Le Royaume des Rats

Chapitre 92 : Messages aux Dieux

8200 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 31/03/2024 11:39

-         Bougre de con ! Satané bougre de crétin !

-         Kristofferson, surveille donc ton langage ! ordonna fermement le Prince.

 

Le Skaven brun se planta devant Steiner.

 

-         Opa, quand j’en aurai fini avec la Main Pourpre, je vais vous demander de m’envoyer en mission à Wüstengrenze, ou alors le plus loin possible, parce que si jamais je le revois dans les six prochains mois, soit le temps qui me sera nécessaire pour que ça redescende, je le casse en deux !

-         Kit, ça suffit-suffit, déclara calmement le Skaven Blanc. Il ne m’a pas fait de mal. Jochen saura gérer ce problème.

-         La Rage Noire ne durera pas des jours, ajouta Romulus. Notre ami ne devrait pas avoir de mal à ramener ton frère à la raison.

-         Il vous a frappé, Prieur !

-         Juste une petite claque, je m’en remettrai. Compte tenu de tout ce qu’il a subi avec les Bretonniens que j’ai attirés, et de tous les ennuis qui en ont découlé et qui ont eu des retombées sur toi et ta famille, ce n’est que peu de chose. Mes fautes auraient dû me valoir un châtiment bien pire.

-         Arrêtez ces foutaises ! Ça fait vingt ans que vous n’êtes plus Dieter Meyerhold !

-         Ce n’est pas à toi de décider ce que je mérite ou non, Kristofferson Steiner !

 

Le prieur venait de parler avec une conviction et un regard autoritaire tels que le jeune homme-rat fut littéralement paralysé. Il n’osa pas dire un mot. Romulus reprit plus calmement :

 

-         Je t’invite à te retirer au temple de Verena, afin de prier pour quémander son aide. Tu en auras besoin pour cette nuit. Invite Walter à se joindre à toi.

 

Le jeune homme-rat fit un léger signe de la tête, et se dirigea vers la porte sans un mot. Juste avant de franchir le seuil, son grand-père lui ordonna encore :

 

-         Retrouve-nous à l’endroit convenu sur le coup de dix heures. Tâche d’être à l’heure, et concentré !

 

La porte se referma sur ces paroles. Le prince grommela dans sa barbe, mais n’ajouta rien. Psody murmura :

 

-         J’ai envoyé Jochen le rattraper. L’ennui, c’est qu’Okapia est une jument exceptionnellement costaude-endurante, elle peut galoper des heures sans s’arrêter. Si l’on tient compte du laps de temps entre les départs, il n’est pas dit que Jochen réussisse à retrouver Sigmund rapidement. S’ils ont pris le même chemin, ce qui n’est même pas sûr, il existe plusieurs routes pour contourner les collines-forêts qui entourent Sondernach.

-         Il faut espérer que Jochen arrive à Sondernach en même temps que ton fils, au pire.

-         J’espère surtout qu’il saura lui faire entendre raison, gémit Heike. Sans avoir à recourir à la violence.

-         C’est une question grave, malheureusement nous n’avons pas le temps de nous en soucier, car il y en a une bien plus grave et plus urgente à traiter. Romulus, je te laisse t’occuper de toute l’intendance des bandages, potions, attelles et autres médications qui, je le crains fort, seront mis à contribution ce soir.

 

Le prieur s’inclina et quitta le petit salon, laissant le Prince seul avec le couple de Skavens.

 

-         Il va falloir que j’explique aux enfants pourquoi Sigmund n’est pas retourné au domaine, murmura Heike.

-         Je suis sûr que tu trouveras les mots qu’il faut, ma fille. Psody, tu… Hé, ça ne va pas ?

 

Le Skaven Blanc était las, intensément las. Le bras appuyé au carreau de la fenêtre, compressé par son front, il avait l’air plus misérable que jamais, et semblait prêt à pleurer. Sans bouger, il murmura :

 

-         Un de mes enfants m’a traité de « manipulateur », l’autre m’a nommé par mon titre de Prophète Gris avant de me cracher sa colère au visage et de s’enfuir pour faire probablement une grosse bêtise, et les deux ont failli lever la main sur moi… je redoutais-craignais que ce soit dur, mais pas à ce point !

 

Le Prince toussota.

 

-         Je crois qu’il vaut mieux crever le dernier abcès tout de suite, pendant qu’on y est.

-         Quel abcès ? demanda Psody, après un nouveau coup au cœur.

-         Il s’agit de Gabriel.

-         Ah… oui.

 

Le Skaven Blanc consentit à faire face à son père adoptif. Aux côtés de celui-ci, sa compagne était aussi inquiète. Le Prince expliqua :

 

-         Tu sais, il a subi une telle pression… il n’est pas aussi mature que Bianka ou Kristofferson. Il est plus jeune, et son esprit est particulièrement vulnérable. Je n’ai pas besoin de te rappeler qu’il est très sensible, surtout à l’orée de l’âge adulte.

-         Vous croyez ? Pourtant, il a bien tenu bon dans les tunnels d’Ysibos.

-         Il n’aurait pas dû être exposé à toutes ces horreurs, et seule sa détermination à retrouver Emil lui a permis de tenir bon. En cela, tu peux être fier de lui. Mais ça n’a en rien diminué sa peine et sa peur. Ce qu’il m’a dit quand il a avoué avoir souhaité voir Emil se faire enlever m’a donné le frisson. Pour lui, tu étais devenu une sorte de supérieur hiérarchique tout juste bon à lui donner des ordres et à le réprimander. Je sais que ce plan a été tendu pour toi aussi, mais si tu veux rétablir le dialogue avec lui sur une bonne voie, tu dois le faire de manière positive et claire. C’est ce que tu veux, Psody ?

-         Oui, Père, je le veux-désire.

-         Alors pour ça, il faut lui donner plus de preuves.

-         Que dois-je faire ?

 

Le Prince prit un air particulièrement grave.

 

-         Dis-lui que tu l’aimes.

-         Mais il le sait très bien ! Je l’aime comme tous les autres !

-         Quand bien même ce serait le cas, il a besoin d’entendre ces mots de ta bouche ! Il a besoin que son père lui dise « Gabriel, tu es mon fils, je t’aime » ! Sans ambages, sans discours grandiloquent, rien de ce genre ! Le plus sobrement possible. Simplement ces quelques mots : « je t’aime ». Ça fait toute la différence ! Souviens-toi de ce que t’a enseigné Cuelepok ! Quand il avait pour tout entourage des Slanns, ça le laissait malheureux, car malgré tous les bons sentiments dont ils firent preuve à son égard, il ne recevait rien. Pas la moindre petite étincelle de chaleur. C’est les premiers arrivages de petits Skavens qui lui ont pleinement donné goût à la vie ! Eh bien, pour Gabriel, c’est pareil. Autant ses frères sont assez mûrs pour se passer de ce genre de paroles, autant ça lui manque cruellement. C’est ça que tu dois comprendre, et que j’aurais dû te dire il y a déjà longtemps.

-         C’est aussi ma faute, ajouta Heike. Tout au fond de moi, je l’avais compris, mais je n’ai pas jugé utile de te le dire tout de suite. Nous aurions dû le faire plus tôt, mais les circonstances ont tout retardé.

 

Soudain, Psody repensa à ce que Gabriel avait tenté de lui dire le jour de son « enterrement ».

 

Il a fallu qu’il me le dise dans le cercueil ! Alors que, depuis le début, c’était on ne peut plus limpide-explicite ! Mais quel genre de père se conduirait comme ça avec son gamin ?

 

Le Skaven Blanc s’écroula sur une chaise, et se prit la tête à deux mains.

 

-         Il n’a pas cessé de m’envoyer des signes-signes, et je n’ai rien vu !

-         Il n’est pas trop tard pour corriger le tir, observa le Prince.

 

Psody releva la tête, les yeux humides, et articula malgré l’étau de douleur qui enserrait sa gorge :

 

-         J’ai brisé le cœur de Sigmund… j’ai ignoré les appels de Gabriel… ce n’est pas comme ça que j’aurais dû me conduire !

-         On fait tous des erreurs, murmura le Prince. J’ai commis les miennes, moi aussi.

 

Le Skaven Blanc soupira de nouveau, les yeux fixés sur ses orteils.

 

-         Peut-être que je ne suis pas fait pour être père de famille ?

 

Heike sentit le sang lui monter au front, avec la colère. Furieuse, elle prit son compagnon par les épaules, et lui glapit au museau :

 

-         Je te défends de penser ça ! Le simple fait que tu te poses la question prouve que oui, car tu te soucies de nos enfants et de leur bien-être !

-         Heike ! Je t’en prie ! intima Steiner. Je suis d’accord avec toi, mais nous devons rester calmes. Bien malheureusement, le pire est encore à venir, et nous allons avoir besoin de toutes nos ressources.

 

Quelqu’un frappa à la porte du petit salon de Tante Jutta. C’était Marjan.

 

-         Votre Altesse, nous pourrons compter sur deux cents personnes, ce soir.

-         Deux cents ? Je m’attendais à davantage.

-         J’ai suivi vos instructions, et n’ai sélectionné que les personnes étant complètement indemnes et bien reposées d’une part, et dignes de confiance d’autre part. Le capitaine Klingmann a fait une sélection plus que drastique, toujours sur vos ordres.

-         Oui, tu as raison, c’était mes ordres. Mais j’espérais tout de même avoir plus d’hommes disponibles ! Bon, compte tenu de la nature des forces adverses, cela devrait être suffisant.

-         Sauf s’ils parviennent à leurs fins, et qu’ils invoquent leur saloperie d’Archidémon ! D’ailleurs, pourquoi attendre et prendre le risque de les voir réussir ? Puisque Nedland, Wally et Kit ont réussi à tous les débusquer, foutons-les tous en prison sur l’heure !

-         Ce n’est pas si simple, Marjan. D’abord, il n’est pas dit que nos amis ont réussi à « tous les débusquer », au contraire. Ils en ont repéré quelques-uns, c’est vrai, et Klingmann a l’ordre de les arrêter le plus discrètement possible, et en fin de journée, pour prendre la Main Pourpre de vitesse. Toutefois, il y a très probablement d’autres agents plus discrets qui auront échappé à leurs efforts. Ensuite, et c’est surtout à ça que je pense, les trois chefs n’arriveront qu’au dernier moment, pour plus de sûreté – d’ailleurs, ceux-là ont justement échappé aux investigations. Si nous intervenons trop tôt, ils pourront se sauver, et tout sera à recommencer.

-         Vous êtes sûr, votre Majesté ?

-         C’est ce que je ferais à leur place. Préparons-nous à nous battre contre les sectaires, et faisons tout pour éviter la venue de leur maître. Je compterai sur chaque personne présente.

-         Chaque citoyen se battra de toute son énergie pour protéger notre Royaume, Père, j’en suis sûre ! déclara Heike. Ils sont tous déterminés !

-         Ouais, ceux qui seront présents, ce qui ne sera pas le cas de tout le monde ! maugréa la grande femme blonde. On va devoir se passer de Jochen à cause des sautes d’humeur de Sigmund ! Ça nous fait deux guerriers de valeur en moins !

-         Je reconnais que c’est embêtant, approuva le Prince. Mais compte tenu des circonstances, il ne faut pas être trop fâché contre Sigmund, d’autant plus qu’il a largement accompli sa part d’action contre l’adversité. Rappelle-toi qu’avant de se battre contre les Skavens Sauvages, il a dû s’occuper des Bretonniens.

-         Je ne dis pas le contraire, votre Grandeur, mais j’ai une furieuse envie de lui botter l’arrière-train !

-         Il te faudra attendre ton tour pour ça. Quoi qu’il en soit, je t’invite à faire la même chose que Kristofferson. Va donc au temple de Verena, et demande à la Déesse de la Justice d’armer ton bras pour le combat de ce soir.

-         Je préfère solliciter l’aide d’Ulric et Ursun, votre Majesté.

-         Eh bien, demande-leur. Tu peux disposer.

-         Je serai chez moi jusqu’au coucher du soleil, si on me cherche.

 

Elle posa son poing droit sur son cœur et s’inclina. Le Prince répondit par un petit signe de tête. L’Humaine quitta le petit salon.

 

Le couple de Skavens était à présent seul avec le Prince. Celui-ci se leva.

 

-         Bon, mes enfants, je vais me reposer un peu. Je vous invite à en faire autant, surtout toi, Psody, car nous ne sommes pas au bout de nos peines.

-         Je sais, Père.

 

*

 

Au plus profond du grand temple de Verena, il y avait une petite salle de prière isolée. C’était un endroit réservé aux « cas » de prière les plus zélés, ou extrêmes, selon le point de vue. Deux jeunes hommes-rats, Kristofferson Steiner et Walter Klingmann, étaient à genoux devant la statue d’une femme Humaine qui tenait une épée dans une main, et une balance dans l’autre. La statue, grandeur nature, était sur un socle devant un rideau. Son regard fixait sévèrement quiconque lui faisait face. Les deux Skavens étaient nus, et leur pelage luisait de sueur. Ils avaient passé la matinée à lire les cantiques de guerre les plus connus de Verena, la Déesse de la Justice. Puis, après un frugal repas, l’après-midi avait été consacré à une mise en condition physique.

 

Après un bref échauffement, ils avaient répété chacun de leur côté les passes d’armes et enchaînements les plus complexes et vicieux. Ensuite, ils avaient soumis leur corps à une rude préparation, si bien qu’ils avaient rapidement senti les meurtrissures dues à l’effort. Le véritable exercice avait alors commencé : leur entraînement habituel avait revêtu un caractère sacré. L’exercice poussa leur jugement jusque dans ses derniers retranchements, ce qui les plongea dans un état de transe alliant effort physique suprême et connexion directe avec Verena elle-même. Ils étaient maintenant prêts à parler à la Déesse.

 

Pour ouvrir leur prière, ils firent tous deux le signe de Verena : ils posèrent leurs mains sur leur poitrine, les doigts joints vers l’avant, puis écartèrent lentement les bras et symbolisèrent les plateaux de la Balance de Verena, paumes tendues vers le plafond. Ils récitèrent ensemble, d’une seule voix, le cantique destiné à s’attirer les faveurs de Verena qu’ils avaient passé les heures précédentes à préparer.

 

-         Verena, je suis ton humble serviteur. La Vérité est la flamme qui éclaire ce monde, la Justice est la cire qui alimente cette flamme, la Sagesse est la mèche qui la guide. Aujourd’hui, un ennemi menace ton domaine. Je te demande d’accorder à mon bras ta Force, et à ma tête ta Sagesse, afin que je puisse dispenser ta Justice.

 

La voix d’une femme mûre retentit de derrière le rideau.

 

-         Verena entend les prières de ses humbles serviteurs. Walter Klingmann, dis-lui : qui est ton ennemi ?

 

Nullement surpris, le jeune capitaine répondit :

 

-         Une bande d’hérétiques, la mauvaise graine de Tzeentch. Des fous furieux qui veulent semer le chaos sur leur passage, et qui le feront à coup sûr si on ne les en empêche pas ce soir.

-         Verena demande qui ose commettre des actes aussi sacrilèges parmi ses fidèles ; as-tu un nom à lui donner ?

-         J’en ai même trois : Yavandir Pâlerameau, Alcibiade, et Cazarras.

 

Un léger silence plana. Kristofferson eut l’impression d’entendre d’étranges murmures inintelligibles. Enfin, la voix reprit :

 

-         Qui que soient ces trois personnes, quelles que soient précisément leurs intentions, Verena ordonne que tu les amènes à sa justice vivantes, afin de les juger. Ne prends leur vie que pour défendre celle de quelqu’un d’autre. Sauf dans le cas d’un Démon. Si l’un ou l’autre d’entre eux est un Démon, détruis-le sans la moindre pitié !

-         Je ferai selon la volonté de Verena.

-         Bien. Et toi, Kristofferson Steiner, peux-tu révéler à Verena la nature de ton ennemi ?

-         Outre les trois personnes nommées par mon frère d’armes, je souhaite livrer à la justice de Verena tous les membres de la Main Pourpre qui ont osé répandre leur poison à Vereinbarung et menacé ma famille.

-         Le jugement pour hérésie s’achève généralement par la peine capitale, Kristofferson. Serais-tu prêt à condamner à mort ton meilleur ami, ton frère, ta mère, si c’était un membre de ce culte ?

 

Kristofferson réfléchit quelques instants, et répondit :

 

-         S’il y a une personne à laquelle je tiens parmi les membres de ce culte, c’est qu’il est déjà trop tard pour elle. Une personne abordée par le membre d’un culte interdit a le devoir d’en référer aux autorités. Si elle ne le fait pas, elle s’en rend complice. Tzeentch est connu pour soumettre les esprits avant de déformer les corps. Exécuter un hérétique revient à libérer son âme prisonnière des Dieux du Chaos. À défaut de conserver sa vie, je sauve son âme qui peut trouver l’absolution de Morr.

-         Très bien. Vous êtes animés par la Foi, tous les deux. Verena a entendu votre appel. Par ma bouche, elle vous répond : accomplissez votre devoir sans hésitation. Battez-vous avec honneur et sagesse, et nul ennemi ne sera trop fort pour vous.

 

Les deux Skavens partagèrent un sourire soulagé.

 

-         Allez vous rafraîchir le pelage, rhabillez-vous, et retrouvez-moi dans la nef.

-         Oui, Grande Prêtresse, répondirent les Skavens en chœur.

 

Et les deux amis récupérèrent leurs affaires laissées sur un prie-Dieu, et gagnèrent une petite pièce annexe dédiée aux ablutions. Deux baquets d’eau savonneuse avaient été préparés à leur intention.

 

Quelques minutes plus tard, propres et secs, ils étaient tous deux devant la Grande Prêtresse Rebmann.

 

-         Une belle prière pleine de conviction, il n’y a que ça de vrai pour vous attirer les faveurs de Verena, jeunes gens. Je vous souhaite de retrouver et arrêter ces criminels, que le Prévôt Tomas puisse les juger dans les formes. En attendant, la Déesse de la Justice veille sur vous.

 

Elle tendit la main. Les deux Skavens s’agenouillèrent de nouveau, embrassèrent à tour de rôle le sceau de la Grande Prêtresse.

 

-         Montrez-moi les armes que vous brandirez contre nos ennemis ce soir.

 

Docilement, Kristofferson dégaina son épée, et la présenta à la Grande Prêtresse Rebmann, la lame posée à l’horizontale sur ses deux mains. La femme posa ses doigts sur l’arme, et murmura :

 

-         Que Verena guide cet instrument de Justice.

 

Walter tenait son marteau de la même façon, les poings serrés sur le long manche. L’Humaine caressa du bout des doigts la tête d’acier.

 

-         Verena soutienne cet outil de Jugement.

 

Desdemona Rebmann posa une main sur l’épaule de chacun d’eux.

 

-         À présent, relevez-vous, et allez en paix. N’oubliez pas de bien vous nourrir, de manière simple et saine, avant d’aller au combat. Le meilleur des guerriers ne pourrait pas se battre au mieux de ses capacités l’estomac vide.

-         Oui, Grande Prêtresse, répondirent les deux hommes-rats.

 

Les deux amis prirent congé de la Grande Prêtresse, et marchèrent vers la sortie. Chemin faisant, Kristofferson repéra quelqu’un sur le côté, qui lui fit un petit signe un peu maladroitement.

 

-         Tiens, tiens, qu’est-ce qu’il me veut, celui-là ?

-         Un ami à toi ?

-         C’est le bibliothécaire du temple.

-         Va donc le voir, je t’attends dehors.

 

Walter continua son chemin tandis que Kristofferson obliqua vers Frère Bernhardt Reitherman.

 

-         Vous voulez me parler, Maître Reitherman ?

-         Oui, euh… peut-on se mettre un peu à l’écart ?

 

Sans mot dire, le Skaven brun suivit le Skaven gris clair ventripotent jusqu’à un petit couloir annexe. Il se rendit compte qu’il l’avait toujours appelé « Maître » et pas « Frère ». Sans doute parce que, dans son esprit, le bibliothécaire n’avait pas le statut d’un prêtre, vu qu’il n’était pas habilité à animer le moindre office religieux ?

 

-         J’avais envie de vous demander, Monseigneur… comment se porte la Grande Archiviste ?

-         De mieux en mieux, la maladie recule. Mais je ne vous cache pas que ces derniers jours l’ont un peu secouée. Il y a eu… quelques surprises.

-         Oh, vous voulez parler du Maître Mage ? J’ai appris qu’il était toujours en vie.

 

Une petite flambée d’adrénaline hérissa les poils blancs du dos du Skaven brun.

 

-         Comment l’avez-vous su ?

-         L’information a circulé parmi nous autres, ce matin. Je ne me rappelle plus qui me l’a dit.

-         Décidément, les nouvelles vont drôlement vite !

 

J’espère que la Main Pourpre ne t’a pas touché, mon gars, parce que si c’est le cas, même si tu m’es sympathique, je serai intraitable !

 

-         J’en profite pour vous dire que… je suis ravi que votre père soit revenu.

 

Kit était encore un peu énervé par la ruse du Skaven Blanc, et répondit plus vivement qu’il n’avait souhaité.

 

-         Il peut avoir ses travers, Maître Reitherman.

-         Comme tout le monde, Messire Steiner. Cela ne l’empêche pas d’être un homme bien.

-         Vous paraissez très sûr de vous, pour dire que c’est un « homme bien ». Vous le connaissez personnellement ?

-         Euh… non, c’est vrai. Mais pendant les quelques fois où j’ai eu l’avantage de le voir, il m’a paru être quelqu’un de bien.

-         Je vais peut-être vous décevoir, Maître Reitherman, mais mon père a ses défauts, je le maintiens. Comme nous tous. J’espère que vous n’aurez pas l’occasion de les découvrir.

-         Ah, bon. Enfin, Dame Bianka va vite revenir ?

-         Elle doit se reposer encore un peu, mais ce n’est plus qu’une question de jours.

-         Bien… Je suis ravi de l’apprendre.

 

Kristofferson voulut s’amuser un peu avec ce Skaven qui l’avait surpris en parlant du maître mage. Avec un sourire un peu étrange, il murmura :

 

-         Vous avez l’air de vous préoccuper de ma sœur.

-         Euh… je…

-         Il n’y a pas de mal à ça, je vous remercie. Je lui dirai que vous m’avez parlé.

-         Oh, non ! Surtout pas !

-         Pourquoi pas ?

-         Parce que… j’ai peur qu’elle le prenne mal. J’aimerais pouvoir lui dire moi-même.

-         Quelle différence avec moi ? Le message passera.

-         Oui, mais… parler à quelqu’un en personne, c’est une chose. Faire appel à un intermédiaire, c’en est une autre.

-         Hum… vous avez peut-être raison.

 

Le jeune Skaven articula péniblement :

 

-         Bien. Je… je ne vous dérange pas plus longtemps. Si je puis me rendre utile à vos yeux…

 

Bernhardt pivota sur ses talons et se pressa vers la porte la plus proche. Kristofferson tendit la main vers lui.

 

-         Attendez un peu !

 

Le jeune Skaven brun s’arrêta net, et se retourna nerveusement. Le grand Skaven le rejoignit en quelques pas.

 

-         Puisque vous parlez de ça, j’ai peut-être une idée, quelque chose que vous pourriez faire pour ma sœur.

 

*

 

Le soleil commençait à se coucher. Le grondement de la rivière avait quelque chose d’apaisant aux oreilles de Marjan Gottlieb. Le vent dans les arbres faisait bruisser les feuilles jaunies par l’automne, certaines étaient déjà tombées, et craquaient sous les sabots de son destrier qui marchait au pas.

 

Comme les deux Skavens, la jeune femme avait décidé de s’assurer du soutien des divinités auxquelles elle faisait le plus confiance. Contrairement aux hommes-rats, elle n’était pas en route vers un temple, mais vers un espace isolé dans la forêt voisine, à quelques miles de Steinerburg.

 

Sur la question de la foi, Marjan Gottlieb savait qu’elle était un cas à part.

 

Son père, Wilhelm Gottlieb, était né à Middenheim d’une famille originaire de Dietershafen, dans la province du Nordland. Fidèle au culte d’Ulric, il l’avait initiée à la vénération de ce Dieu, l’un des plus anciens et des plus puissants de l’Empire. Wilhelm Gottlieb faisait partie des plus fervents adorateurs, ceux qui refusaient de reconnaître Sigmar en tant que Dieu. La jeune femme avait déjà vu dans son enfance des scènes pour le moins surprenantes, comme le jour où elle avait vu son père chasser un prêtre de Sigmar de son domaine à coups de pied au derrière. Bien entendu, il avait dû payer une lourde amende pour éviter des ennuis plus graves. De ce jour, Marjan s’était promis de respecter les autres Dieux de l’Empire, à défaut de les vénérer.

 

Elle n’avait jamais fait faux bond à cette promesse, ce qui était une bonne chose, compte tenu de l’influence de sa mère. Franzseska Gottlieb avait gardé un fort attachement à ses origines kislévites, entre autres le culte d’Ursun, le Père des Ours. Marjan avait assisté à plusieurs disputes à ce propos entre ses parents. La dame avait voulu élever leurs enfants dans le respect de ce culte, ce qui n’avait pas été du tout du goût de son mari. Il avait fallu l’intervention d’un fameux prêtre ulricain de Carroburg pour parvenir à un consensus. D’après les écritures, Ulric et Ursun partageaient suffisamment de traits de caractères pour que l’on puisse vénérer l’un sans offenser l’autre.

 

Telle était la raison pourquoi Marjan se voyait différente des autres : elle vénérait deux Dieux issus de deux pays et deux cultures différentes. Oh, pas tant que ça, heureusement. Quand elle réfléchissait à la situation de Psody, qui vénérait un Dieu officiellement interdit dans l’Empire, c’était autrement plus compliqué.

 

Enfin, elle arriva à son but.

 

Deux arbres sculptés, l’un à l’effigie d’un loup, l’autre avec une forme d’ours, encadraient le petit sentier qui débouchait sur une clairière. L’un des affluents de la grande rivière qui alimentait le viaduc de Vereinbarung passait par-là, et formait un petit lac. Les eaux étaient vives, le son des vagues sur les cailloux rendaient les conversations difficiles. Le courant était puissant, mais un adulte pouvait marcher avec de l’eau jusqu’aux cuisses.

 

Cet endroit-ci était particulier. Les arbres formaient naturellement une sorte de rempart autour de la clairière en un cercle admirablement juste. Les prêtres de Taal et Rhya avaient ressenti une influence divine dans le secteur, et avaient projeté d’en faire un lieu sacré. Mais le Prince leur avait demandé de laisser cette parcelle à Ulric et Ursun, par égard pour son amie Franzseska. Les prêtres avaient été surpris, mais comme un temple de Taal et Rhya était alors déjà en chantier, ils n’avaient pas protesté. Plus tard, un prêtre d’Ursun sollicité pour l’occasion avait sanctifié ces lieux, désormais consacrés aux Dieux du nord. Il avait même installé, au pied d’un grand arbre, un petit autel, gravé de quelques runes simples.

 

Pour Marjan et Jochen, cet endroit était en quelque sorte un petit jardin secret. Bien sûr, les lieux n’étaient pas complètement à l’abri d’intrus. Avant d’installer ce sanctuaire, Gotrek Gurnisson, aidé par Hallbjörn Ludviksson et sa compagnie de mercenaires, avaient fait le ménage, et de nombreux Hommes-bêtes étaient tombés sous leurs coups. Et malgré le caractère sacré des lieux, Dame Franzseska, accompagnée d’une solide escorte, avait surpris au cours de l’une de ses courtes retraites des bandits qui avaient eu le culot d’installer leur campement. Une fois les malandrins capturés, la mère de Marjan les avait tous tués de ses mains, un par un, et avait abandonné leur restes aux animaux de la forêt, à l’attention d’Ulric et Ursun.

 

Marjan descendit de cheval, attacha les rênes de sa monture autour de la branche horizontale d’un arbre, et prit son arc. La première chose à faire était d’attirer l’attention des Dieux de la manière appropriée. Elle repéra une perdrix perchée au-dessus d’elle, et n’eut besoin que d’une flèche et un court instant pour l’abattre. L’oiseau tomba à ses pieds, le corps traversé de part en part. Elle le ramassa, le déposa sur l’autel, et retira la flèche. Le sang de la perdrix se répandit lentement sur la pierre.

 

Marjan prit son inspiration, leva la tête, et déclama d’une voix forte :

 

-         Dieux que je vénère, entendez mon appel ! Le Chaos menace mon pays, je ferai tout pour le défendre, avec votre soutien !

 

Elle se tut, et ferma les yeux. Le bruit incessant de la rivière allégea peu à peu son esprit. Pendant un temps indéfinissable, elle vida complètement son esprit de toute pensée, et ne prêta attention qu’aux sensations de la nature sur elle-même. Le vent sur son visage, les chants d’oiseau, le grondement de l’eau… il n’y avait rien d’autre.

 

Au bout de quelques instants de méditation, elle rouvrit les yeux, prit délicatement la perdrix fraîchement immolée, et la frotta sur son visage, de façon à se barbouiller de sang, avant de la reposer.

 

-         C’est pour le sang que j’ai versé, c’est pour le sang que je verserai.

 

Elle s’agenouilla, baissa la tête, et matérialisa dans son esprit l’image d’un grand loup – telle était la représentation qu’elle avait du Dieu des Batailles.

 

-         Ulric, je souhaite que tu me prêtes ce soir un peu de ta force, que je puisse chasser les hérétiques larbins de Tzeentch de mon pays.

 

Elle laissa passer quelques instants, puis elle s’adressa à son autre divinité tutélaire, cette fois-ci dans la langue kislévite, alors que ses pensées prirent la forme d’un puissant ours.

 

-         Ursun, je suis ta servante, et je me plie à ta volonté. Si tu estimes que j’ai commis un crime dans le terrier de ce Prophète Gris, que je meure avant le prochain lever de soleil, par ta volonté.

 

Marjan laissa planer quelques secondes, puis lorsqu’elle jugea que le Dieu kislévite avait eu le temps de recevoir le message, elle se releva, et marcha vers la rivière. Arrivée au bord de l’eau, elle retira ses vêtements l’un après l’autre. Une fois nue, elle avança de nouveau vers les ondes fluviales.

 

C’était un autre petit rituel qu’elle avait l’habitude d’exécuter lorsqu’elle avait besoin de clarifier son esprit, et symboliquement se laver du sang qu’elle avait versé… ou qu’elle s’apprêtait à répandre. Une façon pour elle de prouver sa dévotion envers les Dieux qui guidaient son chemin.

 

Tout en entrant dans l’eau, Marjan repensa à la dernière fois où elle s’était rendue en ces lieux, seule, pour s’isoler, et sourit nerveusement. Un malandrin l’avait suivie, et avait surgi des buissons, le pantalon sur les chevilles. Devant des intentions aussi claires, la réponse de la jeune femme, tout aussi limpide, avait été une flèche dans l’œil gauche.

 

Son état de transe était tel qu’elle ne ressentait pas la fraîcheur excessive de l’eau. D’ailleurs, son sang de Kislévite lui permettait de se rire des basses températures.

 

Lorsque l’eau arriva à la hauteur de ses reins, elle s’arrêta. Puis elle retint sa respiration, et s’accroupit, de manière à se retrouver totalement immergée. Le contact de l’eau glacée qui se referma sur sa tête la fit frissonner. Elle resta sans bouger ni respirer aussi longtemps qu’elle put, puis se releva pour reprendre son souffle. Elle passa de longues minutes à nettoyer son visage, ses épaules, son échine, et tout le reste. Pas de savon, seulement la friction.

 

Une fois qu’elle se sentit complètement propre, la jeune femme sortit de la rivière, se secoua, puis revint devant l’autel. Elle resta immobile, et laissa le vent emporter peu à peu l’eau qui ruisselait sur son corps. Et toujours, elle tâchait de ne plus entendre que le vent et le flux de l’eau, toujours elle concentrait son esprit sur la plus petite sensation physique, jusqu’aux brins d’herbe qui caressaient ses orteils.

 

Au bout d’un temps qu’elle ne sut définir, elle récupéra une serviette dans son petit sac à dos, et finit de se frictionner les cheveux, moins prompts à sécher. Enfin, elle se rhabilla, rangea ses affaires, et se sentit un peu mieux. Le poids sur son estomac avait encore diminué. Oui, c’était désormais à Ursun de décider si elle méritait de vivre ou non. Elle avait fait le nécessaire. Ce fut donc en toute confiance qu’elle quitta la clairière consacrée.

 

*

 

Dix coups résonnèrent par-ci par-là à travers Steinerburg, les cloches des temples faisaient ricocher de leur sonorité cuivrée le signal du départ.

 

Psody et Kristofferson étaient les derniers à quitter le domaine Steiner. Ils étaient suivis par Heike. La malheureuse était en larmes.

 

-         Faut-il vraiment y aller ? Ne peuvent-ils pas se passer de vous ?

-         Mon amour, notre père a besoin de moi et de notre fils. C’est la dernière bataille pour protéger-défendre le Royaume des Rats, nous avons l’obligation d’y aller.

-         La « dernière » est toujours celle de trop, Psody ! C’est celle où quelque chose se passe mal, et qui finit très mal !

 

Alors qu’ils approchaient de la grille, le Skaven Blanc s’arrêta, et fit face à la mère-rate.

 

-         Mon amour, ce ne sera pas la pire bataille ; j’ai échappé à une colonie toute entière de Skavens Sauvages qui étaient sans doute dix-vingt fois plus nombreux que ceux que nous allons affronter ce soir.

-         Qu’est-ce que tu en sais ?

-         Ce sont les estimations de Nedland, il ne peut pas s’agir d’une armée entière d’après ses renseignements-calculs.

-         Ah oui ? Nedland les a tous comptés un par un ? Si ça se trouve, ils seront trente fois plus nombreux, avec des Démons, des créatures abominables, des magiciens aussi puissants que déments…

-         C’est ce qui se passera si nous n’intervenons pas, et tu le sais. Tu me connais, je ne fais pas ça pour la gloire, ça ne m’amuse pas plus que toi, je suis aussi effrayé-triste, mais j’ai le pouvoir de les arrêter, je dois le faire.

-         J’aurais dû faire comme Bianka, et m’entraîner à me battre ! Je t’aurais accompagnée !

-         Voyons, ma chérie, dans ton état, tu ne dois prendre aucun risque-risque. C’est à moi-Kristofferson d’agir.

 

Il n’y avait pas de colère ou de lassitude dans le ton du Skaven Blanc, seulement de l’amertume et de la détermination. Heike se serra contre son homme.

 

-         Je t’en supplie, par la pitié de Shallya, ne prends surtout pas de risques inutiles ! Ne te jette pas dans la mêlée !

-         Je resterai en arrière, ma magie sera efficace-efficace à distance. Je n’approcherai du lieu d’invocation que lorsque la voie sera libre.

-         Mais s’ils ont au moins un sorcier ou deux, tu seras leur cible privilégiée !

-         Ils auront trop à faire quand ils nous verront arriver, assura Kristofferson d’une voix cinglante.

 

La mère-rate se tourna alors vers son fils ainé.

 

-         En tant que citoyen de Vereinbarung apte à se battre, tu dois défendre le Royaume des Rats, avec les autres. Mais il y a d’autres moyens que de t’envoyer à la guerre ! Ton grand-père m’a expliqué qu’à Altdorf, il avait vu des familles riches contribuer à l’effort de guerre avec de l’argent, et pas avec leurs enfants.

-         Tu préférerais que je reste là, à attendre à la maison, alors que mes amis et mon père risquent leur vie ?

-         En toute franchise, mon petit garçon… oui, je le préférerais. Je comprends ton point de vue, le sens du devoir, et tout et tout, mais je ne l’approuve pas. Tu es un homme, tu as toujours été en première ligne pour représenter la Famille Princière et défendre son honneur. Je suis fière de toi, Kit, mais je préfère être la mère d’un garçon qui aurait fui le combat en étant toujours en vie, plutôt que d’un héros mort au combat. Alors, puisque je ne peux pas te convaincre de ne pas partir, je te demande au moins ceci : ne joue pas au héros, et reviens-moi en vie !

 

Elle revint vers le Skaven Blanc.

 

-         Tu entends, Psody ? Je te conseille de revenir vivant avec Kristofferson, autrement, je me fâcherai ! Tu as bien compris ?

 

Le maître mage pinça les lèvres, et s’adressa à son fils.

 

-         Kit, va chercher les chevaux.

 

Sans mot dire, le Skaven brun fila vers les écuries, laissant ses parents seuls. Psody prit délicatement les mains de la femme-rate, et les posa contre son cœur.

 

-         J’ai eu peur de te perdre dans ce terrier tous les jours-nuits. Je t’ai assez fait de mal-mal comme ça. Je te promets que je veillerai sur moi et notre fils. Tout devrait bien se passer, et rapidement. Et nous reviendrons au plus vite, vivants.

 

N’y tenant plus, il posa ses huit doigts sur les joues d’Heike, et l’embrassa. Celle-ci fit durer le baiser, longtemps.

 

-         Je te-vous aime.

 

Il posa délicatement ses mains sur le ventre de sa compagne.

 

-         Tous les deux.

 

Il leva les yeux, et vit par l’une des fenêtres ses deux filles. Bianka, collée contre la vitre, avait le visage étiré par la tristesse et la peur. Isolde était blottie contre elle, et pleurait sans retenue. Pendant un instant, le Skaven Blanc se sentit déçu. Si ses filles étaient descendues le voir, il aurait pu les serrer dans ses bras – la maladie de la Skaven blonde ne représentait plus le moindre danger pour personne. Et puis, il se souvint pourquoi elles étaient ainsi dévastées. Rongé par la honte et les remords, il s’empressa de partir, suivi par Kristofferson. Aucun des deux hommes-rats n’osa se retourner.

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