Le Royaume des Rats

Chapitre 69 : Un plat qui se mange froid

7890 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/12/2022 20:16

Un crissement caractéristique de freinage réveilla Romulus. Il ouvrit les yeux, mais la cagoule l’empêchait toujours de voir quoi que ce soit. Dehors, les chevaux piaffèrent. Le carrosse était arrêté.

 

-         Voilà ! Nous sommes arrivés, votre Seigneurie !

 

Quelqu’un ouvrit la portière. Le prieur entendit Yavandir Pâlerameau descendre.

 

-         Je vais vous escorter jusqu’à mon futur ex-employeur. Vous avez tout intérêt à me suivre sans faire de bêtise, Prieur. Rappelez-vous qu’ici, vous êtes on ne peut plus seul. Toute personne que nous allons croiser peut potentiellement vous envoyer directement chez Morr si vous faites un pas de travers.

 

L’Humain ne répondit que par un soupir. Résolu à tout recevoir, il se laissa guider par l’Elfe. Celui-ci lui passa de nouveau les menottes aux poignets.

 

-         Suivez-moi.

 

Des gravillons crissèrent sous les semelles des deux hommes. Romulus fit tout pour recueillir un maximum d’informations possibles avec les quelques éléments dont il disposait.

 

Des cailloux… nous sommes dans la cour, et je ne sens pas de pavés durs sous mes sandales. Ce doit être de la terre meuble. Le seigneur local – quel était son nom, déjà… De Beyle, oui – le seigneur de Beyle ne doit pas être particulièrement riche. Ces bruits métalliques sont produits par des gens qui s’entraînent au maniement des armes. Et j’entends des paroles en bretonnien. Pâlerameau doit avoir raison, il n’y a que des Bretonniens, ici. Ah, nous avons traversé la cour, je sens que nous sommes dans un endroit clos !

 

-         Attention, Prieur, il y a un escalier en colimaçon.

 

Effectivement, ils montèrent quelques dizaines de marches.

 

Probablement la tour la plus haute.

 

Au terme d’une longue ascension, ils firent encore quelques pas sur un plancher de bois qui grinçait sous leurs pieds. Le son de coups sur une porte retentit.

 

-         Entrez ! ordonna une voix impétueuse.

 

La porte s’ouvrit avec un léger couinement.

 

-         Me voilà de retour, noble seigneur, avec notre invité spécial !

 

Le bateleur retint Romulus par les épaules.

 

-         On ne bouge plus !

 

Puis, d’un geste sec, l’Elfe arracha la cagoule de la tête du prieur.

 

-         Et voilà ! La ressemblance est-elle à votre goût ?

-         Oh que oui, répondit une voix plus glacée qu’une tempête de neige du Kislev.

 

Romulus secoua la tête et cligna des yeux, aveuglé par la lumière ambiante. Quand sa vision se rajusta, il regarda les lieux pour voir où il était.

 

Yavandir l’avait guidé jusqu’à un petit bureau sobrement décoré. Il y avait quelques tapisseries simples sur les murs, ainsi qu’un blason portant trois roses rouges disposées en triangle sur fond d’or. Quelques meubles avec des livres disposés sur les étagères laissaient à penser que le bateleur l’avait emmené dans un petit cabinet de travail.

 

Romulus aperçut alors un portrait fixé sur le mur à sa gauche. Un portrait qui représentait son propre visage, avec une vingtaine d’années de moins. Il écarquilla de grands yeux surpris en fixant l’image.

 

-         Par ici, articula lentement la voix.

 

Le prêtre de Shallya pivota vers sa droite. Son cœur s’arrêta net quand il vit un Humain, richement vêtu, debout derrière son bureau. Celui-ci le regardait avec un mélange de colère et de grande jouissance.

 

-         Notre entremetteur avait raison, vous n’avez pas tant changé que ça.

-         Que… qui…

-         Allons, je vous en prie, ne me dites pas que vous avez oublié. Vous deviez pourtant vous douter que je ne resterais pas sans rien faire après un forfait aussi abominable.

 

Romulus se tut, laissant jubiler son interlocuteur. C’était un grand homme au front dégarni, aux cheveux et à la barbe coupés courts. Il devait être âgé d’une soixantaine d’années. Il n’avait pourtant rien d’un grabataire affaibli par les décennies. Au contraire, il semblait même regagner peu à peu la fougue de sa jeunesse, comme s’il était alimenté par l’énergie de la colère. Le prieur aperçut la bannière fixée au mur derrière lui, représentant un cheval blanc sur fond rouge et or. Il murmura :

 

-         Je n’ai pas oublié. Vous n’avez pas changé non plus, Monseigneur…

-         « Monseigneur » qui ? Dites-le. Prononcez mon nom.

-         Horace de Vaucanson, répondit Romulus dans un soupir.

 

Le seigneur éclata de rire.

 

-         C’est cela même ! Horace de Vaucanson, le père d’Ignace de Vaucanson, un jeune homme plein de vie et de volonté que vous avez torturé à mort, Prieur Romulus… ou devrais-je dire, Dieter Meyerhold !

 

Il avait beau s’y être préparé, Romulus eut un autre coup au cœur en entendant ce nom, le nom d’une vie de banditisme qu’il avait abandonnée plus d’une vingtaine d’années auparavant. Vaucanson sourit avec méchanceté.

 

-         Oui… j’ai passé tout ce temps à vous traquer, à faire des recherches pour retrouver le nom de l’assassin de mon fils unique ! J’avais son visage, mais découvrir le reste n’a pas été de tout repos. Seulement, j’ai fini par vous retrouver. Beaucoup vous ont cru mort il y a vingt ans, Meyerhold, mais au fond de moi, j’ai toujours senti votre présence. Comme si mon fils me disait depuis l’Avalon que son bourreau respirait toujours ! Et j’ai bien eu raison, en somme.

 

Ce ne fut qu’à ce moment que Romulus repéra une autre personne restée en retrait. C’était un Humain au teint rougeaud, aux cheveux grisonnants, et affublé d’un fort embonpoint sous sa tunique précieuse.

 

-         Ce gentilhomme est le seigneur Henri de Beyle. Il vient aussi de Bretonnie, et a eu la bonté de m’accueillir dans son château. Il dirige Pourseille, et tous les habitants des alentours lui ont prêté serment.

 

Le gros homme se rengorgea, flatté. Le prieur de Shallya n’était pas dupe.

 

Si je me fie à son regard fuyant et la sueur qu’il perd à grosses gouttes, il est évident que la plus haute autorité dans cette pièce n’est pas celle que Ludwig a validée !

 

Il décida de tirer parti de la situation.

 

-         Seigneur de Beyle, puisque vous êtes le bourgmestre de Pourseille, votre suzerain légitime est le Prince Steiner. En aidant votre compatriote à saper les forces de notre peuple, vous vous exposez à de très graves problèmes ! En avez-vous conscience ?

 

Le bourgmestre n’osa pas répondre. En revanche, Vaucanson frappa du plat de la main sur la table, contourna le meuble, et se planta rageusement devant le prêtre.

 

-         Vous n’êtes guère en position de donner à mon hôte des leçons sur la conscience, Meyerhold ! Faites bien attention à ce que vous allez dire ou faire durant votre séjour ici. J’ai le projet de vous laisser en vie pour l’instant, mais si vous usez trop ma patience, je change ce projet !

-         En parlant de projets, noble Seigneur de Vaucanson, j’ai les miens à mener à bien, rappela Pâlerameau d’un air amusé. J’ai honoré ma part du contrat, il serait temps d’honorer la vôtre !

 

Le Bretonnien grogna et jeta un regard mauvais à l’attention du bateleur. Il retourna au bureau, ouvrit un tiroir, en sortit un coffret. Il l’ouvrit, et déversa le contenu sur la table cirée. Une pluie de pièces d’or tomba sur le bois avec des tintements qui furent une musique bien agréable pour celui qui allait les empocher.

 

-         Deux mille couronnes d’or. Cent couronnes par année passée à vous traquer, Meyerhold.

-         Comme le vin, vous vous êtes bonifié avec le temps ! gloussa l’Elfe.

 

Yavandir examina longuement le tas d’or, ramassa une pièce au hasard, l’examina sous tous ses angles, et mordit dedans.

 

-         Bien, ça m’a l’air authentique.

-         Oseriez-vous mettre en doute la parole d’un serviteur de la Dame du Lac ? s’indigna Vaucanson.

-         Et vous ? N’avez-vous jamais mis en doute mes capacités, et ce dès notre première conversation ? Cela dit, vous avez eu raison de me faire confiance, et j’ai eu raison de mon côté. Les deux parties sont satisfaites.

-         En effet. Maintenant, Monsieur Olafsson, vous avez reçu votre paiement, je n’ai plus besoin de vos services, je vous prierai de bien vouloir débarrasser le plancher.

 

Yavandir Pâlerameau soutint le regard du seigneur, tout en remettant les pièces d’or dans la cassette. Il ne détourna pas les yeux une seconde. Enfin, quand il eut fermé la boîte, il la cala sous son bras, et son visage se fendit d’un long sourire.

 

-         Ce fut un plaisir de vous servir, noble Seigneur Horace de Vaucanson.

-         Plaisir pas partagé pour un sou !

-         Si ! Plus exactement quatre cent quatre-vingt mille, selon le taux actuel !

-         Suffit ! Allez faire vos bouffonneries ailleurs !

 

L’Elfe fit une révérence exagérée avec un petit ricanement.

 

-         Bon courage à vous, Prieur ! Vous allez en avoir besoin ! Mes amitiés à Shallya !

 

Il quitta la pièce en sautillant. Romulus le suivit du regard, puis fit face au seigneur Bretonnien.

 

-         Vous avez fait confiance à la mauvaise personne, Monseigneur.

-         Ah oui ? Pouvez-vous être plus explicite, Meyerhold ?

-         Pour commencer, il ne s’appelle pas « Olafsson », ou je ne sais quoi d’autre. Son véritable nom est Yavandir Pâlerameau. Je le connais bien, il a participé à la fondation de Vereinbarung, indirectement. Il a collaboré aux recherches qui ont été le point de départ de la création du Royaume des Rats. C’était… un ami.

-         Vous auriez dû mieux choisir vos amis, Meyerhold. Remarquez, on dit bien que « qui se ressemble s’assemble ».

-         Quelque chose a dérapé, chez lui, Monseigneur ! Je ne sais pas quoi, mais il n’est plus lui-même ! Pour commencer, il a pactisé avec les Skavens Sauvages !

-         Comme vous.

-         Non ! Vous ne pouvez pas comparer les habitants de l’Empire Souterrain avec les citoyens de Vereinbarung. Les Skavens du Royaume des Rats sont aussi Humains que vous et moi dans leur tête, Monseigneur. Ce sont des braves gens, qui demandent à vivre normalement. Yavandir Pâlerameau s’est encanaillé avec les Skavens Sauvages, et dans un but vraiment malveillant !

-         Aucune importance. Il a eu son dû, je n’ai plus besoin de ses services, que ce follet aille se faire pendre ailleurs.

-         Vous ne savez pas tout, Monseigneur, il y a autre chose ; pendant le trajet jusqu’à ce château, Pâlerameau a retrouvé ses complices de l’Empire Souterrain. Il y avait une autre personne que ces Skavens Sauvages semblaient craindre à cette entrevue. Je n’ai pas vu qui, mais je pense qu’il s’agit d’une personne puissante, peut-être une sorcière ! Et je ne serais pas surpris qu’elle roule tout le monde dans la farine ! Pâlerameau, les Sauvages, vous, tout le monde ! Vous ne gagnerez rien à envahir Vereinbarung. Au contraire, vous finirez par être acculé, puis vaincu ! Je parie qu’à cette heure, les troupes du Prince sont déjà en route !

 

Le seigneur Bretonnien ricana.

 

-         J’ai suffisamment de vivres et de troupes pour résister à tous les Royaumes Renégats !

-         Quand bien même ce serait vrai, pensez-vous que votre armée pourrait aussi résister aux forces du Chaos ?

 

Cette fois-ci, le front de Vaucanson se creusa de perplexité.

 

-         Quelles forces du Chaos ?

-         Pâlerameau ne vous a pas dit qui était son vrai maître ? Prospero Steiner a été empoisonné par les cultistes de Tzeentch, le Dieu du Changement. Pâlerameau fait partie de la secte de la Main Pourpre, tout comme très certainement sa complice sorcière. Ils veulent nous monter les uns contre les autres afin de créer un chaos généralisé, et en profiter pour nous envahir. Votre vengeance n’est qu’une étape dans leur plan qui consiste à transformer tout Vereinbarung en tas de cendres. Les Skavens Sauvages déciment nos villages d’un côté, vous les annexez de l’autre. Nos forces vont passer à l’action, mais une fois que nous nous serons tous entretués, vous pouvez être sûr que le vainqueur sera achevé par la Main Pourpre, qui qu’il soit !

 

Le seigneur de Vaucanson croisa les bras, et sembla réfléchir. Pendant un bref instant, Romulus se prit à espérer lui avoir donné des arguments valables pour « changer ses projets ». Il déchanta bien vite.

 

-         Peu importe, Meyerhold. Ce bouffon pathétique ne pourra jamais monter un plan d’invasion suffisamment efficace. Quand bien même il le ferait, je suis sûr que mon armée saura mater ces tristes sires. Vous ne me croyez pas ?

-         J’ai du mal à vous croire, Monseigneur. Nous avons eu un petit aperçu de ce dont les agents de la Main Pourpre sont capables, ça n’a rien d’une plaisanterie.

-         Alors, je vais vous montrer que je ne plaisante pas, moi non plus.

 

Vaucanson se pencha à la fenêtre, et cria vers la cour.

 

-         De Villefort ? Montez, voulez-vous ?

 

Un instant plus tard, un grand homme portant une armure de chevalier entra dans la pièce. Ce nouvel arrivant était un gentilhomme plus jeune que Vaucanson d’une quinzaine d’années. Son œil était vif, sa barbe en collier et sa moustache poivre et sel finement taillés. Même si sa jeunesse s’était envolée, il restait athlétique d’apparence. Il émanait de sa personne une assurance certaine, ainsi qu’une impression de loyauté à toute épreuve. L’homme écarquilla les yeux de surprise quand il vit Romulus.

 

-         Réginald de Villefort est mon aide de camp, expliqua Vaucanson. De tous les Bretonniens en ce bas monde, c’est celui qui m’est le plus fidèle. Inutile de tenter quoi que ce soit comme pour de Beyle, ce sera peine perdue, autant que vous le sachiez tout de suite. De Villefort, voici notre homme. Oui, c’est bien Dieter Meyerhold. Vous pouvez être surpris, cet Elfe ne s’est pas joué de nous.

-         Ravi de le constater, mon Lige, répondit de Villefort d’une voix claire. Qu’allons-nous en faire ?

-         Nous allons le conduire à sa cellule, mais auparavant, je souhaite qu’il voie nos effectifs, et qu’il comprenne que ses espoirs sont vains.

-         À vos ordres, mon Lige.

 

Vaucanson jeta un bref regard vers de Beyle.

 

-         Maintenant que les présentations sont faites, vous pouvez vaquer à vos occupations.

 

Le gros homme quitta prestement la pièce, sans mot dire. Romulus fit la moue. Vaucanson s’en rendit compte.

 

-         La façon dont je parle à mes compatriotes ne vous regarde pas, Meyerhold. Certes, de Beyle est l’hôte pour le moment. Mais quand j’en aurai fini avec votre ami hérétique, je serai le seul vrai Prince. De Beyle s’est déjà fait à cette idée. Maintenant, descendons. De Villefort ?

-         Mon Lige ?

-         Restez derrière ce bandit. Au moindre geste suspect, assommez-le.

-         Bien, mon Lige.

 

Les trois hommes sortirent du bureau, redescendirent l’escalier, et parvinrent dans la cour. Romulus cligna des yeux, et contempla attentivement les alentours. L’espace faisait environ trois cents yards de longueur, et deux cents yards de largeur. La muraille qui entourait les lieux était haute d’une quinzaine de pieds. Outre le donjon dont ils venaient de sortir, il y avait plusieurs bâtiments annexes dans l’enceinte du château. Le prieur distingua une petite chapelle qu’il imagina consacrée à la Dame du Lac. Il repéra également les écuries, une grange où des paysans entassaient des sacs de nourriture, et au fond, le bâtiment le plus éloigné de l’entrée principale, la caserne, où se trouvaient les cachots. C’était vers cet édifice qu’ils se mirent en marche.

 

Romulus vit plusieurs dizaines de soldats en uniformes typiquement bretonniens. Certains s’exerçaient avec des hallebardes, d’autres répétaient des enchaînements au gourdin. Dans un coin de la cour, à quelques yards de la caserne, une quinzaine d’entre eux utilisaient des arbalètes.

 

Un chevalier approcha. Il était grand, large d’épaules, et au teint de bronze. Il passa sa main gantée dans sa crinière blonde, et sourit à l’approche des trois hommes.

 

-         Monseigneur, mes respects !

-         La Dame du Lac veille sur vous, Lombard. Alors, où en sommes-nous ?

-         Comme vous pouvez le constatez, mon Lige, nos troupes continuent leur entraînement sans relâche. L’utilisation de ces armes n’a plus de secret pour nous. Les hommes de Pourseille sont motivés, et on compte déjà plusieurs dizaines de villageois locaux qui ont écouté la voix de la raison et accepté de renforcer nos rangs.

 

Sire Guillaume de Lombard balaya les alentours des bras.

 

-         Voyez ! L’armée de votre Prince peut venir, elle se fracassera sur nos murailles. Ici, nous sommes bien installés, bien équipés, nous avons des vivres en suffisance. Qu’en pensez-vous ?

 

Craignant une réaction violente de la part de l’un ou l’autre des Bretonniens devant lui, Romulus garda le silence. Mais il ne pouvait s’empêcher de penser :

 

D’accord, ils sont nombreux, leur équipement a l’air de bonne qualité, mais ils restent bien inférieurs en nombre à notre armée ! À moins qu’ils n’aient un atout secret, quand les troupes de Ludwig arriveront, ça va être un massacre !

 

L’assurance de Guillaume de Lombard lui parut plus risible encore. Le porte-étendard était aussi inconscient qu’un Gobelin illettré qui avait cloué trois planches sous une marmite et qui prétendait chauffer un pays entier plus efficacement qu’avec une chaudière géante Naine. Il préféra changer de sujet.

 

-         C’est étonnant, je croyais que les Bretonniens n’utilisaient pas les armes plus élaborées que les arcs ?

-         Nous rejetons toujours les armes à poudre, mais j’ai décidé de m’adapter. Depuis une demi-douzaine de saisons, je m’entraîne avec acharnement au maniement de l’arbalète. Et je puis affirmer, sans exagérer, être un expert en la matière.

 

Vaucanson regarda quelques instants les arbalétriers à l’exercice. Il adressa au prieur un sourire satisfait.

 

-         Oui, votre Prince peut envoyer ses troupes, nous serons prêts à les recevoir. Nous allons attendre patiemment leur venue.

 

Il ramassa une des arbalètes posées sur une table, et l’arma.

 

-         Au fait, si par malheur vous aviez le culot de tenter de quitter la cellule dans laquelle je m’apprête à vous faire enfermer…

 

Vaucanson jeta un bref coup d’œil vers le ciel. D’un geste, il leva l’arme, et pressa la détente. Le carreau partit à la verticale. Un instant plus tard, une buse tomba sur les graviers, le corps transpercé par le projectile de métal.

 

-         Un tir à la tête vous tuerait, ce serait trop doux pour vous. En revanche, un carreau laissé dans votre mollet fera pourrir votre jambe, puis le reste de votre carcasse, ce qui sera infiniment plus approprié.

 

Romulus ne répondit pas, terrifié par le geste que venait d’accomplir Vaucanson.

 

Il est bon tireur… mais surtout, il vient d’enfreindre le code de la Chevalerie qui interdit les armes à distance ! Et Lombard ne réagit pas ! La notion d’honneur ne doit plus rien représenter pour ces gens !

 

-         Bien, continuez, Lombard.

-         Nous règnerons sur Vereinbarung, mon Lige.

 

Romulus remarqua alors un petit détail : l’aide de camp, Villefort, n’avait rien dit, mais son regard n’était guère approbateur. Comme si lui doutait de quelque chose.

 

Tous trois arrivèrent jusqu’au fond de la cour, où se trouvait la caserne. Ils descendirent un escalier adjacent au bâtiment, jusqu’au sous-sol. Villefort sortit un gros trousseau de clefs d’une de ses poches, et ouvrit la porte. Ils entrèrent dans un long couloir sombre et humide, avec des cages fermées de chaque côté.

 

-         Vous serez logé dans la pièce du fond, celle avec une porte renforcée.

 

En passant devant les cellules, Romulus sentit son cœur se compresser. De l’autre côté des barreaux, il vit des Skavens. Hommes, femmes, enfants, tous nus et couverts de chaînes. Quelques-uns levèrent le museau à son passage. Leur souffle était irrégulier, leur respiration haletante, leur regard vide. Certains adultes portaient d’évidentes traces de coups sur leur corps.

 

-         Qu’est-ce que vous avez fait, Vaucanson ?

-         La justice bretonnienne, Meyerhold.

 

Il vit une jeune femme-rate pleurer en silence. Cette fois, il ne retint pas sa colère.

 

-         Vous enfermez des femmes et des enfants innocents ? Où avez-vous donc laissé votre compassion ? Au fond des latrines ?

-         J’ai mis en cage des animaux dangereux. Notez qu’ils ne sont pas maltraités, j’ai l’impression que les citoyens à qui je les ai confisqués tiennent à eux.

-         Bien sûr, qu’ils tiennent à eux ! Ces prisonniers que vous qualifiez d’ « animaux » ne sont pas du bétail, mais leurs enfants et leurs petits-enfants !

-         Cela les rend d’autant plus dociles. Vereinbarung n’est pas un endroit si difficile à conquérir, il semblerait.

 

Romulus s’arrêta, et foudroya le seigneur Bretonnien du regard.

 

-         Vous êtes un criminel !

-         Je ne suis pas un tortionnaire de jeunes gens, contrairement à vous.

-         Quoi que j’aie pu faire par le passé, cela ne vous donne aucun droit sur ces Skavens ! Vous devez les rendre à leurs familles !

-         Oh, je le ferai. Peut-être dans cet état, peut-être à l’état de cadavres. Tout dépendra de leur comportement, et du vôtre.

 

Vaucanson poussa Romulus d’une bourrade. Ils continuèrent à marcher jusqu’au bout du couloir, et franchirent une lourde porte munie d’une petite ouverture grillagée.

 

-         Voilà, nous sommes arrivés. Voici l’endroit où vous attendrez la fin de vos jours.

 

Le prieur de Shallya sentait son cœur battre à tout rompre. Il n’avait pas tellement peur pour sa vie, mais il avait beaucoup de ressentiment envers Vaucanson.

 

-         Vous avez causé beaucoup de souffrance, et vous vous apprêtez à faire empirer les choses ! Vos projets d’annexion vont provoquer encore plus de morts, aussi bien chez nous que chez vous !

-         J’ai consacré vingt ans de ma vie à cette vengeance, Meyerhold ! Rien ne m’arrêtera, surtout pas vos belles paroles !

-         Mais qu’en est-il de votre peuple ? Je sais que ce n’est pas à moi de vous faire la remarque, mais avez-vous pensé aux habitants du Montfort ? Votre vengeance ne vous a-t-elle pas éloigné de votre devoir de Suzerain ?

 

Vaucanson serra le poing, et le brandit juste devant l’œil du prieur. Il murmura dans un souffle, le visage crispé de colère :

 

-         Vous avez raison, Meyerhold. Ce n’est pas à vous de me faire la remarque. Je n’ai pas failli envers mes vassaux. Jamais. Et j’irai même plus loin : il ne s’agit pas seulement d’une vengeance, mais aussi de la justice. Le Maître Mage du Royaume des Rats est mort, maintenant. Prospero Steiner était le chaînon entre nous et cette vermine que vous prétendez égale à nous. Sans lui, tout va s’effondrer. Les hommes et les hommes-rats vont s’entretuer en quelques semaines, peut-être un mois. Et pendant ce temps-là, mes troupes vont se rassembler. Avec la bénédiction de la Dame du Lac, mes chevaliers et mes soldats vont nettoyer toute cette aberration que votre Prince appelle « Vereinbarung ». Des terres fertiles, avec de bonnes conditions climatiques, relativement isolées, ce qui n’attisera pas trop les convoitises. Je laisserai derrière moi le Montfort, et toute l’amertume qui l’embourbe. Le Royaume des Rats deviendra le Val du Cresson – la racine du nom de ma lignée. Et je serai un digne Prince, qui pourra rivaliser avec les seigneurs de ce maudit pays natal qui ne m’aura apporté que déception !

-         Votre Roy laissera faire une telle chose ?

-         Votre Empereur se fiche de ce qui se passe en dehors des frontières de son Empire, tant que ça ne menace pas sa sécurité. Le Roy Louen Cœur de Lion n’est en rien différent !

-         Il ne peut laisser un de ses chevaliers salir la Courtoisie Bretonnienne.

 

Le Bretonnien frappa le prieur d’un solide coup de poing dans le ventre. Romulus tomba à genoux en gargouillant. Entre deux inspirations douloureuses, le prieur entendit la voix cinglante du vieil homme.

 

-         Que connaissez-vous de la Courtoisie Bretonnienne ? Vous, un vulgaire assassin ? Votre argument n’a aucune validité, Meyerhold. Je fais ce que je veux, tant que la Dame du Lac ne me dit pas clairement d’arrêter ! Et si ça ne convient pas au Roy, je lui expliquerai en quoi j’agis dans l’intérêt de notre pays. Et quand cette province sera annexée, il fera de moi un héros !

-         Vous oubliez les Skavens Sauvages et la Main Pourpre…

-         Vous vous répétez, encore et encore ! Alors je vous répète ce que je vous ai déjà dit : qu’ils viennent donc ! Je les exterminerai tous ! Et les citoyens de Vereinbarung – les Humains, les vrais – seront acquis à ma cause ! Ils se battront à mes côtés pour protéger ces terres, qui resteront leur foyer, mais qui seront à moi ! Allons, Villefort, j’en ai assez. Laissons pourrir cet assassin d’enfant.

 

Les deux Bretonniens quittèrent la cellule. De Villefort ferma la porte et tourna la clef dans la serrure. Le prieur parvint à se remettre debout.

 

-         À présent, vous allez attendre. Quand notre réussite sera totale, vous sortirez de cette cellule afin de consommer entièrement votre échec. Alors seulement, je vous délivrerai pour l’éternité de cette vie dont vous n’avez pas été digne.

 

Romulus décida de jouer son va-tout. Il se jeta sur la porte, et cria à travers la petite ouverture :

 

-         Vous ne vous rendez pas compte de la réalité, Monseigneur ! L’armée de Vereinbarung est deux fois, trois fois, cinq fois plus nombreuse que la vôtre ! Même si elle devra se battre contre plusieurs adversaires, ses effectifs resteront bien plus élevés que vos forces ! Vous n’avez aucune chance ! Tout ce que vous obtiendrez, c’est une défaite cinglante et encore plus de centaines de vies fauchées ! Écoutez, Monseigneur, cessez cette folie ! C’est moi que vous vouliez, vous m’avez eu ! Faites de moi tout ce que vous voulez, mais épargnez nos deux peuples !

 

Horace de Vaucanson ne ralentit même pas le pas. Romulus se laissa tomber sur le matelas de paille, ses espoirs réduits à néant.

 

De nouveau à l’extérieur, l’aide de camp s’autorisa à exprimer son avis.

 

-         Déclarer la guerre au Prince Steiner n’était peut-être pas une bonne idée, mon Lige.

-         Ah oui ? Pouvez-vous me dire pourquoi ?

-         Je repense à ce qu’a dit le prieur : les rats vont envoyer leur armée jusqu’ici, et il n’est pas dit que nous l’emportions.

-         J’ai confiance en nos troupes et en celles de Beyle, ainsi qu’en la solidité de son château. En tout cas, bien plus qu’en les paroles d’un meurtrier. N’oubliez pas que ce prieur a assassiné mon fils. Quant aux larbins du Prince Steiner, ils ne pourront pas se permettre d’envoyer leur armée complète, et nous avons de quoi tenir un siège. Olafsson m’a garanti que leurs forces seront divisées sur plusieurs fronts, et ne pourront par conséquent être efficaces.

 

Villefort grommela.

 

-         Je n’aime pas tellement ce vaurien d’Elfe, mon Lige.

-         Moi non plus, mais je dois reconnaître qu’il est compétent dans son domaine.

-         Ne craignez-vous pas qu’il se soit servi de vous ? C’est lui qui vous a poussé à envoyer Guillaume de Lombard pour provoquer le Prince Steiner à propos du meurtre du Maître Mage. Olafsson espère peut-être vous voir renversé par les rats géants ?

 

Le visage d’Horace de Vaucanson s’empourpra.

 

-         Auriez-vous des doutes quant à notre victoire, Villefort ?

-         Je n’ai aucun doute sur nos troupes, qu’il s’agisse de leur loyauté, ou de leurs capacités. Mais j’essaie de comprendre quels sont les intérêts de cet Olafsson, et les nôtres ?

 

Les deux hommes marchaient toujours le long du rempart. Les soldats se mettaient au garde-à-vous sur leur passage. Vaucanson expliqua :

 

-         Olafsson a son propre plan, admettons. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais je m’en contrefiche, ce n’est pas nom problème. Si ce follet se met en travers de notre chemin, nous le balaierons. Et pour ce qui est de nos intérêts… n’oubliez pas que nous faisons cela pour la gloire de la Bretonnie, Villefort.

-         La gloire de la Bretonnie… êtes-vous sûr ?

 

Le Seigneur Bretonnien s’immobilisa, et se tourna vers son aide-de-camp.

 

-         Que voulez-vous insinuer, Villefort ?

-         Ne confondez-vous pas les intérêts de la Bretonnie avec une soif de conquête malsaine ?

 

À ces mots, Vaucanson se jeta sur Villefort, et le saisit par le col, des deux mains. L’aide de camp s’apprêta à réagir en voyant le visage de son suzerain tordu par la rage, mais ce dernier se figea. Son visage se décrispa, il relâcha son étreinte, et rajusta les vêtements de Villefort.

 

-         Je vous prie d’excuser cette perte de contrôle passagère, fidèle Villefort. Je comprends votre interrogation, mais je vous assure que je fais cela pour la Bretonnie. Vous l’avez dit vous-même : Olafsson n’est qu’un vaurien. Une fois que nous aurons maîtrisé l’armée régulière, nous marcherons sur Steinerburg. S’il s’y trouve, il pourrait mourir pendant ces tristes événements… et le monde ne s’en portera pas plus mal. Nous annexerons ce Royaume des Rats et nous en ferons une colonie pour le Montfort. Notre terre au pays, considérée jusqu’à présent comme l’une des plus ingrates de la Bretonnie, connaîtra un essor sans précédent grâce à nos efforts et grâce aux ressources de Vereinbarung : les richesses de ses terres, et sa main-d’œuvre. Les rats géants feront de parfaits esclaves.

 

Vaucanson reprit sa marche, Montfort le suivit.

 

-         Mon Lige, que diront les citoyens de Vereinbarung ? Je veux dire les citoyens Humains ?

-         Nos lois leur permettront d’échapper aux travaux les plus pénibles.

-         N’oubliez pas les paroles de Meyerhold : les Skavens de la première génération ont tous été élevés par des Humains ! Ceux-ci les considèrent comme leurs enfants. Si nous faisons d’eux des esclaves, les citoyens Humains vont très certainement mal le prendre ! Regardez déjà quelle a été la réaction de notre « invité ». Il était sincère ! Il associe les hommes-rats à notre race ! D’autres pensent forcément comme ainsi !

-         Nous avons bien réussi à mettre au pas les habitants des villages aux alentours. Les citoyens nous ont prêté allégeance, et les rats géants sont au cachot.

-         Vous avez raison, mais il s’agit de petits villages peu ou pas défendus. Il n’en sera pas de même pour les villes plus importantes, ou la capitale ! Même quand nous les aurons soumis, les habitants de Vereinbarung vont protester, peut-être se révolter !

 

Une fois de plus, le regard du vieil Humain se fit impitoyable.

 

-         Qu’ils protestent, ils n’auront pas le choix. Qu’ils se révoltent, ils subiront le même sort. On verra s’ils seront toujours aussi prompts à considérer comme leurs égaux cette progéniture hérétique. Par ailleurs, je doute que tous les Humains considèrent les Skavens comme leurs égaux. Je pense plutôt que nombre d’entre eux seraient ravis de les voir remis à la seule place qu’ils ont le droit d’occuper. Maintenant, je vais me retirer. Veillez à ce que nos forces soient prêtes à recevoir les soldats du Prince Steiner quand ils viendront.

-         À vos ordres, mon Lige.

 

Vaucanson crut percevoir du désaccord dans la voix de l’aide de camp, mais ne voulut pas réfléchir davantage.

 

Au lieu de regagner le bureau, il se rendit dans la salle de réception. C’était une grande pièce au plafond bas, avec une grande peau d’ours étendue au pied d’une estrade sur laquelle était fixé un lourd trône de marbre. À vue de nez, cet objet valait plus d’argent que tout le reste du mobilier de tout le château. C’était sans doute le bien le plus précieux du seigneur de Beyle. Il avait dû faire des économies pendant des années, tout en taxant au plus ses vassaux, de Bretonnie ou des Royaumes Renégats, pour pouvoir se l’acheter. Le Bretonnien croisa les bras, et contempla le siège.

 

Bientôt, ce sera le trône du Royaume des Rats ! Je le ferai déplacer dans le palais de la Petite Couronne ! De Beyle n’aura qu’à récupérer celui de Steiner. Lombard m’a dit qu’il était en bois. Ce sera parfait pour ces lieux, et ça rappellera à de Beyle quel est son rang.

 

Horace de Vaucanson aimait prévoir et anticiper. Il était doué pour affirmer sa présence, aussi. Et donc, il avait fait décrocher la bannière de Beyle, tendue derrière le trône, pour la remplacer par la sienne. Le cheval doré se cabrait sur un fond rouge.

 

Il tira légèrement la bannière, et révéla une porte dissimulée derrière. Il monta les quelques marches de pierre qui menaient dans une pièce sous les combles de la tour. C’était son armurerie personnelle, où il avait entreposé ses armes, son armure d’apparat, et celle qu’il utilisait pour le combat. Plusieurs épées de bonne facture étaient posées sur un râtelier. Il en saisit une au hasard, puis fit quelques moulinets. Il se plaça face au mannequin posé dans un coin de la salle, et enchaîna des passes.

 

Les années s’étaient accumulées, mais le seigneur Horace de Vaucanson n’avait jamais négligé son entraînement. Un vrai chevalier digne de ce nom devait être capable de prendre les armes et de s’en servir jusqu’à la fin de ses jours, même si celle-ci devait venir par le temps plutôt que par le combat. Au bout de quelques minutes, il rangea l’arme sur le râtelier. Il s’essuya le front du revers de la manche, et voulut faire un autre exercice.

 

Il approcha d’un présentoir fixé au mur sur lequel était posée son arbalète personnelle, de bien meilleure qualité que celles avec lesquelles ses soldats étaient en train de s’entraîner. Il s’en empara avec précaution, vérifia son calibrage, posa un carreau dans l’encoche, la remonta, et se pencha à la fenêtre. Il repéra un vol de canards au-dessus du lac voisin. Il pressa la détente. Quelques secondes plus tard, le malheureux volatile gisait au bord de l’eau claire, qui se teinta en rouge.

 

Rien ni personne ne m’échappe, se flatta le seigneur de Vaucanson. Il prit le temps de graisser l’arme, puis il la rechargea avant de la remettre en place sur le présentoir.

 

Dehors, le ciel était cuivré, le soleil se couchait. Le Bretonnien contempla quelques instants l’extérieur. Tout était calme, le calme avant une tempête violente, à n’en pas douter.

 

C’est alors qu’il l’entendit. Une voix juvénile, énergique et un peu moqueuse retentit clairement à ses oreilles.

 

-         Ainsi, vous touchez au but, après tout ce temps…

 

Sans se retourner, Vaucanson marmonna :

 

-         Oui. Je l’ai retrouvé et capturé.

-         Bien, très bien ! Enfin, votre patience est récompensée. Et qu’en est-il de votre cœur ? Est-ce que vous vous sentez soulagé ?

-         Hum… Pas encore. Il est trop tôt pour le dire.

 

Le Bretonnien s’appuya au rebord de la fenêtre, et contempla l’horizon.

 

-         Bientôt, bientôt j’en aurai fini avec ces hérétiques, et vous pourrez trouver le repos.

-         Peut-être bien que oui… et peut-être pas ? Qui sait où peuvent nous mener les choses ? Est-ce que vous trouverez le repos ?

-         Peu importe.

-         Êtes-vous sûr de ne pas vous engager sur un chemin dont vous ne pourriez plus vous détourner ? Un peu comme une barque prise dans un torrent ?

-         Je vous en prie… Villefort m’a tenu le même discours.

-         Peut-être a-t-il bien raison ? La barque risque fort de se fracasser sur un rocher !

 

Vaucanson se retourna vers l’intérieur de la pièce et cria :

 

-         Assez !

 

Ses yeux furibonds balayèrent la pièce du regard, à l’affût du moindre mouvement. Mais il ne perçut rien. Il grogna, dents serrées :

 

-         J’ai consacré vingt ans de ma vie à cette revanche. Ne faites pas preuve d’ingratitude, je vous prie. Quand j’en aurai fini avec les rats, je m’occuperai de Meyerhold. Chaque chose en son temps.

 

Il n’y eut pas de réponse, cette fois. Satisfait, Horace de Vaucanson quitta la réserve d’armes.

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