Le Royaume des Rats

Chapitre 62 : Au pied du mur

8132 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/08/2022 19:44

La chaleur peut ralentir un peu le rythme d’écriture, mais elle ne réduira pas l’inspiration. L’histoire continue. J’espère que vous autres, hommes-rats et femmes-rates, vous portez bien, profitez de l’été, et serez en pleine forme pour la rentrée. N’hésitez surtout pas à me donner votre avis sur mes écrits, je me ferai un plaisir d’y répondre.

 

Gloire au Rat Cornu !

 

 

Le soleil avait bien du mal à réchauffer les cœurs. Le ciel était couvert de nuages gris, et un vent bien plus froid qu’à l’accoutumée à cette période de l’année avait subitement déferlé sur Steinerburg. Les sifflements qui résonnaient sous la voûte du temple de Shallya insufflaient aux lieux une atmosphère anormalement pesante et inquiétante. Personne ne semblait rassuré alors que le prieur Romulus monta dans la chaire afin de clore la messe avec un sermon. En raison de ses fonctions d’aumônier princier, ce genre d’occasion se faisait rare.

 

Romulus embrassa du regard toute l’assemblée. Au premier rang, bien sûr, il y avait la famille Steiner. Gabriel semblait plus ou moins remis de ses émotions, après l’assaut contre la créature du Chaos de la veille. Sœur Judy Hoffnung avait pris soin de lui, et n’avait relevé que quelques petites écorchures dues au rosier. Son pelage l’avait protégé des épines du buisson, et son visage avait été fort heureusement épargné. Une fois la nuit passée, Bianka l’avait raccompagné au domaine Steiner, puis tous étaient revenus tous ensemble pour la messe.

 

Bianka restait stoïque et immobile, si l’on exceptait un petit geste par-ci par-là pour se gratter. Isolde et Heike, côte à côte, affichaient toutes deux une mine bien sombre. La petite dernière de la famille avait l’air particulièrement triste. Elle adorait habituellement ce temps de prière et de réflexion autour des paraboles de la Déesse de la Compassion, mais la peur et le chagrin étaient devenus trop forts pour son enthousiasme. Enfin, les deux garçons, Gabriel et Kristofferson, attendaient le début du sermon. Gabriel, en particulier, sous un masque de concentration, était terrifié. Les événements de la nuit précédente lui faisaient craindre le pire. Pour lui, les Dieux avaient planifié sa punition qui n’attendait plus qu’une occasion pour tomber.

 

Derrière les Steiner, les plus hauts membres de la société de Steinerburg attendaient silencieusement. Walter Klingmann avala sa salive. Le prévôt Tomas se frotta le menton, et sentit un muscle de son visage frémir nerveusement au son provoqué par une quinte de toux de la fille aînée du maître mage.

 

La voix puissante que le prieur Romulus réservait à ses sermons traversa le temple d’un bout à l’autre.

 

« Mes bien chers frères, mes bien chers sœurs, avant de vous quitter, j’aimerais vous parler d’un lien. Le lien qui est le point de départ de Vereinbarung, ce lien si particulier qui nous unit tous. Nous sommes tous ici, dans la nef de ce temple restauré et réhabilité en un temps record grâce à ce lien. »

« Cela fait six ans que le Royaume des Rats a été officiellement créé. Ses frontières étaient déjà définies, ses bases étaient présentes, même si elles étaient dans un triste état dû à l’abandon. Aujourd’hui, la ville de Steinerburg est resplendissante. Bien sûr, le travail est loin d’être terminé, mais nous sommes en bonne voie, et je ne doute pas de voir un jour notre capitale devenir un joyau pour tous les souverains des Royaumes Renégats. »

« Jamais nous ne serions parvenus à devenir ce Royaume sans votre courage, votre abnégation, et votre bonne volonté. Vous autres, les Humains, avez accepté de créer ou d’intégrer une société dont les règles diffèrent de celles auxquelles nous avons été habitués pendant plus de vingt-cinq siècles. La principale différence est le regard que nous portons sur celui qui est différent. Les enfants de l’Empire Souterrain sont devenus vos enfants, nos enfants, et ceux-ci prennent pleinement leur place dans la société. Vous, les Skavens, vous êtes devenus de vrais citoyens à part entière, jouissant des mêmes droits et devoirs. Certains d’entre vous ont même fondé une famille. »

« Malgré la différence, il y a un lien, comme je vous le disais. Ce lien, c’est la confiance envers les mêmes Dieux. Ce lien, c’est l’amour pour la vie elle-même, l’amour inspiré par Shallya. Ce lien, c’est le désir d’avoir des lois justes et équitables dictées par la sagesse de Verena. Ce lien, c’est la force de s’unir pour une victoire commune et se défendre contre l’adversité, comme le fit Sigmar lorsqu’il fonda l’Empire, un exploit tel que les Dieux firent de lui l’un des leurs. »

« Depuis quelque temps, vous le savez tous, des gens étrangers, des conspirateurs mal intentionnés, cherchent à mettre à mal ce que nous avons construit ensemble ; certains sont aux portes de Vereinbarung, et notre Prince est en train de prendre les dispositions pour les faire partir, par un accord, ou par le combat. Mais d’autres utilisent des moyens bien plus vicieux. »

« Inutile de vous le cacher plus longtemps, les rumeurs ont remonté jusqu’à vous, et certaines sont fondées : il y a eu ces dernières semaines un véritable travail de sape. Des enfants ont été arrachés à leurs parents. Des gens ont brutalement disparu. La famille princière a elle-même été durement frappée par le meurtre du Maître Mage, et d’autres tentatives ont suivi. »

 

Le prieur fit une pause, le temps de laisser quelques murmures survoler l’assemblée. Il avait été impossible de complètement étouffer l’attaque de la veille. Au moins, il avait confirmé la présence d’une menace sans la nommer précisément. Il y eut quelques regards compatissants, mais Romulus fut navré de distinguer çà et là de la fausse sympathie. Les convenances n’étaient qu’une couche de vernis, pour qui voulait rester dans les bonnes grâces des gens de pouvoir. Il se sentit davantage désolé pour ses amis au premier rang, car pour les Skavens, la différence était encore plus flagrante : le sourire affiché ne s’accordait pas à l’odeur émise par le corps.

 

Heureusement que Sigmund n’est pas là, il n’aurait sans doute pas apprécié…

 

« Cette menace rampante s’est infiltrée jusque dans les milieux les plus élevés de notre société. Personne n’est à l’abri. Mais nous devons garder l’espoir, et maintenir haute notre tête pour braver cet ouragan. Notre Souverain, le bienveillant Prince Ludwig Steiner le Premier, me l’a rappelé tantôt : tant que nous resterons vigilants, tant que nous resterons unis, rien ne pourra jamais effriter ce lien tissé par nos Dieux. Nos ennemis vénèrent des divinités impies et blasphématoires, mais la différence, c’est que ces divinités ne se soucient guère de leurs fidèles comme le font Sigmar, Verena ou Shallya. Les Dieux du Chaos considèrent leurs serviteurs comme des instruments ou des jouets bons à être jetés quand ils sont cassés. Nos Dieux nous ont façonnés, nous ont insufflé une âme, ils nous aiment sincèrement, et nous protègeront aussi longtemps que nous leur rendrons cet amour. »

« N’oubliez pas, mes frères, mes sœurs, que dans l’adversité, la Foi vous protège plus que mille boucliers, et éclaire votre chemin dans les ténèbres avec plus de puissance que mille flambeaux. »

 

Au moment de préparer son sermon, Romulus avait pensé à rajouter un paragraphe faisant allusion aux ennemis dissimulés dans les rangs, pour pouvoir les invectiver, mais il avait rapidement abandonné cette idée. Il n’était pas nécessaire de provoquer un vent de panique.

 

« Continuez à faire confiance aux Dieux, laissez-les vous inspirer le courage face à ces terribles épreuves, et ensemble, nous sortirons vainqueurs. Allez en paix, et gardez espoir. »

 

Il fit un geste en direction des portes, qu’un clerc s’empressa d’ouvrir. Le grincement des gonds des lourdes portes de bois se mêla au raclement des pieds des bancs sur la pierre. Les membres du public sortirent sans traîner pour regagner la vie de tous les jours.

 

Bianka avait passé toute la messe à réfléchir sur son plan de bataille. La mise en place du piège était prévue pour l’après-midi, à deux heures. Renseignement pris, elle savait où logeait son principal suspect. Elle réfléchissait au chemin qu’elle emprunterait pour se rendre sur place. Il fallait un itinéraire rapide et discret à la fois. Ses récentes pérégrinations dans la Souricière lui avaient fait prendre conscience de l’importance de ce genre de détail.

 

C’est alors qu’elle aperçut un visage familier. Son cœur se serra. Elle se tourna vers les siens.

 

-         Excusez-moi, je vous rejoins dans une minute.

 

Sans attendre de réponse, elle fendit la foule qui franchissait peu à peu les portes du temple. Elle se retrouva finalement à portée de voix de la silhouette qu’elle suivait.

 

-         Bernhardt !

 

Le bibliothécaire, car c’était lui, sursauta en entendant la voix de la Skaven blonde. Il pivota sur ses talons.

 

-         Oh… Bonjour, Grande Archiviste.

 

La jeune fille-rate sentit la fragrance de la panique suinter du pelage du Skaven ventripotent. Elle n’en fut que plus gênée.

 

C’est donc ça que je lui inspire ?

 

Certaines personnes qui occupent un poste à responsabilité mesurent leur réussite au degré de peur qu’elles instillent dans le cœur de leurs subordonnés. Heureusement, Bianka n’avait pas été éduquée dans cette mentalité, comme sa mère le lui avait rappelé avant leur thé avec les Finston, une éternité plus tôt.

 

-         Écoutez, Bernhardt, je… je suis… désolée, pour avant-hier.

-         Pour… oh, ce n’est rien.

-         Vous êtes quelqu’un de sérieux, travailleur, et vous avez voulu être prévenant… Je n’aurais pas dû vous crier dessus.

-         Vous n’avez pas à être désolée, Grande Archiviste. Vous avez tellement de raisons d’être accablée, en ce moment…

-         Ce n’est pas une raison pour me défouler sur les autres, en particulier quand ils ne veulent que mon bien.

 

Bernhardt ne répondit que par un petit sourire. Bianka n’osa pas le lui rendre.

 

-         Excusez-moi, je dois y aller.

 

Et sans lui laisser le temps de répondre, elle tourna les talons, et rejoignit sa famille.

 

-         Tout va bien, ma chérie ? demanda Heike.

-         Oui, oh… Juste une petite mise au point à faire.

 

Personne n’ajouta rien. Mais Kristofferson eut une petite moue songeuse. Contrairement aux autres, il avait vu à qui sa sœur s’était adressée.

 

*

 

Frère Arcturus fut le dernier à franchir les grilles du domaine Steiner. Comme les autres, il avait été fouillé par les gardes, et leur avait confié son marteau, malgré son statut de prêtre de Sigmar, afin de jouer le jeu et rassurer ses hôtes.

 

Alors qu’il approchait du manoir, il repéra trois personnes : il reconnut les deux plus jeunes enfants du couple d’hommes-rats adoptés par le Prince, en train de jouer avec la fidèle servante de la famille, une femme blonde plantureuse.

 

Marianne, Margerie… Comment s’appelle-t-elle, déjà ?

 

Un peu de gentillesse et d’innocence n’étaient pas déplaisants à regarder, en ces temps de plus en plus troublés par la peur et la suspicion. Ces sentiments pouvaient pousser le plus honnête des hommes à voir des ennemis prêts à tuer partout. Le prieur de Sigmar avait fui l’Empire quand il avait entendu parler de Vereinbarung et de son étrange projet, à la fois poussé par les méthodes « classiques » des Sigmarites qu’il jugeait extrêmes et attiré par la curiosité. L’envie de contribuer à la construction d’une cité nouvelle l’avait également séduit.

 

Le plus difficile avait été de convaincre ses supérieurs de le laisser se rendre dans un lieu habité par des « hommes-bêtes dressés ». Il avait proposé de faire un rapport régulier sur les activités du Prince Steiner, afin de pouvoir prévenir le grand théogoniste Volkmar en cas d’ambitions du monarque trop dangereuses pour l’Empire.

 

Ludwig Steiner était parfaitement au courant de cet état des choses. Il avait même suggéré à Arcturus d’envoyer une invitation amicale au grand théogoniste et à l’Empereur Karl Franz. Le prieur n’avait pas encore décidé s’il devait prendre cette proposition au sérieux ou à l’ironie.

 

Lorsqu’il approcha de la porte d’entrée, un valet de pied Humain s’approcha. Frère Arcturus leva la main.

 

-         Conduisez-moi à la salle du Conseil, je vous prie.

 

Il connaissait le chemin, mais préférait respecter les règles de l’hospitalité. Le serviteur le conduisit jusqu’à une grande porte double au premier étage. Le sergent Weller était posté devant, lui-même encadré par deux gardes. Le serviteur frappa.

 

-         Entrez ! ordonna la voix du Prince à travers le bois.

 

Le valet ouvrit la porte et annonça :

 

-         Frère Arcturus, Prieur de Sigmar.

-         Ah, tout de même. Qu’il entre !

 

Le représentant de Sigmar obéit. À peine eut-il franchi le seuil de la salle du Conseil de Guerre qu’il fut déjà à moitié étouffé par une atmosphère lourde.

 

-         On n’attendait plus que vous. Asseyez-vous donc.

 

Le Prince avait l’air de mauvaise humeur. Il n’avait apparemment pas digéré l’agression dont avait été victime sa petite-fille la veille. L’une des fenêtres du côté du Prince, à l’extrémité de la table, était entrouverte, et pourtant quelques-unes des personnes présentes étaient déjà en sueur.

 

Frère Arcturus balaya rapidement du regard l’assemblée, de gauche à droite, il passa en revue mentalement les quinze personnes installées autour de la longue table de la Salle du Conseil.

 

Juste devant lui, sur la gauche de l’extrémité de la table près de la porte, à laquelle étaient attribués trois sièges, il reconnut Nikita Griekov, le responsable de la Guilde des Commerçants à Steinerburg. Le grand Humain au teint pâle et aux cheveux blond cendré paraissait plus austère qu’au cours de la soirée qui avait coûté la vie au maître mage.

 

Le premier individu assis sur le côté gauche de la table était le prieur de Morr, frère Wenceslas, plus sinistre que jamais. Le grand homme maigre contrastait d’une manière presque comique avec son voisin de gauche.

 

En effet, frère Septimo ne faisait pas défaut aux attributs habituels chez les prêtres de Taal, dans sa robe de tissu vert aux multiples broderies dorées. Mais Septimo ne semblait pas non plus enclin à rire et à plaisanter. Il échangea quelques paroles chuchotées avec Morgana, la mère supérieure attitrée du temple de Rhya. Quand elle vit frère Arcturus, elle se tut.

 

La petite silhouette de Branka Isildursdöttir, la cheffe de la Guilde des Artisans locale, surprit presque le Sigmarite, mais il se ressaisit en se rappelant que sa présence était nécessaire au même titre que celle de Griekov. Une guerre impliquait forcément des répercussions sur l’économie du royaume. En outre, les artisans de Vereinbarung allaient très probablement être doublement mis à contribution.

 

Le prévôt Tomas, serviteur de Verena, était installé à côté de la Naine. Il portait la robe en accord avec ses hautes fonctions dans la hiérarchie, mais gardait les cheveux longs et un léger duvet sur le menton, par-dessus ses traits juvéniles. Il ressemblait davantage à un troubadour au visage traversé par une longue cicatrice verticale.

 

Le prieur Romulus, le plus fidèle conseiller du Prince, était le suivant.

 

Ludwig Steiner occupait toute la surface de l’extrémité opposée à celle devant Arcturus.

 

Puis, le premier installé sur le côté droit de la table par rapport au prieur de Sigmar était Vladimir Bäsenhau, l’intendant.

 

À la gauche de ce dernier attendait la grande prêtresse Desdemona Rebmann, en charge du grand temple de Verena à Steinerburg. Autant Tomas incarnait l’aspect purement juridique, autant la grande femme représentait le lien spirituel avec la Déesse de la Justice.

 

Le peuple des Nains avait son représentant avec Branka Isildursdöttir, celui des Elfes n’était pas en reste ; Brisingr Mainsûre, le mage du Collège Flamboyant, se tournait les pouces. Arcturus se demanda encore quel âge pouvait bien avoir un homme avec un visage si juvénile, mais de nombreuses expériences désagréables vécues auparavant.

 

Les quatre dernières personnes étaient toutes des femmes. Le Sigmarite reconnut la première, Soraya Tassadit, la responsable de la Guilde des Artistes. Il en fut presque offusqué. Que pouvait bien faire la représentante des saltimbanques, des amuseurs, des montreurs d’ours, à cette table et en cette heure si grave ?

 

La personne suivante installée à la gauche de l’Arabienne était la commandante Giulietta Renata. Superbe dans son uniforme encore vierge de toute décoration, le prieur Arcturus n’avait pas le moindre doute sur sa rapide ascension à venir.

 

L’avant-dernière personne assise était une petite jeune femme brune. C’était Anita Figueras, une prêtresse de Manann récemment arrivée à Steinerburg. Recommandée par Eusebio Clarin, cette personne s’était installée dans un petit bâtiment qu’elle avait aménagé en un temple consacré au Dieu des Mers, en attendant de pouvoir être en charge d’un autre temple officiel, dont la construction n’était pas encore lancée. Par ailleurs, elle servait plus ou moins officieusement d’ambassadrice par rapport au Prince Calderon. Cette petite jeune fille d’apparence affable était-elle pour autant au-dessus de tout soupçon ? pensa le prieur de Sigmar.

 

Enfin, la dernière assise sur la droite du Sigmarite était sœur Judy Hoffnung. Certes, elle ne représentait pas la plus haute autorité du temple de Shallya du Royaume des Rats, mais sa proximité avec la famille princière remontait à longtemps, avant même la fondation de Vereinbarung.

 

Il ne restait plus qu’un siège vide, entre sœur Judy et Nikita Griekov, pile au milieu de l’extrémité qui faisait face à la porte d’entrée. Frère Arcturus sentit un petit malaise monter quand il réalisa qu’il allait passer toute la séance face au Prince. Il prit place bon gré mal gré, pendant que Ludwig Steiner annonça solennellement :

 

-         Mes Dames, mes Sieurs, je vous remercie d’avoir répondu à l’appel de ce Conseil exceptionnel malgré le manque de délai. Nous allons devoir aborder des questions urgentes et graves. Je n’irai pas par quatre chemins, aucune ne me réjouit, mais toutes doivent être résolues, si possible pendant cette séance que je déclare à présent ouverte !

 

Chacun répondit d’un petit signe de tête, d’un clignement d’œil, ou d’un léger toussotement. Le Prince présenta alors une feuille de papier, une plume et un encrier.

 

-         Conformément à la Loi, chaque participant doit confirmer sa présence en mettant son nom, sa fonction et sa signature sur un document portant mon sceau. Faites passer, pendant que la Commandante Renata nous fasse état de la progression des Bretonniens !

 

 

Quelques yards plus bas, dans la cour, Kristofferson entendit la puissante voix de son grand-père.

 

-         Bon, ils commencent.

 

Comme convenu, il était accompagné de cinq personnes, toutes Skavens, pour monter la garde sous les fenêtres de la salle du Conseil. Outre ses deux plus fidèles amis, Walter Klingmann et Pol Demmler, Kristofferson était accompagné de trois Skavens Noirs. Il discutait avec eux à propos d’un douloureux sujet.

 

-         Et donc, d’autres villages voisins ont été frappés de la même façon ?

-         Oui-da, Messire Steiner.

-         Appelez-moi Kristofferson, je ne suis pas votre supérieur hiérarchique, Soldat Ickert.

-         Très bien, Messire Kristofferson.

 

Cela faisait déjà quelques dizaines de minutes que Kristofferson faisait connaissance avec les trois membres de la Garde Noire recommandés par Sigmund. Le Skaven brun n’eut aucun mal à comprendre pourquoi son frère avait été si catégorique : chacun des trois Skavens Noirs devant lui avait, à première vue, le même caractère, la même mentalité, et les mêmes inquiétudes.

 

-         Nous avons de plus en plus de doléances, Messire. Les parents sont catastrophés. Ceux qui ont la chance d’habiter près d’une ville un peu plus importante se regroupent, mais ce n’est pas toujours suffisant. Ces bâtards de l’Empire Souterrain se montrent de plus en plus audacieux ! Certains enfants ont disparu alors qu’ils habitent un quartier paisible. De plus en plus de citoyens viennent à la caserne et nous supplient de faire quelque chose. Je ne sais pas quoi leur répondre.

-         Cette histoire d’enlèvements fait partie des questions abordées pendant cette réunion, répondit l’aîné des enfants Steiner en montrant du pouce la fenêtre.

 

Le soldat Ickert faisait tout son possible pour ne pas laisser parler la Rage Noire. Kristofferson le sentait, il avait vu son propre frère dans le même état. Il fut tiré de sa réflexion par la voix de Maximus Himmelstoss, le deuxième Garde Noir, qui demanda :

 

-         Pensez-vous que le Capitaine Sigmund sera bientôt relâché ?

-         Oh, il ne devrait plus tarder à sortir.

-         C’est triste. Nous, on l’aime bien, le Capitaine. C’est un homme juste et sincère.

-         Malheureusement, il est un peu trop passionné, répliqua Kristofferson. Enfin, il se débrouille.

-         Nous autres, en tout cas, nous savons ce que nous devons à votre père, continua Himmelstoss. Soyez sûr que le Capitaine n’aura qu’un mot à dire pour qu’on traque le responsable jusqu’aux confins des Terres du Chaos, s’il le faut.

 

Kit secoua la tête.

 

-         Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’aller si loin.

 

Il vit alors du coin de l’œil sa petite sœur, plus loin. Elle était en train de sortir son cheval Buell de l’écurie, et s’était habillée modestement pour ne pas attirer l’attention. Kristofferson savait déjà ce qu’elle allait faire, mais il ignorait sa destination.

 

Que Verena te guide sûrement, Bianka !

 

Il sentit l’appréhension monter en lui. Il voulut penser à autre chose, et s’adressa alors au troisième Garde Noir.

 

-         Dites, Soldat van Habron ?

-         Oui, Messire ?

-         Vous vous appelez comme le Baron Gerhardt van Habron ?

-         Affirmatif, Messire. Gerhardt van Habron est mon père.

-         Vous êtes bien un Récolté ?

-         Je le suis.

-         Alors comment avez-vous pu garder le nom de votre père ? Normalement, les Récoltés sont baptisés en fonction du nom de la colonie où on les a récupérés, pour éviter la consanguinité ?

-         C’est exact, Messire Kristofferson. Seulement, il se trouve que mes parents voulaient absolument transmettre leur nom de famille. Comme ils n’ont pas pu avoir d’enfant de sang, ils m’ont adopté. Ils ont payé le temple de Verena pour que mon nom soit le leur. Normalement, j’aurais dû m’appeler par un mot commençant par « N » comme « Nyllovie », le terrier où je suis né. Et si je me marie un jour, il faudra juste que ce soit avec une fille dont le nom de famille ne commence pas par cette lettre. C’est aussi simple que ça.

-         Très simple, en effet. Je n’ai pas participé à la Récolte de Nyllovie. Vu votre âge, je suppose que c’était il y a déjà quelques années, sans doute une des premières de mon père.

-         Je me permets de rejoindre mon camarade Himmelstoss à son sujet, Messire Kristofferson.

 

Kristofferson répondit par un petit sourire triste.

 

*

 

Cette fois, je te tiens !

 

Bianka devait faire usage de toutes ses ressources pour ne pas laisser transparaître sa fébrilité. Elle avait passé trois heures complètes à investiguer dans les appartements de la personne qu’elle soupçonnait de trahison. Le personnel n’avait pas émis la moindre protestation devant son mandat portant le sceau du Temple de Verena, et ne l’avait pas dérangée une seule fois.

 

Et surtout, c’était le plus important, elle avait finalement trouvé.

 

Après avoir fouillé méthodiquement tous les endroits les plus évidents, épluché les livres posés sur l’étagère un par un, lu chaque courrier dans les tiroirs du bureau, rien de suspect à signaler ne lui était tombé sous la main. La grande archiviste avait également vérifié dans la chambre. Pas de cachette sous le lit ou dans le matelas, rien dans le pot de fleurs décoratif près de la fenêtre.

 

Elle avait alors pris quelques minutes pour souffler et réfléchir, tout en parcourant les lieux de nouveau. Et là, elle en était sûre, Verena lui avait donné un petit coup de pouce, sous la forme d’un tic nerveux.

 

Un tic nerveux avait agité son oreille. Le battement caractéristique provoqué par un son inhabituel. Le son en question fut le craquement du plancher sous ses orteils nus, sous le tapis de la chambre, dans le coin le plus reculé. Elle avait trouvé son butin sous les deux lattes descellées du plancher.

 

Enfin, et c’était décisif, elle était passée au temple de Verena pour demander une petite confirmation auprès de l’un des prêtres.

 

Tout était prêt pour piéger le sconse.

 

Elle confia Buell à l’un des palefreniers du domaine, puis se rendit jusqu’à ses appartements, tenant à deux mains une sacoche de cuir lourdement remplie. Elle déposa la sacoche près de son bureau, repassa mentalement le déroulement de ce qui allait suivre, et se lança.

 

Cinq heures de l’après-midi, le Conseil n’était toujours pas terminé.

 

Elle monta jusqu’à la grande porte de la salle, toujours surveillée par Weller et ses deux acolytes.

 

-         Il faut que je parle à mon grand-père, murmura-t-elle timidement au sergent.

-         Je vous en prie, ma Dame.

 

L’Humain s’écarta.

 

C’est parti !

 

Elle frappa quelques coups mal assurés.

 

-         Qu’est-ce que c’est ? Entrez donc !

 

Le Prince avait parlé d’un ton qui n’autorisait aucune contradiction. Bianka ouvrit la porte. Elle déglutit en voyant tous les membres du Conseil plus mal à l’aise les uns que les autres. La pièce toute entière était plongée dans une chaleur très inconfortable, les traits étaient tirés, les visages rougeauds. Elle-même toussa plusieurs fois avant de pouvoir parler.

 

-         Opa, je…

-         Alors quoi, qu’est-ce qu’il y a ? Je te signale que nous sommes occupés ! Parle !

-         Je… C’est Maître Clarin.

-         Quoi, Maître Clarin ?

-         Il y a…

 

Bianka avala sa salive, et fit mine de reprendre son assurance habituelle. Il fallait donner au Prince de bonnes raisons d’alimenter sa colère déjà présente.

 

-         Un messager est venu il y a quelques minutes. Il a apporté une missive de la part de Maître Clarin.

-         Et c’est pour ça que tu viens nous interrompre ?

-         D’après le messager, il s’agit d’une urgence, Opa.

-         Parce que tu crois que nous n’avons pas des choses autrement plus urgentes à traiter ici, peut-être ? Entre les Bretonniens, les enlèvements d’enfants, les meurtres ? Non, la lettre d’un ambassadeur à mille lieues de nos problèmes serait plus urgente ?

-         Le messager s’est fait insistant, Opa. Je ne fais que répéter ses dires.

 

Le Prince poussa un grognement mécontent.

 

-         Eh bien, va donc la chercher, cette lettre, puisque c’est si urgent !

 

La jeune fille-rate s’inclina, mais au moment où ses doigts délicats se posèrent sur la poignée de la porte, le Prince la retint.

 

-         Non, attends ! Pendant que tu y es, rapporte-nous le thé.

 

Bianka soupira d’agacement.

 

-         Opa, c’est pour ça que vous payez des serviteurs, non ?

 

Elle vit la grande prêtresse Rebmann se frotter l’oreille. C’était un petit signe discret que les prêtres de Verena avaient l’habitude de faire quand ils entendaient parler quelqu’un qui eût mieux fait de garder le silence. Le Prince rétorqua :

 

-         J’aime autant ne pas avoir d’arsenic dans ma tasse ! Avec tout ce qui se passe, tout le personnel est suspect.

-         Je vois.

 

Elle ouvrit la porte, mais son grand-père lui reprocha encore :

 

-         Bianka, il y a de plus en plus de gens qui me rapportent ta conduite désagréable. Et tu leur donnes raison, encore à l’instant. Il va vraiment falloir qu’on mette les choses au clair sur tes rapports avec autrui.

-         Je ne pense pas que ce genre de question intéresse vos invités, Opa !

-         Suffit ! Va chercher cette lettre et le thé. Dépêche-toi !

 

La jeune fille-rate s’empressa de sortir. Au fur et à mesure qu’elle s’éloignait de la porte, ses traits se décrispèrent.

 

J’espère qu’il faisait toujours semblant !

 

Elle avait eu plusieurs fois l’occasion de voir Ludwig Steiner vraiment en colère, et ce n’était pas du tout agréable, même si cette colère n’avait pas été dirigée contre elle.

 

Il ne fallait surtout pas agir de manière trop précipitée ou trop mollassonne. Le plus insignifiant des petits détails pouvait éveiller les soupçons. D’un pas qu’elle jugea raisonnablement nerveux, elle retourna dans ses quartiers. Là, elle préleva d’un des tiroirs de son bureau l’enveloppe confiée par son grand-père, celle avec le cachet du Prince Calderon. Elle la fourra dans sa poche, et descendit à la cuisine. Elle passa dans une galerie avec des fenêtres qui donnaient sur la cour. Elle put ainsi voir son grand frère, Wally, Pol, et les trois Skavens Noirs. Elle s’autorisa à les observer un instant.

 

Hum… Beaux garçons, pour des Skavens Noirs !

 

En dehors de son jumeau, elle ne connaissait personnellement aucun Skaven Noir. Elle ne put s’empêcher d’éprouver un petit quelque chose en les voyant. Tous trois étaient très grands et forts, comme son frère. Mais elle savait aussi que Sigmund pouvait être très doux avec les gens qu’il aimait. Pourquoi pas eux ?

 

Hé, réveille-toi, idiote !

 

L’heure n’était pas aux batifolages. Elle reprit sa route.

 

Une petite demi-douzaine de minutes plus tard, elle frappait de nouveau à la porte de la Salle du Conseil, avec un petit chariot sur lequel la cuisinière avait disposé la théière, trois sucriers, une jatte de lait, et seize tasses, soucoupes et cuillères.

 

-         Entrez !

 

Elle poussa la desserte jusqu’au bout de la table où était installé Steiner. Les roulettes grincèrent sur le plancher. Arrivée près de son grand-père, elle disposa devant lui une soucoupe, une tasse et une cuillère, ainsi que l’un des trois sucriers. Puis elle remplit la tasse de thé chaud. Elle proposa du lait, il refusa d’un balayage de la main. Après quoi, elle sortit la lettre de sa poche, et la tendit au grand Humain. Steiner la lui arracha presque des doigts, l’ouvrit, et la regarda quelques instants. Comme il perçut la Skaven blonde en train d’attendre, il releva le nez, l’œil chargé de reproches.

 

-         Eh bien, sers donc les autres ! Tu ne voudrais pas négliger mes invités ?

-         Oui, Opa, tout de suite, Opa !

 

Elle avala sa salive, et revint vers l’entrée de la salle.

 

L’exercice qu’elle s’apprêtait à accomplir allait lui demander des trésors de patience et de concentration. Bianka devait désigner sa proie sans se trahir. Le moindre mouvement inapproprié pouvait tout faire capoter.

 

Elle servit d’abord le frère Arcturus, et fit le tour de la table dans le sens des aiguilles d’une horloge. Nikita Griekov fut le suivant. Tout en remplissant la tasse, elle se concentra.

 

Surtout ne pas élever la voix, ne pas trembler, ne pas éternuer…

 

Elle posa le deuxième sucrier entre Branka et Tomas. Elle surveillait ses mains, et ralentit le rythme de sa respiration pour faire cesser les tremblements. Elle ne devait surtout pas toucher à son collier avant d’être à proximité du coupable. La sueur lui monta au front.

 

-         S’il vous plaît ? murmura le prévôt Tomas.

 

La Skaven blonde sentit son cœur manquer un battement. Elle tourna la tête vers l’Humain, qui lui montra discrètement du doigt la jatte de lait. Elle acquiesça silencieusement, et versa un peu de lait dans la tasse du Verenéen.

 

Elle avait la gorge sèche à en avoir une quinte de toux longue d’une semaine. Heureusement, compte tenu de l’atmosphère écrasante qui planait au-dessus de la table du Conseil, tout le monde était déjà en nage. Son museau délicat fut soudainement pris d’une furieuse démangeaison.

 

Surtout ne rien faire, ne pas perdre le contrôle !

 

Une fois la tasse de Romulus remplie, elle repassa derrière le Prince, puis elle servit Vladimir Bäsenhau. Alors qu’elle fit couler le thé dans la tasse, l’Humain éternua. La jeune fille-rate blonde sursauta, et quelques gouttes de thé brûlant s’écrasèrent sur les doigts de l’intendant.

 

-         Ouille !

-         Oh, mille pardons, Maître Bäsenhau !

-         Ce n’est rien, mon enfant, répondit l’Humain un peu trop rapidement pour être sincère.

 

Steiner grommela d’agacement. Bäsenhau sortit un mouchoir de sa poche, et s’essuya la main. Bianka, de plus en plus inquiète, reprit son chemin.

 

Enfin, elle arriva devant sa cible.

 

Ne panique pas, ma fille. Reste détendue.

 

Avec d’infinies précautions, elle remplit la tasse. Le sang battait tellement fort dans ses tempes qu’elle entendit à peine la voix de son grand-père demander au Sigmarite :

 

-         Et donc, Frère Arcturus, que dit le Temple d’Altdorf à ce sujet ?

 

Une fois le thé servi, Bianka recula. Elle leva lentement les mains, et tira du bout des doigts sur la cordelette de son pendentif pendant quelques secondes pour le réajuster. Puis elle se replaça derrière la desserte et continua.

 

Le Prince Steiner écoutait le prêtre de Sigmar. Sans le quitter des yeux, il tendit la main vers le sucrier et l’ouvrit. Bianka serra les dents, à l’affût du moindre geste. Elle resta en arrière de façon à ne pas être vue ou entendue plus que nécessaire. Elle vit son grand-père mettre un sucre dans sa tasse, puis un deuxième… avant de remettre le couvercle sur le sucrier.

 

Parfait ! Maintenant, je finis le service, et je fiche le camp !

 

Elle déposa le troisième sucrier et le pot de lait près de sœur Anita Figueras, servit sœur Judy Hoffnung, qui la remercia d’un petit signe de tête. Puis elle tira le petit chariot jusqu’à la porte, qu’elle ouvrit un peu péniblement. Son cœur bondit une nouvelle fois dans sa poitrine quand la voix de Steiner l’invectiva.

 

-         Et je ne veux pas te revoir d’ici la fin de cette réunion, Bianka ! C’est compris ?

-         C’est compris, Opa.

-         Ni personne d’autre, d’ailleurs ! Passe le mot à Weller !

-         Comme vous voudrez !

 

Elle sortit précipitamment de la salle du Conseil, claqua presque la porte derrière elle, s’éloigna d’un bon pas, et quand elle ne fut plus à portée de vue des trois soldats, s’autorisa à pousser un soupir de soulagement.

 

Tout avait parfaitement marché, jusqu’à présent. La suite promettait d’être beaucoup plus drôle !

 

Maintenant, retourne dans ton bureau et attends Magdalena !

 

 

Dehors, les cloches marquèrent la cinquième heure de l’après-midi. Le soleil commençait à descendre vers l’horizon à l’ouest. Le Prince Steiner se leva de sa chaise, s’étira un peu, et conclut la séance.

 

-         Nous nous réunirons de nouveau dans deux semaines afin de voir comment les choses évoluent, puis agir en conséquence. Le Prince a parlé.

 

À ces mots, les convoqués se levèrent à leur tour. Tous étaient plus ou moins visiblement harassés par les heures de débat, de soumission de problèmes, qui avaient rappelé à chacun à quel point la situation du Royaume des Rats était préoccupante. Frère Arcturus avait déjà la main sur la poignée de la porte, lorsqu’il s’arrêta en entendant la voix du Prince.

 

-         Attendez ! Ne partez pas tout de suite, j’ai quelques détails à régler en particulier avec quelques-uns d’entre vous.

 

Les membres du conseil attendirent silencieusement.

 

-         Bäsenhau, Commandante Renata, Romulus, Mainsûre, Prévôt Tomas, Prieur Arcturus, restez. Les autres, vous pouvez disposer. Merci à vous.

 

Sans attendre de réponse, Steiner ouvrit l’une des fenêtres, et appela :

 

-         Magdalena !

 

La servante, qui n’était jamais loin, arriva bien vite. Le Prince lui ordonna de monter d’un geste du bras.

 

-         Viens donc débarrasser la table !

-         Tout de suite, votre Majesté ! répondit la plantureuse jeune femme.

 

Tel était le signal convenu entre le Prince, la servante et la grande archiviste.

 

En bas, Kristofferson chuchota discrètement aux autres :

 

-         Tenez-vous prêts !

 

Le Prince regarda les six personnes l’une après l’autre avec gravité.

 

-         Ma Dame, mes Sieurs, vous êtes les personnes du Conseil envers qui j’ai le plus confiance, et c’est pourquoi je me confierai à vous sans hésiter plus longtemps. Il y a des agents du Chaos en activité dans le Royaume. Mes enquêteurs personnels m’ont révélé que ces hérétiques font partie de la secte de la Main Pourpre, un groupe d’adorateurs de Tzeentch, le Dieu du Changement. D’après nos connaissances sur ce sujet, les méthodes de cette secte sont très insidieuses : les agents infiltrent toutes les couches de la société qu’ils infectent. C’est ce qui arrive en ce moment à la nôtre. Il y a très probablement des espions dans les rangs de l’armée, parmi les fidèles de nos Dieux, au sein des guildes marchandes les plus influentes, et ce jusque dans les plus hautes sphères de la société de Vereinbarung. Ils ont organisé le meurtre de mon fils, et d’autres actions de la même veine sont à craindre.

 

La commandante Renata rajusta une mèche ondulée de ses cheveux noirs de jais.

 

-         Voulez-vous que j’organise des investigations approfondies pour les trouver ?

-         C’est ce que je vous demanderai dans un second temps, Commandante. Pour l’heure, si je vous ai fait rester ici, c’est pour confondre l’un de ces agents infiltrés. En effet, et c’est pour ça que je vous ai demandé de rester, je sais de source sûre que l’un de ces adorateurs de Tzeentch est tout près d’ici. Cette personne a utilisé ma confiance pour se rapprocher des plus influentes personnalités de Vereinbarung, et a profité de cette confiance pour empoisonner le Maître Mage au cours de notre dernier banquet. Cette personne est parmi nous, en cet instant.

 

Cette dernière déclaration provoqua de petites exclamations surprises et des regards étonnés, puis suspicieux. Ludwig Steiner enfonça davantage le clou.

 

-         Oui, braves gens, l’un de vous est un traître à la Couronne, et nous allons dévoiler son identité.

 

Frère Arcturus grogna :

 

-         Dommage que je n’aie pas mon marteau ! Je l’aurais vite retrouvé, votre coupable !

-         Et si c’était vous ? demanda Bäsenhau d’une voix douce.

-         Pourquoi pas vous ? rétorqua le prêtre de Sigmar, subitement échaudé par l’intendant.

-         Messieurs, je vous en prie, un peu de tenue devant notre Prince ! ordonna le prévôt Tomas.

 

Le magister vigilant Mainsûre eut un petit rire amusé.

 

-         Qu’il soit ou non dans cette pièce, votre coupable semble très doué pour semer la zizanie. Il divise pour mieux régner.

-         C’est un comportement naturel chez les criminels de votre espèce, Brisingr Mainsûre !

 

L’Elfe tourna la tête vers la porte d’entrée. Il vit la fille aînée du maître mage, une lourde sacoche en cuir sur l’épaule, le visage étiré par une expression de colère difficilement réprimée.

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