait pu se laisser charmer par le paladin les jours précédant l'incident, maintenant que tout en lui ne lui inspirait plus que mépris et dégoût. Presque autant que si le paladin s'était avérer être un ogre ou un troll.
Elle fut également remontée contre le nain qui avait beau avoir jouer les réconciliation au petit matin, avait tout de même insinuer que l'attitude de l'elfe la veille avait également était excessive — comme si elle avait besoin qu'on lui rappelait sa propre bêtise — et avait donc obliger cette dernière à s'excuser. Ce qu'elle avait fait mais pour les mêmes raisons qu'elle avait accepté celles du paladin qui n'avaient pas été plus sincères à ses oreilles.
Seul Baelbo s'était montré avenant et attentionné à l'égard de l'elfe, lui demandant comment elle allait à son réveil et lui ayant apporté un oeuf dur pour son petit déjeuner, sans la juger ou quoi. Il s'était même montré compréhensible et même compatissant. Gahahli souhaiterait rendre la pareille au gnome sans qui elle n'aurait plus l'impression de faire parti du groupe.
Baelbo avait même eu la décence de lui demander comment allaient ses bras depuis leur confrontation avec les worgens — et il était vrai que la jeune elfe en allait en avoir plus que besoin de leur usage, face aux morts-vivants. Heureusement pour l'elfe, elle en avait retrouvé l'usage de ses deux bras, mais signifiait également qu'elle devrait être reconnaissante envers le paladin pour ces soins et pour les avoir retrouvé aussi rapidement. Le même paladin qui lui avait brisé le coeur la veille au soir. Le coup de griffe du worgens lui avait peut-être laissé des cicatrices qu'elle devra porter toute sa vie, cela n'était rien comparé à la cicatrice qu'elle avait sur le coeur.
Le groupe ne croisa ni ogre ni Défias quand il arriva en vue du village abandonné de la Colline aux Corbeaux. Il n'était pourtant pas sans rappeler Ruisselune, le village ayant servi de base à la Confrérie dans la Marche de l'Ouest, avec ses maisons délabrées qui rendaient Sombre-Comté plus accueillant par comparaison.
Il n'y avait pas âme qui y vivait. Pas même une "âme errante" — qui serait pourtant approprié dans ce village "fantôme".
Les aventuriers restèrent toutefois sur leur garde quand ils entrèrent dans le village, craignant le guet-apens. Dotant qu'avant leur départ, les Veilleurs les avaient mis en garde contre "quelque chose" qu'ils avaient vu rôder dans les décombres de ce village fantôme sans pour autant déterminer ce que c'était.
Il n'y eut qu'une statue placée au centre du village et en bien piètre état pour accueillir le groupe, représentant un chevalier humain au crâne dégarni, au visage dur, à la barbe bien fournie et dont l'armure avait clairement pour motif un lion.
— ... Lothar, dit Batël dans un soupir en contemplant la statue tandis que Bartélo s'agenouilla devant elle en signe de dévotion.
Au vue de leur attitude, Gahahli comprit vite que la statue devait représenter quelqu'un d'important pour le nain et le paladin sans qu'elle ne sût pourquoi.
— Qui est-ce ? demanda-t-elle à Baelbo dans un murmure.
— Anduin Lothar, lui répondit le gnome. Aussi surnommé le "Lion d'Azeroth" et autrefois le Champion de Hurlevent.
— Et Commandant suprême de l'Alliance, s'empressa d'ajouter le nain. Figures-toi que c'est lui qui a mené de front la guerre contre la Horde des orcs, et ce jusqu'à la Bataille du Mont Rochenoire.
— Sans lui, on aurait jamais pu reprendre Hurlevent aux orcs, ajouta à son tour la paladin.
— ... Anduin Lothar, répéta l'elfe tout en contemplant la statue d'un air pensif. Ce ne serait pas comme...
— Comme l'enfant-roi de Hurlevent, confirma Batël. Clairement qu'il a été nommé ainsi en hommage à ce bon vieux Lothar. Pour dire à quel point c'est un parangon pour l'Alliance. Même les orcs auraient de l'estime pour le guerrier qu'il avait été de son vivant, à ce qu'il paraît.
"Des orcs qui ont de l'estime pour un de leur ennemi ?" songea la jeune elfe qui trouvait l'idée saugrenue.
— Mais alors, pourquoi a-t-on érigé cette statue dans un lieu aussi sinistre ? demanda-t-elle à voix haute.
— C'est une très ancienne statue, ma chère enfant, répondit une voix raillée qui fit sursauter les aventuriers. Elle date d'avant l'apparition des orcs dans notre monde. Quand Lothar n'était connu que pour ses prouesses contre les trolls Gurubashi de Strangleronce.
À côté des aventuriers, se tint un vieil homme en robe grise décolorée. Tout comme la statue de Lothar, il avait le crâne dégarni et la barbe foisonnante, ses cheveux couleurs poivre-sel étant cependant plus long et plus désordonnés. De plus, au vue de sa stature, le vieil homme semblait trop frêle pour avoir porter une armure ne fusse qu'une fois dans sa vie.
Le groupe resta perplexe devant cet individu qu'aucun n'avait vu ni entendu venir. C'était comme s'il venait d'apparaître à l'instant. Même le Sabre-de-nuit semblait surpris de la présence soudaine du vieil homme, lui qui avait pourtant habitude de grogner quand approchait un inconnu. Il resta cependant distant et bizarrement silencieux.
— Ne restez pas là ! leur dit le vieil homme à voix basse tout en leur faisant signe de le suivre. Nos ennemis ne sont pas loin. Il faut pas qu'ils nous trouvent. Venez !
Tandis que le vieil homme se dirigea vers le bâtiment le plus proche, à savoir ce qui semblait être une ancienne auberge en ruine dont toutes les fenêtres étaient condamnés, le groupe resta hésitant. Tous se rappelaient de l'incident à la Colline des Sentinelles.
— Alors, qu'est ce que vous attendez ? s'impatienta le vieil homme.
— Excusez-nous mais... On était pas supposé attendre qui que ce soit dans ces ruines, vint s'expliquer Bartélo.
— Les Veilleurs nous ont dit que le village avait dû être évacué d'urgence après être tombé aux mains des morts-vivants, ajouta Baelbo.
— Les Veilleurs vous ont envoyé en ces lieux pour nous débarrasser de ces morts-vivants, non ? leur demanda le vieil homme. Et bien, je peux vous indiquer comme en venir à bout aussi rapidement et efficacement. Mais pour que je vous en parle, il faut d'abord nous mettre à l'abri. Et vite ! Je les attends s'approcher.
— Et si on décidait de nous passer de votre aide ? demanda Batël qui restait méfiant.
— Alors je ne peux rien pour vous, leur répondit le vieil homme. Ce sera à vos risques et périls. Cela dit, dépêchez-vous de prendre une décision. Ils sont nombreux.
Baelbo fut le premier à se précipiter vers le bâtiment délabré, suivi de pres du Sabre-de-nuit. Gahahli et Bartélo leur emboitèrent aussitôt le pas et vinrent tous se réfugier dans ce qui devait être la cuisine à une lointaine époque et dont le plan de travail débordait de fioles et de bouteilles à moitié remplis de mixture à la couleur douteuses.
Batël fut le dernier à rejoindre le groupe, juste avant que le vieil homme ne barricade la porte avec une planche. Il fut également le plus contrarié.
— Bin quoi ? se défendit le gnome tandis que le nain lui lançait un regard accusateur. Un peu d'aide vaut mieux que pas d'aide du tout. Et puis, si ça peut nous permettre d'en finir au plus vite avec les morts-vivants...
— Pour quelqu'un qui se vante dans les tavernes de t'être frotté à un démon grand comme une montagne, tu n'as pas l'air d'avoir l'âme d'un aventurier, le blâma le nain avant de se tourner vers le vieil homme qui avait rejoint le groupe. Et vous, qui êtes vous ? Et qu'est-ce que vous fichez ici ?
— Je ne suis qu'un simple vieillard qui n'a eu ni la force ni le courage d'abandonner sa seule et unique demeure, répondit sobrement le vieil homme. Du moins, ce qu'il en reste. Je vis ici en ermite, pour ainsi dire. Encerclé par les morts-vivants, luttant comme je peux pour rester en vie.
— Ne seriez-vous pas alchimiste, au fait ? demanda Baelbo en examinant les fioles sur le plan de travail.
— En effet, je lui suis, lui répondit l'ermite. Voyez-vous, j'ai été l'alchimiste de la Colline aux Corbeaux avant que le village ne dût être déserté. Ce fut d'ailleurs ce qui m'a permis de tenir les morts-vivants à l'écart, même si je commence sérieusement à manquer de potions et d'ingrédients.
— Une chance que nous soyons ici pour vous en débarrasser définitivement ! clama fièrement le paladin.
— Et une chance pour vous que je les ai observé assez longtemps pour savoir comment en venir à bout définitivement, lui rétorqua le vieil homme. Ce pourquoi je vous ai amené ici.
— Et peut-on savoir comment on en vient à bout de ces morts-vivants ? demanda le nain impatient.
— Tout simplement "en coupant la tête du serpent", lui répondit l'ermite. En l'occurrence, abattre le nécromancien qui a ressusciter ses morts-vivants et les contrôle. Ici, vous n'aurez aucun de mal à reconnaître le nécromancien, vu que c'est une liche.
Gahahli frémit à la simple mention du terme "liche", lui évoquant des sorciers-squelettes flottants et enveloppés de longues robes, commandant des armées de morts-vivants durant l'invasion des démons. Et elle ne fut apparement pas la seule à qui l'évocation d'une telle créature avait pu jeter un froid. Même le nain parût déglutir, comprenant que la mission allait être plus ardu que prévu.
— Et... comment est-ce qu'on atteint cette liche ? demanda-t-il tout en dissimulant tant bien que mal.
— Probablement dans les catacombes, au nord du cimetière en contrebas de la colline, lui répondit l'ermite.
— Là où les morts-vivants doivent pulluler, commenta le gnome.
— Et ce n'est pas tout ! s'empressa d'ajouter l'ermite. De ce que j'ai pu voir, il aurait un guerrier-squelette et une goule comme garde du corps et il serait enveloppé d'un bouclier magique.
— Sûrement une magie impie, dit le nain d'un air songeur avant de se tourner vers Bartélo. P'tit gars, t'aurais de quoi y remédier ?
— Je dois avoir un contre-sort contre la magie impie dans mon missel mais je ne peux rien garantir, répondit le paladin.
— Pourvu que cela suffise ! dit le gnome tremblotant.
— Avant que vous ne partiez, j'aurais une requête à vous faire, leur manda soudain l'ermite. Quand vous aurez vaincu la liche, j'aimerai que vous me rapportiez la dépouille de ses deux gardes du corps.
— Pourquoi donc ? osa demander la jeune elfe incrédule face à cette étrange requête.
— Je souhaiterai simplement les inhumer moi-même et comme il se doit, lui répondit le vieil homme. Surtout après qu'on ait profané leur tombe et surtout leur corps. Voyez-vous, l'un d'eux était un chevalier ayant dédié sa vie à servir l'Alliance et défendre ceux qui étaient dans le besoin mais qui en plus d'avoir disparu dans l'oubli et l'indifférence a connu une fin aussi tragique qu'injuste.
— Ça me suffit, comme raison ! clama le paladin en brandissant son marteau. Allons donc mettre fin aux tourments de ce pauvre chevalier. Qui est avec moi ?
Il n'eut droit qu'à un vent pour toute réponse.
— Quant au second, ça peut-être difficile à croire mais il s'agissait autrefois d'une personne qui comptait beaucoup pour moi, reprit l'ermite. Et dont la disparition m'avait profondément bouleversé. Je ne peux me résoudre de l'idée de quitter ce monde tant qu'un nécromancien se sert de sa dépouille comme d'une marionnette.
— Soyez-en assuré, monsieur, lui dit l'elfe en préparant son arc. Ce monstre paiera pour son crime pour cette ignominie.
— Et à part ça ? demanda le nain toujours méfiant. Est-ce qu'on vous doit quelque chose en échange de vos renseignements ?
— Considérez ma requête comme mon unique paiement, lui répondit l'ermite.
Aussitôt l'entretien avec le vieil homme terminé, le groupe, Bartélo et Batël en tête, sortit en trombe de la baraque et cassa du mort-vivant à foison à coup de hache et de marteau. Gahahli et Baelbo quant à eux restèrent en retrait pour couvrir leur arrières avec leurs flèches et leur boules de feu, tout en prenant soin d'économiser leurs munitions et leur mana pour le moment où il allaient devoir affronter la liche. Jakua restait sur leurs talons, probablement pour assurer leurs arrières.
La traversée du cimetière en contrebas depuis le versant nord de la colline fut relativement aisé. Ayant pris leurs ennemis par surprises, ces derniers, principalement constitués de goules et de guerriers-squelettes décérébrés, avaient eu à peine le temps de réagir et de s'organiser. D'autant que le cimetière était vaste et les morts-vivants éparpillés. Même quand ils chargèrent sur le groupe depuis l'obscurité, les aventuriers non seulement les voyaient venir tant leur démarche désarticulé les rendaient lents mais ils les entendaient aussi venir, entre les grognements incessants des goules et les cliquetis des os des guerriers-squelettes ainsi que celui de leur armure. Quant à ceux qui avaient la présence d'esprit de surprendre les aventuriers stèles funéraires furent trahis par leur odeur putride. Sans compter que les pierres tombales dans un trop mauvais état pour servir de cachette à qui que ce soit.
Ce fut quand le groupe atteignit le mausolée en ruine les amenant aux catacombes que les choses se corsèrent. Contrairement au cimetière, l'espace était plus restreint, les ennemis plus groupés et surtout plus nombreux, laissant à peine aux aventuriers le temps de souffler. Ils auraient dû s'y attendre néanmoins, eux qui étaient venu casser du mort-vivant. Pour de tels ennemis, les catacombes étaient leurs nid.
Le seul avantage était pour Gahahli qu'elle n'avait plus besoin de faire de long déplacements pour récupérer ses flèches sur les cadavres de ses victimes. Pourtant, comme si se retrouver au plus près des morts-vivants ne la répugnait pas assez, l'idée de se retrouver sous terre parmi les morts au sens propre comme au figuré la rendait nerveuse. C'était comme si elle faisait un cauchemar éveillé, elle dont le pire cauchemar était de voir à nouveau son monde brûler par les démons et des orcs corrompus. Elle luttait pour ne pas perdre défaillir tandis qu'elle enjambait précautionneusement les cadavres des goules et priait Elune qu'elle n'ait pas à en affronter à nouveau de sitôt.
Il fallut au groupe traverser deux chambre funéraire avant d'atteindre l'antre de la liche qui se flottait au dessus d'un autel enveloppé d'une sorte de bulle magique et qui à peine avait-elle vu les aventuriers pénétrer son repaire leur envoya ses deux sbires dont l'ermite avait fait mention un peu plus tôt, à savoir un guerrier-squelette armée d'une claymore lumineuse et une goule plus robuste que les autres. Tellement robuste que même les flèches de l'elfe ne parvenait pas à l'arrêter. Quant aux squelette, s'il ne parait pas les projectiles de son imposante épée, les flèches rebondissaient sur ses os et son armure.
La goule chargea sur la jeune elfe mais fut vite interceptée par le nain, tandis que le squelette engagea un duel avec le paladin, sous le regard amusé (du moins, ce que qu'on pouvait assumé être une expression amusé sur un visage squelettique) de la liche.
La goule donna du fil à retordre à Batël, tout bon vétéran qu'il était, esquivant le moindre de ses coups et lui en assenant tellement que son adversaire eut dût mal à les parer. Le nain n'avait que son armure pour se protéger des griffes acérés de son adversaire, ainsi que de ses dents démesurés. Mais pour combien de temps.
La jeune elfe regardait impuissante son compagnon d'arme faiblir sous les coups, ne sachant que faire contre un ennemi aussi redoutable et insensible à ses flèches. Elle n'osait prendre la goule à part et l'affronter directement au corps à corps, elle savait qu'elle ne ferait pas le poids.
En tombant à la renverse sous les coups du morts-vivant, le nain parvint toutefois à toucher son adversaire d'un coup de hache dans le bas-ventre. Cela fit pousser à la goule un cri abominable ayant pour effet de distraire le squelette. Bartélo en profita pour disloquer la colonne vertébrale de son adversaire d'un coup de marteau qui le fit tomber comme couper en deux.
— Raah ! Dois-je tout faire moi-même ? s'agaça la liche d'une voix d'outre-tombe tandis qu'elle descendit de son autel et se dirigea vers les aventuriers de son pas flottant, toujours dans sa bulle de protection.
— C'est le moment, p'tit gars ! cria le nain toujours en prise avec la goule et à l'intention du jeune paladin. Utilise ton contre-sort, vite ! 'Faut lui révoquer son bouclier !
Bartélo s'exécuta et feuilleta son missel à la recherche dudit contre-sort tandis que la liche s'approchait dangereusement, tendant les bras squelettique vers sa victime menaçant de rompre sa magie, et que le squelette que le jeune paladin pensait avoir vaincu se redressait sur sa cage thoracique juste derrière son adversaire et brandissait sa lame, sur le point de l'abattre en traître.
N'écoutant que son instinct et voyant combien Bartélo galérait à retrouver la formule, Gahahli prit le paladin par le bras et le tira vers elle juste à temps avant que l'épée du squelette ne fendit l'air et brisa la bulle de la liche comme du verre, rendant cette dernière furibonde.
— J'aurais dû m'en douter ! s'exclama le paladin. La lame était imprégné de Lumière. Ce pauvre gars devait être un paladin de son vivant !
— Pas le moment de bavasser ! s'écria à nouveau Batël qui venait d'en finir avec son adversaire. Achevons cette pourriture.
Privée de protection magique, le combat contre la liche fut finalement bref. Deux-trois coups de haches et de marteau pour les briser les os et deux flèches bien placés entre les deux yeux et c'en fut finit du mort-vivant qui se désintégra comme s'il n'avait était que de la poussière, ne laissant derrière lui qu'une amulette que le nain s'empressa de broyer sous sa botte sous le regard incrédule de l'elfe et du paladin.
— C'était le phylactère de cette maudite liche, expliqua Batël tandis qu'il ramassait soigneusement les débris de l'objet. C'est ce qui lui a générer sa forme physique et lui permet de se régénérer au corps venait à se désintégrer comme ce qu'il vient de se passer à l'instant. Ce qui fait qu'elle ne peut mourrir tant que son phylactère est intact.
— Alors c'est bon ? demanda Gahahli incrédule. On l'a tué.
— Correction, gamine, JE l'ai tué, rectifia le nain qui monta sur ses grands chevaux. Vous deux, vous n'avez fait que l'affaiblir. Et je doute que vous auriez eu la présence d'esprit de détruire cette amulette avant que la liche ne se matérialise à nouveau. Nos efforts auront été vain si je n'avais pas été là.
— Le principal, c'est que notre mission est une réussite, tenta de relativiser Baelbo.
— Tiens donc, Bilbo ! l'interpella le nain toujours dans ses grands airs. T'étais où, toi ? On ne t'a pas vu beaucoup à l'œuvre depuis qu'on est entré dans les catacombes. Tes boules de feu nous auraient pourtant été utiles !
Bien que la jeune elfe n'appréciait décidément pas le ton que prenait Batël vis à vis de son ami gnome, elle se rendit compte qu'il avait raison. Elle non plus n'avait vu le gnome en action depuis qu'ils étaient sous terre, elle en presque oublié la présence dans le feu de l'action.
— C'est que... ces couloirs étaient si étroits, j'osais pas lancer la moindre boule de feu de peur de vous toucher, balbutia le gnome. Et puis, il fallait bien que quelqu'un veille sur Jakua. Lui non plus il... Je veux dire, il n'avait pas l'air pressé d'entrer dans les catacombes avec tous ces morts-vivants qui grouillaient.
Ça aussi, cela lui était sortit de la tête de Gahahli, l'absence de son Sabre-de-nuit. En le voyant avancer le dos rond et d'un pas mal assuré, le regard effrayé d'un chat apeuré devant approcher un chien ou traverser une rivière, la jeune elfe se rendit compte seulement maintenant que le tigre avait la frousse des morts-vivants. Elle se rappela qu'il n'était encore qu'un tigreau esseulé quand elle l'avait recueilli. Sans doute avait-il été traumatisé de leur passage dans la forêt d'Orneval, tout comme Gahahli avait été traumatisé par le passage des démons, que ce fût les morts-vivants qui l'avait rendu orphelin. Elle vint donc réconforter son fidèle Sabre-de-nuit d'une caresse sur la tête, en se mettant à genoux, à la hauteur de l'animal.
— Et comment se fait-il que toi et cet animal vous vous pointez maintenant si vous avez une peur bleue de cadavres ambulants ? demanda le nain d'un ton sceptique qui déplaisait à l'elfe.
— C'est que j'essaye de vous dire, notre mission est une réussite, répondit le gnome. À la surface, les squelettes se sont soudainement écroulés et les goules avaient l'air déboussolé. À l'heure où je vous parle, elle sont en train de s'entredévorer.
— À la bonne heure ! s'exclama le paladin. Il faudra fêter ça quand on sera rentrer à Sombre-Comté.
— Et ben chaque chose en son temps ! s'impatienta le nain qui remit les débris du phylactère dans sa bourse. Ça, ce sera la preuve de notre victoire. Maintenant, il faut qu'on s'occupe de la requête de... cet étrange ermite de l'autre village là bas... aussi saugrenue soit-elle.
Le groupe contempla la dépouille des deux anciens "gardes du corps" de la liche qui étaient resté inanimés depuis la disparition de leur maître. Même dans cet état, ils n'étaient pas moins répugnant que quand ils étaient animés. Les aventuriers éprouvent toutefois de la peine à l'idée qu'on eut souillé leur cadavre pour en faire d'horribles marionnettes.
Le nain balaya la salle du regard avant de s'arrêter sur une pile de cercueils ouverts et posés dans un coin qu'il s'empressa d'inspecter.
— On va les mettre là-dedans, déclara-t-il. Ils n'ont pas l'air en trop mauvais état.
Tandis que le groupe s'affairait à déplacer les cadavres dans les cercueils, Gahahli ne put s'empêcher d'inspecter à son tour la salle du regard, maintenant que tout danger. L'endroit avait l'air d'une chapelle souterraine, si ce n'était qu'à la place des bancs se tenaient des plans de travail couvert de fioles contenant des mixture rappelant celles que le groupe avait trouvé dans la cachette du vieil ermite. Au fond de la salle, plus dans l'ombre, se tenaient comme des tables de tortures où étaient posés des cadavres d'humains en putréfaction, ce qui fila la nausée à la jeune elfe, même à distance.
— Que croyez-vous qu'ils fabriquent dans... cet endroit ? demanda-t-elle d'une voix trahissant son malaise.
— Rien de bon, gente dame, lui répondit amèrement le gnome. Rien de moins que des expériences qui devraient être interdites. Il ne vaut mieux pas que vous en sachiez davantage.
Le groupe dût se mettre deux par deux pour soulever les cercueils qui, les cadavres de morts-vivants à l'intérieur, pesaient leur poids.
En sortant des catacombes, ils s'avéra que le gnome n'avait pas menti. Là où le cimetière grouillaient encore de mort-vivants que les vivants n'avaient pas abattus en chemin, ils ne restait que des tas d'os et des cadavres de goules ou agonisantes.
Les aventuriers restèrent néanmoins prudents tandis qu'ils traversèrent le cimetière avec leur lourde cargaison, évitant autant que possible les cadavres de morts-vivants, dès fois qu'ils ne seraient pas tout-à-fait morts ou faisant juste semblant. Pendant un instant, Gahahli crut voir une main osseuse convulser, ce qui la fit sursauter et manqua de la faire basculer le cercueil qu'elle transportait.
Hormis le sursaut de l'elfe, le groupe arriva finalement au village de la Colline-aux-Corbeaux sans incident. À peine vinrent-ils déposer leur chargement que le vieil ermite sortit de son repaire et vint à leur rencontre. Il semblait non seulement ravi de voir les aventuriers revenir triomphant mais aussi du fait qu'il avait exécuter sa requête.
— J'espère que vous n'avez pas trop amoché ma femme ! dit-il d'un ton qui se voulut plaisantin.
— Votre... Votre femme ? répéta la jeune elfe.
— La goule, expliqua le vieil homme. C'était ma femme. J'ai omis de la préciser.
Le groupe inspecta le cercueil contenant les reste de ladite goule avec un regard mêlant l'incrédulité et le dégoût.
— Je vous assure qu'elle n'a pas toujours été tel que la voyez là, se défendit l'ermite. De son vivant, c'était la plus belle femme qui m'ait été donné de voir...
— Et ben s'il est est amoché, ce ne sera pas de notre faute, l'interrompit Batël mécontent en présentant son armure abîmé par les coups de la goule. C'était elle ou nous, je vous signale.
Le vieil homme ne tint pas compte de la remarque désobligeante du nain sous le regard écœuré du groupe ouvrit la cage thoracique de la goule.
— Ah ben, voilà autre chose ! s'exclama le nain. Il nous demande si on a pas trop endommagé sa gonzesse et lui, il s'en charge...
— Le cœur est intact, déclara l'ermite. C'est tout ce qui m'importe. Bon boulot, jeunes aventuriers ! Je vous en suis éternellement reconnaissant.
— On peut y aller, maintenant ? demanda expressément Baelbo qui ne cachait plus son mal-être. Je n'ai pas très envie de rester une seconde de plus avec... dans ce village malfamé, je voulais dire.
— Je suis de l'avis de maître Bilbo, approuva le paladin. D'autant qu'on a fait ce qu'on est venu faire. On n'a plus rien à faire, maintenant, non ?
— Ouais, allons faire notre rapport à Sombre-Comté ! déclara le nain.
— Attendez ! les interrompit le vieil ermite. Si vous retournez à Sombre-Comté, veuillez donc remettre ceci au maire.
Il sorti un pli de sa poche qu'il tendit à la jeune elfe. Celle-ci hésita à s'en emparer tant la main qui tenait l'enveloppe dégoulinait encore des résidus de la goule.
— Qu... Qu'est-ce donc ? demanda-t-elle de plus en plus mal à l'aise.
— Juste une lettre pour un vieil ami que j'ai pris la liberté de rédiger en attendant votre retour, répondit l'ermite. Il témoigne de votre courage et de votre dévotion quant à exécuter la requête d'un pauvre vieillard sans défense. Je pense qu'il sera ravi de lire ses lignes.
— Prends donc cette lettre qu'on en finisse ! ordonna Batël à l'elfe.
Celle-ci prit la lettre tout en prenant soin à ce que ces doigts n'effleurent pas celles encore crasseuses du vieil ermite.
Puis le groupe quitte le village après de brèves adieux à l'ermite.
— Ouf ! Pas mécontent de sortir de ce trou perdu ! souffla le gnome quand ils reprirent le chemin pour Sombre-Comté. Ce type est vraiment louche en fin de compte !
— Dès le début, il m'a paru louche, lui rétorqua le nain toujours d'aussi méchante humeur. M'enfin, tant qu'on ne le revoit pas de sitôt...
— Au fait, Lili, je n'ai pas eu le temps de te remercier de m'avoir sauvé dans les catacombes, dit Bartélo à l'elfe. Si je puis faire quelque chose pour toi...
— Je t'en prie, ce n'est rien, lui répondit sobrement l'elfe légèrement gênée. C'était naturel.
Elle conservait malgré tout une rancœur vis à vis de paladin pour son attitude de l'autre soir et était trop concentré sur la lettre de l'ermite qu'elle tenait entre les mains pour se soucier la dette de son compagnon d'arme.
— Ah mais, j'insiste ! Un paladin n'a qu'une parole et si je puis payer ma dette..;
— Laisse-moi y réfléchir, tu veux bien ? s'impatienta l'elfe.
***
L'ermite attendit que les aventuriers soient hors de vue avant de se diriger vers sa cabane où les attendaient d'autres visiteurs. Des visiteurs inhabituels à qui il avait fait également une requête avant l'arrivée des aventuriers, qui étaient revenu de leur mission tandis que les aventuriers étaient parti pour les catacombes et qu'il avait dû cacher dans son repaire pour éviter qu'ils ne se rencontrent.
Ses visiteurs allaient aider l'ermite dans ses plans, il en avait mis sa main au feu. Et avec les cadavres encore frais qu'il avait demandé et l'aide de ces étranges visiteurs, il allait enfin mettre son plan à exécution.
— Bien, vous avez récupéré ma caisse à outil, déclara-t-il à ses visiteurs en entrant dans sa cabane. Et le cadavre de l'ogre à qui vous avez dû l'arracher des mains ?
— Il est encore frais ! dit une voix criarde. Et prêt à être découper !
— Parfait ! Nous pouvons commencer le travail.