Black Templar Tome II

Chapitre 11 : Mare Animarum

6781 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/04/2021 21:07

Retrouvez le Tome II sur : https://www.wattpad.com/story/251252843-black-templar-tome-ii







Les secousses n’avaient jamais cessé. Depuis leur entrée dans le Warp l’acier et la coque du navire n’avait cessé de craquer, se tordre ou même être percutée, par les flots déchainés de l’Empyrean. Le sommeil de l’équipage était visité par les cauchemars et les cris que des morts qu’ils avaient tous vu durant leur longue croisade d’expiation. Les hommes se réveillaient en sueur, persuadé d’avoir entendu appeler à l’aide dans les coursives, ou des cris d’humains torturés.

Le navigateur avait assuré qu’il ne leur fallait pas plus d’une semaine complète pour traverser ce torrent infernal. Il avait semblé au sergent Brüner qu’en le traversant en ligne droite, le voyage aurait été plus court, mais il faisait confiance à leur navigateur pour emprunter le chemin le plus sûr. Même s’il était un mutant, Brüner le tolérait. Pour le bien de la croisade.


L’équipage était sur le pied de guerre, les exercices de tirs, ou d’entrainements physiques furent interrompus pour qu’il ne se concentre que sur les tâches les plus élémentaires et l’entretient du vaisseau. Ceux des Astartes n’avaient pas faibli, mais ils restaient prêts.

Brüner massa sa main engoncée dans son gantelet de céramite. Il venait de transpercer un servitor de combat d’un seul coup de poing en plein dans le milieu de sa cage thoracique. L’exécution du servitor marqua la fin du combat de la session d’entrainement dans les salles adaptées du Revenant. Cet entrainement aux tactiques de combats à mains nues était censé leur permettre de se concentrer sur autre chose que les choses qui venaient cogner contre la coque et le champ de Geller du navire. Mais Brüner semblait quand même les nerfs à vif.

Il visualisa le chronomètre de mission dans l’affichage tête haute de son heaume de combat, pour voir qu’il ne restait plus que quelques heures avant la fin de la traversée de la Cicatrix. Il aurait pensé que le voyage aurait été plus mouvementé. Il respira profondément avant de remettre à sa ceinture son épée dans son fourreau et attacha à sa sangle son bolter. Ses hommes eux aussi se rééquipaient après leur entrainement quand les lumières se coupèrent.

              

Un choc violent risqua de projeter le sergent dix mètres plus loin. Les racks d’armes et de munitions furent soulevés de terre. Les gyrostabilisateurs de son armure entrèrent en action pour le garder debout, quand le hangar d’entrainement se retrouva sens dessus dessous. Les cadavres des servitors de combat au sol, furent projetés contre un des murs, se fracassant dessus comme si cela était encore possible. Ses hommes furent eux aussi secoués dans tous les sens.

L’armure de Brüner activa en une fraction de seconde sa vision nocturne pour qu’il voit en détail ses hommes reprendre leur équilibre sur le sol de métal. La lumière principale revint à la vie elle aussi et l’armure coupa net la vision nocturne des optiques du sergent. Il ne se retrouva pas même ébloui, ses yeux s’adaptant à la luminosité en une demie seconde.


-Quesque c’était ? Demanda Gauron, aidant Johann à reprendre son équilibre d’une main.


On aurait dit que le navire venait de percuter de plein front une masse importante, mais c’était impossible dans le Warp. Il n’y avait rien de physique, rien de concret. Seulement les flots du Warp. Brüner le savait, ses hommes aussi. Avant qu’ils ne puissent faire quoi que ce soit, une voix paniquée leur parvint des hauts parleurs du hangar :

-Perte de puissance du générateur principal ! Aux postes de combat, le champ de Geller connait des ratés !

La lumière se coupa encore une fois, laissant résonner le message dans le noir complet quand lequel ils furent plongés. L’éclairage d’urgence prit le relais, une lueur rouge irréelle les submergea.

-Regroupement sur moi ! Direction la passerelle de commandement. Nous n’avons pas de temps à perdre. Hurla Brüner, les armes à la main.

Ils sortirent en trombe du hangar d’entrainement, pour se diriger au pas de course dans les coursives sombres à peine éclairées pour se diriger vers l’arrière du navire, où la passerelle se trouvait. Ils croisèrent en chemin quelques membres d’équipages et des serfs, qui eux se dirigeaient vers leurs postes de combat. Le navire était sur le pied de guerre.

-Le champs de Geller s’effondre. Les hauts parleurs crachaient les rapports du pont de commandement. A tout l’équipage, incursion démoniaque, préparez-vous à vous défendre !


La dernière phrase fit rater un battement aux cœurs du sergent Brüner qui s’arrêta dans sa course, ses hommes l’imitèrent.


-Des démons ? Demanda Maximilian, perplexe.

-Nous sommes en pleine translation Warp, si le champ de Geller s’effondre ce sera plus que des démons que nous aurons à affronter. Confirma Gauron.

-Capitaine Ström, rapport de situation je vous prie.

Leurs oreillettes crachèrent quelques parasites avant qu’ils n’entendent la voix paniquée du capitaine.

-Nous avons percuté quelque chose pendant notre translation. Nous perdons de l’énergie à grande vitesse. Peut-être une fuite de plasma, nous confirmons en ce moment même.

-Réactivez le champ de Geller capitaine, c’est notre priorité. Ordonna Brüner.

-Impossible. Nous n’avons pas assez d’énergie pour alimenter nos propulseurs et le champ de Geller. Nous devons faire un choix. Soit, nous sommes immobilisés, soit nous finissons la traversée sans protection.

Brüner inspira profondément.

-Ne vous arrêtez sous aucun prétexte. Je déploie mes hommes aux points névralgiques du navire. Tenez-nous informé. Brüner terminé. Il coupa la liaison.

Il se tourna vers ses hommes pour leur donner leurs ordres.

-Changements de plans mes frères. Déployez-vous aux points sensibles du navire. Nous devons nous défendre contre toute attaque qui viserait à nous immobiliser dans la cicatrice. Surtout ne vous séparez p…


La lumière disparue, les plongeant dans le noir avant qu’il ne finisse sa phrase. Elle se ralluma un quart de secondes plus tard. Ils avaient tous disparu. Brüner qui parlait à ses dix hommes se retrouva seul. Ils n’étaient plus ici, avec lui. Il était persuadé que le Warp avait à voir avec cela. Il aurait voulu cracher par terre, pour extérioriser sa colère qui grimpait. Mais son casque l’en empêcha. Il avait confiance en ses hommes pour se défendre et défendre leur navire.

Un hurlement inhumain résonna dans le couloir du Revenant où il se trouvait. On aurait dit un hurlement animal, ou celui provenant d’une gorge humaine qu’on arrachait. Dans un demi sourire Brüner épaula son bolter, et avança d’un pas rapide vers la provenance des cris éthérés.

 

               

La configuration des coursives et des couloirs qu’il avait appris à connaitre par cœur au fils des années, semblait inhabituelle. Il connaissait par cœur les emplacements des salles de repos ou des dortoirs des serfs et de l’équipage, mais quand au détour d’un embranchement il s’attendait à en trouver une, il trouvait à la place un cul de sac ou un autre couloir qu’il ne semblait pas connaitre.


-Magie. Cracha-t-il dans son heaume de guerre.


Les torches et les braseros brûlaient encore contre les murs et l’éclairage de secours semblait tenir le coup. Le navire semblait étrangement silencieux, mais de temps à autre un choc sourd et lointain venait percuter l’extérieur de la coque. C’était bon signe, pensait-il. Au moins ils étaient en mouvement.

Les communications semblaient brouillées elles aussi. Aucun moyen de joindre la passerelle ou ses hommes.

Mais où était passé l’équipage ? Il y avait quelques minutes il lui avait semblé entendre le bruit d’une fusillade lointaine, mais elle avait cessé aussitôt, comme chassée par le vent. Les cris et les pleurs d’enfants venaient de temps en temps résonner dans les coursives vide d’un croiseur Astartes lancé à pleine vitesse dans le tourbillon de la folie.


Au détour d’un couloir il sembla distinguer une ombre se faufiler à sa droite. Il épaula aussitôt son bolter pour lui pointer dessus, mais se ravisa. La silhouette semblait être celle d’un homme, surement un membre d’équipage. Il c’était effondré au sol, à genoux, et pleurait, la tête basse. Bien décidé, Brüner s’approcha de lui, son bolter non loin.

Il n’était plus qu’à quelques mètres de l’homme. Il n’avait pas répondu à ses invectives. Son bolter était pointé sur son dos qui bougeaient en rythme avec ses sanglots. Quand il ne resta qu’un pas, l’homme s’arrêta net de pleurer, et sembla attendre.


-Soldat, relève toi et fais-moi face.

Aucune réponse.

-Dernière sommation, retourne-toi.

-Non Astartes. Répondit-il d’une voix qui n’aurait jamais pu être prononcée par une gorge humaine.


D’un seul coup le soldat sembla attiré par le mur à sa gauche. Son corps percuta le blindage avec une force qui lui aurait pulvérisé les os. Mais il continua de hurler de douleur, le dos collé à la parois surement gelée du navire qui filait dans l’espace.

Brüner s’approcha pour essayer de dégager l’homme de la force qui le maintenait à deux mètres du sol, et semblait vouloir l’encastrer dans le mur. Le sergent posa une main armurée sur l’épaule de l’homme pour le dégager, quand celui-ci s’arrêta de hurler.


-Pardon monseigneur.


En une seconde son abdomen s’ouvrit sur des rangées de dents étincelantes dans la noirceur de la coursive. Ses entrailles tombèrent à terre, comme expulsé par la mâchoire énorme qui dormait dans son estomac. Ses vêtements furent déchirés, et le sang jaillit de son corps dans un geyser immonde. Les hurlements de terreur et de douleur de l’homme redoublèrent, et la créature qui sommeillait en lui, sauta au visage du sergent.

 

Frère Karl marchait sur les cendres de monstres qu’il venait d’asperger de prométhium. L’embout de son lance flammes rougeoyaient de chaleur alors qu’il marchait sur les cadavres rabougris et craquelés. Quand ses bottes venaient briser les membres insectoïdes des créatures au sol, du sang réduit à l’état de vapeur venait embaumer la coursive. L’odeur du sang vicier venait jusqu’à ses narines même à travers les filtres de son heaume. Il venait de dégainer son pistolet bolter, son lance flammes sous son autre aisselle. Il achevait d’un bolt les créatures qui bougeaient encore. Cela faisait déjà de longues minutes qu’il arpentait le navire, et il avait trouvé à chaque couloir des horreurs qui avaient foncés sur lui. Il laissait derrière lui des murs noircis et des amoncellements de cadavres de choses qu’il n’avait jamais encore vus. Dans un dernier cri qu’il mit fin d’un seul bolt, il reprit la progression vers son objectif, les cryptes génétiques du Revenant.

               

L’équipage c’était retourné contre lui. Leur sang maculait son épée et son armure. Comment c’était possible ? Les serfs étaient dévoués à leur cause, leurs vies tournées vers le chapitre. Il venait de trouver un attroupement d’humains en armes dans une des pièces annexes, sur le flanc droit du navire. Avant qu’il n’ait eu le temps de leur demander ce qu’ils faisaient ici, un tentacule, ou ce qui s’en rapprochait le plus les avaient traversés de part en part. Il l’avait vu comme au ralenti, cette chose n’avait aucune consistance dans le réel, presque fantomatique, comme une brume qui rampe sur le sol, un matin d’hiver. A peine les eut-elle fauchés, qu’ils se retournèrent contre lui, une lueur mauvaise dans le regard. Il les massacra sans difficulté, le cœur lourd, il accomplit son devoir. Dord ne dit rien, contemplant l’équipage inerte, massacrés, à ses pieds. Il se mura dans le silence, abandonnent derrière lui la pièce d’où un sang épais coulait sur le sol.

Il était en mauvaise posture. Frère Maximilian bâti en retraite, talonné par des monstres. Il cédait du terrain. D’un seul mouvement de la main et du bras il inséra deux cartouches d’affilé dans le chargeur de son fusil à pompe. Et encore deux, d’un seul mouvement. Il c’était entrainé à ce mouvement de longues heures durant sa formation initiale d’initié, et encore d’autres longues heures quand on lui confia ce fusil à pompe d’un autre temps. Une relique anonyme du chapitre. Il se retourna, épaula et fit feu. Le recul était abominable. Il le menaçait de lui déboiter l’épaule à chaque coup de feu. Mais les dégâts causés par la chevrotine blindés de gros calibre étaient plus importants que son recul.


Les fantômes, ou les spectres, il ne savait pas comment les décrire, reculèrent devant la grêle de plomb gros comme des doigts humains. L’ectoplasme qui les composait explosa sous la douche de tirs. Les formes mordirent la poussière. Tombant sous les impacts, dans l’espace exigüe de la coursive. Il appela du renfort sur son vox personnel, mais personne ne lui répondit. Très bien, puisqu’il en était ainsi il s’en chargerait tout seul. Il posa genoux à terre, et recommença à recharger son fusil. Il sélectionna des cartouches de balles solides pour un tir à distance vu qu’il venait de repousser la précédente vague au fond du couloir. Le mur du fond était moucheté d’impacts, son métal mal en point.

Tout d’un coup une de ces choses qui le poursuivaient se matérialisa devant lui. Sa vision fut envahie par une gueule garnie de crocs irréels. Il dégaina son pistolet bolter à sa cuisse pour lui enfourner le canon dans la bouche avant de presser la détente.

 

               

Il n’avait presque plus de munitions. Son avant dernier chargeur venait de tomber au sol. Il inséra son dernier dans son arme. A ses pieds, les douilles vides et encore fumantes des bolts qu’il venait de tirer, finissaient de rouler. Il était assailli des deux côtés de la coursive dans laquelle il était. Frère Luther savait que pendant qu’il s’occupait de déverser un torrent de bolt vers un des accès, les abominations qui pénétraient le navire, en se téléportant directement dedans, ou qui prenaient possessions des corps des matelots, avançaient dans son dos. Malgré le fait qu’il pivote sur lui-même à chaque rafale pour repousser les vagues de chaque côté, les monstres du Warp gagnaient du terrain.

D’une main il dégoupilla sa dernière grenade à fragmentation pour la jeter vers une des extrémités du couloir. Ça lui ferait gagner encore un peu de temps. Une chose énorme, toute de griffes et de tentacules s’approcha de lui, courant sur les murs, comme s’il c’était s’agit du sol. Il vida le reste de son chargeur sur la chose. Elle s’effondra, quand un bruit de tonnerre, du sang plasmatique s’écoulait de ses blessures. Son cadavre commençait à disparaitre de la réalité, retournant dans le Warp. Il était à sec. Il dégaina son pistolet bolter ainsi que son couteau de combat pour faire face à celles qui continuaient d’avancer. La grenade explosa dans son dos, soufflant les créatures qui pensaient le prendre à revers.

Soudain, une gaine de fils électriques sembla prendre vie, et fonça sur lui. Surpris, il eut un mouvement de recul, mais la gaine électrique s’enroula autour de son bras droit, l’empêchant d’utiliser son pistolet. De son autre main il tenta de couper la gaine qui l’attaquait. Mais elle était blindée, et les câbles qui couraient dedans étaient fait de matériaux hyper conducteurs, et dense. Luther ne comprenait pas ce qu’il se passait. On aurait dit que le navire lui-même était possédé, et qu’il se retournait contre lui. Un câble barbelé sorti lui aussi du mur derrière lui pour le saisir aux chevilles, s’enroulant autour de son armure, sans parvenir à la percer, mais en l’immobilisant. Dans un cri de rage et de frustration il tenta de se défaire de son agresseur, le navire le maintint en place, pendant que les créatures du Warp fondaient sur lui.


Le chapelain Markus marchait seul dans les passages lugubres du Revenant qui filait à travers le Warp. Cela faisait des heures qu’il n’avait pas vu le moindre signe de vie. Il marchait encore, d’un pas décidé, dans le silence de ses bottes qui claquaient sur le sol, éclairé par la lueur bleutée de son crozius alimenté en énergie. Soudain, il s’arrêta, comme si son instinct de guerrier lui commanda. Quelque chose était différent ici. Quelque chose de maléfique. Il tourna la tête pour regarder la paroi qui lui faisait face. Elle ressemblait à tous les autres. Le métal nu suintait d’humidité. La différence de chaleur entre le vide spatial et l’intérieur du navire, malgré le froid ambiant, laissait des marques. Markus pouvait apercevoir son reflet à travers la couche d’eau sur le mur. Mais son reflet semblait bouger en décalage avec lui. Il fit face, bolter levé pour s’approcher de l’anomalie.


Il se voyait lui-même. Son casque à tête de mort lui sourirait en retour. Il approcha une main pour toucher la paroi, mais à la seconde où il s’attendit à sentir son contact glacé à travers l’épaisseur de son gantelet, il toucha autre chose. D’un geste vif il s’en saisit prêt à toute éventualité. Il attrapa une chose qu’il n’avait jamais vu. Une sorte d’algue. A peine l’eut-il enlevé de la paroi que l’algue perdit de sa couleur, pour redevenir transparente. C’était une sorte de camouflage pensa-t-il. Etrange. Que faisait-elle ici ? L’équipage qui s’occupait de la maintenance et de l’entretient avait l’habitude de traiter ce genre de choses courantes dans l’espace. Markus avait entendu dire que des animaux, ou ce qui s’en rapprochait le plus, arrivait à vivre accroché aux navires qui naviguaient dans le vide spatial. Toutes les décennies, quand le navire était au mouillage, alors l’équipage devait envoyer des équipes pour décrocher ces choses collés à la coque ou aux évacuations de chaleurs du navire. Mais là, cette chose était à l’intérieur. Avant qu’il ne puisse réaliser ce qu’il allait se passer, la chose changea de couleur pour passer d’un mélange de violet à l’orange, mais sa peau elle aussi changea. Une gueule immense s’ouvrit au milieu de l’algue inconnue, et ses racines s’accrochèrent au poignet du chapelain. D’une torsion violente, l’algue lui brisa la main, et du plafond tomba une pluie de cette flore directement évadée du Warp.

 

               

La passerelle était en effervescence. Ils avaient perdu tout contact avec les équipes de défenses extérieures, mais ils pouvaient entendre le bruit des fusillades à l’extérieur malgré l’épaisseur du blindage des portes anti-explosions. Ström avait arrêté de fumer son cigare et l’avait jeté par terre.


-Il me faut une ligne directe avec nos Astartes et nos escouades de défense officier. Et maintenant !

-J’y travaille capitaine, mais toutes nos transmissions semblent brouillées. Nous naviguons à l’aveugle sans champ de Geller. Nous sommes aveugles et muets.

-Pas la peine de me dire ce que je sais déjà matelot. Lui répondit sèchement le capitaine.

Le navire fut percuté par le flanc bâbord, par une chose ou quelque chose d’assez puissant pour envoyer valdinguer les matelots encore en vie et debout.

-Impact ! Nous perdons encore de l’énergie, et maintenant de la vitesse. Quelque chose nous retient.

-Dans le Warp ? Impossible. A moins que…

Le capitaine ne termina même pas sa phrase. Il n’osait imaginer ce qui pouvait bien avoir la force de retenir dans le Warp un navire de ce tonnage. Il blêmi encore, comme si c’était encore possible.

-Ouvrez un canal direct avec nos ponts d’artillerie. Immédiatement. Et je me fiche de comment vous faites. Il me faut toute notre puissance de feu.

 

               

Le chef artilleur du canon Holy Thunder, était sourd depuis bien longtemps. Il avait perdu l’audition il y à de ça presque vingt ans, durant sa première année de service en temps que qu’opérateur de rechargement principal, à force de tirs et de canonnades. Les protections auditives fournies n’avaient fait que retarder l’inévitable, mais tous ses hommes l’étaient aussi, à des stades plus ou moins avancés. Quand le champ de Geller tomba, il ne l’entendit pas, mais il le sentit. Au fil des années de service, il ressentait, physiquement, dans son corps chaque vibration, chaque mouvement du blindage et de la coque, comme si c’était une extension de son corps. Il avait senti que quelque chose n’allait pas avant même que les gyrophares et les alarmes ne hurlèrent leur champ de guerre.

Ils étaient parqués dans l’immense hangar qui abritait la culasse de l’antique canon. Quand les alarmes illuminèrent son lieu de travail, les portes extérieurs se verrouillèrent automatiquement, les laissant enfermé dans la chambre de tir, préparée pour le combat. Pendant un affrontement, chaque canon était séparé des autres et du reste du navire par des sas et des portes hermétiques. Si un canon était touché par un tir direct, ou une section détruite, alors le reste de l’artillerie du navire pouvait continuer de délivrer son feu vengeur.

Cela faisait des heures que le chef artilleur sentait que la situation s’aggravait. Des choses tambourinaient à la surface de la coque externe, il pouvait le sentir, mais les secousses et les impacts se faisaient de plus en plus rapprochés, et puissants. Quelque chose n’allait vraiment pas. Jusqu’au moment où ses hommes furent attaqués. Il ne pensait pas que cela aurait pu se produire, mais des choses de toutes les tailles et de toutes les formes apparurent à travers les murs et se jetèrent contre ses hommes, désarmés, et sourd.


Les choses les saisirent comme des jouets et les attirèrent de leur force contre les cloisons qu’elles avaient traversés avec la plus grande des facilités. Ses hommes, eux, encore bien présent dans l’espace physique ne purent traverser les cloisons, et furent écrasés par les parois que les monstres essayaient de les faire traverser avec eux. Ils retombaient au sol, dans des boules de chairs sanguinolentes, leurs os brisés ressortant de leur chair. Les murs étaient recouverts de leur sang, et des tas de chair informes reposaient aux pieds des parois de métal blindées.

Il avait ordonné qu’on arme le reste de ses hommes en ouvrant les quelques armureries de hangar de tir. Ses hommes, maintenant dos à dos, armés de fusil laser à canon court, c’étaient réfugiés proche de la culasse du canon, grand comme un bloc d’habitation, se tenant à l’écart des murs meurtriers. Le chef artilleur était armé lui aussi, mais les quelques tirs qu’il avait réussi à envoyer à une de ces choses fantomatiques, n’avaient pas réussi à la blesser outre mesure. Mais il était déterminé à sauver le plus de ses hommes que possible.

L’impact qui venait de secouer le navire, l’avait presque envoyé à terre lui et ses hommes, et le navire semblait ralentir. Il le sentait dans le ronronnement régulier de son réacteur à plasma, plus loin dans les entrailles du Revenant. Ils s’arrêtaient. La boule dans son estomac remonta dans sa gorge. Il sentait sa fin arriver.

               

Une lueur attira son regard. En temps que chef artilleur du Holy Thunder, il avait le droit à un petit local à l’abris du canon, où il pouvait s’assoir et superviser les opérations. Dans ce préfabriqué de fortune, aucun confort à part une chaise et un combiné vox pour servir de liaison avec la passerelle en cas d’alerte. C’est ce combiné qui attira son attention, car la lueur sur le poste ne clignotait pas comme à son habitude. Mais elle semblait clignoter dans la pénombre comme elle voulait celons un rythme particulier. Il comprit d’un coup.


Avec des gestes rapides et précis il donna ses ordres par langage des signes. La langue universelle des artilleurs, tous aussi sourd que lui. « La passerelle demande un tir de batterie » signa-t-il à ses hommes. « Couvrez-moi ». Epaulant sa carabine laser, il parti en courant vers le poste de tir, l’endroit le plus éloigné de la culasse du canon. C’est ce moment que choisirent les démons pour attaquer, sortant des murs et du sol pour massacrer les survivants.

Ses hommes l’appuyaient de leurs tirs. Un barrage de tirs laser et de projectiles solides frappèrent les créatures qui sortaient des murs comme s’ils n’existaient pas. Un liquide jaunâtre sortait de leurs blessures qui auraient envoyé à terre n’importe qu’elle autre créature de cette réalité. Mais pas elles. Le chef artilleur courait et évitait les choses qui tombaient et mourraient autour de lui. Il n’était plus qu’à quelques pas de la console de tir, quand une de ces choses sortis du sol juste devant lui. Il se retint de marcher sur elle, il avait vu ce que toucher ces abominations pouvait causer. L’âme des humains normaux étaient arrachés simplement de leur corps par simple contact et ils tombaient inerte au sol. Quelque fois, certains se relevaient, une leur rouge dans les yeux pour attaquer leurs anciens amis et collègues, avec leurs mains et leurs ongles comme des damnés. Chaque matelots ou serfs qui tombaient au combat était un ennemi de plus. Le massacre était total.


Le chef artilleur épaula son fusil laser et le passa en mode automatique d’une simple pression du pouce sur le sélecteur de tir. L’arme se cabra dans ses mains quand une rafale soutenue de tir lacéra la chose qui émergeait du sol. Des parties organiques fantomatiques tombèrent au sol, arrachés de la chose, un liquide lui aussi fantomatique jaillissait des blessures horribles. Le chef artilleur ne relâcha pas la pression sur la queue de détente de son arme et vida son chargeur d’une seule traite, lézardant la peau du démon du Warp d’une cinquantaine de tir laser. A court de munition, il enjamba la créature qui rebroussait chemin vers le pont inférieur par là d’où elle venait d’apparaitre.


Il ouvrit à la volée la porte de la salle de contrôle de tir, et d’un seul mouvement écrasa le bouton au milieu du pupitre.

Le Holy Thunder se réveilla. Il cracha son obus de plusieurs dizaines de tonnes dans l’espace. La bouche du canon, donnant sur l’espace et le Warp cracha des flammes qui auraient pu incendier des villes entières. La culasse recula d’une cinquantaine de mètres en arrières sous le recul. Malgré les amortisseurs d’inerties et les chaînes d’adamantium qui le retenaient, il recula d’un bond. Sous la chaleur et la friction, la graisse sur les rails de rechargement se transforma en vapeur toxique. Nombres de démons furent surpris et percutés par le recul de l’arme. C’était un tir unique. Impossible de recharger l’arme alors que ses servants étaient attaqués et massacrés. Le Holy Thunder se tût. Rendu muet après son rugissement de provocation. Dans la vapeur des gaz de tirs et de la fusillade à ses pieds il se rendormi.

Le chef artilleur venait d’accomplir son devoir et s’apprêtait à repartir vers la ligne de ses hommes encore en train de se battre quand il senti plus qu’il n’entendit, un autre canon, plus loin sur le même flanc que lui, du navire, rugir lui aussi. Avant qu’il ne puisse sortir du poste de contrôle de tir, un démon fantomatique, mais pourtant bien réel passa à travers lui, tirant son âme loin de corps. Il tomba inerte au sol.

 

               

-Nous sommes dégagés ! Quoi que nos canons aient pu toucher, nous sommes libres nous pouvons avancer de nouveau. Rapporta un officier aux bords de l’apoplexie.

-Transmettez mes félicitations à nos artilleurs. Ordonna Ström. L’ordre n’arriva jamais jusqu’à leurs oreilles. Où en est le champ de Geller ?

-Puissance nominale à trente pour cent. Le peu que nous avons les empêche de nous submerger. Nos communications sont maintenant libres. Quelque chose à été tué par notre bordée d’artillerie. Nous pouvons communiquer avec nos forces de défenses.

-Avertissez le seigneur Brüner et nos escouades de défense. Je veux un rapport du navigateur immédiatement !

-Le navigateur ne peut pas parler, mais nous à envoyé un simple compte rendu. Il voit une sortie dans la Cicatrix Maledictum. Il nous y dirige. Temps estimé… L’officier perdit l’usage de la parole.

-Parlez !

-Temps estimé, deux heures avant retranslations dans l’espace réel.

-Nous n’y survirons pas. Conclu Ström la mine basse, les mains sur les contours de la table holographique.

 

               

Brüner se battait à mains nus comme un diable. Il envoyait des directs de ses poings armurés dans les gueules garnies de crocs qui l’assaillaient. Il essayait de se frayer un chemin jusqu’au cryptes génétiques lui semblait-t-il. Depuis qu’il avait senti et entendu les canons tirés, les couloirs et les coursives avaient retrouvés un peu de la disposition dont il se souvenait. Quelque que soit la magie ou la sorcellerie qui les brouillaient, elle était vaincue. Il réussi aux prix d’un effort ultime de donner un coup horizontal de son épée qui trancha dans toutes les créatures devant lui, lui dégageant un espace pour respirer. Avant que sa vision ne se dégage une autre créature prit la place de ses congénères pour sauter à la gorge de l’Astartes désemparé.

Un bolt de gros calibre vint perforer son corps sous le menton, l’envoyant valdinguer cinq mètres plus loin, dans le tas de cadavres déjà au sol, entrain de ce dématérialisé de cette réalité pour retourner dans le Warp qui les entourait.


-J’ai entendu dire que vous auriez besoin d’un coup de main frère sergent ? Demanda frère Konrad, son bolter stalker fumant après son tir d’une extrême précision. Il lui tendit une main pour l’aider à se relever.

-Je me dirigeais vers nos cryptes. L’informa le sergent, maintenant debout. Il entreprit dans le même temps de recharger son bolter, son chargeur vide tombant au sol, sur les cadavres ennemis.

-Moi aussi frère sergent. J’ai réussi à faire la liaison avec le reste de nos hommes. Les points stratégiques tiennent encore, mais pour combien de temps, je ne le sais pas. J’ai perdu le contact avec Gauron, Markus et Luther.

Leur conversation fut interrompue par de nouveaux cris de créatures qui arrivaient par l’embranchement au fond de la coursive. Elles hurlaient de rage et on pouvait entendre leurs griffes lacérer les murs et le plafond tandis qu’elles couraient dessus. Brüner et Konrad épaulèrent leurs armes, et chargèrent droit devant, sur la menace qui arrivait.

               

Le géant endormi et blessé tournoyait dans l’immensité des flots du Warp. Son œil unique, maladif, composé d’émotions, les unes plus fortes que les autres, qui pouvait voir dans le passé mais aussi le futur, scrutait le navire qui s’éloignait de lui. Il avait patienté plus de mille ans avant qu’une navire comme celui-ci ne passe à sa portée. Il était alors sorti de sa léthargie pour l’agripper, de ses tentacules plasmatiques aussi longues d’une année lumière de voyage dans l’espace. Les émotions n’existaient pas pour lui. Il n’était qu’un canal, un réceptacle où finissaient celles des autres. Mais une lueur de plaisir vint briller dans son âme lorsqu’il vit un des futurs possibles pour lui. Il dévorerait sans difficulté les âmes de ceux à bord de ce navire qui traversait son antre. Le massacre lui permettrait de survivre encore quelques centaines d’années, pour pouvoir espérer embusquer un autre navire trop aventureux.

Le navire qui traversait son foyer ne ce n’était pas laissé faire. Il l’avait mordu de ses canons dans ses chairs antédiluviennes. Leurs armes archaïques l’avaient blessé dans ses chairs mais aussi dans sa fierté. De surprise il avait laissé s’échapper sa proie qui avait aussitôt prit de la vitesse. Elle était maintenant hors de sa portée, le géant endormi recula dans sa demeure d’émotions et de flots d’énergies empyréennes, léchant ses blessures, ce promettant à lui-même de ne plus laisser quiconque passer dans son territoire irréel.

 

               

Gauron était perdu. Le Warp ce jouait de lui. En temps normal il aurait retrouvé son chemin facilement, mais là il était impossible de se repérer dans les coursives d’un bâtiment de guerre qu’il connaissait pourtant par cœur. Il déambulait depuis de longues heures, cherchant son chemin au hasard dans une configuration d’embranchements qui semblait changer aléatoirement. A l’orée de sa perception il entendait des cris d’enfants ou d’adultes, quelques fois il voyait aussi des ombres glisser derrière les statues qui parsemaient les halls et les salles. Mais aucune attaque ne vint. Il était bel et bien seul.

Soudain il sentit, malgré la distance qui le séparait du lieu supposé des batteries d’artilleries, un terrible tremblement. Déséquilibré, malgré son armure qui luttait pour le maintenir debout, il s’appuya sur les parois de métal, gelées. Il reprit équilibre, et poursuivit son chemin. Les couloirs, et les coursives qu’il arpentait commençait à ressembler à ses souvenirs. Soudain au détour d’un couloir faiblement éclairé par les torches et l’éclairage d’urgence, il le découvrit. Il fut le premier à le découvrir.

               

Le carnage était total. Les parois étaient striées d’impacts de bolts, de griffures, de tâches de sang, et aussi d’autres liquides affreux. Luther n’était pas tombé sans combattre. Gauron devait enjamber les cadavres des montres du Warp qui n’étaient pas encore complètement dématérialisés. Il enregistra tout dans sa mémoire, et son armure fit de même, comptant les cadavres et le nombres de douilles de laiton au sol. Tout fût cartographié, compté, répertorié. Il entrerait dans les annales du chapitre comme un des héros innombrables. Luther était mort, l’arme à la main, le cœur empli de rage, emportant avec lui les monstres qui voulaient sa mort. Mais son corps fut ravagé par ces même bêtes.

Gauron le trouva contre une paroi blindée du second niveau des coursives externes. Il était suspendu à environ cinq mètres du sol, ses bras et ses jambes entravées par des câbles ou des barbelés. Il était presque écartelé, ses membres dans une position presque parodique d’une étoile. Son sang goutait encore, s’échappant de blessures qui auraient pu tuer un autre Astartes moins endurant que lui. Mais il avait continué son combat. Ses armes reposaient à ses pieds, sur les cadavres de ses ennemis, qu’il maculait encore des rares goutes de son sang d’Ange de l’Empereur. Il était quasiment éventré, ses entrailles pendaient mollement de son ventre ravagé. Son armure ne couvrait plus que quelques rares parties de son anatomie. Sa tête pendait sur son torse, presque arrachée de son coup par des griffes puissantes. Son armure pourtant d’un habituel immaculé n’était plus que l’ombre d’elle-même. Comme son porteur. Mais même dans la mort, elle lui faisait honneur, et lui, lui rendait tout aussi bien. L’armure et son porteur n’était jamais séparé.

Gauron appela au vox ses frères qui arrivèrent les uns après les autres, aidant l’apothicaire pour décrocher le cadavre de leur frère. Gauron dans un réflexe surhumain comprit que rien ne pouvait plus rien faire pour sauver de ce qu’il restait de Luther. La mine grave, Gauron étudia son corps inerte de plus prêt. Les monstres ne lui avaient laissé aucune chance. D’une voix aussi sombre que son humeur il en informa ses frères :


-Ils ont dévoré son patrimoine génétique. Il n’aura aucune descendance.


Les dix Astartes restèrent là un long moment. Digérant les paroles de l’apothicaire. C’était une nouvelle dure à encaisser. Chaque Astartes durant son initiation au sein des forces du chapitre qui avait vu en lui une lueur d’âme de guerrier, incorporait dans sa recrue un implant aussi rare que hors de prix. Cet implant était directement prélevé chez un autre guerrier du chapitre, mort au combat. Et dans cette glande reposait les connaissances utiles pour créer un nouvel Astartes. C’était littéralement la mémoire génétique de toute une génération. Passant d’initié en initié, au fil des décennies. Chaque recrue venait augmenter de ses connaissances la glande progénoïdes de ses expériences au fil de ses combats et des croisades. C’était pour ainsi dire comment une génération transmettait son savoir à une autre. Le seul moyen pour ses surhommes de transmettre leurs gènes. Luther en fut privé de la plus ignominieuse des manières. Sa lignée finissait avec lui. Il reposerait éternellement dans les cryptes du Revenant, son armure elle aussi veillerait de son regard sévère sur chaque Astartes qui passerait dans le Hall des Héros. 

Laisser un commentaire ?