Le Royaume des Rats
Chapitre 86 : Fin d'une sainte croisade
9022 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 21/11/2023 17:35
Et nous y voilà. Vous l’avez compris, ce bon vieux Psody n’était pas mort ! Quoi qu’il en soit, j’aimerais vous dire à quel point j’ai pu être désolé de vous avoir joué ce sale tour. Sincèrement, quand j’ai posté le chapitre 52, c’était un jour de Noël, en plus, je me suis dit en souriant « je fais un sacré cadeau à mes lecteurs », mais j’ai été rapidement très triste. J’ai eu quelques messages en ce sens, pas beaucoup, et heureusement aucun de ces messages ne laissait paraître de la déception ou de la rancœur.
J’ai partagé quelque chose de particulier avec Psody, à ce moment-là : la frustration et la tristesse de ne pas pouvoir vous rassurer. Comme notre Skaven Blanc a dû taire son plan par rapport à ses enfants et ses amis, il a fallu que je me retienne de tout révéler pour vous rassurer, et ainsi vous divulgâcher d’importants pans de l’intrigue. Il fallait aller jusqu’au bout, et si vous lisez ces lignes, c’est que vous l’avez fait avec moi.
Merci d’avoir accepté cette règle du jeu. J’ai veillé à ce qu’il n’y ait aucune incohérence susceptible de vous égarer de manière abusive, ni aucune faille dans l’intrigue, et j’espère qu’il n’y aura effectivement rien de ce genre. Par moments, il a bien fallu que j’appelle les personnages par leur fausse identité, mais j’ai toujours pris garde à ce que ce soit par l’intermédiaire d’yeux extérieurs. Pareil pour les pensées : je n’ai pas affiché les pensées de Fershitt Face Fondue en italique avec des intentions qu’auraient eu un vrai Technomage du Clan Skryre. C’aurait été malhonnête, car ça n’aurait été qu’un faux indice placé là uniquement pour vous égarer, vous, lecteurs extérieurs à l’intrigue.
Quoi qu’il en soit, j’aimerais vraiment vous remercier encore pour votre fidélité et votre compréhension. J’espère que la suite de l’histoire sera à la hauteur de vos attentes.
Gloire au Rat Cornu !
- J’aurais aimé le rencontrer au moins une fois, mon garçon.
Sans ralentir le rythme de sa course, Sigmund demanda :
- Qui ça ?
- Votre père. Si j’avais fait sa connaissance, j’aurais sans doute fait autrement.
Le Skaven Noir grogna d’impatience.
- Ce qui est fait est fait, seigneur de Vaucanson. Cessez de me déconcentrer.
- Le maître mage était quelqu’un de bien.
À ces mots, Sigmund s’arrêta. Il serra les dents, et aboya par-dessus son épaule :
- Comment pouvez-vous être aussi sûr de ça ? Vous l’avez fait assassiner sans l’avoir approché !
- Il n’y a qu’à vous voir. On comprend comment il vous a élevé… et ce que vous êtes prêt à faire pour lui.
- Hum…
Le capitaine Steiner voulut diminuer un peu la rage qui l’essoufflait. Il pensa à un autre visage étranger, amical cette fois.
- Vous n’êtes pas le premier à me dire ce genre de chose, Seigneur de Vaucanson. Un ambassadeur d’Estalie a eu la même impression de moi.
- Ah oui ? Ce n’est guère étonnant. Vous êtes un passionné.
- Et je devrais réfréner mes passions, je sais. Leur tordre le cou.
- Non, pas forcément. Domptez-les, mais ne les rejetez pas. Il n’y a rien de plus pitoyable qu’un homme dépourvu de la moindre passion. Quand la passion devient le passif, il n’y a plus rien à espérer.
Le seigneur Bretonnien n’entendit pas de réponse. Il fut déçu, mais accepta avec résignation. Sigmund en profita pour reprendre sa course. Quelques longues minutes s’écoulèrent en silence. Bercé par les ballotements, épuisé, Vaucanson sentait son esprit dériver de plus en plus dans les limbes du sommeil, peut-être le dernier, lorsqu’une exclamation le tira de son état.
- Ah, ça y est !
L’Humain tourna péniblement la tête, et vit une bâtisse qu’il avait brièvement remarquée lors de son arrivée.
- C’est l’endroit où nous avons laissé les chevaux. Si j’en crois ce que m’a dit Renata, ma jument attend toujours. La voilà !
Sigmund sentit un sourire chaleureux étirer et détendre son visage, et cette sensation le soulagea. Enfin, après toutes ces atrocités, il voyait un visage familier et amical à la fois. Du coin de l’œil, il vit les quelques Nains qui avaient survécu à l’assaut des tueurs du Clan Eshin. Assis sur les marches de pierre de l’escalier du temple profané, hébétés, muets, ils n’eurent aucune réaction à l’approche du Skaven Noir.
Le capitaine Steiner s’approcha d’un pas vif de sa monture.
- Je suis tellement content de te voir, ma fille ! Désolé d’avoir traîné !
Okapia leva la tête, et poussa un petit hennissement soulagé quand elle vit son maître. Mais elle changea aussitôt d’expression à la vue du Bretonnien sur son dos. Elle balança vivement la tête sur le côté, et piaffa nerveusement.
- J’ai l’impression qu’elle n’est pas d’accord, marmonna Vaucanson.
En effet, fidèle à sa réputation de farouche, elle renâclait déjà, et s’écarta lorsque Sigmund s’apprêta à poser sa main sur sa selle.
- Non ! Okapia, non !
- Elle ne m’aime pas.
- Elle n’aime personne. Je vous l’ai dit, elle est comme moi, Sire de Vaucanson ; plus entêtée qu’un régiment de Kossars Kislévites ! Il va falloir que je la raisonne. Vous permettez que je vous pose ?
- Allez-y.
Le grand Skaven Noir s’accroupit et défit les liens. Horace de Vaucanson tomba mollement sur le sol. Sans y prendre garde, Sigmund se mit face à la jument. Il lui caressa doucement le museau, et murmura :
- Okapia, ma meilleure amie… J’ai besoin que tu me permettes de porter cet Humain. C’est très important. Tu es forte, tu es rapide, si tu le veux bien, tu peux m’aider à lui sauver la vie. Veux-tu me faire confiance ? S’il te plaît…
Au fur et à mesure qu’il parlait, Okapia respira de moins en moins nerveusement. Son regard se fit moins méfiant. Finalement, elle souffla bruyamment par les narines, et présenta de mauvaise grâce sa selle à Sigmund.
- Merci, Okapia, répondit le jeune homme-rat.
Il releva avec précaution le Bretonnien et l’installa derrière la selle, puis il fouilla dans les fontes, et sortit un rouleau de corde. Il s’appliqua à attacher Vaucanson sur la croupe de la jument.
- Ce ne sera ni très confortable, ni digne d’un seigneur, mais si vous restez bien accroché à moi, ça devrait tenir bon jusqu’à notre campement.
Il défit les rênes qui retenaient Okapia à la barrière, mais suspendit son geste. Son oreille pivota d’un coup sec sur le côté. Pas de doute, il entendait bien un bruit plutôt caractéristique : une sorte de râle mêlé à un halètement, au rythme d’une claudication. Sigmund tourna la tête, et aperçut une petite silhouette qui émergeait du tunnel. C’était un esclave à l’oreille coupée, la plus misérable des engeances de l’Empire Souterrain. Cette créature malingre avait le corps recouvert de bandelettes crasseuses et souillées de fluides corporels variés, et les quelques pouces de peau à l’air libre luisaient de pus.
En un simple bond, Sigmund était déjà sur sa proie. Faisant fi du risque d’infection, il attrapa l’esclave par les bandages qui enserraient sa poitrine.
- Où vas-tu comme ça, chacal puant ?
- Je… je fuis, ô magnifique-merveilleuse Vermine de Choc !
- Tu es l’un d’entre eux. Vu ton état, si je te laisse partir, où que tu ailles, tu répandras-répandras la peste !
- Pitié-pitié pour le pauvre petit Gozib !
Sigmund assura sa prise à la gorge de l’esclave, et le secoua.
- Donne-moi une seule raison-raison de ne pas t’arracher la tête ici-maintenant ?
- Gozib n’est qu’un pauvre esclave minable-faiblard !
- Tu sers l’Empire Souterrain ! Tu es mon ennemi, tu dois mourir !
- Non ! Gozib regrette !
- Tu « regrettes »… Comme Larn, ce petit salopiaud de Coureur d’Égout qui m’a supplié de l’épargner pour mieux me tromper ? C’est comme ça que tu « regrettes » ? gronda le Skaven Noir en levant le poing.
- Non-non ! Non-non ! Gozib a peur ! Gozib ne veut pas mourir-mourir !
Sigmund désirait déchaîner encore sa colère sur un Skaven Sauvage. Mais alors qu’il s’apprêtait à balancer ses phalanges sur le museau de l’esclave, quelque chose l’arrêta. Il comprit que ce quelque chose était une sensation : son cœur qui se serrait de pitié. Encore une fois, les supplications terrifiées et désespérées de Koursh et Larn couinèrent à ses oreilles.
Conscient d’être peut-être en train de faire une bêtise, il décida qu’il avait eu son compte en sang de Skaven Sauvage pour la journée. Il relâcha son étreinte, et Gozib s’étala lamentablement par terre. Le Skaven Noir baissa la tête, et murmura :
- Hors de ma vue.
- Que… quoi ?
- Tu m’as bien entendu-compris. Pars le plus loin possible, et prie ton Rat Cornu de ne plus jamais croiser ma route !
Gozib ne se le fit pas dire deux fois. Il se releva, et clopina aussi vite qu’il put vers le tunnel de sortie. Il passa le plus loin possible des Nains, ce qui n’était pas utile, les hommes de Barisson étaient encore trop choqués pour réagir à sa présence.
- Allez, cours, pauvre merde… marmonna le capitaine Steiner, en grimpant sur Okapia.
Il s’installa sur la selle, et saisit les rênes. Il sentit sur son épaule la main du seigneur de Vaucanson.
- Une fois encore, je n’ai pas compris un mot, mais j’ai vu les gestes. Vous avez agi avec noblesse.
- Comment pouvez-vous dire ça, si vous n’avez rien compris ?
- Il n’y avait qu’à regarder cette malheureuse chose. De mon point de vue, vous avez épargné un ennemi trop faible pour se défendre.
- Un pitoyable esclave qui crèvera dans les jours qui viennent, ça ne fera pas la différence.
- C’est ce que vous pensez, mon garçon. Moi, je vois le comportement d’un vrai Bretonnien.
Sigmund eut un rictus ironique.
- Je ne sais pas comment je dois le prendre ?
- Comme vous le souhaitez. Je vous conseille de le prendre au mieux.
- Je verrai. Pour le moment, accrochez-vous. Quand nous serons dehors, ce sera le grand galop ! Allez, Okapia ! On sort de ce caveau géant !
La jument obéit, et guida les deux hommes jusqu’à la lumière du jour. Une silhouette également à cheval les attendait dans la lumière. C’était Guillaume de Lombard.
- La voie est libre, Capitaine ! J’ai vu quelques rats gé… je veux dire j’ai vu quelques Skavens Sauvages en fuite, on les rattrapera.
- Parfait. Vous allez nous accompagner, Lombard… Je sens que vous ne serez pas de trop.
- À vos ordres, mon Lige ! Capitaine, je vous suis !
- Le camp n’est pas très loin. En avant ! Hue, Okapia !
*
Psody et Gabriel s’engagèrent dans une ruelle entre deux petites maisons. Au loin, ils pouvaient voir la porte principale du karak. Psody s’arrêta, et tendit la main devant son fils.
- Attends !
Le Skaven Blanc fronça les sourcils et plissa les yeux. Une odeur avait titillé ses sens. Une odeur qui ne lui était pas totalement inconnue. Pas celle d’un individu en particulier, mais plutôt un lieu qui avait beaucoup compté pour lui. Ses oreilles papillonnèrent au son d’un halètement rauque, perceptible à travers les pleurs incessants du petit Skaven Blanc.
- Père, qu’est-ce qui se passe ?
- Reste en arrière.
Un personnage déboula alors de la rue perpendiculaire. C’était un Skaven Sauvage pas très grand, mais monstrueusement gros, qui traînait sa masse graisseuse au plus loin des combattants de Vereinbarung. Sans faire attention aux trois Skavens, il s’assit par terre contre un mur.
- Ces satanées choses-hommes… vont tous nous massacrer !
Le maître mage avait eu tout le temps de le reconnaître.
- Garog ! Ça par exemple !
Le Skaven obèse releva la tête, et écarquilla les yeux.
- Hé, qui t’es ?
- Je suis celui que les tiens ont appelé « Grand Blasphémateur », pourceau à face de bouffon !
Le ranuque grimaça sous l’effet d’une violente surprise. Psody en profita pour expliquer au petit Skaven gris clair :
- Ce type est le ranuque en chef de Brissuc. C’est lui qui m’a mis au monde.
Gabriel ne répondit pas, mais sa gorge se serra d’inquiétude. Garog grogna.
- Psody ? C’est toi ?
- En effet.
L’énorme Skaven Sauvage montra du doigt Gabriel, qui recula prestement d’un pas, Emil serré contre lui.
- Et celui-ci ? Il est en train d’enlever le petit élu-élu du Rat Cornu !
- Celui-ci, c’est mon fils, Garog. Je te déconseille fortement de l’approcher. Quant au petit Skaven Blanc, il part avec nous deux.
- Karhi ne te laissera pas faire !
- Karhi ne pourra plus jamais-jamais faire quoi que ce soit à quiconque.
- Tu l’as tué-tué, hein ?
- Non, sa bêtise a suffi, il s’est tué-tué tout seul.
Le ranuque cracha par terre.
- Ils ont eu raison de t’appeler comme ça ! Tu te bats contre ton peuple-peuple, tu nous massacres-étouffes depuis des années. Tu as trahi le Rat Cornu jusqu’à renier-rejeter les cadeaux qu’il a laissés sur ton corps !
- Je ne trahirai jamais le Rat Cornu, Garog.
- Alors, qu’est-ce que tu fais ? aboya le ranuque.
- Je fais tout pour que les Skavens vivent heureux à la surface, comme le veut notre Dieu ! Et pour les cadeaux du Rat Cornu, je ne les ai pas reniés-rejetés ; je me suis déguisé pour tromper ton abruti de maître, et ça a marché-fonctionné !
Garog grinça des dents, mais la réponse du maître mage lui sembla cohérente. Psody profita de son silence pour le questionner à son tour.
- Mais toi, qu’est-ce que tu fais là ? La dernière fois que je t’ai vu, tu étais à Brissuc, qui était très affaiblie à cause des Humains, et nous avons ramassé-récupéré tous les ratons viables de la pouponnière !
- Alors, c’était bien toi, Grand Blasphémateur !
- Oui, c’était moi. Et toi, comment as-tu pu finir ici ? Il n’y avait plus assez de Guerriers des Clans pour faire vivre une colonie complète, à Brissuc ! Tu n’aurais jamais pu venir jusqu’ici tout seul !
- C’est exact-exact, Psody. Après ton acte sacrilège, quelqu’un est venu nous prendre-chercher.
- Qui ça ?
Garog eut un petit rire, et murmura d’une voix moqueuse :
- Je ne dirai rien.
- Oh, que si ! Autrement, ça va très mal se terminer pour toi !
Loin de se laisser impressionner, le ranuque ricana plus fort.
- Si tu me tues-tues, tu ne la retrouveras jamais !
- Je ne vais pas te tuer-tuer, seulement te… hein ? Qu’est-ce que tu dis ? De qui tu parles ?
Le ranuque éclata plus franchement de rire.
- Mon très cher petit bienfaiteur tout blanc, il y a quelque chose que Vellux ne t’a jamais dit. Un petit secret que je peux te révéler-révéler, maintenant. La nuit où tu es né, quand je t’ai vu, j’ai ordonné à mon larbin d’aller chercher Vellux. Mais lorsqu’il est revenu et qu’il t’a pris dans ses bras, la pondeuse qui t’a engendré a eu de nouvelles convulsions. Un petit instant plus tard, hop ! Un nouveau petit raton sur la litière. Vous n’étiez pas six, mon petit Psody, mais sept. Et le tout dernier-né était une femelle-femelle !
Au fur et à mesure que le gros Skaven castré parlait, le Skaven Blanc sentait sa vision se brouiller et son ouïe s’encotonner. Il était facile pour un Skaven en danger de raconter n’importe quel bobard pour rester en vie, mais au fond de lui, il sentit que Garog disait la vérité. Trop de conviction dans l’œil et la voix de ce méprisable homme-rat pour que ce fût un mensonge. Il ânonna d’une voix monocorde :
- J’ai… j’ai une sœur ?
- Une quoi ?
- Une sœur. C’est un Skaven femelle lié par le sang, avec la même mère que moi. On dit « frère » entre Skavens de même sang, ou de même Clan. Le mot « sœur » n’existe pas chez les Skavens Sauvages, car les femelles n’ont pas leur place dans leur société. Mais les peuples civilisés disent « sœur ». Je viens de t’apprendre quelque chose, gros lard. Continue !
- Vellux l’a immédiatement conduite aux pouponnières à femelles, où elle a connu la même vie que toutes les femelles. Qui sait, tu l’as peut-être engrossée sans le savoir !
Garog s’esclaffa encore. Psody demanda d’une voix cinglante :
- Est-ce qu’elle est restée à Brissuc ?
- Non, Psody, ta trahison a tout foutu en l’air. Vellux est parti à la surface pour se battre contre les choses-hommes. Quelques nuits plus tard, d’autres Fils du Rat Cornu sont arrivés pour nous annoncer sa mort. Ils ont embarqué des pondeuses et des ratons avec eux. C’est là qu’ils ont pris ta… « sœur ». Je n’ai pas voulu les suivre. Ensuite, Brissuc a été attaquée par les choses-hommes.
- Oui, je sais-sais. C’est moi qui leur ai dit où vous trouver. J’espérais tous vous éliminer !
- Nous avons réussi à nous cacher-planquer dans la pouponnière, et les choses-hommes ont fini par s’en aller, ils ont cru que nous étions tous morts-partis. J’ai pensé que Brissuc revivrait, mais quelques saisons plus tard, tu es revenu et tu as enlevé à ton tour tous les ratons qui nous restaient ! À cause de toi, pour la deuxième fois, la colonie allait disparaître ! C’était la panique ! J’aurais mieux fait de partir à la première occasion ! J’ai vécu les pires-pires moments de ma vie !
- Arrête de pleurnicher, et continue ton histoire, ou je te ferai comprendre que tu n’as pas encore vécu les pires-pires moments de ta vie !
- D’accord-d’accord. Encore une lune plus tard, des Guerriers des Clans sont venus. C’était les mêmes vrais Fils du Rat Cornu que la première fois, venus vérifier s’il restait quelqu’un à Brissuc après ton passage. Proposé de venir avec eux. Cette fois, on a tous accepté-accepté. Ils nous ont logés ici.
Garog reprit son souffle, fatigué par l’interrogatoire. Après avoir revécu ces événements pénibles, il n’avait plus l’air fanfaron. Le Skaven Blanc sentit son visage durcir davantage.
- Et ma sœur ? Où est-elle ? Est-elle dans cette colonie, ou bien est-ce qu’elle a été transportée ailleurs ?
Le ranuque resta muet. C’en fut trop pour le maître mage. Ses yeux roses foncèrent pour devenir rouge sang. Puis il leva les mains avec un glapissement, et aussitôt, une paire de mains géantes constituées de cailloux et de poussière jaillit du sol et agrippa le ranuque. Il était compressé comme un rat entre les mains d’un Humain.
- Tu vas me dire-dire où est ma sœur, ou bien je t’écrase !
- Au secours ! Arrête !
Garog gigotait nerveusement comme un monstrueux cochon saucissonné, et prêt à être égorgé, ses yeux versèrent un torrent de larmes terrorisées. Psody baissa les bras, et les deux mains de pierre descendirent la tête de Garog à la hauteur de celle du maître mage.
- Parle, gros crétin sans burnes ! Qui est venu après la mort de Vellux ? Qui a ramassé les pondeuses et les ratons avant le grand nettoyage par les choses-hommes ? Qui est revenu vous chercher après ma Récolte ? Qui sont ces « mêmes vrais Fils du Rat Cornu » ?
- Tweezil ! C’était Tweezil du Clan Eshin !
Psody sursauta presque en entendant ce nom jailli du plus profond de son passé. En même temps, après avoir retrouvé Garog, c’était la suite logique. Le ranuque, transi de sueur, expliqua précipitamment :
- Choses-hommes avec lui, payées pour nous évacuer ! Tweezil m’a permis de m’installer ici, chez Skaven Blanc nommé Karhi ! Karhi commandait cette colonie, mais je ne sais pas où est la femelle liée à toi par le sang-naissance, je le jure ! Que le Rat Cornu me fasse pourrir tout de suite si je mens !
- Tweezil était la Grande Cape. C’était un exécutant, pas un chef de colonie qui fait un marché-marché avec les Humains. Quand il est revenu à Brissuc, Vellux était déjà mort, il avait forcément un autre chef !
- Euh… Peut-être ?
- Qui donnait des ordres à Tweezil ? Allez, crache le morceau, espèce de tas de saindoux !
- Tweezil était avec ses mercenaires choses-hommes, personne d’autre ! Pitié-pitié, je ne sais rien de plus ! Laisse-moi partir-partir !
- Je n’ai pas fini ; dis-moi combien Vellux a produit de ratons blancs ?
- Quoi ?
- Vellux a sailli plusieurs pondeuses avant sa mort. L’une d’elles lui a donné Iapoch, et une autre a pondu Karhi, c’est bien ça ?
- Oui-oui !
- Et donc, Iapoch et Karhi étaient frères ?
- Oui, intelligent-futé Psody ! Tous deux fils de Vellux ! Ils ont été pondus juste après la disparition de Vellux. Et une lune plus tard, ils ont été emportés-achetés tous les deux par Tweezil et ses choses-hommes. Et je ne les ai pas suivis, et j’aurais vraiment dû, je regrette !
- Est-ce qu’il y en a eu d’autres ? Un troisième Skaven Blanc, peut-être un quatrième ?
- Non ! J’ai mis au monde seulement Iapoch et Karhi ! Je t’en prie-supplie, ô Grand Maître du Royaume des Rats, épargne-moi, c’est tout ce que je sais !
- Dis-moi où est ma sœur, sinon…
Les doigts géants de pierre resserrèrent leur prise sur le cou et les côtes du ranuque.
- Aïe ! Je ne sais pas ! Partie avec Tweezil et les choses-hommes, comme je l’ai dit ! Promis-juré, c’est la vérité ! Pitié-pitié, magnifique-formidable Psody, je ne peux rien dire de plus !
- Père, ne le tue pas ! gémit Gabriel, effrayé à l’idée de voir le Skaven Blanc lui faire un sort pire que celui de Karhi.
Sans lâcher sa proie, le Skaven Blanc jeta un petit coup d’œil par-dessus son épaule.
- Ne t’en fais pas, Gab.
Puis, revenant à Garog, en queekish :
- Je ne vais pas te tuer-tuer, Garog. Je vais juste…
Il fit un petit geste. Les mains de pierre forcèrent le gros Skaven Sauvage à pivoter, sans le laisser se redresser. Lorsque le malheureux prisonnier se retrouva pile dos à Psody, le Skaven Blanc tapa dans ses mains, et les bras magiques tombèrent en poussière. Garog se reçut durement sur les genoux, et s’écorcha les mains sur la pierre. Sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, Psody fit une petite série de gestes dans l’air avec la main droite, et un nouvel appendice, en forme de botte cette fois, se concrétisa juste derrière Garog et flanqua un magistral coup de pied dans son énorme arrière-train. Le ranuque décolla, roula sur la terre caillouteuse, et se sauva en couinant de douleur, aussi vite que ses jambes courtaudes pouvaient supporter sa lourde carcasse.
Psody rit à gorge déployée.
- Regarde-moi ce gros pataud !
Gabriel s’esclaffa à son tour. Puis, perplexe, il fit une moue et demanda :
- Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Je n’ai rien compris.
Le maître mage reprit son air sérieux.
- Que Karhi était bien un autre fils de Vellux. Les deux Skavens Blancs qui ont menacé Vereinbarung étaient des frères.
Le visage du jeune Skaven gris clair se plissa de réflexion.
- Il n’a pas essayé de te mentir ?
- Je ne pense pas. Vu le coup de peur que je lui ai fait, il n’aurait pas pu. Pas assez courageux-audacieux pour ça. Et puis, j’ai passé assez de temps près de Karhi pour le voir-comprendre. Il y a le regard, la voix… et puis l’odeur.
- Quelle odeur ?
- J’ai senti tout à l’heure un petit parfum sous la pourriture-décrépitude.
- Tu n’avais pas senti cette odeur avant, quand tu étais près de lui ?
- Pas tant que j’avais mon casque de Fershitt Face Fondue. Mais sans ça, j’en suis sûr, le fumet de son cadavre était bien celui de Vellux. C’est logique : ce sont deux Skavens Blancs nés du même père, avec les mêmes idées de colère-vengeance dans la tête, et qui ont attaqué le Royaume à peu près en même temps.
- « En même temps » ? Non, on n’a dû faire la guerre que contre Iapoch, après la dernière Récolte.
- Karhi s’en est pris à Sueño avec son rituel juste avant l’attaque d’Iapoch, rappelle-toi. Ils ont travaillé de concert. Enfin, en tout cas, à quelques semaines d’intervalle seulement. Mais ils n’étaient que deux, d’après Garog. Par contre…
Psody repensa à cette deuxième affirmation. Là, encore, il n’avait pas perçu la tromperie derrière les paroles du gros ranuque.
- Gab… tu as une tante-tante.
- Que… Hein ?
- Cet oliphant sans trompe m’a dit qu’après moi, la pondeuse qui m’a donné la vie a accouché d’une femelle.
- Incroyable ! Et elle est là ?
- Non, et je ne sais pas où elle est. Garog ne le savait pas.
Le Skaven Blanc prit le temps de regarder son fils, et murmura :
- Gardons cette question dans un petit coin de notre tête-tête, et partons d’ici.
- Avec plaisir, Père !
*
Le camp était à quelques minutes de distance au grand galop de l’entrée d’Ysibos. Le soleil était haut dans le ciel, et la brume s’était presque totalement dissipée. C’était le milieu d’après-midi, et les rayons de l’astre à la chaleur bienfaisante étaient plus que bien accueillis par les occupants.
Le prieur Romulus, assisté de la sœur Astrid, faisait le point sur le nombre de blessés et la nature de leurs blessures. Ils n’avaient pas été très longs à ligoter et désarmer les Skavens Sauvages anesthésiés par le gaz de Gabriel. La sergente Lescuyer et les autres avaient rassemblé les armes rouillées et de mauvaise qualité des hommes-rats, puis mis le feu au tas constitué.
Malgré la stratégie mise au point et l’audace des miliciens, les pertes avaient été significatives. La commandante Renata n’avait pas été la seule à perdre la vie au cours de cette succession d’affrontements. Les blessés n’étaient pas très nombreux, car les Skavens Sauvages n’avaient pas fait dans la demi-mesure ; les citoyens de Vereinbarung qui n’avaient pas pu s’enfuir par eux-mêmes avaient rapidement fini déchiquetés et dévorés par les Guerriers des Clans.
À l’entrée de campement, deux soldats surveillaient les alentours, à l’affût du moindre mouvement. Ils avaient déjà intercepté quelques fuyards de l’Empire Souterrain. Ils repérèrent rapidement deux chevaux qui galopaient dans leur direction.
- Tiens, en voilà d’autres.
- Un instant… T’as vu les armoiries du cavalier de gauche ?
- Quoi ? Mais c’est un Bretonnien !
- Ouais, comme ceux de Pourseille ! Qu’est-ce qu’il fait là ?
Lorsqu’ils étaient arrivés aux portes d’Ysibos, Vaucanson et ses chevaliers n’étaient pas passés à proximité du camp de Vereinbarung, ce qui expliquait cette surprise.
- Hé, regarde l’autre, c’est le Capitaine Steiner !
Quelques secondes plus tard, les deux chevaux s’immobilisèrent devant les gardes. Sigmund désigna Lombard d’un geste.
- Il est avec moi, laissez-nous passer !
Les soldats obéirent sans dire un mot. Sigmund et Lombard galopèrent jusqu’à la plus grande tente, et mirent pied à terre ensemble. Le prieur Romulus sortit de sous la toile tendue.
- Siggy ? Tu es… Par la Pitié de Shallya !
- Il est dans un état très grave, Prieur ! Il faut faire quelque chose !
- Venez par-là. Sœur Astrid ? J’ai besoin de vous maintenant !
La prêtresse de Shallya blonde n’était pas en pleine opération, heureusement.
- Préparez une table pour votre nouveau patient. Brancardiers, amenez-vous ! Siggy, Sire de Lombard, vous allez le mettre sur le brancard, avec précaution !
Les deux hommes déposèrent le seigneur de Vaucanson sur l’équipement médical. L’un des brancardiers demanda :
- Que lui est-il arrivé ?
- Il a basculé dans un gouffre. Il s’est rompu le dos.
- Il a perdu connaissance quand nous sommes revenus à l’air libre, précisa le porte-étendard.
Effectivement, s’il respirait encore, le seigneur Bretonnien était inconscient.
- On va s’occuper de lui, assura Romulus.
À sa grande surprise, Sigmund constata que le prieur ne suivit pas les brancardiers sous la tente. Celui-ci se tourna vers lui, et expliqua :
- Je sais à quoi tu penses, Sigmund. Sauver la vie de Vaucanson aurait été le point final de ma rédemption. Mais je préfère ne pas lui imposer mon visage en ce moment critique. Et puis, je l’avoue, je suis moins compétent que Sœur Astrid.
Sigmund bouscula le prieur pour rejoindre les brancardiers. Malgré les protestations des prêtresses, il se faufila jusqu’à la table sur laquelle reposait le seigneur Bretonnien. Sœur Astrid était penchée sur lui. Le tableau faisait penser à une gravure tirée d’un livre religieux de Couronne, où la Dame du Lac s’apprêtait à recueillir l’âme d’un chevalier tombé au combat.
Sigmund se rapprocha nerveusement, et mû par une curiosité un peu malsaine, prit place aux côtés de la prêtresse.
- Comment ça se présente ?
- Très mal, j’en ai peur, messire. Il n’y a pas que les os qui sont brisés, ses organes ont aussi pâti de son combat.
- Il pourra toujours vivre assis dans son fauteuil !
- La question n’est pas là, Capit…
Un grognement interrompit sœur Astrid.
- Ignace… ? C’est vous ?
Sigmund s’avança, et se tint debout à côté de la table. Le seigneur de Vaucanson tourna lentement la tête dans sa direction. L’étincelle de vie qui animait ses yeux vacillait dangereusement, telle la flamme d’une chandelle menacée par un vent montant.
- Ignace… J’aurais aimé que les choses… se passassent autrement.
Le Skaven Noir comprit rapidement la situation. Le seigneur Bretonnien délirait, et le prenait pour son défunt fils. Quelque chose pressa ses doigts. Il baissa les yeux, et vit la main gantée de l’Humain serrer doucement la sienne.
- Ce jeune capitaine avait raison… je ne suis qu’un… vieux crevard. Je vous en prie, Ignace, pardonnez… ma folie. Je… vous… aime.
Sigmund n’osa pas répondre. Il resta silencieux. Et ce qu’il craignait de voir se produisit. Horace de Vaucanson ferma les yeux, sa main retomba doucement sur le bois, et il cessa de respirer à tout jamais.
Le Skaven Noir resta immobile, complètement hagard. La voix de sœur Astrid le tira difficilement de son état d’hébétude.
- Je suis désolée, Capitaine. Vu son état, de toute façon, il n’y avait rien à faire. Même Sœur Judy n’aurait pas pu le sauver, à mon avis. C’est déjà un miracle qu’il ait tenu aussi longtemps.
- Pas un miracle… une volonté de fer.
Il pivota lentement sur ses talons, et quitta la tente. Dehors, Romulus n’eut pas besoin de lui poser la question, son expression décomposée était déjà une réponse.
- Va donc à l’intendance, ils te donneront quelque chose à manger. Après toutes ces émotions, tu dois reprendre des forces.
Sigmund, toujours incapable d’articuler le moindre mot, marcha jusqu’à une autre tente, à quelques yards de là, où l’on avait entreposé les provisions. Il piocha quelques aliments au hasard, sortit du camp et s’éloigna.
Il s’installa sur un rocher, retira son casque, et posa sa main sur son oreille. Il gémit doucement en sentant la blessure, heureusement moins grave que dans ses craintes. Il commença à manger un morceau de pain avec une tranche de pâté. Puis il voulut boire. Il porta à sa bouche le goulot d’une bouteille… et se rendit compte avec horreur qu’il avait pris sans y réfléchir une bouteille de vin. Il se leva d’un bond, et la jeta contre un arbre avec un « Non ! » rageur. La bouteille éclata en mille morceaux sur le tronc. Sigmund se prostra sur son rocher, enfouit sa tête dans ses mains, et pleura encore.
La voix douce du prieur Romulus le ramena au moment présent.
- Tu as vécu des moments vraiment difficiles, ces derniers jours. N’aie aucune honte, d’autres auraient craqué depuis longtemps.
Le Skaven Noir secoua la tête et renifla.
- Il m’avait demandé de l’achever, quand je l’ai retrouvé dans ce gouffre.
Romulus s’assit aux côtés du jeune homme-rat, et posa une main réconfortante sur son épaule. Sigmund continua :
- C’est épouvantable, Prieur. Je ne sais pas si je suis frustré de ne pas l’avoir tué moi-même, ou si je suis triste qu’il soit mort loin de chez lui, à cause de ces affreux Skavens Sauvages !
- Tu as eu cent fois l’occasion de le tuer, Sigmund. Après votre duel, après avoir vaincu le chef de guerre, et pendant que tu galopais au plus vite pour le ramener ici, afin qu’on tente de le sauver. Pour moi, la réponse est très claire : tu le détestais, mais pas au point de te conduire comme ces « affreux Skavens Sauvages ». Tu es resté le vaillant Sigmund Steiner, celui dont ton père vantait les mérites, et qui le remplissait de fierté.
Le prieur jeta un petit coup d’œil vers l’arbre taché de vin.
- Et en plus, tu parviens à repousser ce démon-là, alors qu’il allait sournoisement te frapper au moment où tu paraissais le plus vulnérable. Je suis fier de toi. Hélas, la journée n’est pas encore terminée. Retournons au campement, nous avons encore du travail.
Les deux hommes retournèrent au camp. Ils rejoignirent Lombard devant la grande tente. Le Bretonnien, assis sur un banc, torse nu, restait immobile pendant qu’une prêtresse pansait ses quelques blessures. Sans se lever, il s’adressa au Skaven Noir.
- Je ne sais pas si vous avez toujours envie d’une valse avec moi, Capitaine Steiner, mais quoi que vous puissiez dire ou faire, sachez que la Bretonnie vous est redevable. Grâce à votre ténacité et votre sens de l’honneur, le corps de mon seigneur finira inhumé sur ses terres, et pas mis en pièces par les Sauvages.
L’image de la commandante Renata dévorée vivante par Blokfiste et ses sbires revint à l’esprit du jeune homme-rat. Il se sentit soulagé, mais aussi un peu déçu.
- J’aimerais pouvoir le ramener personnellement, Sire de Lombard. Hélas, vous savez bien que c’est impossible. Jamais je ne pourrai traverser l’Empire, ni la Bretonnie.
Sire Guillaume de Lombard se remit debout, et déclara solennellement :
- Ne vous en faites pas, Capitaine Steiner. Je ramènerai le Seigneur de Vaucanson chez lui, et je m’engage à raconter dans quelles circonstances il est tombé, et comment votre action permettra de lui offrir une sépulture digne de lui. Parole de Chevalier Bretonnien !
- Vous feriez ça ?
Le porte-étendard regarda le Skaven Noir dans les yeux quand il articula :
- Il est temps que la Bretonnie comprenne que les Skavens ne sont pas tous les monstres qui infestent les tunnels. Aujourd’hui, j’en ai vu se battre pour les mêmes idéaux que nous. Le Roy Louen Cœur de Lion doit savoir.
Sigmund fit un petit signe de tête, le regard rempli de respect. Il demanda encore :
- Et vous ? Quand vous serez rentré chez vous, qu’allez-vous devenir ?
- Horace de Vaucanson n’avait plus d’héritier. Je ne sais pas s’il avait pris ses dispositions en cas de défaite, mais s’il n’a pas laissé d’instructions, je suppose que son domaine sera réparti équitablement entre les suzerains voisins. S’il ne le remplace pas, Sire Réginald de Villefort se trouvera bien une place chez un autre seigneur. Quant à moi, je ne veux plus servir un individu en particulier, mais mon pays dans son entier. Je mettrai mon épée aux ordres des troupes du Roy lui-même, et ceux qui voudront me suivre seront les bienvenus.
Le prieur héla la sergente Lescuyer.
- Où en sommes-nous, Sergente ?
- La première caravane est prête à partir, prieur. Nous n’attendons plus que l’ordre de départ.
- Parfait. Sigmund ?
Le Skaven Noir pivota vers le prêtre de Shallya.
- Il va falloir ramener nos hommes à Steinerburg. Le Brave Griffon ne pourra pas contenir tout le monde. Les enfants et les plus éclopés embarqueront en priorité. En attendant les autres, nous pouvons déjà envoyer une première compagnie parmi les plus valides. Sigmund, tu seras le mieux placé pour la conduire.
Sigmund se gratta le crâne.
- Êtes-vous sûr de ça, Prieur ? La commandante Renata est morte, je suis le militaire de plus haut rang sur ce champ de bataille, je pense que je ferais mieux de commander les opérations ici ?
- C’est parce que tu es le plus haut gradé que tu es le plus à même de guider nos troupes au mieux.
- Bon, si vous le dites… Dans ce cas, laissez-moi juste un instant.
Le Skaven Noir appela :
- Himmelstoss ?
Le fidèle lieutenant du capitaine Steiner arriva bien vite et se mit au garde-à-vous.
- Himmelstoss, vous allez commander le camp jusqu’à votre retour à Steinerburg. Je compte sur vous.
- À vos ordres, Capitaine Steiner !
- Parfait. Prieur, vous avez un cheval prêt à partir ?
- Non, Siggy. Moi, je vais rester ici.
L’estomac de Sigmund se noua d’un coup sec.
- Pourquoi, Prieur ? Vous n’allez tout de même pas laisser les Bretonniens vous exécuter ? Vaucanson vous a absous !
- Oui, ne t’inquiète pas, je n’ai plus l’intention de me sacrifier. Je vais payer ma dette à Vaucanson en soignant le plus de Bretonniens possible.
- Jurez-le.
- Plaît-il ?
Le regard de Sigmund se fit pénétrant.
- Jurez que vous rentrerez sain et sauf à Steinerburg, sauf si quelque chose d’imprévu vous arrive ! Je veux vous voir rejoindre mon grand-père !
Romulus poussa un petit soupir. Il soutint le regard du Skaven Noir, et articula :
- Par les Larmes de Shallya, quand j’aurai apporté mon aide auprès de tous les hommes et femmes qui en auront besoin ici, je rentrerai au plus vite à Steinerburg pour retrouver et rassurer ta famille. Maintenant, va !
- D’accord.
Himmelstoss se retira pour commencer la supervision. Sigmund et Lombard se serrèrent le poignet.
- Adieu, Sire de Lombard. Que la Dame du Lac vous guide avec sagesse.
- Adieu, Capitaine Steiner. Que Verena vous inspire toujours comme aujourd’hui.
Le Skaven Noir s’empressa de chevaucher Okapia, et prit la tête du premier convoi en direction de Steinerburg.