Black Templar Tome III
Chapitre 2 : Le Devoir, Jusqu’à La Mort
6232 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 19/12/2021 11:33
‘’ Remporter une victoire contre toutes probabilités, en voilà une histoire digne d’être racontée ! ‘’ Dicton impérial.
Le sergent Brüner rouvrit les yeux alors que le grondement de l'artillerie ennemie vint faire trembler les parois et le plafond du bunker dans lequel il était assis. Il ne portait pas son casque et il cligna des yeux quand il revint à lui. De la poussière tomba des poutres de soutènements sur les épaulières de son armure et sur la table à sa droite, où étaient alignés les chargeurs neufs qu’il venait de recharger. Il était assis sur une chaise en bois et en métal, capable de supporter son poids ainsi que celui de son armure complète. Son bolter reposait sur ses genoux, vide. Et son épée était appuyée contre la table de bois simple. Au dessus une dizaine de chargeurs de bolts remplis, attendaient. Brüner réalisa qu’il n’avait aucun souvenir de les avoir lui-même remplis mais réalisa aussi que dans ses mains reposaient un chargeur à moitié plein et dans l’autre une pleine poignée de bolts. Combien de temps avait duré son absence ? Avait-il dormi ou avait-il eu une vision ? Son cerveau fatigué lui jouait souvent des tours en ce moment mais ce qu’il venait de voir et de ressentir était tout autre chose que quelques hallucinations après une si longue période sans sommeil.
Le sergent posa ce qu’il tenait dans les mains sur la table et s’aperçut qu’une écuelle et une tasse en fer blanc l’y attendait également. Il saisit la tasse et bu une longue gorgée de son contenu. Le liquide était tiède et infect, mais il continua de boire. Il reconnu immédiatement le liquide étant être du recaff. Il était noir, sans sucre et avait un goût immonde. Il venait des rations militaires standards de la Garde, qu’il partageait lui et ses hommes, malgré le fait que leur statut leur donnait accès à bien autre chose. Il reposa sa tasse et se saisit de son écuelle. C’est un récipient de taille normale pour un humain, mais dans les siennes, il semblait ridiculement petit. Son contenu non plus n’était pas ragoûtant. Un bout de pain de guerre trônait au milieu d’un mélange de féculent en sauce avec au milieu une viande synthétique ou ce qui s’en rapprochait le plus. L’Astartes aux vues de sa carrure et de ses besoins en protéines et calories avait reçu une double ration, et pourtant ce repas était très en deçà des quantités minimums requises pour son organisme. Pourtant c’était un des rares repas normaux qu’il prenait le temps de prendre.
La Guerre était rude et ne laissait aucun répit. Il prit la cuillère qui baignait dans l’écuelle et enfourna une belle bouchée. La nourriture était riche et insipide. Il mâcha vite et avala sans plaisir la nourriture. Il décida de prendre une bouchée du pain de guerre sur le côté, qui avait l’air aussi sec qu’infecte. A peine mordit il dedans que ses dents rencontrèrent ce qui sembla être un gravier de plastbéton. Il fit passer le tout d’une gorgée de recaff froid, à valant difficilement le pain.
Ça lui revenait maintenant. Il avait entendu il y avait quelques jours, qu’un des silos à grain du district extérieur trois avait été bombardé. Le grain qui restait avait été éparpillé sur la chaussée. Mais les temps étaient durs et les cuisines de la Garde Impériale dans le secteur avaient réussi à le récupérer. Il était nourrissant, fade et plein de gravier mais les Gardes ne s’en plaignaient pas. Sur d’autres fronts ils n’avaient même le luxe d’avoir du pain.
Le sergent Brüner enfourna une nouvelle bouchée et pendant qu’il mâchait sa pitance recommença à compléter ses chargeurs machinalement. Tout lui revenait. Dix-huit mois complets qu’il était arrivé ici bas avec ses hommes. Ils allaient attaquer les dix neuvièmes mois, demain. Les Orks étaient partout. Leurs défenses s’effritaient à vue d’œil. Partout la guerre de mouvement se transformait en longue guerre de position. Le sergent et ses hommes allaient de zone de guerre en zone de guerre, cherchant et défendant les endroits les plus susceptibles de fléchir. Et pour l’instant la ligne tenait. En orbite ce n’était guère meilleur. La flotte impériale menée par le Revenant, le croiseur d’attaque personnel du sergent Brüner, menait la défense de l’espace aérien spatial au dessus de leurs têtes. C’était simple, si un des innombrables navires Orks qui volaient au-dessus de l’hémisphère Nord venait à tenter de franchir le blocus pour soit entreprendre un largage orbital massif de troupes ou un bombardement, alors les impériaux l’interceptait. Les navires de L’Empereur-Dieu n’avaient les effectifs pour eux-mêmes entreprendre ce genre de manœuvre et étaient sur la défensive. D’après les derniers calculs, si toute l’armada Ork tentait une action commune alors ils ne pourraient la repousser mais mystérieusement aucune percée significative n’était entreprise pour l’instant.
Au sol les assauts se succédaient, et les pertes augmentaient. Pourtant aucun des deux camps n’arrivaient à prendre l’avantage. Et le chef Ork qui menait cette Waagh sans précédent dans cette partie de L’Imperium, n’avait pas encore été aperçu.
Alors le sergent Brüner, épuisé par plus d’un an et demi de combat ininterrompu continuait de défendre avec ses hommes, le peu qui restait à sauver. Il venait de compléter un chargeur et le posa sur la table alors d’une nouvelle détonation vint faire trembler les murs de son abri. Le lumiglobe du plafond trembla légèrement faisant trembler les ombres projetées aux murs. Il reconnut l’artillerie impériale. Les canons Trembleterre expédiaient leurs énormes obus vers les coordonnées désignées par les observateurs. Ils avaient sûrement repéré des départs de tirs ennemis et avaient ordonné qu’on les fasse taire.
Brüner expédia le reste de sa gamelle avec le reste de sa tasse d’un seul trait. Il se gratta le menton et senti à travers les récepteurs de son gantelet une légère barbe de trois jours lui manger les joues. Il se maudit pour ce manque d’hygiène et de respect des règlements militaires mais réalisa soudain que cela faisait depuis beaucoup plus longtemps qu’il n’avait pas fait ses ablutions et sa toilette rituelle. Il comprit. Son corps était épuisé. Il puisait dans ses moindres réserves. Même son derme qui contrôlait sa pilosité ne marchait qu’au ralentis. Ralentissant significativement la pousse de ses cheveux ou de sa barbe pour consacrer ses maigres ressources énergétiques à le maintenir en vie et prêt pour le combat.
Il ne dormait plus ou du moins pas comme un être humain normal. Il n’effectuait plus depuis longtemps ni aucun de ses hommes de cycle de sommeil complet. Son cerveau entrait dans une léthargie contrôlée, reposant un hémisphère après l’autre dans un demi sommeil réparateur, gardant l’autre partie toujours active et sur ses gardes. C’était pendant ces moments là qu’il avait ces visions. Il en avait parlé avec son chapelain, Markus qui voyait un signe comme quoi l’Empereur-Dieu les guidaient. Gauron, l’apothicaire du groupe, lui voyait un problème de sommeil et d’ordre physiologique. Mais lui aussi, exténué, avait avoué à demi mot qu’il avait vu, rien qu’une fois une de ces visions, et qu’elle c’était réalisée lors d’un assaut, surprise Ork dans le district de raffinage de la basse Ruche.
Une explosion assez proche pour couper momentanément l’éclairage vint perturber le fil des pensées du sergent Brüner. Il posa sur la table le dernier chargeur qu’il venait de compléter. Treize au total. Les soldats de la Garde Impériale étaient par nature superstitieux et le chiffre treize était souvent bannis ou sujet de légendes. Le sergent Brüner des Black Templars était un être froid et calculateur. L’efficience en toute chose et son caractère pragmatique le guidait depuis toutes ces années. Il porterait douze chargeurs dans ses portes chargeurs disposés sur son armure ainsi qu’un autre engagé dans son arme. Il porterait le maximum de munition possible car tel était la nécessité de la situation dans un conflit contre les Orks.
Il se saisit de son casque qu’il fit tourner dans ses mains pour le placer devant ses yeux. Les optiques rouge sang lui renvoyèrent son regard. Il y vit son propre reflet mais aussi l’image qu’il renvoyait à ses ennemis quand il portait son armure complète. Son visage était fatigué. Des cernes venaient bercer ses yeux d’un naturel froid et perçant. Des légères cicatrices ou marques sur sa peau laissait apparaître à un œil expert des opérations chirurgicales qui l’avaient sauvé après de nombreuses batailles et de trop nombreuses blessures. Son nez était entaillé à son centre. La blessure qui datait de plusieurs semaines ne semblait pas vouloir cicatriser. Gauron, l’apothicaire lui avait dit que le cartilage ne repousserait jamais et que son nez resterait comme cela, mais son corps épuisé peinait à refermer la plaie. D’une main armurée qu’il passa dans ses cheveux brun coupés courts il essuya l’humidité qui perlait sur son front. Son casque le regardait fixement, observant chacun des mouvements de son porteur.
Il ne ce n’était toujours pas habitué aux nouveaux marquages. Son serf, à bord du Revenant, l’avait surpris en lui rapportant après une réparation d’urgence après un combat âpre de plusieurs jours dans les forêts luxuriantes de l’hémisphère Nord de la planète, son heaume de guerre, repeint pour l’occasion.
Le serf avait fait des miracles, en plus des réparations rapides et efficaces, une croix pâté blanche os venait recouvrir la face du heaume. Les optiques venaient couper la croix en son centre, comme si son regard inquisiteur lui-même avait coupé en son centre le symbole des croisés. C’était un travail d’orfèvre, méticuleux et précis. Le sergent avait demandé à son serf le pourquoi du comment de cet ajout à son armure. L’artificier lui avait simplement répondu que son fils avait maintenant presque un an et avait prononcé ses premiers mots. Et même s’il ne l’avait pas encore vu ni tenu dans ses bras, c’était grâce à son seigneur, le sergent Brüner qu’il était en vie et qu’un jour si l’Empereur-Dieu le voulait, il le verrait de ses propres yeux.
Le sergent paru accepter cette explication alors que cette préoccupation purement humaine ne l’intéressait pas outre mesure, si son serf considérait cela comme important, alors ça l’était pour son maître aussi.
-Je n’ai fais que mon devoir, serf.
-Et moi je continuerais de faire le miens, lui répondit-il en lui tendant son heaume nouvellement peint aux couleurs du chapitre.
Le sergent finissait de se rappeler cet événement, alors que des rafales de mitrailleuses lourdes se firent entendre à l’extérieur. Des cris d’hommes et des explosions suivirent alors que les bolters lourds répliquèrent avec le même acharnement. Le sergent retourna son heaume pour y regarder dedans. Une profonde lassitude l’assaillit. Une fois qu’il aurait plongé sa tête dedans et verrouillé en place alors l’attaque des communications vox entrante, des cris de douleurs, les explosions et les ordres hurlés à la hâte assailliraient ses sens. Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Son environnement se retrouva comme dans du coton, et puis son heaume se réveilla quand il fit la connexion avec son armure. Son armure de série mark huit n’était pas dans ses grands jours. Ses épaulières étaient abîmées, écorchées. De profondes éraflures et coupures venaient parsemer le gorgerin ou le plastron laissant voir le gris métallique de la céramite et des alliages en dessous. Le noir de l’armure était passé et n’avait pas connu de retouche depuis des mois. Les artificiers allaient aux plus rapides et malgré ces dégâts d’apparence, l’armure fonctionnait à la perfection. L’affichage rouge sombre de son heaume envahit ses rétines quand les collimateurs de visée s’imprimèrent sur ses yeux quand l’armure reconnut son propriétaire. Dans la seconde, comme il s’y attendait, des rapports écris défilèrent en bas à gauche de son heaume, trop vite pour qu’on humain ne puisse emmagasiner autant d’un coup, mais le sergent traita ses nouvelles données alors que le reste de l’affichage se calibrait. Le réseau vox hurlait qu’une attaque Ork allait survenir sur le périmètre mais le sergent l’avait déjà prévue et c’était pour cela qu’il était ici. D’une simple pensée il filtra les communications entrantes pour ne garder que l’essentiel.
Il se leva, accrochant son bolter par sa sangle un point à son armure. Il fit jouer ses doigts et ses mains dans ses gantelets pour tester leur réactivité. Les fibres musculaires mécaniques répondaient bien, et son armure délivrait un flux énergétique constant et puissant. Les sensations dans son armure étaient grisantes. Et il s’imposait de tels essais avant chaque combat. Cela lui permettait de penser et remettre dans son contexte la puissance des outils à sa disposition. Ses muscles étaient engoncés dans les fibres musculaires et mécaniques de son harnois, directement reliés à sa moelle épinière par les ports cutanés qui couraient sur et sous sa peau. Sa carapace noire assurant les liens indestructibles du porteur et de l’esprit de la machine qui sommeillait en chaque armure. Il en était sûr, d’un simple coup de poing il aurait pu fracasser le mur devant lui.
Au lieu de cela, il se saisit du de son épée qu’il attacha par son fourreau à sa ceinture. Il inséra un chargeur rempli dans son arme et fit un pas en direction des battants anti-souffle du bunker enterré quand son oreillette vox prit vie :
-Il est l’heure monseigneur. Les Orks arrivent.
-Je suis en chemin, mon frère. Répondit-il simplement.
La lumière crue d’un début d’après midi froid et humide vint l’accueillir. Presque aussitôt de la condensation et de l’humidité s’accrochèrent à son armure, mouillant son tabar blanc comme la neige où trônait sur son torse, sous les portes chargeurs et son ceinturon de combat, le fier emblème des Black Templars. Une croix de croisés.
Cinq Gardes passèrent devant lui au pas de course, sans l’avoir vu. Ils fonçaient vers une autre section de tranchée, sûrement pour renforcer une position qui avait subis des pertes pendant les échanges de tirs préparatoires à l’assaut principal. Quelques Gardes continuaient de nettoyer leurs armes et tenaient leurs positions devant le bunker qu’avait réquisitionné le sergent Brüner avant la bataille. Brüner actionna le bouton d’arrêtoir de culasse de son bolter. Le claquement sec fit frissonner les soldats autour de lui, quand il amena un Bolt neuf dans la chambre de tir. Les hommes se rappelèrent aussitôt l’étiquette devant un croisé et mirent genoux à terre, les deux mains posées sur leurs genoux gauche, la tête basse.
Le sergent qui fit semblant de ne pas les regarder, vérifia quand même les équipements d’un simple regard et paru satisfait. Il détourna le regard alors que son heaume ciblait chaque homme et femme comme une cible potentielle. Il tourna les talons et commença à remonter la tranchée. Les Gardes qui étaient sur les banquettes de tirs, juste sous les parapets, restaient en position, scrutant la brume et les ruines des bâtiments juste devant leurs positions. Alors que ceux au fond de la tranchée rendait hommage et respect au géant en armure qui passait devant eux. Ses bottes claquaient sur le fond tantôt en ferrobéton ou en terre de la tranchée. Les hommes devaient se coller dos au mur opposé pour laisser passer le sergent alors que celui-ci avançait bon train sans se soucier d’eux. Il les dépassait d’au moins un bon mètre, et les hommes qui glissaient un regard inquiet vers lui devaient se tordre le coup pour l'admirer dans son entièreté.
Les Astartes étaient respectés, vénérés car ils étaient des Anges de la Mort. Une incarnation divine de la volonté de l’Empereur-Dieu. Mais ils étaient autant crains que salués. Nombre de traîtres ou lâches étaient morts par leurs mains. En leur présence, seul le devoir importait, et si cela signifiait donner sa vie, alors c’était le prix à payer.
Un Garde sorti la tête par-dessus le parapet. La malchance du soldat le frappa immédiatement quand une rafale rasante venant de la brume vint le toucher au thorax. Même à moitié à couvert le tir lui pulvérisa une bonne partie du bras droit ainsi que la partie supérieure de son corps. Il tomba, fracassé au fond de la tranchée. Aussitôt ses camarades se jetèrent sur lui pour s’occuper du blessé. Le sergent s’arrêta juste avant d’enjamber son corps. Trois hommes s’acharnaient sur lui, essayant de stopper les hémorragies et les cris du mourant. Aux yeux du sergent Brüner c’était un gâchis de ressources pour un seul homme. Mais chaque vie valait la peine de se battre pour elle. Alors il observa.
L’homme mourra sans un bruit. A la fin il ne faisait que murmurer à l’oreille d’un des infirmiers qui s’occupait de lui. Puis il expira, baigné dans la boue et son propre sang. L’infirmier arracha d’un coup sec les plaques d’identification du mort et lui ferma les yeux. Il se saisit du fusil du décédé pour l’appuyer contre le mur de la tranchée. Chaque fusil compterait pour ce qui allait arriver. Le sergent activa ses hauts parleurs de son heaume pour s’adresser aux hommes autour qui avaient vu la scène :
-Restez à couvert. Nous serrons avec vous jusqu’à la fin.
Sa voix rauque rendue agressive par la déformation des hauts parleurs en fit sursauter plus d’un, mais les hommes hochèrent doucement de la tête à ces mots. Certains sourirent tristement en serrant un peu plus fort leurs fusils laser. Les obus ennemis en approche sifflaient au dessus de leur têtes et venaient exploser partout autour de la zone de guerre et des tranchées impériales.
Le district commercial était méconnaissable. Auparavant surpeuplé et fleurissent il n’était plus que l’ombre de lui-même. Plus aucun entrepôt ou magasin n’étaient épargnés. Les autoroutes et voies rapides pour les transports de cargaisons et de marchandises avaient été depuis longtemps dynamités ou bombardés pour empêcher une avance trop rapide des Orks. Maintenant les combats se faisaient rue par rue, quartier par quartier. Chaque place ou église devenaient une position cruciale où se retranchaient des compagnies entières.
Au fil des mois à force de bombardement, les rues pavées furent fracassées par les obus et les chenilles des chars et c’est dans la terre meuble en dessous que furent érigées à la hâte les tranchées qui devaient repousser les Orks. La guerre de mouvement devenait une guerre de position. Et la basse ville de la Ruche Terfon fut le lieu où s’entre déchiraient les armées pour le contrôle de Gorst.
En temps que première plus grande Ruche de la planète, Terfon résista mieux aux attaques que ses jumelles. D’autres cités Ruche continuaient de résister dans l’hémisphère Sud, mais la stratégie en vigueur était de mettre un point d’arrêt à l’avancée Ork ici même. Et enfin débusquer le chef de guerre Ork en lui proposant un combat qu’il ne pouvait pas refuser.
Le sergent Brüner enjamba sans difficulté le cadavre au sol et continua sa progression. Non loin dans son dos un bolter lourd aboya dans une rafale longue dont le vacarme se réverbéra sur les bâtiments en ruine.
Il marcha pendant une minute encore jusqu’à apercevoir une forme familière. La silhouette d’une armure énergétique mark huit se dessinait sur le fond de la tranchée, entourée de gardes impériaux. Brüner la reconnut aussitôt par ses marquages honorifiques, ses sceaux de pureté mais aussi ses stigmates de batailles. Presque plus aucune pièce de l’armure qu’il voyait était intacte. Même à cette distance il voyait clairement les marques de brûlures et les cloques dû à une chaleur extrême. Frère Karl ne portait pas son heaume, qui lui aussi était affreusement brûlé. Il avait décidé de ne pas effectuer les réparations dites esthétique, après un retour de flammes lors d’un vieux combat qui lui avait coûté une bonne partie de la peau de son visage. Maintenant son heaume était casi intégralement brûlé ou fondu mais fonctionnait à la perfection. Il ressemblait maintenant à une figure d’horreur que Karl aimait soigner, imprimant la peur à quiconque le voyait sur un champ de bataille.
Karl était assis et nettoyait l’embouchure et la veilleuse de son lance flamme, la partie la plus délicate et susceptible d’avoir un incident de tir. Son arme était plus qu’opérationnelle, mais l’entretient des armes d’un Astartes relevait de l’obsession. Karl releva la tête pour regarder les Gardes autour de lui. Il croisa le regard d’un soldat qui lui aussi finissait de visser le flexible de carburant à son lance flamme personnel. L’Astartes et le soldat échangèrent un regard entendu, le soldat étant lui aussi brûlé gravement sur une bonne partie de son corps. Ses bras et son cou n’étaient qu’un résidu de tissus cicatriciel. Karl toucha sans y penser la peau de son visage qui ne sera plus jamais lisse ni belle.
Brüner souri sous son heaume devant ce moment si rare de compréhension profonde et partagée ente deux soldats que tout opposait. Le sergent Astartes s’approcha et s’annonça. Frère Karl arrêta son nettoyage pour se relever et saluer son officier :
-Mes respects frère sergent.
-Repos mon frère.
Karl se détendit imperceptiblement. Ils attendirent quelques secondes sans le silence des tirs d’artillerie en approche et ceux partant, et les rafales d’armes lourdes qui passaient au dessus de leurs têtes. Karl reprit enfin la parole :
-Johann est plus loin par là sur la ligne de bataille. Je tiendrais personnellement ce flanc. Ils ne passeront pas par ici, je peux vous l’assurer.
-Je compte sur toi, mon frère.
Les deux Astartes échangèrent une rapide poignée de main, se saisissant les avants bras au lieu des mains comme les saluts des anciennes guerrières de Terra. Brüner continua son chemin alors que Karl enfilait son heaume et commençait à distribuer ses ordres dans sa portion de tranchée.
Brüner tourna à droite puis à gauche dans un boyau, et arriva sur une large portion de tranchée elle aussi complètement occupée par des Gardes impériaux. Ils avaient tous l'air fatigué mais attendaient patiemment les ordres. C’était un régiment différent de celui que venait de quitter le sergent Brüner, le marquage régimentaire variait légèrement mais ils étaient tous issu des régiments de Gorst. Leurs treillis et leurs blagues pare-balles et pare éclats étaient aux couleurs verdâtres et jaune sable de la planète.
Un bolter lourd hurla devant le sergent. Sur le pas de tir, Johann, malgré sa corpulence ne laissait dépasser que son arme et sa tête pour asséner des rafales précises sur l’ennemi de l’autre côté de la place qu’eux. Une arme lourde lui répondit depuis la brume. Des mottes de terre et de pierre volèrent sous les tirs, et Johann répliqua aussitôt en ayant repéré le départ des tirs. Un hurlement de douleur et de colère bestiale répondit au silence après les tirs du frères Johann. Quelques Gardes Impériaux rigolèrent quand ils entendirent l’Ork mourir sous les tirs de L’Astartes :
-Un de moins, plus qu’un million. D’autres Gardes se joignirent à l’hilarité générale.
Johann maniait son bolter lourd comme un maître. Chaque rafale venait couper une poignée d’ennemis et on pouvait être sûr qu’il serait toujours au bon endroit au bon moment avec son arme d’appuis lourde. Chaque membre de l’escouade de croisés devait la vie à Johann une bonne dizaine de fois au cours des dernières années. D’un naturel calme et mesuré, Brüner savait que son soldat n’avait ni besoin d’encouragement ni de consignes avant une bataille. Il savait exactement ce qu’il devait faire et il le ferait.
Brüner passa derrière l’imposante carrure de Johann et lui signala sa présence en lui tapant amicalement l’épaulière droite de son gantelet. Johann ne répondit que d’un simple hochement de tête entendu, et se reconcentra sur la brume et ce qui pouvait en sortir à n’importe quel moment. L’attaque Ork était proche maintenant.
Le sergent Éric Brüner l’entendit avant de le voir. Une voix puissante, d’une ferveur en adamantium, où brûlait le zèle du juste, démultiplié par les hauts parleurs de son armure, noire comme la nuit. Le chapelain Markus présidait la prière d’une compagnie de Gardes avant la bataille. Il récitait par cœur les psaumes et les litanies de haine. Gonflant les cœurs des hommes autour de lui de fierté et de dévotion aveugle. Chaque mot était une arme, avait l’habitude de dire le chapelain. Mal utilisé il pouvait tuer son porteur ou anéantir sa cible.
Enfin le vit. Il était debout au milieu d’une centaine d’hommes et de femmes prêt à donner leurs vies pour lui. Il levait bien haut son crozius et le vacarme de l’artillerie venait ponctuer la fin de ses harangues comme si la guerre elle-même voulait le laisser parler. Le crâne d’un ancien héros du chapitre était toujours accroché à son épaulière gauche, mais un tir malchanceux d’un Ork avait touché la relique. Il ne restait plus que la partie supérieure du crâne, sa mâchoire coupée net.
L’Ork n’eut pas le temps de regretter son offense. Le chapelain l’éventra sans ménagement pour l’affront. L’avant son honneur dans le sang d’une autre centaine d’ennemis ce jour là.
La prière prit fin. Les fumées de l’encensoir englobaient la scène dans une brume presque onirique. Les hommes se levèrent et reprirent le chemin du pas de tir, un feu vengeur dans leurs cœurs et brillant dans leurs yeux. Brüner en était sûr, cette partie de la tranchée ne tomberait pas et sera sûrement témoin d’actions héroïques et insensées après une telle homélie de la part de Markus.
-Je croyais bien vous avoir vu, frère sergent ! Le ton de sa voix était presque enchanté. C’était rare pour un chapelain, à moins d’être à la veille d’une bataille horrible où la mort viendrait prélever son dû et des héros sortiraient de la mêlée, victorieux.
-Je ne comptait pas mourir sans votre bénédiction, frère chapelain. Répondit simplement Brüner.
Ils serrèrent la main à l’ancienne façon des guerriers, puis Markus lui répondit d’un ton plus froid et sérieux :
-Vous ne mourrez pas aujourd’hui, Erik. Je peux vous l’assurer. Markus l’appelait rarement par son prénom ce qui aurait pu être un manque de respect, mais pas venant de la part du chapelain.
Ils avaient eu des différents c’était vrai, ils en étaient venus aux mains il y avait de ça des années, occasionnant des blessures graves pour chacun d’entre eux. Mais Brüner avait imposé son statut et les choses étaient claires entre eux. Même S’ils étaient différents, Markus restait le subordonné du sergent. Il obéissait à ses ordres mais avait un droit de regard aussi, qu’il utilisait avec parcimonie et toujours de façon justifiée. Au cours des dix dernières années ils avaient noué un certain lien de confiance, de respect. Brüner le laissa continuer de parler :
-En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas assez nombreux. Le ravitaillement est ralenti pour une raison encore inconnue. Et l’attaque Ork arrive sur nous. On dirait à première vue une attaque de routine, mais on dirait que ce genre d’attaque se reproduit sur tout le périmètre de la Basse Ruche. Serait-ce une offensive d’envergure ?
Brüner savait tout cela. Ils manquaient de tout. D’hommes, de munitions, de véhicules, de moyens. Il prit un moment pour y réfléchir :
-Une attaque d’envergure, après dix huit mois de combat ? Aucun Ork n’est assez patient pour attendre autant.
-Même nous, n’aurions pas attendu aussi longtemps avant de charger droit dans la mêlée. Répondit Markus.
C’était vrai, et la phrase aurait pu amener à sourire si la situation n’était pas aussi grave.
-J’ai pris la liberté de demander en amont un soutient aérien conséquent sur notre secteur. Une escadrille de bombardiers Marauder et des chasseurs Thunderbolt pour les soutenir.
-Ça ne sera pas de trop, pensa à voix haute le sergent Brüner. Où sont les autres ?
-Dord, Maximilian et notre apothicaire sont plus loin sur la ligne de bataille. Lyderic est à quelques mètres D’ici, il supervise l’approvisionnement d’une position d'autocanons. Konrad est resté en appuis sur les hauteurs.
Un clic de permission démission vox attira l’attention du sergent Brüner et du chapelain Markus.
-Pardonnez moi de vous interrompre, frère sergent. Mais j’ai du mouvement sur la ligne. Ils arrivent. Voxa Konrad sur les hauteurs. Avec son bolter stalker et sa position il pouvait voir et appuyer chaque endroit des tranchées. Son appui et ses renseignements seraient d’une grande utilité.
-Très bien, préparez-vous. Ordonna Brüner.
À peine eut-il prononcé ces mots que la ligne impériale s’éveillât. Au loin dans la brume et tambour de fanfare impérial battit la mesure alors que les soldats se préparaient à combattre. Les fusils étaient chargés, les chargeurs complétés. Chacun finissait sa prière personnelle et montait sur le pas de tir. Tandis que sur le réseau vox Astartes une conversation allait bon train :
-Infanterie mécanisée cette fois ? Ou seulement de l’infanterie ? Demanda Karl sur le réseau.
-Je paris sur des blindés lourd. Ironisa Lyderic.
-Paris tenu, ça sera de l’infanterie. Répondit immédiatement Maximilian.
-Cessez ça, immédiatement. Leur ordonna sur le vox le chapelain de sa voix autoritaire.
Les soldats étaient joueurs. C’était dans leur nature. Ils jouaient avec leurs vies tout du long de leur carrière et l’humour noir d’un pari comme celui-ci avant une attaque était habituel. Mais ils n’étaient pas des soldats comme les autres. Ils étaient les Anges de L’Empereur.
-Aucun de vous n’a raison. Ils viennent en nombre, avec tout ce qu’ils ont. Voxa Konrad depuis son perchoir, l’optique rivée dans son viseur longue portée.
Markus la main sur l’écouteur de son heaume de bataille à tête de mort hocha seul la tête. Et s’approcha du sergent Brüner qui regardait déjà de l’autre côté du no man’s land les silhouettes qui approchaient alors que les grincements de chenilles des blindés résonnaient dans la ville Basse, détruite.
-Le commandement annonce des escadrilles de chasseurs Ork qui font aussi mouvement vers la Ruche.
Brüner encaissa la nouvelle. Une simple offensive Ork dont ils avaient tous l’habitude venait de se transformer en offensive majeure.
-Toute la Ruche annonce des mouvements de troupes similaire. On y est, frère sergent, l’offensive que l’on attendait tous.
-Effectivement, il semblerait que ce soit ça. Répondit Brüner.
Au moment où il termina sa phrase, le bolter stalker de Konrad aboya. Une silhouette dans la brume tomba à la renverse. L’artillerie Ork continuait de pilonner la zone, mais celle de L’Imperium attendait. Si une vague Ork débouchait devant eux, ils auraient besoin de toute la puissance de feu pour les repousser. Soudain un cri de guerre inarticulé hurlé par une dizaine de milliers de gorges vint faire trembler la terre et les gravats au sol. Comme un seul homme, les Gardes et les Astartes épaulèrent leurs armes. Des ombres approchaient. Brüner enleva le cran de sûreté alors que Markus pointait son pistolet bolter dans la même direction. Une gueule hurlante émergea de la brume. Brüner l’accueillit d’un seul bolt la découpant en deux. Alors qu’une centaine derrière elle apparurent en un battement de cœur. La Waagh était sur eux. Les fusils aboyèrent, l’artillerie gronda alors que la marée verte ensevelissait tout sur son passage.
Brüner tirait à volonté, Markus à ses côtés, aussi. Les Gardes autour d’eux mourraient et tuaient à un rythme effréné. La bataille était immonde. Sans aucune chance de survie. Les guerriers Orks menaçaient de franchir le remblai et les barbelés alors que la Garde Impériale défendait ses positions. Des machines Orks sortirent elles aussi de la brume. Des tanks marcheurs et des chars d’assauts massacraient les soldats, ouvrant des brèches dans les tranchées alors que des compagnies entières de Gardes étaient envoyées pour combler les trous dans le dispositif.
Ils n’y avaient plus qu’une poignée de soldats autour de Brüner et Markus qui combattaient épaules contre épaule. Des chargeurs vides tombaient au sol dans la boue et les tripes des morts Orks et humain. Au loin un chant de guerre béni était entonné par Dord et les soldats avec lui alors qu’hurlait le bolter lourd de Johann presque sans discontinuer.
Le soleil se cacha derrière les nuages alors que le vacarme d’un vol de chasseurs impériaux passa au dessus d’eux. Maintenant Brüner et Markus combattait dos à dos, épée et crozius à la main, à deux doigts d’être submergé par le nombre incroyable d’ennemis. Le sergent eut juste le temps de terminer une rapide prière à l’Empereur-Dieu alors qu’il venait de couper en deux un Ork de la tête à la hanche. Une compagnie de réserve arriva en renfort des autres boyaux des tranchées secondaires et tertiaires alors que le vacarme de l’artillerie ennemie et alliée était maintenant continu.
-Avec moi ! Chargez ! Jusqu’à la mort !
Ils s’élancèrent à découvert alors que l’ennemi les croyaient fini. Hurlant de rage Brüner mena la charge, droit devant, droit sur l’ennemi désemparé. Sa lame accrochant les rares rayons de lumière qui perçait la voûte céleste, son bolter hurlant, ses hommes sur ses talons, alors qu’une vague humaine de Gardes sortaient avec lui, vers la gloire et la mort.