Willow
Dans les profondeurs d’Immemorial City, s’étendait un gouffre infernal d’une horreur sans nom. Un royaume de terreur, dévasté, sous un ciel ténébreux, lacéré à intervalles réguliers par des éclairs incandescents. Les terres cendrées étaient fissurées par des siècles d’un chaos sans fin et brûlées par le flux ardent du vermiscus. L’air, rempli de poussière et de soufre, étouffait toute vie.
Les entités démoniaques erraient parmi les ténèbres, leurs silhouettes déformées, chassant et s’entre-dévorant, afin d’assouvir un trop plein d’instincts meurtriers et sanguinaires. Leurs cris de souffrance se mêlaient aux rugissements lourds des tornades de feu.
Toute une armée satanique se levait, attendant de pouvoir se répandre à la surface.
Au cœur de cette terre damnée, se dressait une colossale tour sombre en forme de pyramide, flanquée de tourelles acérées, telles des flèches déployant leur venin empoisonné, menaçante et déversant son ombre maléfique.
Dark Elora et Graydon, avançaient d’un pas lent.
— Quel est donc cet endroit ? s’interrogea le jeune prince déchu, sa voix empreinte d’inquiétude.
— L’Antre du Wyrm, répliqua fermement Dark Elora.
Elle s’approcha des murs et posa sa main sur les parois craquelées.
— Ces symboles sont d’une grande beauté, ses doigts effleuraient lentement, en une douce caresse, les inscriptions en pnakotiques. Je peux ressentir toute cette puissance qui émane du vermiscus, elle plongea sa main dans le liquide visqueux, qui s’écoulait le long des fissures, et la porta à ses lèvres.
Graydon ne pouvait détourner son regard, fasciné, devant le calme et l’assurance dont faisait preuve Dark Elora.
— Ces chaînes… un frisson glacial lui parcourut l’échine, à l’instant même où il réalisa ce qu’elles emprisonnaient. Ce sont... des restes démembrés. Qu’est-ce que c’est, ma Reine, le mur des tortures ?
— Oh, non, mon cher et tendre, Dark Elora agrippa l’une des chaînes rouillées. Notre Maître sait comment punir les traites et satisfaire ses instincts sanguinaires.
Les deux amants se déplaçaient parmi des cadavres desséchés, entendant le claquement de leur pas. Un son lointain parvenait aux oreilles de Graydon.
— Tu entends ? demanda-t-il, tandis qu’il cherchait du regard la provenance des sons. Cela ressemble à des murmures d’agonies.
— Prisonniers pour l’éternité dans leur prison de martyres, telle est la sentence de notre Maître, souffla Dark Elora.
Graydon prit la main de son amante, s’offrant ainsi du réconfort.
Tous deux stoppèrent à quelques mètres d’un immense rideau de feu, terrifiant et rougeoyant, projetant des éclats orangés sur leurs visages respectifs, accentuant leur aspect maléfique.
Un terrible rugissement transperça l’air, secouant et faisant trembler la terre sous leurs pieds. Une créature satanique surgit des flammes de l’enfer, ses iris aussi ambrés que le vermiscus, sa silhouette monstrueuse et diabolique se découpait au milieu de ce rideau de lave, accompagnée d’une aura de terreur indescriptible.
Le vermiscus s’écoulait le long de ce corps immonde, identique à de la sève infectée, inondant sa colonne vertébrale. Le visage, hideux et terrifiant de la créature, était scarifié de symboles pnakotiques, entaillés dans sa chair cendrée. Quatre cornes surplombaient son crâne d’où semblait émaner le liquide visqueux. Sa bouche, aux dents affûtées, renforçait sa nature abjecte.
— Comment a-t-elle pu vous échapper ! la voix, d’outre-tombe de la bête gronda avec une telle violence, que la pièce entière sembla se fissurer.
Graydon resserra ses doigts autour de ceux de Dark Elora, tandis qu’elle essayait d’apaiser la fureur du Wyrm.
— Je la tenais, mon Maître. Elle était à ma merci, si Aniel et Kida n’étaient pas intervenus, pour la sauver.
Le Wyrm poussa un hurlement de rage.
— Je m’occuperai d’eux en tant voulu. Je les broierai dans cette salle et je savourerai chaque instant de leur souffrance. Quant à l’Impératrice, vous n’avez pas droit à l’erreur, si vous ne voulez par finir comme ces cadavres à vos pieds.
— Je suis bien plus forte qu’elle, mon Maître. J’ai ressenti sa faiblesse lors de notre affrontement.
Un lourd silence s’ensuivit, pesant sur l’atmosphère déjà angoissante, avant que le Wyrm ne poursuive.
— J’avais mis tous mes espoirs en Bavmorda. Elle fut le meilleur de mes sujets et aurait pu régner à mes côtés. Mais son erreur lui fut fatale. Ne me déçois pas, Elora.
Une silhouette sombre et fantasmagorique se matérialisa aux cotés du Wyrm, déformée par le rideau de feu. Les ténèbres qui l’entouraient personnifiaient un froid glacial et une terreur indescriptible.
*******
L’Arbre de Vie de Tir Asleen avait été infecté. Son feuillage blanc diamant qui étincelait jadis de mille couleurs, se fanait lentement. Les feuilles tombaient une à une sur le sol meurtri, portant encore les cicatrices du carnage passé. Les cadavres des chevaliers de la Pacalcade gisaient aux côtés de ceux des démons qu’ils avaient combattus. Du tronc, jadis resplendissant de vie, jaillissait un liquide noirâtre et visqueux.
Hastur, roi maudit, accompagné de deux gardes, se réjouissait devant la détérioration de l’Arbre de Vie. Ses yeux brillaient d’une lueur maléfique, tandis qu’il caressait du bout des doigts, l’écorce noircie.
L’un des gardes osa rompre le silence.
— Mon Seigneur, l’Arbre se meurt.
Hastur lui répondit, esquissant un sourire maléfique, les yeux rivés sur l’Arbre.
— Il ne se meurt pas. La magie qu’il renferme mène un combat de l’intérieur. Le Malatrium s’infiltre dans ses veines, corrompant chaque filtre de son être. Bientôt, il sombrera définitivement et je récolterai le fruit de mes longues attentes. Je forgerai l’arme qui me permettra de posséder la magie interdite.
Les gardes se regardèrent et frissonnèrent, conscients d’être les témoins d’un pacte sombre sous le signe de la trahison.
Après la reconstruction de Galladoorn, suite à sa défaite contre les sbires de Bavmorda, Hastur fut proclamé roi. Mais sa soif de vengeance et de pouvoir qui naquit en ce jour sombre, ne fit que s’intensifier. Déterminé à prendre sa revanche et étendre son règne sur tout le royaume d’Andowyne. Il se mémorisait cette rencontre fatidique qui lui permit d’élaborer son plan diabolique.
*******
Hastur déambulait, seul, dans les jardins royaux, absorbé par ses sombres pensées, cherchant à échafauder un plan qui lui permettrait d’assouvir ses projets machiavéliques. Le parfum des fleurs environnantes ne parvenait pas à atténuer le tourbillon de haine et d’ambition qui le hantait.
Il s’assit au bord d’une fontaine, sculptée dans un marbre blanc éclatant, plongea sa main dans l’eau fraîche et cristalline, qui s’écoulait entre ses doigts. Il leva les yeux vers une déesse de marbre, tenant une jarre, d’où jaillissait le filet d’eau scintillant.
Il resta ainsi, un moment, le regard perdu, ses pensées en quête de trahison et de conquête. La mélodie de l’eau apaisait ce lieu, contrastant avec son désir inextinguible de pouvoir qui brûlait en lui, et semblait se nourrir de ses cruels desseins, le poussant un peu plus vers les ténèbres. Hastur était prêt à tout pour atteindre ses objectifs quitte à trahir les siens.
Alors que le murmure de la fontaine semblait lui chuchoter des mots en pnakotiques, l’ombre de son visage démoniaque se superposa à son reflet dans l’eau translucide. Les éléments environnants s’assombrirent progressivement. Les fleurs se fanèrent et l’eau de la fontaine se noircit.
Les chuchotements s’intensifiaient dans son esprit, poussant Hastur à se lever et se diriger vers le labyrinthe de haies. Un lieu diabolique, au chemin sinueux et trompeur. Chacun de ses pas semblaient l’entraîner plus profondément vers les ténèbres.
— Qui va là ! s’écria le roi, ayant senti une présence. Il resserra sa main sur la poignée de son épée, prêt à combattre.
Une entité fantasmagorique se forma au sein de l’épaisse brume. Une voix spectrale résonna dans son esprit.
— Nous pouvons t’offrir ce que tu désires.
— Que savez-vous de mes désirs ! Qui êtes-vous ?! demanda fermement le roi.
— L’Ordre du Wyrm. Rejoins-nous et Tir Asleen t’appartiendra.
— Quel en est le prix ?!
— Ton fils cadet.
Zivian hésita un instant, bien que son désir de pouvoir fût bien trop puissant.
— Cela m’est impossible !
Un rire démoniaque rugit.
— Ton sang est tellement corrompu par la haine et l’avidité que la vie de ton fils est moindre face à tes sombres desseins.
Zivian resta silencieux avant de prendre sa décision.
— Il te suffit de te soumettre. À genoux !
Le roi maudit s’exécuta et s’agenouilla devant l’entité.
— Renonces-tu à ton fils.
— Oui j’y renonce.
— Acceptes-tu de rejoindre l’Ordre du Wyrm et de consacrer ta vie à son dessein.
— Je l’accepte.
Un rire glacial retentit, tandis que les ténèbres s’amenuisaient, rendant la clarté au jardin et l’eau de nouveau cristalline. Le pacte venait d’être signé.
Hastur se releva, les yeux injectés de sang et le visage déformé par la haine et l’avidité. Il quitta les jardins. Lorsqu’il atteignit la salle du trône, il fit signe aux gardes de le laisser seul.
Le roi maudit, s’assit sur le trône, sa main droite crispée sur l’accoudoir, sentant toute la puissance du Wyrm se mêler à son sang. Des ombres fugaces, apparaissaient autour de lui. Un léger sourire machiavélique se dessina sur ses lèvres.