Black Templar Tome II
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Le serf venait d’entrer dans ses quartiers et l’aidait diligemment à revêtir son armure. Les visseuses et les outils faisaient leur office. Brüner debout au centre la pièce attendait patiemment, engoncée sous les couches de céramite, protégé par les métaux résistants et les concentrés de technologies. Le sergent Brüner était bercé par le ronronnement sourd des moteurs Warp du Revenant qui décélérait progressivement en vue de leur translation dans l’espace réel. Il essayait de se remettre des visions de cauchemars et de ses souvenirs qu’il avait eu lors de son cycle de sommeil. Le serf semblait avoir remarqué le malaise de son maitre mais n’avait rien dit en entrant, et dans la demi pénombre, éclairés par un lumiglobes, les chandelles et les encens qui brulaient paresseusement, l’Astartes pouvait voir les regards que jetais furtivement le serf au surhomme.
Le gout de la bile toujours dans sa bouche, Brüner dégluti péniblement. Les visions du cadavre de Tantion, mélangé aux souvenirs de batailles qui s’entremêlaient, le rendait nerveux. Toutes les blessures que le serpent de mer lui avait fait subir lors de son cauchemar n’était en réalité que des blessures qu’il avait subies pendant toute cette croisade. Il ne regardait pas souvent son reflet. Son serviteur personnel lui coupait lui-même les cheveux et lui rasait sa barbe. Il n’avait pas vu à quoi il ressemblait depuis bien longtemps, mais il savait que son corps était un champ de ruine. Couvert de cicatrices, mutilés, brûlé, ravagés par des années de guerre.
Son heaume de bataille lui fut mis sur la tête, il se verrouilla à son armure par ses joints étanches, dans un bruit de pressurisation. Son univers devint distant le temps que son affichage tactique ne se mette en place, les optiques revinrent à la vie, et le rougeoiement des senseurs optiques vinrent s’apposer à ses rétines. Une liste de paramètres de démarrage s’afficha dans un coin, dans l’autre les niveaux de munitions de ses armes. Ils étaient tous à zéro, il ne les avait pas encore prises avec lui. Les auto-senseurs de visée pointèrent sur le serf, et le marquèrent comme allié sur son affichage. Soudain le son rauque du navire fut filtré par les écouteurs de son heaume, ne le rendant pas moins audible, mais plus distant, comme on aurait traité un son parasite. Tous ses sens déjà surhumains étaient améliorés en tout point, et il sentait enfin ses muscles colossaux, engoncés dans les fibres musculaires synthétique de son armure, décuplés. Le réacteur de son paquetage envoyait une énergie régulée et puissante dans tous les servomoteurs de son harnois de guerre. Il se sentait protégé, et surpuissant. Un guerrier dans son armure de bataille.
Il faisait jouer les articulations de ses doigts dans ses gantelets, testant les réparations qu’avaient effectués le serf. L’armure répondait bien. Mais d’un simple regard sur son affichage dans un coin inférieure le fit s’arrêter dans ce qu’il faisait.
-Serf, depuis combien de temps sommes nous en croisade ? Depuis combien de temps sommes-nous parti ? Demanda-t-il de sa voix gutturale, rendue agressive par les haut-parleurs de son heaume.
-Monseigneur, lui répondit-il en levant ses yeux pour les planter dans les optiques de son casque. Cent vingt-sept mois et dix-huit jours, exactement.
Le sergent Brüner marchait à grand pas dans les coursives du navire. Il savait que de l’autre côté des parois blindés, des couches superposées des boucliers et du champ de Geller du Revenant, se trouvait l’Immaterium. La mer des âmes. Le royaume des enfers, ou ce qui s’en rapprochait le plus. Bons nombres de légendes et de rumeurs, rapportaient que les équipages des navires, lors de ces longues traversées auraient de violent cauchemar, directement importé du Warp. Si champ de Geller qui était censé protéger un navire contre toute intrusion démoniaque dans ces eaux troubles, avait connu des disfonctionnements, seuls des cadavres seraient réapparu dans l’univers réel.
Cent vingt-sept mois et dix-sept jours. Le sergent Erik Brüner regarda encore une fois le compteur minuscule dans son affichage. Il n’y avait aucune erreur. Il revoyait le regard et le visage de son serf qu’il le lui avait confirmé. Plus de dix longues années c’étaient écoulées depuis la mort de Tantion, et encore plus depuis qu’ils étaient tous partis dans cette croisade impossible.
Le sergent Brüner était un Astartes. L’âge n’avait pas de prise sur lui. Les Astartes étaient dit-on immortel. Mais qu’est-ce qu’être immortel quand on est un guerrier surhumain plongé dans une guerre perpétuelle ? La vie du guerrier est de donner la sienne pour sauvegarder celle des autres. Dans un univers en paix, un Astartes aurait été un dieu immortel. Regardant de haut ses sujets mourir de vieillesse. Mais aujourd’hui, dans ce monde de chaos et de combats, l’immortalité n’était qu’un moyen d’accéder à de plus grandes batailles, de servir plus qu’il n’était possible de faire.
Les yeux de son serviteur l’avaient trahi. Le temps avait fait son office. Ils ne brillaient plus de l’étincelle de la découverte que quand il était rentré à son service. Brüner venait de réaliser la mortalité, et la faiblesse de l’Humanité devant le Temps. Il s’arrêta dans sa marche pour prendre pleine conscience de ses pensées. Il n’avait jamais pensé à ça, mais s’ils n’arrivaient pas à retrouver cette relique à temps, que tout l’équipage dépérisse de vieillesse avant de pouvoir la retrouver. Comment y arriverait-t-il, seul ?
Il reprit la marche, vers la chapelle du navire, réservée aux Astartes.
Les servo crânes scannèrent d’une lueur rougeoyante la carrure du sergent Astartes quand il arriva devant les portes à l’effigie des Black Templars. Quand son identité fut validée, les battants s’ouvrirent, sans un bruit, vers l’intérieur, pour laisser place à la chapelle, ses piliers somptueux, et ses braseros.
Un léger champ angélique accueillit le sergent, qui avança dans l’allée centrale longue d’une cinquantaine de mètres. De part et d’autre, des bancs spécialement construits pour supporter la physionomie Astartes, reposaient, vide, froid. Un navire comme le Revenant pouvait accueillir dans ses heures de gloires une compagnie entière d’Astartes. Cent frères d’armes, leurs valets, leurs équipements, leurs véhicules et leurs suites. Aujourd’hui il n’y avait guère plus que onze âmes Black Templars sur ce navire. Et la perte de Tantion n’était que plus douloureuse.
Même le navire n’était plus que l’ombre de lui-même. Il avait connu dix années de croisades ininterrompues. Et bien avant cela, un millénaire de combats. Brüner sourit sous son heaume tandis qu’il continuait d’avancer, ses pas claquant contre la pierre, illuminé par les feux des braseros, au-dessus des bannières aux couleurs des Black Templars, claquant dans le vent artificiel de l’antique navire.
Les piliers de pierre noire se succédaient pour arriver aux marches qui menaient à l’autel. Brüner souriait car il savait que le Revenant, son navire, était peut-être une antiquité, qu’il était peut-être ravagé par les guerres, mais il resterait encore un redoutable prédateur. Il n’y avait pas plus dangereux qu’un prédateur blessé. Et lui aussi, en tant que guerrier de l’Adeptus Astartes, il était vieux par nature. Forgé des mains de l’Empereur-Dieu en personne. Il y a de ça plus de dix mille ans. Créant les surhommes qui allaient l’aider à conquérir la galaxie pour le bien de l’Humanité toute entière. Il sortait de plans de constructions physiologique et psychologique vieux de plus de dix fois l’âge de ce navire. Et pour un vieillard, il ne se sentait pas vieux, il se sentait dangereux.
Il s’arrêta devant les trois marches qui menaient à l’autel, mains sur le pommeau de son épée, rangée dans son fourreau. Elle était là. Splendide. La bannière de la croisade d’expiation. La douzième croisade d’expiation du sergent Erik Brüner des Black Templars. Il la contempla longuement. Elle flottait elle aussi dans la légère brise qui venait faire trembler les chandelles à ses pieds et les torches au-dessus de sa tête. L’air était chargée d’encens de prière, et les chérubins virevoltaient haut dans la chapelle, tellement haut que le sergent ne pouvait pas les voir. Mais ils les entendaient, grâce à son audition surdéveloppée et à l’aide de son armure.
Il se souvenait maintenant de la première fois qu’il l’avait vu. Elle était vierge de toute inscription. Seul l’emblème des Black Templars, une croix de croisé d’une blancheur morbide, une couleur d’os blanchit trônait au centre d’un noir profond comme l’espace. La tradition voulait qu’on y inscrive les batailles remportées, ainsi que le lieu et la date de ces affrontements. Y figurait aussi les soldats tombés au combat. Ces inscriptions étaient tissées de fils d’or minuscule, ne cachant en rien la splendeur de la bannière, et au fil du temps, la lumière venait s’accrocher à la couche d’or de ses fibres. Quand une légère bourrasque vint faire bouger l’étoffe suspendu à sa hampe, la moitié de l’immense bannière renvoya la lumière des feus alentours.
Tellement de batailles avaient été remportées depuis leur départ. Mais combien de mort ? Brüner se rapprocha encore, montant deux marches sur les trois de l’autel. Il pouvait voir les inscriptions en lettres d’or. Ici la victoire contre une bande pirate. Ils avaient cru par mégarde que le navire Astartes endommagé ne pouvait plus se défendre. Ce fut leur dernière erreur dans leur misérable vie.
Ici, l’assaut aéroporté contre une frange d’expansion Tau sur un monde océan. Brüner s’en souvint, des bribes de ses rêves resurgirent dans son esprit. Là, la victoire contre un culte chaotique naissant sur un port d’attache abandonné. Ici, le massacre du spatioport Delta. A l’évocation de ce nom, l’épaule du sergent Brüner le lança, c’était la blessure la plus récente qu’il avait subi. Il avait combattu durant deux jours entiers sur cette passerelle, avec ses hommes, attirant le gros de la Waagh Ork, laissant le temps aux forces impériales de se ressaisir et de combattre. Les noms en lettres d’or se succédaient sur le tissu de la bannière. Enfin il vit un nom, bien trop familier, celui de Tantion. Il était mort en héros, mais laissait un immense vide dans cette escouade de croisés. Il faisait partie intégrante de cette confrérie. Et sa voix comptait pour le sergent Brüner, même s’il avait fait vœux de silence.
Tellement de mort et de destruction, mais pourquoi ? Pour le devoir, l’honneur. Leur mission n’était pas encore achevée, et plus la tâche était grande, plus le prix à payer pour l’accomplir serait élevé. C’était un sacrifice qu’il était prêt à faire. Sans hésiter une seule seconde. Ils avaient réussi, aux prix de nombreux efforts, à retrouver la piste d’une précédente croisade d’expiation qui avait, elle, trouvé une piste concernant la relique du champion de l’Empereur-Dieu. Mais cette croisade semblait disparue, inexplicablement. Et ils la cherchaient depuis bientôt dix ans.
Brüner ne perdait pas espoir. Ses hommes le suivaient. Allant de combat en combat. Il devait les maintenir concentré, prêt, à n’importe quel instant. Et leur voyage n’avait pas été de tout repos. Où qu’ils aillent une nouvelle menace apparaissait. Les voyages Warp étaient longs, fastidieux mais aussi semés d’embuches. Partout où ils allaient, ils trouvaient des populations en proie au chaos, aux guerres et aux ennemis de l’Imperium. Comme tous croisés, ils se devaient de les défendre. Il leur était impossible de partir sans avoir mis à l’abris les populations ou les soldats de l’Empereur-Dieu. La dernière mission qu’ils avaient trouvée sur leur chemin était une flottille de vaisseaux de transports de la garde, perdu après une violente tempête Warp.
Les rapports qu’ils découvrirent racontèrent une bien étrange histoire. Ballotés en tous sens par les courants de l’Immaterium, les cinq navires furent séparés. Trois d’entre eux, transportant un régiment chacun, sortirent en urgence dans l’espace réel. A des centaines d’années lumières de leur zone de combats affectées. Les deux autres furent déclarés perdus corps et bien, plus de quatre mille âmes de combattants perdues, et bien plus de membres d’équipages. Un coup dur pour les forces impériale qui attendaient ces renforts sur une zone de guerre éloignée. Ces renforts n’arriveront jamais. C’était les aléas des voyages intersidéraux.
Depuis leur confrontation avec une armada Ork, le Revenant avait perdu tout moyens de communication longue portée. Que ce soit inter ou extra secteur. Le navire Astartes été tombé par hasard sur la flottille perdue, pendant une translation de routine entre deux sauts Warp.
Cela faisait quatre mois complets que les trois transporteurs survivants avaient mis en panne leurs moteurs, économisant le carburant en vue d’un sauvetage. Quand les Astartes les trouvèrent, les taux de suicides et d’agressions montaient en flèche. Les équipages avaient perdu tout espoir d’être un jour secouru.
Un début de révolte commença même au sein de l’un d’eux. Les deux autres ouvrirent le feu sur le navire renégat, le détruisant. Ils gagnèrent un mois de sursis avec cette action, les germes de la révolte, matés, au sein de leurs rangs. Le Revenant arriva pour ne trouver que deux navires restants et mit en place une quarantaine entre les transporteurs et le croiseur d’attaque lourd Astartes. Ils envoyèrent quelques provisions, et denrées mais aucun membre d’équipage ne put mettre un pied sur le pont du Revenant. Avoir des suicidaires et des rebelles à son bord n’était pas acceptable pour le sergent Brüner et le capitaine Makloff commandant le Revenant.
Une autre semaine passa, toujours à l’arrêt dans l’espace réel. L’ordre avait été donné de lancer une purge au sein des équipages et des soldats à bord, supervisé de loin par les Astartes, prêt à couler tout navire récalcitrant ou aborder la passerelle d’un capitaine trop zélé. La purge se déroula rapidement. Une chasse aux sorcières se déroula sans interruption dans les coursives des navires de transports perdus. Les massacres se succédèrent, les combats aussi. Les derniers traitres et lâches furent débusqués et châtiés.
Une fois leurs corps expulsés dans l’espace ou incinérés dans les chaudières des navires, le Revenant prit la tête des transporteurs, les guidant dans l’espace, vers la seule destination viable, aux yeux du navigateur du croiseur d’attaque. Ils foncèrent dans le Warp, brûlant leurs dernières réserves de plasma, fendant les flots tourmentés de l’Immaterium. Vers le système de Arx Quintus.
Le Chapelain sorti des ombres, pendant que le sergent Brüner c’était perdu dans ses pensées. Ils faisaient actuellement route vers le système de Arx Quintus, et entamaient leur sortie Warp, accompagnés des deux énormes transports de troupes impériaux. Une chandelle vacilla sous une bourrasque de vent artificiel, pulsé par les sorties d’aérations du navire. Brüner, d’un pas lent et respectueux, saisi un cierge encore allumé, l’arrachant de la cire qui avait fondue à son pied pour rallumer le cierge éteint. Quand il eut terminé, il reposa le cierge et entama une simple prière pour l’âme de Tantion. Le chapelain n’en avait pas perdu une miette. Il entra dans la lumière des vitraux. Ils étaient épais, solides, blindés, et donnaient en temps normal sur la lumière des étoiles lointaines de l’extérieur. Là, seule la lumière de l’intérieur venait illuminer la fresque grandiose et splendide, d’un héros inconnu des Black Templar, au sommet d’un monticule d’ennemi, arrachant la victoire, dans un moment décisif et inespéré.
-Frère-sergent, pouvons-nous prier ensemble ? Demanda le Chapelain Markus en s’approchant. Toujours vêtu de son armure complète, son casque à tête de mort grimaçante fixait le sergent.
-Bien sûr, frère. Approchez. Le sergent Brüner enleva son casque dans un chuintement de dépressurisation et le posa sur la pierre d’une des marches de l’autel.
Le son mat de la céramite sur la pierre se répercuta dans la chapelle vide.
Le Chapelain Markus sembla hésiter à enlever lui-même son casque. Il quittait rarement son armure, et son heaume, symbole de son office et de sa mission. Il se saisit enfin de son casque à tête de mort, et le retira. Brüner put enfin voir son visage. Cela faisait bien longtemps qu’il ne l’avait pas vu. Il était bel et bien un fils génétique du Primarque. Ses cheveux blond clair, coupés court, venaient encadrer un visage rasé de près. Mais le sergent Brüner se demanda comment était-il possible que ce rasage soit aussi bien effectué. Le visage du Chapelain était couturé de cicatrices. Le côté droit de son crâne était enfoncé sur plusieurs centimètres. Il avait reçu cette blessure il y a bien des années en affrontement une incursion mineure démoniaque sous une forteresse perdue impériale. Le visage du Chapelain retraçait sa vie de combats aussi surement que la bannière de leur croisade qui flottait derrière eux.
Ils mirent genoux à terre, et commencèrent à prier silencieusement. On entendait que le ronronnement distant des réacteurs Warp lointain, les complaintes des chérubins invisibles dans la chapelle, et le bruissement des sceaux de puretés et de prières, sur leurs armures noires de jais.
Leurs prières finies, Brüner resta accroupi aux côtés du Chapelain Markus qui faisait de même. Il repensa à tout ce qu’ils avaient vécu pendant cette dizaine d’années de combat, côte à côte.
Dans les premiers temps de la croisade, le Chapelain Markus et le sergent Brüner était en désaccord total concernant leur vision de cette campagne. Le sergent après quelques temps avait découvert que Markus, envoyait en secret des rapports à la croisade principale du sénéchal, à des années lumières d’eux. Ces rapports résumaient l’avancée des recherches, mais aussi leur statut. Brüner avait confronté le Chapelain concernant ces rapports, et il lui avait avoué que sa mission était de surveiller chaque membre de la croisade, et de les châtier au moindre signe de faiblesse, en particulier le sergent Brüner. L’annonce avait eu sur le sergent l’effet d’un couperet. Le combat qu’il y eut entre le sergent et son second fut violent et sans concession. Brüner ressortant vainqueur, gagna la fidélité du Chapelain et son implication dans cette entreprise.
Ce fut juste avant que leurs systèmes de communications ne fut détruit dans un terrible affrontement naval. Désormais tout message astropathique était impossible. Seule les bande à courte portée intra-système étaient possible. Ils étaient maintenant bel et bien seuls. Dans l’immensité du Warp, dans l’immensité froide de l’espace. Ils ne pouvaient compter que sur eux même pour espérer survivre et vaincre.
-Nous approchons à grands pas de notre destination frère sergent. La voix non modifiée du Chapelain sonnait différemment, mais semblait plus douce. Elle ressemblait quand même à une lame qu’on frotte contre un bout de cuir.
-Oui, nous n’avons pas d’autre choix. Notre navire est trop endommagé, nous n’avons plus aucune communication. Nos réserves de vivres et de munitions sont aux plus bas. Et nous avons deux navires impériaux avec à leurs bords deux régiments complets de la garde à escorter. Cette escale est justifiée. J’espère juste qu’elle ne prendra pas trop longtemps. Enuméra le sergent, toujours la tête basse.
Ils se levèrent, pour aller s’assoir sur un des bancs les plus proches de l’autel. Une lumière rouge clignotait dans leurs armures pour leur signaler que la sortie Warp était imminente. Aucune alarme ou signal sonore ne venait interrompre le calme de la chapelle Astartes.
-Le moral de vos hommes est bon, frère sergent. Seul frère Dord semble plongé dans un mutisme prolongé. Il ne s’exprime que par des phrases laconiques. Il semble affecté plus que de raison par la mort de notre frère. Déclara d’une voix aussi calme que possible Markus.
-Et il aurait mille fois raison. Il l’a connu bien avant nous. Ils ont fait leurs classes ensemble, et ont passés leurs épreuves de sélections et leurs formations pour devenir l’un des nôtres, ensemble. C’était un des fragments qui le reliait à notre vie d’avant. Chacun encaisse cette douleur comme il peut.
-Et vous, comment faites-vous frère sergent ? Demanda humblement Markus.
Brüner savait qu’outre le fait qu’un Chapelain soit un renfort religieux et spirituel, il était aussi un juge, et un bourreau, capable de déceler l’hérésie où qu’elle soit et de la punir. Il était un guide, mais aussi un gardien de la foi. Il jugeait en permanence ses ouailles, les conseillant quand il fallait, les punissant quand il le devait.
-Je me bats pour accomplir ma mission et ramener tous mes hommes en vie. Et quand je n’y arrive pas, j’essaye de comprendre comment j’ai pu échouer. Je porte ce fardeau, et je le porterais toute ma vie. Mais je ne me bats pas pour ajouter des lignes dans nos annales, ou nos archives. Je ne bats pas pour l’honneur, mais pour chaque homme qui se bat à mes côtés. Déclara-t-il la voix lourde qui se perdit dans le silence de la chapelle de pierre.
La sortie Warp fut douce. Le Revenant en tête de colonne, les deux autres navires remplis de soldats derrière eux. Le Revenant privé de communication demanda aux autres vaisseaux qui l’accompagnaient de les signaler et de leur faire saluer la planète principale du système et le contrôle maritime en orbite. Brüner et Markus toujours assis sur le banc dans la chapelle sentirent la translation qui s’effectuait. Le croiseur d’attaque Astartes, revenu dans l’espace réel leva ses boucliers, désactiva son champ de Geller, et activa ses réacteurs à propulsions standard pour se mouvoir dans l’espace.
Les panneaux blindés qui protégeaient les vitraux pendant la traversée Warp, s’ouvrirent sans un son, dévoilant petit à petit la lumière des étoiles qui entrait dans la chapelle casi vide. Brüner aimait cette vision. Cette aube dorée loin de toute soleil dans cette lumière artificielle continue. C’était comme assister à un lever de soleil sur un monde paisible. Sauf qu’ils étaient en réalité sur un navire de guerre, se dirigeant vers le seul port en espace profond dans le secteur.
-Rejoignons nos frères, lança le Chapelain en levant et en renfilant son casque sur son crâne perclus de cicatrices.
Brüner mit quelques secondes avant lui aussi de se lever du banc, admirant les vitraux qui prenaient vie dans la lumière qui entrait. Il se leva enfin, regardant la bannière étincelante dans ses reflets de lettres d’or et espéra qu’aujourd’hui, dans ce secteur, plus aucun nom d’un de ses hommes n’y figure. Il remit son casque et quitta d’un pas déterminé, la chapelle, sur les talons du Chapelain.
Le système de Arx Quintus était un système impérial standard. Il avait été libéré par un régiment de garde impériaux courageux, des menaces xénos qui se le partageaient sans concession. La planète principale de Arx Quintus, était aux mains d’une bande Ork puissante, nombreuses mais incapable technologiquement de se déplacer dans l’espace. C’était en fait les descendants d’une Waagh depuis longtemps repartie dans sa propre croisade à travers les étoiles. Et les spores Ork continuaient de proliférer à la surface des mondes ravagés et laissés à l’abandon. C’était en quelque sorte une force de défense planétaire rustique, une force d’occupation d’un espèce belliqueuse et stupide.
Ce régiment de gardes, avec l’aide d’une force expéditionnaire Black Templar, reprirent cette planète. Ville par ville, continent par continent, jusqu’à la bataille de la Citadelle, la capitale. Cette campagne dura plus de cinq ans, d’un combat acharné de quartiers en quartiers, de blocs d’habitations en blocs d’habitations. Le nombre de garde diminuait de jour en jour, et le nombre des Orks ne semblaient pas faiblir, et même s’ils perdaient du terrain. Un officier se distingua pendant ces combats, remportant de nombreuses victoires avec le peu d’hommes qu’il avait sous ses ordres. Il prit même la tête de son régiment après une incursion Ork, qui, de nuit perça la ligne impériale jusqu’au quartier général. Ils massacrèrent les généraux et les officiers supérieurs dans une sauvagerie à peine contenue.
Il organisa seul la contre-offensive, avec l’aide des Black Templars, et entreprit de mettre en place un plan pour mettre un terme à cette guerre qui pouvait être perdue à chaque instant. Il entreprit de créer des zones friables dans son dispositif de défense. Les Orks pensant pouvoir réitérer la poussée meurtrière contre le commandement ennemi, s’engouffra dans la brèche. Les Black Templars résistèrent, bloquant cette vague de sauvagerie assez longtemps pour que les forces impériales coupe la retraite et les arrières de la Waagh. Dans un combat acharné, le Big Boss Ork émergea du raz de marée destructeur, et défia en combat singulier l’officier Astartes. Ensemble, l’officier impérial, et Astartes, mirent à bas le monstre qui commandait cette Waagh. Il fut défait, et les Orks s’enfuirent sur le reste du continent. Brisés.
Une longue campagne de nettoyage de toute présence Ork fut entreprise avec l’éternelle assistance des Black Templars. Leur navire en orbite purgea par le feu certaines citées pourtant libérées, ne pouvant pas nettoyer conventionnellement ces zones. La moitié des continents furent vaporisés depuis l’orbite. Mais la planète était sauvée, et le système venait de retomber dans des mains impériales. L’officier impérial prit le pouvoir politique, son régiment entreprit de reconstruire la Citadelle, et la planète leur revint de plein droit.
Zacharia Doumis, devint Lord Maréchal de la planète et du système d’Arx Quintus. Il entreprit de grands projets de reconstructions, de développement, et en échange d’une allégeance et d’un tribut au Black Templars, il reçut leur protection. Le système tomba sous le protectorat des Astartes, leur garantissant protection, ravitaillement et logistique, contre serfs et officiers sortant de leurs écoles et de leurs universités et un accès au port en espace profond construit en à peine cent cinquante années standard. Le système devint un port d’attache et de commerce, modeste mais sérieux dans cette partie reculée et dangereuse du Segmentum Obscurus.
Le Revenant arrivait enfin dans les encablures de Arx Quintus Primus, la planète principale. La baie d’observation était ouverte, et Brüner pouvait contempler enfin la beauté froide de l’espace réel, depuis trop longtemps enfermé dans le navire, pendant leur traversée Warp. La planète était belle, mais austère. On aurait dit un caillou froid, fouetté par les vents, si violent que la géologie changeait avec eux. Les vents étaient si violents qu’il n’était pas rare que la surface subisse des pluies chargées de pierres et autres projectiles venant des entrailles de la planète. Les cités rebâties étaient cernées de murailles, défensives, certes, mais qui servaient surtout de rempart face aux éboulis et autres tempêtes de roches qui s’abattaient quelques mois dans l’année sur les continents encore debout. La vie en dehors des murs était rude, et donnait de solides hommes, capable de tenir enfermé dans des espaces exigus, pendant de longues périodes, se mettant à l’abris des « frappes telluriques » comme ils les appelaient, qui ravageaient la surface.
Brüner avait lu ces rapports sur le climat de cette planète, et maintenant qu’il le voyait à l’œuvre, ne pouvait s’empêcher de reconnaitre que les hommes qui libérèrent cette planète étaient des héros. Mais il comprenait aussi, que malgré ce climat qui aurait rebuté ou fait fuir plus d’un, ne dérangeait pas ces hommes. Ils étaient chez eux. Ils avaient payé le prix du sang pour cette Terre. Ils étaient chez eux, et même ici, ils paieraient leur dette à l’Empereur-Dieu et au chapitre. Même s’il n’avait jamais vu cet endroit, c’était par extension un monde Black Templar, il était lui aussi chez lui. Même bannis il pouvait contempler quelque chose qui se rapprochait le plus d’un foyer.
-Faites nous saluer capitaine Ström, nous devrions être à portée de communication.
Le capitaine Ström, dans un halo de fumée de cigalho, lui répondit par un hochement de tête entendu et donna ses ordres. Les navires de transports qui suivaient le Revenant, quittèrent la formation et se dirigèrent paresseusement, en suivant des navettes beaucoup plus petites de remorquage, envoyées pour les guider, vers des points d’amarrage gravitiques.
C’est à ce moment que les rayons d’un soleil lointain vinrent accrocher le métal qui constituait l’armature du port spatial. Brüner en avait vu rarement, et même si leur principe restait le même, ils étaient tous différent. Une majeure partie de sa structure s’articulait autour d’un bastion central, imposant, tout en longueur, une sorte de tube d’acier, d’adamantium de synthèse et de céramite pure, conçu pour accueillir les navires les plus imposants en son sein. Quand un navire pénétrait dans le cœur du chantier naval, il disparaissait entièrement dans une cale parsemée des chaque côtés d’encres magnétiques pour l’immobiliser. Quand il était enfin à l’arrêt et stable, des grues et des pontons d’accostage venaient s’arrimer à la coque, et des équipes d’hommes et de femmes, aidées par des serviteurs lobotomisés venaient grouiller sur la coque, la réparer. On aurait dit un animal trainé dans une fourmilière, jusqu’à ce que les insectes viennent fouiner sur sa peau de métal blindé. Et la vérité n’était pas aussi éloignée. C’était une véritable fourmilière, une véritable ville. Il y avait des blocs d’habitations pour loger les contremaitres et la main d’œuvre. Des stations de pompages et de raffinement du carburant essentiel aux voyages dans l’espace, et même quelques tourelles de défenses sur le pourtour du port. C’était un véritable Manufactorum en gravité zéro. Les accidents y étaient encore plus nombreux, mais la main d’œuvre hautement qualifiée. C’était un continent supplémentaire, en orbite de la planète principale.
-Transmettez notre rapport concernant ces deux transports impériaux. Demandez une quarantaine de routine, avec une vérification de l’équipage par le Ministorum et l’Arbites. Ne prenons aucun risque avec ses hommes laissés trop longtemps loin de la lumière de L’Empereur-Dieu. Ordonna le sergent Brüner, les bras croisés sur son plastron de céramite.
Le croiseur d’attaque lourd Astartes continuait sa route, vers le vecteur d’approche du chantier naval.
-Transmettez aussi nos codes d’identifications, et une demande expresse pour une réparation de notre navire. Ouvrez une ligne de crédit au nom des Black Templars, et transmettez tout ce dont nous avons besoin.
-Ce sera fait monseigneur, répondit le capitaine Ström, occupé à donner ses ordres.
Quelques navires aux coques bulbeuses s’éloignaient du chantier pour se diriger vers la planète, et un autre plus gros se dirigeait lui aussi vers le point de Mandeville du secteur pour effectuer une translation vers une autre planète. En passant aux encablures du Revenant, il le salua comme voulait le règlement maritime, mais avec un profond respect, mélangé de crainte.
-L’aiguillage maritime nous annonce un problème monseigneur. Ils nous interdisent l’accès au chantier naval et nous demande de nous dérouter vers un point d’ancrage. Rapporta le capitaine Ström, perplexe.
-Comment ça ? N’ont-ils pas reçu notre demande ? S’enquit le sergent, commençant à montrer de l’agacement.
-Un nouveau message, de la surface cette fois-ci. Le capitaine prit le temps de le lire dans sa tête. De la part du gouverneur en personne. Ström blêmi. Il vous invite à la surface, et je pense que vous devriez accepter.