Ceux qui brûlent dans la lumière

Chapitre 43 : la chimère

2298 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/12/2021 22:07

La chimère


Ma flèche fouette l’air avec vigueur avant que la pointe ne vienne s’enfoncer avec fracas dans l’écorce ébène de l’arbre.

 Encore une dans le mille, constaté-je, le sourire aux lèvres. Je m’approche alors pour la retirer du bois tendre et mes yeux se posent sur les centaines d’impacts qu'a subi ce pauvre arbre innocent depuis ma tendre enfance. C’est le plus grand et le plus robuste de toute la forêt de Parme. Son tronc et si large qu’il faudrait une dizaine de personne pour l’entourer complètement. Mon oncle m’a un jour conté une légende sur cette vielle forêt, on dit que chaque arbre aurait été planté en mémoire d’une victime pendant la guerre de cristal. Des frissons parcourent mon échine et ce paisible endroit devient subitement lugubre. Oncle Maze m’a toujours dit qu’il y a dans les vieux récit un fond de vérité caché, à nous de discerner le vrai du faux. J’expire doucement tout en levant les yeux vers les épaisses frondaisons, la lumière du jour a du mal à s’infiltrer à travers les branches mais je devine assez facilement que le soleil ne va pas tarder à se coucher.

Je défais les rennes de Révérence que j’avais solidement accroché à une branche d’arbre, je passe ma main sur sa fourrure blanche, lui offrant une caresse affectueuse. Il se met à hennir et secoue la tête avec acharnement en direction de ma sacoche.

•        Ça va, j’ai compris ! Dis-je rieuse.

Je fouille alors dans ma besace et attrape une pomme bien rouge, mon compagnon à quatre patte ne perds pas une seconde pour la déglutir avec rapidité. Pour une raison que j’ignore je suis comme happé par le percheron, je n’arrive pas à me souvenir où j’ai eu un tel cheval… Est-ce mon père qui me l’a offert ? Alors que j’essaie tant bien que mal de me remémorer, une fulgurante migraine me martèle le crâne avec fougue. J’appuie la paume de ma main sur mon front pour calmer cette douleur mais rien y fait. Je décide de me désaltérer avec ma gourde pour essayer de faire fuir cette douleur, mais ça ne l’apaise que partiellement. Je secoue la tête, oubliant mon questionnement sur Révérence, je dois vite rentrer, Père va remarquait mon absence et je préfère éviter de subir ses remontrances. Je saute en selle et emprunte le sentier pour rentrer au château.

Après un long trajet je passe enfin les grandes portes pour entrer dans la ville en pleine émergence, la musique résonne et se mélange aux tintamarres qui agresse mes oreilles alors que de multiples senteurs embaument les rues et me chatouillent Les narines. Je me fraye un chemin dans la foule, quittant les bas quartiers pour monter dans la Hauteville et prendre le grand pont qui conduit au château. Alors que les sabots de mon cheval résonnent sur les pierres qui compose cette construction spectaculaire qui enjambe un immense ravin, mes yeux se perdent sur quatre statues de lion en or. Chaque sculpture avait une position différente, j’avais la curieuse impression qu’elles n’avaient rien à faire là et mon mal de tête faisait à nouveau des siennes. Encore ? Pourquoi je suis prise de migraine aujourd’hui ? J’irai voir le médecin de la cour en rentrant.

Une fois arrivée, je saute de mon cheval, un serviteur vient immédiatement prendre la charge de Révérence. Je passe alors la grande porte et, une fois dans le gigantesque hall, la lumière du jour qui passe à travers le grand vitrail se transforme en une magnifique myriade de couleur se reflétant sur les dalles du château. Alors que je suis perdu dans mes pensées, un objet vient subitement percuter mon crâne, je me retourne brusquement me tenant la tête d’un air bêta, face à moi, mon oncle se tenait là, un sourire benêt sur les lèvres et son carnet de voyage entre les mains.

•        Mon oncle ! Rouspété-je.

•        Quelle fragile tu fais, Opaline. Lance-t-il en riant.

•        Qui t’as dit que j’ai eu mal ! Soufflé-je suis un ton désinvolte.

Il me serre subitement dans ses bras, me maintenant avec force contre lui et en profite pour me décoiffer alors que j’essaie de me débattre pour m’échapper de son emprise. Il me lâche si subitement que j’en perds presque l’équilibre.

•        Tu es adorable ma nièce ! Pour moi tu as toujours 8 ans. Ton idiot de père te cherche, tu ne devrais pas le faire attendre. Enchaine-t-il avec le sourire.

Dans un dernier regard, affectueux mon oncle s’éclipse aussi rapidement qu’il est apparu. J’arrange alors ma chevelure en pagaille avant de me rendre dans la salle du trône, tant pis pour le médecin, je lui rendrai visite plus tard. Je pousse les grandes et lourdes portes en bois noir pour retrouver l’impressionnante salle du pouvoir. J’emprunte la longue allée décorée de colonnes surmontées d’arches ornées des étendards de notre famille, les armures à leurs pieds me fixent de leurs orbites vides alors que je marche en direction du trône de mon père. Derrière lui, les vitraux resplendissent, projetant leurs couleurs sur le cristal pur du siège du pourvoir. Le seigneur, mon père, est assis dessus, la tête baisser, ses cheveux ébène cachant son visage. 

•        Père. Prononcé-je de vive voix.

Mais ce dernier ne daigne même pas lever les yeux pour me regarder. Je l’appelle encore mais encore une fois aucune réponse. La crainte enserre mon cœur, alors que je suis sur le point de me précipiter vers mon père. Sa voix glaçante transperce le silence des lieux.

•        Ma fille, combien de temps encore comptes-tu nier la réalité !?

•        Père ?

•        Lynawen. Surenchéri mon père. Rien de tout ceci n’est réel, reprends-toi ma fille.

•        Qu’est-ce que vous racontez père ? Je ne comprends pas…

•        Regarde-moi droit dans les yeux, ma fille ! M’ordonne mon père.

Pantoise, je m’exécute, plongeant mon regard d’argent dans ses prunelles émeraudes mais, quelque chose cloche pourquoi, pourquoi je n’arrive pas discerner ses traits ? J’ai beau me concentré, son visage reste abstrait, flou…. Ma migraine reprend de plus belle, mais cette fois la douleur est encore plus violente que mes autres crises. Elle est telle que je m’effondre sur le sol. 

•        Mon enfant. Dit-il en se levant, me surplombant de toute sa hauteur. Je suis mort, ton oncle est mort et notre monde n’est que cendre !

•        Non ! Hurlé-je.

La salle du trône s’embrase subitement, la fumée et l’odeur de la mort se répand dans toute la pièce. Les murs et le trône sont repeint de la couleur du sang. Des cadavres démembrés, carbonisés jonchent le sol et les silhouettes abstraites des démons apparaissent dans les ombres. 

•        Arrête de te cacher dans tes souvenirs ! Affronte-les ! Insiste mon père avec violence.

Je maintiens ma tête entre mes mains dans l’espoir vain de stopper cette souffrance, des images inondent mon esprit, de lieux inconnues ou des personnes que je n’ai jamais rencontré. Un jeune homme blond apparait à son tour, son sourire, son rire, ses yeux doux, ses caresses… Mes souvenirs que j’avais volontairement refoulé au plus profond de moi commencent à émerger de nouveau, inarrêtable comme une cascade en pleine tempête.

Je ferme les yeux, la sueur perle sur mon front et mes mains moites humidifies ma figure. Je me suis enfermée dans des souvenirs agréables, je suis trop lâche pour affronter cette trahison, je n’aurai jamais imaginé qu’ils iraient aussi loin… Quel mal ai-je commis pour mériter la mort ? Je n’ai fait qu’aimé d’un amour sincère leur Roi et leur patrie que j’ai défendu avec mon sang… Je me recroqueville sur moi-même aux milieux du sang et des cadavres d’un peuple perdu.

Soudain je sens une main se poser sur mon épaule. Je lève les yeux et un visage bleu dont les yeux luisent me contemple avec gentillesse.

•        Yaedrel…

•        Vous êtes forte, Lynawen, vous l’avez toujours été dès vos premiers instant dans notre monde !

Après ses mots, Yaedrel disparu comme il est apparu. Non ne part pas Yaedrel, pensé-je, les larmes aux yeux alors que je le cherche dans cette fumée qui se transforme ensuite en une magnifique forêt.

•        Ma beauté aux yeux d’argent, vous n’êtes pas du genre à vous laisser vous faire marcher dessus !

•        Lydran ?

Je me retourne brusquement vers la source de sa voix, mais rien, il n’était pas là. Mes yeux s’écarquillent te stupeur, je suis à Lune-d’Argent. Plusieurs voix rassurantes viennent apaiser mon cœur. 

•        Lynawen, vous pouvez le faire ! Vous êtes courageuse. Intervient une autre voix familière.

•        Nawe !?

•        Vous êtes mon amie, Lynawen, revenez parmi nous, j’ai tant de chose à vous montrer à Lune d’Argent !

•        Ilera…

•        Je fus longtemps trahi par de nombreuses personnes, mais j'ai appris à faire confiance, grâce à vous…

•        Aethas…

La belle cité elfique disparaît comme un battement de cil et à la place je me retrouve dans la salle du trône de Hurlevent. À nouveaux des voix viennent à ma rencontre.

•        Tu peux le faire Lynawen ! Rétorque soudainement la voix de Jaina.

•        Vous serez reine, petite, agissez comme telle ! Gronde Grisetête.

Je me mets à courir à toute jambe à travers le château à leurs recherches mais en vain et mes larmes ne cessent de couler à flot aveuglant ma vision.

•        Ma lumière. Intervient une voix que je ne connais que trop bien.

Je m’arrête net, me retournant lentement, une douce brise vient caresser mon visage et fait chanter les feuilles du seul et unique arbre des lieux. Dans mon bosquet bien aimée, Anduin s'y trouve, son doux visage apparaît devant moi, rayonnant, chaleureux. Ses iris azurées me fixent avec un tel amour que mon cœur se met à battre à la chamade.

•        Anduin… Murmuré-je en pleurant de plus belle.

•        Ma lumière, je sais à quel point tu es chamboulée et que tu sens trahie. Hurlevent était devenu ton foyer et maintenant tu en doutes.

•        Je n’y arrive pas… Sangloté-je.

•        Tu peux le faire, tu as affronté des démons, sauvée la vie d’innombrable personnes et bravée un champ de bataille. Alors ce n’est pas ces gens qui vont t’arrêter. Garde espoir, mon amour, car ton foyer n’est pas forcément un lieu mais les personnes que tu chérie. C’est en te cachant que tu les laisses nous séparer ! Je sais que c’est douloureux mais tu en es capable, garde espoir car la lumière veille sur toi… Reviens moi.

À ses mots Anduin me tends sa main. D’abord hésitante, j’avance d’un pas avant de reculer mais mon cœur même crie l’envie de le rejoindre. Je le fixe quelque seconde, puis, sans réfléchir, mon corps se met à bouger tout seul et j’accoure vers lui sautant dans ses bras sentant son étreinte chaude réconfortante se refermer sur moi. Puis vient une intense lumière qui m’aveugle. Lorsque j’ouvre à nouveau les yeux c’est le plafond d’une chambre qui se dessine. 



/ Merci d'avoir lu ce chapitre est désolée d'avoir mis autant de temps à le publier. En tout cas j'espère qu'il vous a plu. :) /

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