Le Royaume des Rats

Chapitre 55 : Le Défi

7818 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/03/2022 11:10

Filles et Fils du Rat Cornu,

 

Comme vous autres, j’ai appris qu’une terrible tragédie s’était abattue à la frontière du Kislev. La seule chose que je ferai sans hésiter ni peur de me tromper est d’envoyer mon soutien à celles et ceux d’entre vous qui seraient touchés par cette guerre, directement ou indirectement. Que puisse être reconstruit ce qui a été détruit, qu’il s’agisse de biens matériels ou d’existences.

 

J’aimerais en profiter pour remercier Mennina et Navanastra pour leur soutien, plus que bienvenu pour moi en ce moment, où j’aborde une période un peu mouvementée. Merci à eux pour leurs derniers dessins que je vous invite à découvrir sur DeviantArt, à la page ChildrenOfPsody.

 

Gloire au Rat Cornu !

 

 

La porte principale de Steinerburg était de loin la plus grande, la plus large, et la plus haute. Orientée vers le nord-ouest, la direction de l’Empire, elle était à quelques miles du pied de la colline sur laquelle s’étendait la ville elle-même. Haute de soixante pieds, large d’une quarantaine, elle symbolisait la fierté de la capitale du Royaume des Rats : une ville complètement restaurée en à peine quelques années, à force de travail acharné accompli avec des professionnels. Une ville solide, déterminée, florissante au milieu de plaines autrefois stériles, devenues propres aux meilleures récoltes.

 

Les gardes postés sur les remparts avaient une vue magnifique, et rien en provenance de la grande route qui menait à la ville ne pouvait leur échapper. Le terrain était dégagé à des lieues à la ronde. Il fallait la nuit la plus noire pour permettre à quelqu’un d’isolé d’approcher les murs de Steinerburg sans se faire repérer.

 

Aussi, les défenseurs de Steinerburg ne pouvaient pas ignorer la présence de la délégation qui se dirigeait vers la capitale en grande pompe.

 

Il y avait une dizaine de cavaliers, de grands hommes protégés par des armures ouvragées, avec d’impressionnantes décorations. Chacun portait un tabard aux multiples couleurs, un écu étincelant, et l’épée au côté. Les chevaux étaient protégés par des caparaçons tout aussi bariolés.

 

Derrière ce régiment, une trentaine de fantassins, tous portant un uniforme rouge et or, suivaient d’un pas régulier les meneurs au rythme des tambours.

 

Le Sergent Säger, en poste ce matin-là, n’hésita pas longtemps en voyant cette délégation. Il fit aussitôt quérir le Capitaine Klingmann. La cohorte n’était plus qu’à quelques minutes de marche des portes quand le Skaven tacheté arriva sur les remparts.

 

-         Diantre ! maugréa-t-il en se tirant nerveusement la moustache. Voilà autre chose !

-         Ils n’ont pas l’air du coin, Capitaine, murmura le Sergent.

-         Non, en effet. C’est la première fois que je vois ce genre d’équipement…

-         Estaliens ? Impériaux ?

-         Non, Bretonniens !

 

Klingmann et Säger se tournèrent simultanément vers un soldat. Le Sergent demanda :

 

-         Vous êtes sûr, Soldat Gebraut ?

-         Absolument, Sergent. Avant de m’installer dans ce royaume, j’ai fait un an de service en Bretonnie, sur ordre du Graf. Tous les nobles avaient un tel attirail.

 

Le regard de Walter s’attarda alors sur l’imposante bannière que présentait le Chevalier de tête. Elle représentait un cheval blanc dans son entier, cabré sur fond rouge, entouré par un cadre doré.

 

-         Soldats, quelque chose me dit qu’on va marcher sur des œufs. Sergent Säger ?

-         Mon Capitaine ?

-         Allez chercher quatre régiments complets. Nous allons les recevoir, je vais écouter ce qu’ils veulent, mais restons sur nos gardes.

 

*

 

-         De Bretonnie ?

-         Oui, votre Majesté. Enfin, plus précisément, de Pourseille. C’est un bourg situé à la frontière de Vereinbarung, à l’ouest, à quelques jours de distance d’Hoffnungshügel. D’après le temple de Verena, la population est essentiellement Bretonnienne. Le bourgmestre s’appelle Henri de Beyle, c’est un petit Seigneur Bretonnien venu tenter sa chance ici.

-         Ah, je me souviens de lui, en effet. J’ai dû le rencontrer une fois ou deux, pas plus. Il m’a l’air très discret.

-         Jusqu’à présent, il a toujours payé les taxes, obéi aux lois, et n’a pas fait d’histoire, votre Altesse. Par contre, le meneur de cette délégation prétend arriver directement de Bretonnie. Son propre Seigneur est actuellement installé chez de Beyle.

-         Est-ce que ce messager a annoncé clairement ses intentions, Capitaine Klingmann ?

-         Non, votre Grandeur, mais ils ne m’ont pas paru très amicaux.

-         Hum… Dans ce cas, il vaut mieux prendre des précautions. Faites venir mes deux petits-fils aînés, Capitaine. Ensuite, vous ferez entrer le messager. Vous resterez hors de la salle du trône, prêts à intervenir si nécessaire.

-         À vos ordres, votre Altesse.

 

Quelques minutes plus tard, la grande porte double de la salle du trône s’ouvrit. Les deux frères étaient chacun debout à l’un des côtés du trône. Kristofferson jeta un petit coup d’œil bref à Sigmund. Le Skaven Noir restait impassible, mais déjà l’odeur de la méfiance chatouillait les narines du Skaven brun.

 

Trois Humains pénétrèrent dans la salle de réception, trois gaillards très grands, musclés, et à la mine sévère. Tous trois portaient une impressionnante armure lourde ouvragée, décorée de symboles gravés dans le métal, avec un tabard coloré et une cape brodée finement. Chacun tenait dans sa main gauche un heaume surmonté d’un cimier à l’effigie d’un animal fantastique : dragon, licorne et hippogriffe.

 

Le chevalier au casque d’hippogriffe avança et se planta au pied de l’estrade sur laquelle était posé le trône. Ce grand homme avait le teint rougeaud, une longue chevelure blonde, et un bouc bien taillé. Ses yeux clairs dardaient un regard d’acier, qui aurait déstabilisé plus d’un interlocuteur. Pas le Prince, qui resta concentré.

 

-         Soyez le bienvenu au Royaume de Vereinbarung, Chevalier.

 

Le Bretonnien fit un petit signe de tête, et parla d’une voix teintée d’un accent qu’aucun des deux Skavens n’avait jamais entendu.

 

-         Je m’appelle Guillaume de Lombard. Je suis le Porte-Étendard du Seigneur Horace de Vaucanson, qui est lui-même Chevalier Banneret de la Province du Montfort.

-         Fort bien, Messire de Lombard. Que me vaut l’honneur de votre visite ?

 

Le Chevalier se racla la gorge, et annonça :

 

-         Je représente mon Seigneur, par conséquent, en ma qualité d’émissaire, je suis protégé par l’immunité diplomatique.

-         Vous n’avez aucune crainte à avoir, Sire de Lombard. Les citoyens qui ne présentent pas nos traits partagent néanmoins notre éducation et nos valeurs. Vous avez déjà dû vous en rendre compte, n’est-ce pas ?

-         Oui-da, Prince Ludwig Steiner ; mais mon Seigneur n’est guère de cet avis. Il déplore de voir se développer une société où des hommes-rats se mélangent à d’honnêtes gens.

-         Je ne vois pas en quoi cela le concerne ou l’inquiète, de Lombard. Les habitants de Vereinbarung vivent très bien en harmonie, et quand bien même ce ne serait pas le cas, la Bretonnie n’a rien à craindre de nous. Si le Roy Louen Cœur de Lion est inquiet, je l’invite à venir se rendre compte par lui-même que notre société repose sur les mêmes bases saines et solides que la vôtre.

-         La question n’est pas là, Prince Steiner. Il s’agit de l’avis de mon Lige. La Principauté de Vereinbarung représente à ses yeux une aberration vile et choquante, à laquelle il convient de s’opposer. Le Seigneur Horace de Vaucanson estime qu’il est de son devoir d’étouffer l’incendie avant qu’il ne se propage. Aussi, par mon intermédiaire, a-t-il l’avantage de vous déclarer la guerre, Prince Ludwig Steiner. À moins d’une reddition immédiate de votre part, l’armée du Seigneur de Vaucanson marchera jusqu’à votre capitale. Tout citoyen qui acceptera de se soumettre à nous sera accepté comme vassal. Tout citoyen qui refusera deviendra un renégat, et nous le jetterons en prison.

 

L’oreille de Sigmund tiqua nerveusement à ces mots. Le rythme de son cœur accéléra brutalement. Il eut du mal à entendre le Prince qui demanda, sans perdre son calme :

 

-         Si le Seigneur de Vaucanson souhaite une collaboration, il n’a pas besoin de moyens aussi extrêmes. S’il veut, je peux même lui envoyer quelques Humains et Skavens pour l’aider à terminer un quelconque chantier ?

-         J’ai dit « les citoyens ». Nous ne considérons pas comme citoyens cette sale engeance arrachée à vos égouts.

 

Kristofferson sentit un picotement désagréable titiller ses vertèbres. Même si Sigmund restait impassible, le musc de fureur qui émanait de lui était presque visible à l’œil nu.

 

-         Savez-vous que vous venez d’insulter toute ma famille, Sire de Lombard ? Ces deux gentilshommes à mes côtés sont mes deux petits-fils. Leur mère est ma fille par adoption. Je n’apprécie guère voir le héraut d’un Seigneur Bretonnien parler de cette façon de mes sujets et de ma descendance, même s’il n’est pas de toute façon venu dans des intentions amicales.

 

Le Porte-Étendard tira de sa besace un étui de cuir cylindrique. Le Prince fit un petit geste vers Kristofferson. Le Skaven brun approcha de de Lombard, et remit l’étui à son grand-père. Steiner l’ouvrit, et en sortit une feuille de papier. Il prit quelques secondes pour la lire.

 

-         C’est une déclaration de guerre en bonne et due forme, constata-t-il à haute voix.

-         Sa Seigneurie Horace de Vaucanson saura se montrer magnanime, et vous accorde un délai d’une semaine pour préparer votre soumission. Passé ce délai, nous enverrons notre armée pacifier le Royaume des Rats, village par village.

-         Vous remercierez votre Seigneur de ma part pour sa générosité, ironisa le Prince. Je ne manquerai pas de lui montrer à quel point nous savons accorder à tout visiteur l’hospitalité qu’il mérite, en particulier s’il vient jusqu’à Steinerburg.

-         Quelle que soit votre décision, habituez-vous par ailleurs à nommer cette ville la « Petite Couronne ».

 

Sans tourner la tête, Steiner fit rapidement papillonner ses yeux vers les deux Skavens. Aucun d’entre eux n’avait réagi, mais il sentit qu’ils étaient au bord de l’explosion, en particulier le cadet. Il voulut tempérer le Bretonnien.

 

-         Vous paraissez bien sûr de vous, Sire Guillaume de Lombard. Votre Seigneur aurait-il rassemblé une armée aussi importante ?

-         Nous avons le nombre, nous avons l’équipement, mais nous avons surtout l’appui de la Dame du Lac. Notre foi nous assure l’unité. Tous nos soldats sont dévoués à la même cause, et par la force du Graal, nous vaincrons les Rats qui peuplent ce Royaume.

-         Pensez-vous que mes soldats et mes citoyens n’ont pas la même unité ? Ils ont tous construit ce Royaume de leurs mains, et le protègent de toutes leurs forces. D’autres que vous ont tenté de nous renverser, ils ne sont plus là pour le regretter.

 

Le Chevalier blond se racla la gorge, et un méchant petit sourire glissa sur ses lèvres.

 

-         Vos citoyens ont besoin de vos dirigeants pour garder cette unité : les militaires, les hommes d’église, les scientifiques, et les membres de la Famille Princière. Or, que se passerait-il si tous ces gens-là venaient à disparaître, l’un après l’autre ?

-         Pourriez-vous être plus clair, Sire de Lombard, je vous prie ?

-         Oui, Prince Steiner. J’ai ouï dire que votre Maître Mage avait eu un… petit problème digestif, dernièrement.

 

Le grand Skaven Noir sentit sa fourrure prendre feu. Il décida d’agir. Il fit un pas en avant et demanda fermement :

 

-         Que dites-vous là ?

 

De Lombard ne réagit pas. Il continua à l’attention du Prince :

 

-         Qui sait, peut-être que le prochain banquet pourrait être frappé d’un malheur similaire ?

-         Je vous ai posé une question, de Lombard ! aboya Sigmund.

-         C’est exact. De Lombard, veuillez regarder mon petit-fils et répondre. Si vous n’aimez pas son visage, ayez au moins la décence de respecter sa personne !

 

Pour la première fois, le Chevalier Bretonnien daigna tourner la tête vers le Skaven Noir.

 

-         Vous étiez présent ce soir-là, peut-être ?

-         Vous avez l’air plutôt bien renseigné pour quelqu’un qui n’a que mépris et dédain envers nous !

-         L’un n’empêche pas l’autre, bien au contraire ; il faut savoir connaître son ennemi avant de l’affronter, et nous vous surveillons depuis déjà quelque temps. Ainsi la nouvelle a fini par arriver aux oreilles de notre hôte, de Beyle, il n’y a rien d’étonnant, Messire… Sigismond, c’est bien ça ?

-         « Sigmund », plus précisément Capitaine de la Garde Noire de Vereinbarung, et fils de Prospero Steiner, dont vous parlez avec une désinvolture bien outrageante !

-         Votre passion est touchante, quoiqu’un peu maladroite.

-         Je peux vous faire voir qui est maladroit !

-         Calme-toi, Sigmund, ordonna posément le Prince. Et vous, Sire de Lombard, seriez-vous en train d’insinuer que le Seigneur de Vaucanson aurait une part de responsabilité dans cette tragédie ?

-         Je n’insinue rien, votre Altesse, j’observe. En revanche, je n’aime pas beaucoup vous voir supposer une quelconque complicité entre mon Seigneur et de vulgaires empoisonneurs.

 

Sigmund fit un deuxième pas vers de Lombard, la main serrée sur le pommeau de son épée.

 

-         Il paraît que les Bretonniens aiment les duels, hein ? Alors, relevez le mien !

-         Je ne suis pas venu pour ça, jeune homme.

-         « Capitaine Steiner », Messire Guillaume de Lombard ! Vous nous insultez, vous nous menacez, et vous refusez de faire face aux conséquences ? Espèce de lâche !

 

Les deux autres Chevaliers s’apprêtaient à dégainer à leur tour. Kristofferson bondit en avant, et saisit de la main droite le bras de son frère.

 

-         Arrête, Siggy ! On ne lève pas la main sur un messager officiel !

-        QU'IL CRÈVE !

 

Sigmund se secoua pour obliger le Skaven brun à relâcher sa prise. Mais celui-ci, plus vif, tira sa propre rapière de son fourreau de la main gauche et lui donna un coup de pommeau sur l’arrière du crâne. Sigmund s’effondra, aussitôt assommé.

 

Les portes de la salle du trône s’ouvrirent d’un coup sur le Capitaine Klingmann et trois de ses soldats.

 

-         Votre Altesse, y a-t-il un problème ?

-         Absolument aucun, Capitaine, pas de panique. Par contre, emmenez le Capitaine Steiner à la caserne, je m’occuperai de lui une fois que j’en aurai terminé avec notre invité.

 

Sur un ordre de Klingmann, deux des soldats soulevèrent le grand Skaven Noir, et tous les cinq quittèrent prestement la salle du trône, sous l’œil amusé de l’émissaire Bretonnien.

 

-         Si c’est ainsi que se conduit le Capitaine de votre Garde d’Élite, il n’y a aucun souci à se faire. Notre victoire est déjà chose acquise.

 

À son tour, Kristofferson sentit la patience lui échapper.

 

-         De Lombard…

-         Suffit ! trancha Steiner d’une voix forte.

 

Le Prince descendit de son trône d’un pas alerte, et se dressa devant de Lombard. Le Bretonnien ne cilla pas.

 

-         Retournez auprès de votre Seigneur, et dites-lui bien que je n’ai pas l’intention de le regarder mettre le feu à mon Royaume sans rien faire. S’il veut la guerre, il va l’avoir. Chacune de ses actions qui serait préjudiciable au plus humble paysan, au plus misérable roturier, sera sanctionnée comme il se doit, et sans délai. Et si je découvre, d’une façon ou d’une autre, que mon fils a été assassiné sur sa consigne, je le livrerai au Roy Louen Cœur de Lion, et je m’arrangerai pour qu’il soit jugé et définitivement disgracié selon vos lois.

-         Nous ne sommes pas en Bretonnie, Prince Steiner. Le Roy n’a pas autorité ici, à moins que vous n’acceptiez de lui prêter serment d’obéissance, bien évidemment.

-         C’est bien pour ça que j’ai précisé « je le livrerai au Roy », et vous avec ! Le Prince a parlé !

 

Sire Guillaume de Lombard fit une petite moue, puis quitta la salle du trône, suivi de près par ses deux compatriotes.

 

-         Kristofferson ?

-         Oui, Opa ?

-         Accompagne ces messieurs jusqu’aux portes de la ville et veille à ce qu’ils aient quitté les environs. Tu feras ton rapport ce soir.

-         Comme vous voudrez, Opa.

 

Le Skaven brun sortit de la pièce, laissant le grand Humain seul avec ses inquiétudes.

 

*

 

Un quart d’heure après le départ de la délégation, le Prince finissait d’expliquer la situation à sa famille. Heike, Gabriel, Bianka et Isolde avaient écouté en silence. Gabriel n’avait pas osé demander à son grand-père pourquoi ses deux frères aînés étaient absents.

 

-         Et voilà, vous savez tout. C’est officiel, et j’en suis navré, mais ce Seigneur Horace de Vaucanson nous a déclaré la guerre.

-         Quelle… quelle horreur, bredouilla Isolde, larmes aux yeux.

-         Je ne crois pas qu’il représente un grand danger pour nous, ma chérie. Ici, nous sommes à l’abri d’une armée. Mais nous allons devoir nous préparer à combattre.

-         Ce Seigneur a bien choisi le moment ! maugréa Heike. Entre les enlèvements d’enfant et la… enfin, c’est un malheur de plus !

-         Mère, n’oublie pas ce qu’a dit le Porte-Étendard : ce qui est arrivé à Père est peut-être de leur faute !

-         Je sais, Bianka, je sais ! Mais nous ne devons pas perdre notre calme pour autant, cela nous rendrait plus vulnérables.

-         Tu as parfaitement raison, mon ange. Il faut agir avec tact et organisation. À mon avis, notre armée sera suffisante pour déloger de Vaucanson de Pourseille, mais nous devrons d’abord nous en assurer. Dès ce soir, j’enverrai des éclaireurs. Et s’il s’avère que son armée est plus grosse que prévu, nous demanderons de l’aide à nos alliés.

-         Vous pensez au Prince Calderon ?

-         Par exemple, Bianka, mais j’espère ne pas en arriver là. Je pense plutôt à la Bretonnie elle-même.

 

Gabriel sursauta.

 

-         Qu… quoi ? Mais… ils sont en guerre contre nous !

-         Horace de Vaucanson ne représente pas toute la Bretonnie à lui tout seul. J’irai requérir l’aide des Chevaliers du Graal. Même hors de la Bretonnie, un vrai Seigneur ne peut pas faire tout ce qui lui plaît sans rendre des comptes aux garants de la Courtoisie Bretonnienne. Envahir un Royaume qui vit selon les coutumes Humaines sans provocation ni danger immédiat est réprouvé par le code de conduite des Nobles de ce pays.

-         Vous croyez qu’ils accepteraient de nous prêter main-forte ?

-         La Courtoisie Bretonnienne est sacrée, Bianka. Un noble Bretonnien qui la souille entache aussi la réputation de la Dame du Lac et du pouvoir du Saint Graal, et ce même s’il commet de tels actes en dehors des frontières du Royaume de Bretonnie. Le Roy ne peut laisser passer ça. Je vais déjà lui écrire une missive en ce sens, à titre préventif. Peut-être qu’Horace de Vaucanson agit sous ses ordres, peut-être qu’il s’agit d’un renégat à la Couronne déjà recherché par les Chevaliers du Graal.

-         Mais le Roy Cœur de Lion ne risque-t-il pas de nous considérer à son tour comme de la vermine à exterminer ? s’inquiéta Heike. Même si de Vaucanson a pris une initiative sans son avis, le Roy peut l’approuver ? Et se joindre à lui pour nous combattre ?

-         Si nous lui prouvons que les Skavens sont égaux aux Humains sur le plan animique, il devra se concentrer sur les raisons d’agir de Vaucanson.

 

Une succession d’images folles se bouscula dans l’esprit de la Grande Archiviste. Elle se vit présentée au milieu d’un tribunal constitué d’Humains à la mine sévère qui la dévisageaient comme une bête curieuse, elle se représenta des tribunes prêtes à s’étriper pour reconnaître aux Skavens le droit ou non d’être reconnu comme citoyens égaux aux Humains, des Skavens parqués dans des quartiers insalubres, forcés d’apprendre le Bretonnien et de louer la Dame du Lac…

 

Toujours avide d’apprendre quelque chose malgré la situation dramatique, le petit Skaven gris clair bredouilla :

 

-         Euh… c’est quoi, le Graal ?

-         Un artefact sacré et magique dans la culture Bretonnienne, répondit le Prince. Les Chevaliers de Bretonnie vénèrent une Déesse spéciale, la Dame du Lac. Elle possède une coupe enchantée, et permet de boire une gorgée d’eau pure aux Chevaliers les plus méritants qui incarnent à la perfection les idéaux de Bretonnie. Un Chevalier qui boit cette eau devient alors un Chevalier du Graal, un représentant de la Dame du Lac dans notre monde.

-         Même leur Roy est Chevalier du Graal, précisa Bianka.

 

Cette explication laissa Gabriel perplexe.

 

-         Vous voulez dire que les Bretonniens vénèrent un gobelet ? C’est stupide !

-         Ce n’est pas la question ! rétorqua vivement le Prince. Chacun ses croyances. Nous vénérons bien le Marteau de Sigmar, qui est un objet bien réel entre les mains de l’Empereur Karl Franz. Le Graal est tout aussi réel, et l’aura de courtoisie des Chevaliers du Graal n’est pas une simple légende. Quand j’habitais Altdorf, j’ai eu l’occasion de me rendre au palais de l’Empereur Karl Franz alors qu’il recevait le Roy Louen Cœur de Lion. Mon père avait été convié, parmi d’autres personnalités influentes à la Cour, et je l’ai accompagné.

-         Vous avez vu le Roi de Bretonnie pour de vrai ?

-         Je l’ai aperçu de loin un court instant, et pourtant, mon petit Gab, je peux t’assurer qu’il éclipsait presque l’Empereur qui marchait à ses côtés, de par sa seule présence. Enfin, nous n’avons pas de temps à perdre. Il faut nous organiser, savoir combien ils sont précisément et comment ils sont équipés. Pas question d’attendre qu’ils aient atteint Steinerburg en ayant tout ravagé sur leur passage.

 

Ludwig Steiner regarda sa fille et ses trois petits-enfants l’un après l’autre.

 

-         Je compte sur vous pour rester encore plus forts face à ce nouveau défi. J’ai besoin de vous tous.

 

*

 

Sigmund était furieux.

 

Il s’était réveillé avec une douleur lancinante à la tête, et avait aussitôt reconnu les murs et les barreaux d’une des cellules de la caserne. Une nouvelle fois, le Skaven Noir était en prison.

 

Il n’avait pas pu éprouver autre chose qu’une brûlante colère.

 

D’abord, envers ce Chevalier Bretonnien qui avait profité de son statut de messager pour le mépriser et le provoquer.

 

Ensuite, envers son grand-père, qui était plus que probablement l’ordonnateur de cette nouvelle incarcération.

 

Mais il ne savait pas s’il était plus en colère encore contre lui-même, ou contre l’autre.

 

Le Capitaine de la Garde Noire essaya désespérément de repasser cette idée encore et encore dans son esprit : il n’avait eu que ce qu’il méritait. En temps normal, à moins d’une menace directe sur sa vie ou celle de quelqu’un d’autre, un messager officiel était une personne intouchable. Ce Guillaume de Lombard allait probablement raconter à son Suzerain la conclusion lamentable de leur discussion, peut-être que de Vaucanson allait exploiter cette faiblesse à son avantage ?

 

Il y avait bien de quoi être fâché contre lui-même, mais cette colère était éclipsée par intermittence par une autre, aussi violente, contre le Seigneur Bretonnien qui avait eu l’audace de leur envoyer un défi.

 

De Vaucanson… Ce nom seul sonnait comme un cri de rage dans l’esprit de Sigmund. Toute la colère, le désespoir, l’envie de venger son père étaient désormais concentrés dans cette personne.

 

D’abord, à quoi pouvait ressembler cet ignoble individu, qui avait planifié l’empoisonnement du Maître Mage avant d’envoyer son arrogant larbin provoquer le Prince Steiner ?

 

Tantôt Sigmund le voyait comme un misérable petit vermisseau peureux, caché derrière son trône et comptant sur son champion pour le défendre, tantôt Sigmund l’imaginait comme un redoutable combattant, plus grand encore que Jochen Gottlieb, musclé comme un Orque Noir, et capable de briser la colonne vertébrale d’un ours à mains nues. C’était une meilleure perspective, Sigmund voulait affronter un adversaire vraiment coriace, et pas une poule mouillée.

 

Mais quelle que fût la représentation de ce Bretonnien, elle finissait toujours étripée, massacrée, broyée sous ses coups.

 

Sigmund avait envie de l’affronter loyalement et le vaincre dans les règles, mais son instinct, titillé par la Rage Noire, voulait commettre un carnage pire encore que ce qu’avait subi Iapoch, le Prophète Gris mis à mort par son père six mois plus tôt.

 

Chaque fois que la colère penchait du côté de sa bonne conscience, il s’en voulait d’avoir menacé de Lombard. Chaque fois que la colère tanguait vers de Vaucanson, des pensées sanguinaires embrasaient son cerveau.

 

Finalement, il n’y tint plus, et laissa échapper :

 

-         Je vais le TUER !

 

Le Prince Ludwig Steiner soupira. Il venait juste de franchir la porte vers le couloir des cellules pour aller parler à son petit-fils. Ce qu’il avait entendu à l’instant le convainquit qu’il n’y avait rien à espérer pour le moment. Il voulut pourtant aller jusqu’au bout de sa démarche.

 

Sigmund perçut l’odeur de son grand-père à travers les barreaux qui le retenaient. Le bruit de pas des souliers du Prince sur les pavés froids dissipa ses derniers doutes. Enfin, la grande silhouette imposante du fondateur du Royaume des Rats lui apparut.

 

-         Tu as encore fait l’imbécile, Sigmund.

 

Le Skaven Noir ne voulut pas lui laisser le temps de faire un nouveau sermon. Il se jeta sur les barreaux, et s’écria :

 

-         Opa, j’ai compris, maintenant, il faut me sortir de là !

 

Steiner tâcha de garder son calme. Il respira posément, et répondit :

 

-         C’est à moi d’en décider. Siggy, je ne puis te laisser quitter cette cellule pour le moment. Je te rappelle que tu as manqué de provoquer un incident diplomatique.

-         De quoi ?!? Un incident ? Opa, vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de dire ? Ces Bretonniens ont assassiné mon père ! Votre fils ! Voilà que leur délégation vient nous narguer et nous menacer, et vous, vous ne bronchez même pas ?

 

Le regard du Prince se fit alors menaçant. Ses traits se crispèrent.

 

-         Siggy, lever la main sur un messager diplomatique en mission est un crime très grave, même si celui-ci se permet d’abuser des règles de l’hospitalité.

-         Ce maudit Seigneur va comprendre qu’il s’est attaqué à la mauvaise personne ! Je le hais ! Je le hais ! Je ne supporte même pas l’idée qu’il puisse respirer le même air que moi, dans le même pays que moi ! Dès que je sortirai de là, je le casserai en deux !

 

Le Prince rétorqua :

 

-         Voyons mon garçon, à quoi cela te sert-il de déployer tant de haine ? Cela ne fait que te détruire !

-        IL A TUÉ MON PÈRE ! VOTRE FILS ! Comment pouvez-vous laisser faire ça ? C’est pire qu’une déclaration de guerre !

-         Nous n’en avons pas la preuve, Siggy ! De Lombard a fait une allusion, mais il n’a pas revendiqué cet acte !

-         Vous savez que c’est Vaucanson, la coïncidence est trop grosse ! De toute façon, il nous a bien déclaré la guerre ! Or, vous avez laissé repartir son lèche-bottes comme si de rien n’était ?

-         Je te répète que de Lombard est un messager, dont le rôle est de porter la déclaration de son Seigneur, et que cela le rend intouchable, quoi qu’il puisse faire ! Tu le sais bien, non ?

-         Et alors quoi ? S’il vous avait insulté ou pissé sur le tapis, vous auriez laissé faire ? S’il vous avait botté le cul, vous auriez laissé faire ?

-         Ne fais pas l’idiot, Sigmund ! Tu sais bien que ce n’est pas la même chose. Non, je n’aurai pas laissé faire, mais il n’a rien fait de ce que tu viens de dire ! Il a mal parlé, certes, mais il n’a rien fait de plus offensant.

-         Et pourtant, vous l’avez laissé filer entre vos doigts après l’avoir laissé se moquer de vous. Ce n’est pas digne d’un vrai Prince !

 

À ces mots, le regard de Steiner se fit pénétrant.

 

-         Tu penses que je ne remplis pas mes fonctions de monarque ?

 

Sigmund décela la petite pointe d’énervement dans la voix de son grand-père, cette légère petite nuance qui précédait généralement une tempête. Mais il était bien décidé à l’affronter.

 

-         Je le pense et je l’affirme, Opa : un Prince qui assume pleinement son rôle ne laisse pas des étrangers tuer son fils sous son toit et menacer son pays sans riposter. Si vous êtes vraiment le Prince que vous prétendez être, alors organisez la mobilisation générale de l’armée, placez-moi à la tête des soldats de Vereinbarung, et je vous ramènerai la tête de ce Bretonnien de malheur !

-         C’est ce que je vais faire, Sigmund. Mais je ne peux pas te laisser y aller.

-         Mais pourquoi, par la Balance de Verena ?

-         Parce que tu n’es clairement pas en état de commander une troupe ! Regarde-toi donc ! Tu crois vraiment que tu pourrais faire preuve d’assez de discernement et de discipline pour mener un bataillon et vaincre, alors que tu n’es même pas capable de te retenir de brutaliser un messager couvert par l’immunité diplomatique ?

-         Je ferai ça dans les règles : que ce misérable lâche se présente devant moi, lui contre moi. Non seulement je gagnerai, mais en plus, je ridiculiserai tellement son nom devant tous ses vassaux qu’ils nous prêteront tous allégeance et changeront de camp pour éviter de mourir de honte !

 

Ludwig Steiner garda le silence. Il poussa un soupir, secoua la tête, et quitta la pièce, laissant le grand Skaven Noir tout seul. Alors qu’il se dirigeait vers l’escalier pour remonter vers la sortie, le Prince entendit encore son petit-fils invectiver :

 

-         Laissez-moi sortir, et je ferai honneur à notre famille ! Donnez les bons ordres, et Horace de Vaucanson ne sera plus une menace pour qui que ce soit sous huitaine !

 

Il n’eut pour toute réponse que le bruit de la lourde porte qui séparait les cellules du reste de la caserne.

 

*

 

La Grande Archiviste avait terriblement mal à la tête.

 

Une fois de plus, le souper avait été vraiment pénible. Cette fois-là, deux chaises étaient restées inoccupées. Et le patriarche avait décidé de répondre sans mentir à la fatale question que Gabriel avait posée. Si le grand Skaven Noir était absent, c’était parce qu’il avait fini la journée en prison. Un endroit où il allait devoir rester quelques jours, « le temps pour lui de réfléchir à ses erreurs ».

 

Gabriel s’était vu privé de l’un de ses protecteurs attitrés, et avait aussitôt fait une crise de nerfs. Kristofferson avait dû le mettre au lit, après une longue, très longue tentative pour le rassurer.

 

Isolde avait fondu en larmes, et ni sa mère, ni son grand-père ou sa sœur n’avait réussi à apaiser son chagrin, contrairement au sommeil.

 

Une bonne nuit de sommeil allait sans doute être aussi bénéfique pour tout le monde, elle la première. Mais il était encore relativement tôt, et donc il était possible de s’occuper l’esprit avec autre chose avant de gagner le lit.

 

La jeune fille-rate entra dans le petit bureau où elle accomplissait ses travaux personnels d’écriture et de lecture. Le missel consacré à Manann offert par Clarin était toujours sur la table. Elle avait beaucoup travaillé avec les livres de l’ambassadeur du Prince Calderon, et avait appris à parler l’estalien sans trop de difficultés. Elle avait rédigé dans cette langue la dernière lettre qu’elle lui avait adressée, et celui-ci lui avait répondu de la même façon, en la félicitant pour la qualité de son écriture. Quand elle avait lu cette réponse, elle n’avait pas su dire ce qui l’avait réjouie le plus : les encouragements de Clarin, ou le fait qu’elle avait compris chaque mot de sa missive.

 

Et donc, quand elle ne travaillait pas sur l’inventaire du fonds Girotti, elle se consacrait à l’étude de la langue d’Estalie. Grâce à ses facultés intellectuelles hors normes, cet apprentissage ne lui posait pas de problème. Encore quelques semaines, et elle serait capable de tenir une conversation dans le salon d’un prince-marchand de Magritta.

 

La vue des nombreux livres entassés sur les étagères diminua un peu son stress. Les volumes reliés lui rappelaient le temple de Verena, les jours où elle avait appris à lire, les petits moments où elle aidait Isolde à déchiffrer les caractères sur le livre de contes talabheimers ramené par leur grand-père…

 

Tout était bon pour oublier les événements de cette dernière journée.

 

C’est pas vrai ! Sigmund est encore en prison, ça va flanquer en l’air tout ce que j’avais prévu ! Il va falloir que je mette plus la main à la pâte !

 

Son cœur se serra quand elle réalisa qu’elle éprouvait davantage de la colère contre son frère que de la compassion. Le grand Skaven Noir méritait-il vraiment un tel anathème ?

 

Elle tenta maladroitement de se justifier : cette colère n’était qu’une façade pour dissimuler son chagrin.

 

Voilà, Siggy… Après tout, je suis comme toi, et donc j’agis comme toi ! pensa la jeune fille-rate avec un sourire triste. Ça ne changera jamais.

 

Il fallait qu’elle fasse quelque chose pour le soutenir, au lieu de l’enfoncer. Ne serait-ce que pour être en paix avec elle-même. Dès le lendemain, elle irait lui rendre visite. Et certainement pas pour l’accabler de reproches.

 

En attendant, la soirée s’annonçait tout aussi morne que les précédentes.

 

Elle décida de ne plus y penser, et s’installa à sa table de travail. Mais au bout de quelques minutes, il lui fallut se rendre à l’évidence. Elle n’avait pas la tête à perfectionner sa pratique de l’estalien.

 

Elle se leva, se massa la nuque, et pénétra dans sa chambre. Il n’y avait plus que son lit dans la grande pièce décorée de tableaux représentant des paysages d’autres pays, importés par le Prince. Isolde occupait désormais la chambre de leur mère. La petite était incapable de trouver le sommeil autrement.

 

Bianka était seule dans la pièce.

 

Seule… Je suis toute seule… Peut-être que ça ne changera jamais, ça non plus.

 

La température était étouffante, la journée avait été bien ensoleillée, même pour l’automne, ce qui n’était pas pour lui déplaire, mais l’atmosphère de la pièce était lourde. Elle écarta les rideaux, ouvrit la fenêtre puis les volets. L’air frais de la soirée chatouilla délicieusement son visage, et la lueur de Mannslieb inonda la chambre. L’espace d’un instant, elle revit en filigrane l’image atroce d’un assassin Eshin bondissant sur elle. Mais elle se contenta de hausser les épaules, fataliste.

 

Elle détourna les yeux, et son regard se posa lentement sur son matelas, pour se verrouiller dessus.

 

Une envie fulgurante lui traversa alors la tête et le bas-ventre.

 

Elle poussa un soupir coupable et résigné.

 

Elle retira d’abord ses bijoux, et les rangea dans une boîte sur sa coiffeuse. Le reflet qu’elle vit dans le miroir ne lui plut pas. Malgré les exercices qu’elle continuait à faire, elle ne retrouva pas la fraîcheur et la fermeté qu’elle avait l’habitude de voir sur son visage. La fatigue, la lassitude et la peur imposaient impitoyablement leur présence malvenue.

 

Puis elle resta devant son lit. Elle défit les boutons de sa robe d’un geste presque machinal, et laissa glisser le tissu le long de sa fourrure. Le vêtement tomba mollement sur le tapis, laissant la jeune fille-rate complètement nue.

 

Elle inspira un bon coup, puis s’allongea de tout son long sur le lit. Le matelas épousa les formes de son dos et ses hanches. Elle sentit sa poitrine se soulever et redescendre au rythme de ses inspirations et expirations. Un petit zéphyr la fit frissonner, elle eut un sourire nerveux.

 

Alors, elle commença à faire glisser ses doigts délicats sur son corps.

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