Un nouveau monde

Chapitre 19 : Morpsev entre en jeu

4595 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/09/2020 23:55

En poursuivant l'Embaumeur à travers le Bois de la Pénombre, Gahahli se sentit comme une tigresse en pleine chasse. Non seulement à cause de l'agilité avec laquelle elle progresse à travers les bois, mais aussi en raison de la détermination et surtout de la fureur dont elle faisait preuve pour le rattraper et lui mettre le grappin. Cet homme l'avait bernée ainsi que ses compagnons et pire encore, il s'était servi d'eux pour raser tout un village et massacrer des innocents. Et étant donné que la jeune elfe s'était senti suffisamment mal d'avoir malgré elle contribué à un tel cauchemar, il n'était pas question qu'elle laissât ce détraqué s'en tirer.

Ce fut toutefois Jakua, plus rapide avec ces quatre pattes, qui attrapa le premier le vieil homme en débouchant dans une clairière et le plaqua au sol de ses pattes, lui grognant dessus d'un air menaçant.

— Doucement ! protesta l'Embaumeur. Ma sciatique !

— Ne jouez pas sur les sentiments ! explosa l'elfe. Pas cette fois !

— Je vous ai connu plus aimable, ironisa le vieil homme.

C'en fût trop pour Gahahli. Elle agrippa vivement l'Embaumeur par le col de sa robe et le tira vers elle, le fixant droit dans les yeux, leur visage n'étant plus qu'à un pouce l'un de l'autre.

— Qu'est ce que cela veut dire ? demanda-t-elle l'air menaçant, tentant tant bien que mal de garder son calme. Pourquoi cette Abomination ? Pourquoi vous en prendre à Sombre-Comté ?

— Vous perdez votre temps, ma jolie, lui répondit le vieil homme en ricanant. Vous ne comprendrez jamais mes motivations. Ou bien il vous faut sombrer dans le même folie qui me ronge.

— Assez de balivernes ! s'impatienta l'elfe qui se montra plus sévère. Répondez-moi.

— Vous n'avez aucune idée de ce à quoi vous avez affaire, lui rétorqua l'Embaumeur avec un sourire machiavélique. Ce à quoi vous vous frottez.


Gahahli fut soudain distraite par un bruissement suive d'un grognement qui lui fut étrangement familier et à peine avait-elle tourné la tête en direction de la provenance de ces sons, pendant un instant, elle crût qu'elle faisait un cauchemar. Ce fut comme si elle était revenu au jour où elle était avec sa mère quand les démons ont commencé à envahir leur forêt, le jour-même de sa disparition.

Elle avait reconnut la créature qui les épiait depuis les fourrés. Un gangrechien, comme il se faisait appelé. La peau écailleuse d'un rouge vermillon, La crinière noire et hirsute, sa tête ressemblant à un crâne de loup mais dépourvue d'yeux ou même d'orbites, les cornes courbés vers l'avant qui lui surmontaient les épaules et la paire de tentacules qui se dressaient du haut de son dos. C'était exactement comme dans ses souvenirs.

La colère brûlante qui habitait la jeune elfe quand elle poursuivait l'Embaumeur à travers fit alors place à de l'effroi tétanisant, si bien qu'elle resta paralysé quand la créature fonça vers elle. Elle fut cependant intercepté par Jakua qui protégeant sa maîtresse se jeta sur le gangrechien, avec lequel il engagea aussitôt un combat.

Voyant le chien démoniaque prendre le dessus sur son Sabre-de-Nuit, Gahahli se sentit obligée d'intervenir, si bien qu'elle relâcha à contrecœur le vieil homme pour se saisir de son arc et des quelques flèches qui lui restaient dans son carquois. Mais au moment où elle tendait la main vers ses munitions, elle sentit une main gigantesque dans un gantelet lui empoigner fermement l'avant-bras et le tirer en arrière d'une telle force qu'elle manqua de le lui briser ou de lui arrache le bras de l'épaule. Aussitôt, un second bras gigantesque et également en armure vint enlacer le buste de la jeune elfe, bloquant par la même occasion le bras tenant l'arc, et ce avec la même force et brutalité que Gahahli crût que son thorax allait se briser sous la pression.

— Ni pense même pas ! lui murmura une voix grave et cruel à l'oreille.

La jeune elfe réalisa alors qu'elle venait de se faire prisonnière par un autre démon, un gangregarde. Haut de plus de deux mètres, large d'épaule, la peau sombre, partiellement en armure si bien que seul le torse et une épaule étaient exposés, de grandes épines dorsales qui lui sortaient du dos, ainsi qu'une longue corne au niveau du front sur son casque d'où brillaient ses yeux d'une lueur malveillante.

Gahahli tenta de se défaire de son étreinte en vain. Le démon était cent fois plus costaud que la jeune elfe toute chétive et la tenait si fermement qu'elle pouvait à peine se débattre. Dans un élan de désespoir, elle eut la mauvaise idée de lui donner des coups de talons dans ses membres inférieurs, oubliant qu'ils étaient également protégés par son armure. Taper dedans revenait à se cogner contre un rocher.

Prisonnière du garde-démon et les talons endoloris, Gahahli se sentit impuissante. Notamment quand elle vit son Sabre-de-nuit plaqué au sol par le gangrechien avec ses pattes à griffes uniques, tenant une des pattes de l'animal fermement dans sa gueule.


L'Embaumeur se redressa et s'épousseta sobrement, quand si la présence des démons ne lui préoccupaient pas davantage.

— Figurez vous, ma chère, que j'ai eu droit à un "petit" coup de main pour créer et donner vie à Balafré, expliqua-t-il à l'elfe tout aussi sobrement que s'il lui servait du thé. Un coup de main qui nous vient de Lordaeron et qui a quelques connaissances concernant les morts-vivants, comme vous allez bientôt le voir.

Il désigna alors un homme encapuchonné, vêtu d'une robe qui sortait à son tour des bois d'un pas claudicant et se servant d'un bâton comme appui. Il avait le dos voûté et son visage était caché dans l'ombre de sa capuche. Au grand dam de la jeune elfe, il était accompagné de trois autres créatures démoniaques, parmi lesquels un diablotin bondissant qui vint rejoindre le gangrechien pour surveiller le tigre captif, une succube — une femme-démon aux airs et à l'accoutrement outrageusement aguicheurs — équipée d'un fouet, ainsi qu'une chose informe, plus noir que la nuit qui avançait d'un pas flottant, dont Gahahli distinguait tout juste une paire d'yeux brillants et des bras massifs ornés de brassards.

— Ne soyez pas trop impressionnée ou dérangée par mon escorte, dit l'homme encapuchonné d'un air moqueur et d'une voix rauque. Je ne me déplace jamais sans eux. Encore moins dans un territoire où je sais ne pas être le bienvenu.

Au fur et à mesure que l'individu s'approchait, la jeune elfe distingua une partie du visage sous la capuche de l'individu et remarqua qu'il paraissait putride et desséché. Elle réalisa qu'il en était de même pour les mains de l'encapuchonné. Elle eut alors un doute affreux quant à l'individu à qui les démons semblaient obéir.

— Vos serviteurs ne me dérangent pas le moins du monde, maître Corbeau-noir, lui répondit avec mondanité l'Embaumeur. À vrai dire, je les ai trouvé efficaces.

— Et bien, profitez-en ! lui rétorqua l'homme encapuchonné.

— Je vous demande pardon ? lui demanda le vieil homme interloqué.

— Mon cher Abercombrie, ça a été un honneur de m'avoir fait part de votre histoire sur la mort de votre femme, vos souffrances et de vos essais à la nécromancie, lui répondit sobrement l'encapuchonné en posant sa main putride sur l'épaule du dénommé Abercombrie. Cela a également été un honneur et un plaisir de vous avoir aidé à donner naissance à cet Abomination et d'ainsi vous déchaîner sur ce petit village de Sombre-Comté. C'est juste dommage que l'expérience soit un échec. Nous aurions pu semer la terreur dans tout Hurlevent avec une telle "merveille".

— Ah mais on peut toujours renouveler l'expérience, lui répondit l'Embaumeur. Nous aurions juste besoin d'autres cadavres...

— Inutile, mon cher, l'interrompit l'encapuchonné. Votre rôle s'achève ici.

— Mon rôle ? répéta Abercombrie de plus en plus perplexe. S'achever ? Mais qu'est-ce que vous...

— Aussi satisfaisante fut notre collaboration, j'ai bien peur d'y mettre un terme, répondit l'encapuchonné en sortant de sa sacoche ce que l'elfe perçut comme un petit cristal violet.

L'Embaumeur n'eut pas le temps de protester que la forme noire, qui s'était glisser derrière lui durant la conversation, l'agrippa par les épaules de ses mains griffus et ce fut comme le vieil homme était plongé dans un état second, tandis que l'encapuchonné mit le cristal qu'il tenait au bout de ses doigts putréfiés bien en évidence devant le vieillard tétanisé. Aussitôt, le cristal s'illumina d'une lumière mauve et ce fut comme si il aspirait quelque chose au vieil homme qui dessécha à vue d'œil dans une longue plainte, sous le ricanement des démons alentours.

Horrifiée, Gahahli détourna vivement le regard, n'osant comprendre ce à quoi elle était en train d'assister. Elle ne put rien faire malheureusement contre la plainte déchirante de l'Embaumeur pour qui elle se surprit d'éprouver de la pitié.


Elle ouvrit finalement les yeux quand la plainte du vieil homme se tut et le vit s'effondrer au pied de l'encapuchonné tout émacié et le regard vide, comme si toute vie avait quitté son corps en moins d'une minute.

— Quel dommage, franchement ! commenta sobrement l'encapuchonné qui contemplait son cristal qui continuait de briller d'une leur mauve. Nous qui avions tant en commun !

— Qu'est ce que vous lui avez fait ? demanda Gahahli affolée, bien qu'elle préférerait ne pas connaître la réponse.

— Tiens donc ? Tu t'inquiètes pour ce vieux débris ? fit remarquer l'encapuchonné d'un ton moqueur tout en rangeant distraitement son cristal dans sa sacoche. De ce que j'ai vu, t'avais plutôt l'air de vouloir lui arracher la tête. Ah, les vivants et leurs contradictions ! Ça me manquait !

À ces mots, la jeune elfe en avait la certitude, elle avait affaire à un mort-vivant. Mais pas comme ceux auxquels elle s'était frotté avec ses compagnons. Celui-là semblait plus malin.

Gahahli s'affola de nouveau lorsqu'elle le vit s'avancer vers elle, lui tendant une main putride. Elle se débattit en vain, toujours aussi fermement maintenu par le gangregarde qui lui sommait de se tenir tranquille.

— Ne me touchez pas ! s'écria l'elfe dégoûté en voyant le doigt putride du mort-vivant s'approcher de son visage.

— Allons, ma chère, tenta de rassurer le mort-vivant d'une voix qui n'avait rien de rassurant. Je veux juste... contempler ta beauté.

Il fut tellement près d'elle que l'elfe pouvait enfin voir son visage sous sa capuche. Il avait le teint blafard, son nez était aplati, ses yeux dépourvus de pupilles brillaient d'une lueur jaune tirant sur le rouge et il avait les joues nécrosés, si bien qu'il n'avait pratiquement plus de joues, qu'il ne restait que ses pommettes. De même que ses lèvres tellement fines qu'elles parurent inexistantes de loin.

Elle sentit son poil se hérissa lorsqu'elle sentit le doigt du mort-vivant lui effleurer la joue, puis les contours de son visage avant de longer son cou, puis ses épaules et de finalement glisser dans ses longs cheveux bleus. Elle se retenait de lui mordre une phalange tant il lui dégoutait du regard.

— J'ai tellement entendu parler de ton peuple, ces derniers temps, elfe de la nuit, lui informa le mort-vivant tout en continuant de la dévorait des yeux, ce qui mit Gahahli de plus en plus mal à l'aise. Une race d'elfes hors-normes, à ce qu'il paraît. Des guerrières aussi mystérieuses que la nuit et des druides qui ont le pouvoir de commander la nature. Il paraîtrait que vous avez donner du fil à retordre aux orcs il y a quelques temps. De quoi, me laisser intrigué. Seulement, je n'en ai jamais vu d'aussi près... jusqu'à jour.

" Tu es la première elfe de la nuit que je vois en chair et en os de toute mon existence et j'espère que tu ne seras pas la dernière. D'ailleurs, je peux te l'assurer, tu n'as pas ton pareil sur Azeroth.

— Vous me flattez, rétorqua Gahahli d'un ton sarcastique.

— Quel dommage que dans mon état je ne sois plus en mesure de profiter du plaisir des sens, ajouta le mort-vivant d'un air sombre tout en continuant à tripoter les cheveux de sa captive.

— Vous me dégoutez ! rétorqua à nouveau l'elfe, cette fois avec franchise.

— Oui, on me le dit souvent, lui répondit le mort-vivant. Mais bon, avec le temps, j'ai trouvé de quoi compenser ce manque.

La cœur de l'elfe battit la chamade quand elle vit la main du mort-vivant se diriger vers la sacoche contenant le cristal mauve. Son instinct lui disait qu'il en avait tout un stock.


— Relâchez-la, démons ! Ou je vous fait tâter de mon marteau

C'était Bartélo qui sortait de la clairière, le marteau au poing et Batël à ses côtés. Sans doute que le nain avait averti le paladin que Gahahli s'était lancé à la poursuite de l'Embaumeur et qu'ils l'avaient donc suivi.

La jeune elfe se sentit à la fois soulagée que ses compagnons fussent venu à son secours, en plus d'avoir coupé le mort-vivant dans son élan, et à la fois inquiète qu'ils ne fissent pas le poids contre le mort-vivant et ses sbires, et même pire, qu'ils finissent par subir le même sort que l'Embaumeur en tentant de la délivrer. Et l'air dépité du nain n'annonçait rien de bon.

— Fiston, qu'est-ce que tu n'as pas compris dans "attaque surprise" ? maugréa-t-il.

Le mort-vivant lui-même sembla moins surpris ou même gêné qu'amusé par l'intervention du paladin

— Oh tiens ! On a de la compagnie ! dit-il de son ton moqueur.

— Les gars, attention, il a "asséché" l'Embaumeur ! tenta d'avertir la jeune elfe.

— Raison de plus de renvoyer ce damné à l'Enfer d'où il vient ! répondit le paladin en chargeant, ignorant l'interpellation du nain qui n'eut d'autres choix que de lui emboiter le pas.

La forme noire se mit aussitôt devant le mort-vivant face aux deux assaillants, faisant office de bouclier à son maître. Mais ce fut la succube qui intercepta le paladin, simplement en se plaçant sur sa trajectoire, à mi-chemin vers sa cible. Bartélo s'arrêta net devant la femme-démon comme obnubilé par ses "charmes" (ce qui malheureusement ne fût surprenant de sa part) et celle-ci pour le désarmer d'un coup de fouet, ainsi que le nain qui l'avait rejoint, avant de l'enrouler autour du paladin afin de le ligoter.

— Trop facile ! lâcha la succube qui déshabillait son captif du regard. Je n'ai même pas eu besoin d'user de mon sort de séduction.

La forme noire quant à elle chargea sur Batël aussitôt qu'il fût désarmé, ne lui laissant pas le temps de riposter et l'agrippa par les épaules. Gahahli vit le nain soudain pris de convulsion, sans doute en train lutter pour ne pas entrer dans l'état dans lequel avait été plongé l'Embaumeur avant lui. Voyant les démons ramener ses compagnons devant leur maître, elle se sentit vite découragée et horrifiée à l'idée qu'ils allaient probablement tous périr par sa faute.

— Tu vois, ma jolie ? C'est face à ce genre de réception que j'ai tant besoin d'une escorte, expliqua le mort-vivant en se retournant vers l'elfe. Quitte à m'entourer d'êtres dont moi seul peut apprécier la présence.

— Qui se ressemble... s'assemble... comme on dit, commenta amèrement le nain entre deux spasmes.

— Batël Marteau-de-Bronze ! s'exclama le mort-vivant en se tournant vers le nain. Cela faisait un bail !

— Vous vous connaissez ? demandèrent Gahahli et Bartélo d'une même voix interloquée.

— Nous avons fait la Seconde Guerre ensemble, leur expliqua sobrement leur mort-vivant. Mais je me doute que votre ami le nain unijambiste a de bonnes raisons de ne pas reconnaître ses anciens frères d'armes.

— Je t'ai de suite reconnu... Corbeau-Noir, lui rétorqua le nain toujours en plein lutte intestine contre ce que lui infligeait la forme noire. À ton air suffisant... et manie de refiler... le sale boulot aux autres... comme si on était des larbins. Et visiblement... tu n'as pas changé... après toutes ces années.

— Toi non plus, mon vieux camarade, lui répondit froidement le mort-vivant avec une pointe d'agacement. M'enfin, c'est une bien bel famille que tu as là ! Un jeune et séduisant paladin, quoiqu'un peu simplet, une magnifique elfe de la nuit avec un tigre noir pour animal de compagnie. Quel dommage que je n'ai pas de peintre sous la main, ça aurait fait un beau portrait de famille. Tant pis ! On fera sans.

Gahahli vit de nouveau le mort-vivant se saisir du contenu de sa sacoche et constata avec effroi qu'elle contenait assez de cristaux violets pour infliger à elle et ses compagnons le même sort qu'avait subi l'Embaumeur. À nouveau elle fut envahi par la peur et le désespoir.


Le mort-vivant s'apprêtait à brandir un de ses cristaux quand il arrêta son geste, l'air pensif.

— Une petite minute ! ... Le nain... Le paladin... L'elfe de la nuit et son tigre... Il n'y avait pas un gnome parmi vous ?

Comme pour répondre à sa question, une boule de feu vint exploser à la gueule du gangrechien qui était encore à califourchon sur Jakua, soufflant dans la foulée le diablotin qui disparût dans une flambée verte et faisant lâcher au chien-démon son emprise sur le Sabre-de-nuit qui en profita pour asséner un coup de crocs dans la jugulaire, laissant l'assembler pantois

— C'est moi que tu cherches, charogne ? cria une voix fluette.

C'était Baelbo, se tenant à la bordure de la clairière. Gahahli se retint de crier sa joie quand elle vit le gnome dans une posture dans laquelle elle ne l'avait jamais vu auparavant. Même de loin, elle percevait de la fureur dans ses yeux.

— Ça, tu vas me le payer, demi-portion ! grommela le mort-vivant qui cette fois avait perdu son flegme habituel.

Sur ces mort, il lança à son tour une boule de feu vertes sur le gnome que celui-ci para avec un sort de protection.

Il enchaîna aussitôt avec une seconde boule de feu qui vint frapper le gangregarde en plein visage, lui faisant à son tour lâcher son étreinte sur l'elfe de la nuit. Celle-ci en profita pour dégainer une flèche et la tirer entre les deux yeux de la succube, libérant ainsi Bartélo de son emprise. Elle en fit de même sur la forme noire qui disparut dans un écran de fumée ténébreuses, laissant le nain à quatre pattes, à bout de souffle.

Tandis que le paladin s'assura de l'état de santé de Batël, Gahahli porta son attention sur son ami gnome aux prises avec le mort-vivant. Elle assistait là un combat de sorciers comme elle n'en avait jamais vu auparavant. Les deux opposants s'échangeaient des boules de feu, tantôt vertes, tantôt de couleur habituelle, avant d'enchaîner avec les murs de flammes et les explosions qui auraient pu mettre le feu à la forêt sans l'humidité ambiante.

Voyant Baelbo peinant à tenir avec son sort de protection aux attaques du mort-vivant qui dans sa rage avaient enchainé avec des sort d'ombres et de chaos, visiblement plus violent que les traditionnelles boules de feu, l'elfe tira trois flèche dans le dos du mort-vivant et parvint à le toucher aux omoplates. Cela suffit au gnome à reprendre le dessus avec une déflagration qui fit valdinguer le mort-vivant et le mit à bout de souffle.


Le groupe réuni s'approcha de l'ennemi qui, le corps encore fumant et le dos criblé de flèche, parvenait maladroitement à se redresser, prêt à lui asséner le coup de grâce. Sous la capuche du mort-vivant, Gahahli put y lire de la fureur mêlé à de la détresse, comme un animal blessé sentant son heure arrivé. En temps normal, la jeune elfe éprouvait toujours de la compassion envers la bête dont elle devait abréger les souffrances par miséricorde. Mais le mort-vivant ne lui inspirait ni pitié ni compassion, juste un profond dégoût mêlé à du mépris. Et rien dans l'attitude ni dans les actions du sinistre individu ne lui avait donné autre chose qu'une irrépressible envie d'en finir au plus vite.

— Vous... Vous n'avez pas fini... d'entendre parler de moi ! pesta le mort-vivant tandis qu'il leva les bras décharnée au ciel.

Sur ses mots, il leva un mur d'ombre qui le sépara des aventuriers et les fit tous reculer d'appréhension. N'écoutant que son instinct, Gahahli tenta de tirer une flèche, la dernière de son carquois, à travers le mur ténébreux mais uniquement pour la voir s'évaporer à son contact.

Quand le mur se dissipa enfin, il n'y eut plus de trace du mort-vivant. Juste un cercle d'herbes brûlées et des cristaux violets encore ternes, éparpillés au sol. L'individu s'était volatilisé et avait probablement dû égarer ses cristaux dans sa hâte.

— Et ben... J'espère qu'on ne le reverra pas de sitôt ! clama le paladin dans une apparente tentative de détendre l'atmosphère.


***


Il s'en était fallu de peu.

En quatre ans d'existence en tant que Réprouvé, jamais Morpsev ne s'était retrouvé dans une telle situation. Pas même quand il rendait visite à la Croisade Écarlate qui comptait pourtant des guerriers, des moines et des chevaliers chevronnés. Et pourtant, il venait à l'instant d'être mis en difficulté par des aventuriers dont on lui avait pourtant assuré qu'ils étaient à peine plus dangereux et expérimentés qu'un enfant armé d'un bâton. Plus précisément par un gnome ayant démontré des compétences magiques — quand bien même la place de ces petits-êtres difformes devraient être parmi les machines qui leur servaient de berceau — et par une elfe de la nuit qu'il avait à portée de main. Et malgré tout, il avait dû battre en retraite.

Plus qu'un échec, c'était pour un affront dont il pourra jamais se laver.


À genoux sur une plage de la jungle de Strangleronce, non loin du camp orc de Grom'gol où il avait dû atterrir en zeppelin depuis les clairières de Tirisfal pour se rendre au Bois de la Pénombre plus au nord, le Réprouvé s'arracha rageusement les flèches de son dos avant de les broyer dans sa main, songeant tout aussi furieusement à cette elfe de la nuit. Dire que c'était pour tester son âme qu'il avait accepté de faire un si long voyage depuis les ruines de Lordaeron, en plus de la voir de ses propres yeux. Une splendide créature, cela allait sans dire, mas plus redoutable qu'elle en avait l'air, elle qui à son regard et ses formes avait tout d'une adolescente inepte à s'occuper d'elle même. Heureusement qu'il ne s'agissait que d'une adolescente inexpérimentée, songeait-il car il avait déjà ouïe dire que ces femmes elfes étaient de redoutable guerrières pouvant rivaliser avec la sauvagerie des orcs. De ce fait, il n'osait imaginer ce qu'il se serait advenu de lui s'il s'était frotté à une adulte chevronnée.

Il songeait également avec hargne à... cette femme, qui lui avait proposé de se débarrasser de ses aventuriers à sa place. Elle s'était bien joué de lui. Elle l'avait purement et simplement et envoyer au casse-pipe. Comme si on avait pas suffisamment joué avec sa vie de son vivant, il fallût qu'on en fasse de même dans sa non-vie.

Il comptait sérieusement à lui faire payer cet affront, à elle ainsi qu'à son espèce. Mais il dît se rappeler que ce n'était pas prudent de se frotter à tels êtres, en particulier dans son état.


Il fouilla sa sacoche contenant les cristaux qui conservaient les âmes qu'il avait drainé sur ses victimes... et constata avec effarement qui lui en manquait la moitié. Il avait dû les perdre durant son affrontement avec le gnome ou dans sa fuite, qu'est-ce qu'il en savait ?

Pire, il ne lui restait qu'un éclat de cristal rempli d'âme et c'était assez pour se régénérer. Et il en avait bien besoin, d'autant que dans son état actuel, son corps ne pouvait biologiquement plus se régénérer de lui-même.

Ce n'était hélas pas assez pour invoquer un démon, pas même un marcheur du vide ou un gangregarde qui lui aurait fait office de garde du corps. Il allait devoir se contenter de son diablotin faiblard et insuportable.

Sans doute avait-il consommé toutes les âmes en se téléportant loin du Bois de la Pénombre. Encore heureux qu'il visait une région frontalière et non sa maison qui était à l'autre bout du continent, cela aurait consumé son âme à lui.

Cette embrouille le frustra au plus haut point, lui qui avait pris toutes ses précautions en se rendant dans le bois de la Pénombre, notamment en invoquant tous ces démons à la fois pour se rendre en territoire de l'Alliance. Il avait même le plein d'âmes sur la route. Il en avait notamment prélevé sur une tribu de trolls de la jungle locale, ainsi que sur une tribu d'ogre qu'il avait dû éradiquer en rendant service à cet ermite qui se l'était joué apprenti nécromancien.

Et malgré ça, il s'était retrouvé à sec. Ça aussi cela ne lui était pas arrivé depuis qu'il s'était converti au démonisme, peu de temps après avoir été relevé en tant que Réprouvé.

LA situation de Morpsev s'était avéré pire que ce qu'il ne l'était imaginé. Et pour cela, ses ennemis allaient le lui payer.


La question était de savoir comment. Dans son état actuel, ce serait suicidaire de lancer un autre raid sur un campement de trolls ou d'ogres avec juste un diablotin pour l'assister, même pour refaire le plein d'éclats d'âmes.

Il en avait pourtant besoin pour alimenter ses pouvoirs et ainsi mener à bien ses projets de revanche.


Il vit passer au dessus de lui un zeppelin qui se dirigeait vers la tour d'atterrissage du campement Grom'gol. Il ressemblait fortement à celui qu'il avait dû prendre depuis les clairières de Tirisifal pour se rendre dans cette jungle, mais n'arborait pas les même symboles. L'engin qu'il avait dû prendre arborait le symbole des Réprouvés, à savoir le visage de la Dame Noire. Celui arborait le symbole de la Horde.

Morpsev se rappela qu'un zeppelin pouvait l'emmener en Kalimdor où avait été érigé ces quatre dernières années la nouvelle capitale de la Horde, Orgrimmar. Il lui vint alors une idée. Une idée à laquelle il ne serait jamais permis de songer s'il n'avait tant été dans le besoin.

Il lança un regard au nord à travers la jungle, vers l'endroit où il avait laissé les aventuriers qu'il se devait d'éliminer.

— Ce n'est que partie remise, murmura-t-il avec un mélange de hargne et de sournoiserie dans la voix.

Laisser un commentaire ?