Le Royaume des Rats

Chapitre 35 : Retour de bâton

8245 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/11/2020 00:00

Filles et Fils du Rat Cornu,

 

Les Pestilens ont encore frappé, et mon pays est réduit à l’état de confinement pour la deuxième fois, comme le vôtre, peut-être.

 

Cette année aura vraiment été pénible sur bien des points, mais je n’ai qu’une chose à dire : ils ne nous auront pas. Nous avons la capacité de nous évader, que ce soit par les livres, les films, les jeux de rôle, les jeux vidéo, et Internet nous permet de rester en contact malgré les distances forcées. Je vous remercie de toujours me suivre. N’hésitez pas à m’écrire, je répondrai à chacun de vos messages, promis.

 

J’en profite pour dire que le résultat du sondage est tombé, je vais le clore. Il y a donc un gagnant parmi les enfants Steiner (ou une gagnante ?). Je demanderai tantôt le dessin à Ziegelzeig.

 

Portez-vous tous bien, et Longue vie au Prince Steiner !

 

 

Le tireur Skaven Sauvage n’eut pas le loisir de se réjouir davantage. Sa tête éclata soudain comme un fruit trop mûr.

 

Nedland rechargea son fusil à lunette.

 

-         Vas-y, petit rat blanc, la voie est libre !

 

Romulus suggéra :

 

-         On devrait y aller, je pourrai m’occuper des premiers blessés.

-         Je vous couvre !

 

Les deux hommes se dirigèrent au pas de course vers l’endroit où le Démon-tempête avait fait le plus de dégâts. De son côté, Psody se mit à courir aussi vite qu’il put dans la direction où Kristofferson était parti. En quelques minutes, il approchait de la cage de calcaire, dont l’un des stalagmites était disloqué. Il se concentra, et repéra quelques traces de brume de magie Skaven encore en suspension dans l’air. Il n’eut qu’à suivre la piste. Encore quelques centaines de yards de course, et au détour d’un sentier caillouteux, entre deux rochers, il le vit.

 

Il ne connaissait que trop bien l’effet que lui faisait la vue de ce genre d’individu. De la répugnance, de la honte en pensant qu’il avait été l’un d’eux, et de la détermination pour le mettre hors d’état de nuire. Iapoch était allongé sur le dos, et tentait de reculer en s’appuyant sur les coudes. Il releva la tête à l’approche de Psody, et se permit de sourire cruellement.

 

-         Ah, te voilà, ô Grand Blasphémateur !

 

Le Maître Mage approcha avec circonspection. Ce n’était pas le moment de relâcher son attention.

 

-         Alors, c’est toi, la crotte de troll qui fout le bordel dans ma tête !

-         Tu n’as que ce que tu mérites, Psody.

-         Toi contre moi, je veux bien. Mais ma femme ? Mes enfants ? Pourquoi ?

-         Tu mérites de perdre ta famille, sale traître ! C’est à cause de toi que je n’ai pas connu la mienne !

-         Qu’est-ce que tu veux dire ?

-         Vellux était mon père, Psody ! Tu m’as privé de sa présence-sagesse ! Et de tout ce qu’il aurait pu m’apprendre !

 

Le Skaven Blanc se remémora alors les dernières paroles de son ancien maître : « Tue-tue ton ennemi, Fils du Rat Cornu... mais ça ne te protègera pas de notre colère-vengeance ! » avait invectivé Vellux. Le Prophète Gris de Brissuc comptait déjà sur cet héritier pour prendre sa revanche au-delà de la mort.

 

Sans doute un mensonge-mensonge de plus ! Quoique…

 

Le Skaven Blanc venait de percevoir quelque chose de désagréable. Une sensation familière. Il regarda un peu mieux le Prophète Gris qui se traînait toujours par terre, et distingua dans son faciès tordu de douleur et de frustration des traits qui ne lui étaient pas inconnus.

 

Et si c’était vrai ? Il y avait un air de famille. La forme de la tête, les yeux… Et l’odeur ? Il sentait particulièrement mauvais, comme s’il avait passé quinze jours dans un tas de viande moisie. Vraiment, il puait bien plus que n’importe quel autre Skaven Sauvage dans le périmètre. Mais sous le fumet de charogne, Psody détecta une toute petite subtilité qui lui rappela effectivement l’odeur caractéristique de Vellux.

 

Tant de choses dont il était peu à peu en train de prendre conscience, et qui le poussaient à croire les paroles du Prophète Gris. Après tout, ça tenait debout ! Psody pouvait se vanter d’avoir été la personne au monde à avoir connu Vellux mieux que quiconque. Ce Skaven Blanc-là pouvait bien être son rejeton.

 

C’est alors que le Maître Mage entendit un gémissement étranglé derrière lui. Il tourna la tête, et remarqua Kristofferson, à terre, assis derrière un rocher, qui se tenait les côtes. Son cœur s’arrêta net.

 

-         KIT !

 

Psody se précipita vers son fils et s’agenouilla près de lui. Les yeux du jeune Skaven brun se voilaient, et sa respiration ralentissait.

 

-         Mon petit garçon !

-         Dis-moi… dis-moi qu’il ment !

-         Que… qu’est-ce qu’il t’a dit ?

 

Une larme mêlant douleur et chagrin glissa sur la joue duveteuse du jeune homme-rat.

 

-         Que Vellux… est mon père. Et que tu le sais.

 

À ces mots, le visage de Psody s’allongea de près de deux pieds sous les actions conjuguées de la panique et de la rage.

 

-         Quoi ? Jamais-jamais, t’entends ?! Tu es mon fils, Kit ! Et je vais te sauver ! Tiens bon ! Nedland et Romulus arrivent !

-         Faudrait qu’ils se grouillent alors…

 

Il ferma les yeux, et perdit conscience. Le Skaven Blanc le serra contre sa poitrine, en faisant un terrible effort pour ne pas perdre son sang-froid. Il se tourna alors vers l’autre Skaven Blanc, toujours à terre. Ce dernier ricana.

 

-         J’aimerais savoir… quel effet ça fait d’apprendre que ton cher-cher Kit est le descendant de celui que tu as trahi-assassiné ?

 

Psody secoua énergiquement la tête avec une grimace de colère.

 

-         Ta gueule, sale petite merde ! Kristofferson est mon enfant, pas celui de Vellux !

-         Prie pour qu’il ne survive pas à cette blessure-blessure, parce que sinon… un jour… mon demi-frère, que tu crois attaché à toi… vengera-honorera notre père !

 

Pour toute réponse, Psody tendit la main et aboya quelques syllabes incompréhensibles pour ceux qui ne maîtrisaient pas le langage du Collège de Jade. Aussitôt, la terre remua tout autour d’Iapoch. Le Prophète Gris regarda nerveusement autour de lui, perplexe, lorsque soudain, des racines vertes, épaisses et souples, émergèrent de tous les côtés, et s’enroulèrent en quelques secondes autour de ses poignets, ses chevilles et ses reins. Puis elles se tendirent, et se rabattirent dans la terre. Iapoch se retrouva avec les bras et les jambes douloureusement écartés. Il glapit à plusieurs reprises. Entre deux couinements, il voulut encore provoquer le Maître Mage.

 

-         Ton Kit te trahira au pire moment ! L’instinct familial… est plus fort… que tout !

 

Psody leva le bras, et crispa fermement le poing. Une autre racine emprisonna le cou d’Iapoch, et lui serra la gorge. Le Maître Mage contempla quelques instants son ennemi, par terre, en train de gigoter de toutes les quelques faibles forces qui lui restaient.

 

Et s’il avait raison ?

 

À peine cette pensée eut le temps de germer dans son esprit qu’il prit sa décision.

 

Bras et jambes écartelés, Iapoch était complètement réduit à l’impuissance. Il ne fit plus aucune supplication, il était trop occupé à geindre. Il braqua ses yeux dégoulinants de larmes effrayées vers le Maître Mage, et gémit plus fort quand il vit le regard de son aîné Skaven Blanc.

 

Les yeux roses de Psody étaient complètement rouges, et brûlaient au milieu de l’éruption de colère qui étirait effroyablement sa figure.

 

-         Tu as tenté de me monter contre ma famille-famille. Non, tu as fait pire que ça ! Tu es entré dans mon esprit pour y semer tes mensonges-manipulations ! Et à cause de toi, je leur ai fait peur, je les ai blessés, et j’aurais pu les tuer !

 

Une petite pensée fusa à travers l’esprit du Skaven Blanc : un remerciement au Rat Cornu pour ne pas pouvoir observer son propre visage à cet instant. Il en avait conscience, une telle expérience l’aurait sans doute fait mourir de peur. C’est à peine s’il reconnut sa propre voix quand il entendit un raclement sourd émerger de sa gorge :

 

-         Tu m’as violé-profané, Iapoch ! Je vais te rendre la pareille !

 

Il leva les deux mains, étira les doigts, et fit quelques gestes rapides. Une racine plus grosse que les autres émergea entre les pieds du Skaven Blanc sur le sol. Elle poussa lentement mais inexorablement vers le prisonnier, et glissa sous sa robe. Dans sa position, Iapoch ne pouvait rien voir, mais il émit un cri suraigu quand il éprouva une sensation particulièrement désagréable. La racine pénétra entre ses fesses, et continua impitoyablement de croître sous l’action de Ghyran. Les cris du Prophète Gris traduisaient sans doute une souffrance particulièrement intense, mais ils furent étouffés quand la racine remonta jusqu’à son œsophage. La plante redressa de force le Skaven Blanc Sauvage, sans relâcher sa prise sur ses mains et ses pieds. Les articulations de ses bras et ses jambes se disloquèrent, son cou s’allongea sous la pression. Enfin, dans un odieux gargouillis, Iapoch se retrouva déchiré en morceaux, les membres séparés du tronc, la tête oscillante, accrochée à l’extrémité de la racine, qui avait fait exploser la poitrine de l’intérieur comme une sanglante fleur géante.

 

Tremblant de colère, Psody approcha de l’amas de tripes et de sang qui avait été le Prophète Gris Iapoch, et plongea son regard dans les yeux écarquillés de douleur.

 

-         Que le Rat Cornu dévore-défèque ton âme, comme celle de ton géniteur !

 

Il remarqua alors quelque chose qui lui avait échappé. L’oreille d’Iapoch présentait les cicatrices rituelles que chaque Skaven Sauvage adulte portait, mais il ne les reconnut pas.

 

Ce ne sont pas celles de Brissuc.

 

Psody baissa les yeux sentit des sillons crevasser son front quand il perçut un détail très troublant qu’il n’avait pas pris le temps de repérer auparavant.

 

Ses jambes, ses pieds… Tout est pourri-moisi ! Voilà d’où vient cette puanteur.

 

En effet, à présent qu’il les voyait bien, il constata que les membres inférieurs d’Iapoch étaient rongés par une pourriture qui faisait paraître les chairs flétries sous une fourrure noirâtre, envahie par une sorte de moisissure particulièrement malodorante. C’est alors qu’il se rendit compte de ce qu’il venait de faire en voyant le pantin grotesque dans son entier.

 

La Magie de Jade… la Magie de la Vie… comment ai-je pu la pervertir-souiller à ce point ?

 

Il y avait cependant une bonne raison qui revint à son esprit comme un coup de marteau. Il se précipita vers son fils, le releva par les épaules, et le serra contre sa poitrine en pleurant.

 

-         Tu vas t’en sortir, Kit. Tiens bon… les renforts arrivent !

 

Kristofferson ne répondit rien, toujours sans connaissance. Psody se surprit alors à murmurer dans sa langue natale :

 

-         Le Rat Cornu est sage-clément, il déteste les lâches, mais sait préserver la vie des valeureux…

 

C’est à peine s’il perçut la voix de Nedland derrière lui.

 

-         Putain, c’est quoi, ce merdier ?

 

Le Halfling était l’une des rares personnes qui se permettait d’exprimer son avis à Psody sans circonvolutions.

 

-         Psody ! Mais qu’est-ce que tu as fait, triple buse ? Il ne fallait pas le…

 

Soudain, l’éclaireur s’étrangla.

 

-         Par les poils de cul de mon grand-oncle Salpêtre ! Kit !

 

Il s’agenouilla devant le Skaven Blanc. Son sang se glaça quand il vit quelque chose remuer sous la tunique du jeune homme-rat.

 

-         Enlève sa chemise, Psody ! Vite !

 

Sans attendre de réponse du Maître Mage, Nedland tira sur le vêtement pour révéler la blessure. Les deux amis poussèrent des cris horrifiés. Une excroissance rose était en train de pousser là où la balle avait pénétré la chair du Skaven brun.

 

-         Par le Rat Cornu, qu’est-ce que c’est que ça ?

-         Esméralda ait pitié… C’est une mutation !

 

Le mot éclata dans le cerveau du Skaven Blanc comme un coup de tonnerre. Même s’il savait ce que c’était, même s’il en avait déjà vu, il avait refusé de voir la réalité en face jusqu’au bout. Et pourtant, les faits étaient là. Sigmund lui avait parlé des balles à malepierre concentrée utilisées à Rabanera, il fallait se rendre à l’évidence : les Skavens n’étaient pas immunisés à leurs terribles effets.

 

Heureusement, il garda la tête froide.

 

-         Va chercher Romulus, je vais la contenir !

 

Le petit homme courut vers le dispensaire. Psody posa la main sur le gonflement de chair, et murmura une formule magique destinée à purifier les plantes. Probablement un moyen de freiner cet abcès, à défaut de l’éliminer. Quelques étincelles de jade crépitèrent entre ses quatre doigts, et matérialisèrent une sorte de gangue verte transparente autour de l’impact de balle.

 

Romulus arriva bien vite, accompagné du Halfling et de deux brancardiers. Les deux infirmiers embarquèrent le jeune homme-rat. Romulus voulut l’examiner quelques instants avant de les laisser repartir.

 

-         Tu as eu un bon réflexe. Je ne sais pas grand-chose des mutations, mais elle a l’air d’avoir été stabilisée.

-         Ce sort ne pourra pas rester stable éternellement-perpétuellement, Romulus ! Et puis, à coup sûr, cette cochonnerie va se développer à l’intérieur !

-         Raison de plus pour accélérer. Nous allons le ramener à Steinerburg avec le premier convoi.

-         Dans combien de temps ?

 

Le prieur de Shallya regarda les alentours.

 

-         Deux heures, tout au plus. Cela devrait te laisser le temps d’aller voir si tu ne trouves pas quelque chose dans le terrier.

-         La voie est libre-libre ?

-         Elle l’est, petit rat blanc, répondit Nedland. Le lieutenant Renata me l’a confirmé.

-         Allez-y ensemble, proposa Romulus. Moi, je m’occupe de ton fils.

 

Le prieur s’empressa de retourner auprès du blessé.

 

Les deux hommes restèrent sur place, debout côte à côte, sans oser parler, ni se regarder. Enfin, au terme d’une longue minute, Nedland murmura :

 

-         Je suis désolé, mon ami. Excuse-moi.

-         Laisse tomber-tomber.

-         Bon… Est-ce qu’il a eu le temps de te dire le nom du traître ?

-         Non. Mais on trouvera un autre moyen. Je ne sais pas encore-encore lequel, mais on trouvera.

 

Nedland fit quelques pas dans la direction du cadavre du Prophète Gris.

 

-         N’approche pas ! Ce Skaven Blanc est salement infecté !

-         D’accord.

 

L’éclaireur remonta sa cape pour se cacher le nez, s’accroupit, pencha la tête sur le côté, et examina du mieux qu’il put les restes d’Iapoch. Il grommela de contrariété, et retourna près du Maître Mage.

 

-         J’ai une mauvaise nouvelle, mon ami.

-         Une « mauvaise nouvelle » ? Plus mauvaise que mon fils qui se fait tirer dessus à la malepierre ?

 

Psody n’avait même plus la force d’être irrité. Il avait parlé sans regarder son interlocuteur. Nedland tâcha de rester calme.

 

-         Je suis désolé pour Kristofferson. Seulement, tu dois rester concentré ; il ne faudrait pas qu’on ait fait tout ça pour rien. Je dois t’annoncer que tu avais raison.

 

Cette fois, Psody tourna la tête, le front à nouveau crevassé par la perplexité.

 

-         De quoi tu parles, mon ami-ami ?

-         Je confirme ce que tu craignais quand on a établi le plan de bataille : ce Skaven Blanc-là n’est pas celui du Domaine Nichetti !

-         Quoi ?

-         Celui qui m’a échappé était plus petit, et plus gros. Si je recolle les morceaux de celui-là, ça fait un grand maigre. En plus, il n’a pas la même caboche.

-         Par le Rat Cornu ! Alors ils sont bien deux !

-         Enfin, plus qu’un, maintenant.

 

Le visage de Nedland se fit plus dur.

 

-         Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit qu’il vaut mieux garder cette information-là pour nous. En tout cas, pour le moment, je suis d’avis de ne rien dire.

-         Moi aussi-aussi. D’autant plus que c’était le fils de Vellux !

 

Le brave Halfling ne cacha pas sa suprême surprise.

 

-         Saperlipopette ! Ce rat blanc… un rejeton de ton maître ?

-         Oui, il lui ressemble, par la tête et par l’odeur.

-         Comment est-ce qu’il a pu venir jusqu’ici ? Je croyais que le terrier de Brissuc avait été complètement nettoyé peu après notre arrivée à Vereinbarung ?

-         Je n’en sais rien, mais j’ai déjà un indice : les cicatrices sur son oreille gauche ne sont pas celles de Brissuc. Il a été recueilli par quelqu’un d’autre avant.

-         Mouais… Peut-être qu’un Skaven Sauvage de ton terrier a senti le vent tourner avant tout le monde et s’est barré avec ?

-         C’est possible. Mais ce n’est pas ce qui me surprend-étonne le plus.

-         Alors quoi, mon ami ?

 

Ce fut au tour de Psody d’afficher une expression concentrée.

 

-         À ma connaissance, je suis le seul Skaven de l’Empire Souterrain à avoir eu de bons rapports avec les Skavens liés à moi par le sang. Vellux n’était pas comme ça. Aucun Skaven Sauvage n’est comme ça. Pourtant, Iapoch avait l’air vraiment furieux contre moi pour avoir tué son père de sang, alors qu’il n’a pas pu le connaître-connaître. Ce n’est pas normal.

-         C’est peut-être vraiment le rejeton de Vellux ?

-         Oui, mais normalement, il devrait s’en moquer-moquer. Celui qui l’a ramassé a dû lui bourrer le mou pour le rendre revanchard au point de me reprocher d’avoir abattu mon maître et vouloir le venger.

-         Tu veux dire que dans l’Empire Souterrain, les… « vendettas de famille » n’existent pas ?

-         Dans l’Empire Souterrain, la notion même de « famille » n’existe pas. Seuls comptent le Clan et le Rat Cornu. Et les revanches personnelles. Aucun Skaven normal de l’Empire Souterrain ne prendra autant de risques pour quelqu’un d’autre.

-         Hum… Peut-être que ton histoire a fait des émules ? Tu es connu dans l’Empire Souterrain, si ça se trouve, ta vie a inspiré d’autres Skavens qui ont décidé d’essayer de nouvelles méthodes d’éducation ?

-         Si c’est ça, je ne sais pas si je dois y voir un bien ou un mal.

 

Psody entendit alors un léger mugissement. Il se retourna, et vit un spectacle qui l’interloqua.

 

Une silhouette était penchée sur l’amas de viande et d’os encore chaud qui avait été Iapoch. C’était un esclave Skaven particulièrement décrépi, sans doute l’être le plus pitoyable qu’avait pu voir le Skaven Blanc jusqu’alors. Il était impossible de distinguer ses traits, ou quoi que ce soit d’autre de précis, à cause des bandages et autres tissus brunis qui recouvraient intégralement son corps, sous un épais sac de toile. La pathétique créature pleurait doucement, toute la tristesse du monde sur ses épaules tronquées. Elle serrait la tête du défunt Prophète Gris contre sa poitrine rachitique, et la caressait amoureusement.

 

-         Que fait-on de celui-là ? demanda le Halfling.

 

Psody eut une nouvelle fois un coup au cœur. Même si Iapoch avait été son ennemi, il y avait au moins une personne pour le pleurer. En vérité, la créature lui semblait bien trop misérable pour qu’il eût envie de lui faire le moindre mal. Il leva la main.

 

-         Foutons-lui la paix, il y a eu assez de morts comme ça.

-         Allons visiter leur repaire !

 

Les deux amis se dirigèrent vers l’entrée, laissant derrière eux l’esclave pleurant son défunt propriétaire.

*

 

À l’approche de l’entrée principale du terrier des Skavens Sauvages, Psody entendit quelqu’un l’appeler. C’était Sigmund, qui tenait sa jument par les rênes.

 

-         Père ? Ned ? Kit n’est pas avec vous ?

 

Le Skaven Blanc sentit son estomac se tortiller comme un tissu essoré par une lavandière. Le Halfling fit comme s’il n’avait pas entendu la question.

 

-         Bon, je pars en avant pour éclairer. Hé, éclairer, c’est mon métier, pas vrai ?

 

Puis il fila vers l’ouverture. Le Skaven Noir n’était pas dupe. Il insista :

 

-         Père, où est Kit ?

 

Psody sentit l’énervement dans la voix de son fils. Pas de doute, Sigmund perdait son sang-froid. Il montra du pouce la tente où était Romulus.

 

-         Sigmund… retourne vite auprès de ton frère.

-         Qu’est-ce qui s’est passé ?

-         Il s’est fait tirer dessus.

 

Aussitôt, le visage du Skaven Noir fut déformé par la panique.

 

-         Quoi ?!? Par l’épée de Ve…

-         Calme-toi, Siggy ! ordonna le Maître Mage en levant une main autoritaire.

-         Me calmer ? Mon frère va crever et tu me demandes de me calmer ? Tu t’en fous, c’est ça ?

-         Assez !

 

Même s’il était bien moins grand que lui, et bien moins fort physiquement, le Skaven Blanc savait utiliser le ton et le regard nécessaires pour garantir une obéissance instantanée de la part de son fils, même quand celui-ci menaçait de se laisser emporter par ses émotions. Sigmund s’arrêta net, et resta silencieux, paralysé par la démonstration d’autorité de Psody. Celui-ci parla plus lentement et doucement.

 

-         Je ne m’en fous pas, Siggy. Ton frère est aussi mon fils, je te rappelle ! Seulement, s’énerver-s’affoler ne sert à rien. Dans ce genre de situation, la première chose à faire est de garder son calme. Kit ne va pas crever ! On va tout faire pour le sauver. Romulus et moi allons le maintenir en transe pendant le trajet de retour, et Sœur Judy prendra la relève à Steinerburg. C’est la meilleure des soigneuses de Shallya de tout le royaume. Il s’en sortira.

 

Le Skaven Blanc ne sut s’il avait voulu rassurer son fils, ou lui-même. Il décida de ne plus y penser.

 

-         Va rester près de lui. Moi, je vais aller jeter un œil là-dedans.

 

Sans un mot, le Skaven Noir courut vers la tente, suivi par Okapia.

 

Le Skaven Blanc avala sa salive, et avança vers la caverne. Nedland l’attendait. Les deux compères franchirent le palier ensemble. Ils croisèrent un petit groupe de soldats.

 

-         On a chassé les derniers, Maître Mage.

-         Certains étaient cachés, mais nous, les Skavens, pouvions les sentir et les débusquer ! déclara fièrement un soldat homme-rat.

-         Méfiez-vous, il peut rester des assassins Eshin, tempéra Nedland. Eux n’ont pas cette odeur.

-         Il ne doit plus en rester beaucoup-beaucoup. Les Eshin sont les premiers à fuir en cas d’invasion, précisa Psody.

 

 

Les deux amis passèrent l’heure suivante à explorer le principal boyau de la mine. Comme ils s’y attendaient, de nombreuses traces témoignaient de la présence des Skavens Sauvages depuis un certain temps. Traînées de sang fraîches, excréments, tissus imbibés de sang ou d’urine disséminés çà et là, armes cassées ou rouillées…

 

Nedland conclut sans difficulté et avec certitude que ces intrus avaient pénétré le Royaume des Rats depuis des semaines, des mois, peut-être une demi-année. Le plus révélateur était l’état de la pouponnière – la caverne aménagée où les habitants de l’Empire Souterrain avaient parqué leurs femelles. Les soldats de Steinerburg en avaient compté trois. Elles étaient relativement jeunes, et n’étaient pas encore monstrueusement énormes. Les Skavens Sauvages avaient veillé à choisir parmi les plus faciles à transporter, et les traitements demandaient quelques mois pour agir pleinement.

 

Nedland était catégorique :

 

-         Il doit y avoir une autre colonie plus grosse plus loin, peut-être au-delà de la frontière. Trois pondeuses pour un terrier de cette taille, ça ne suffit pas. Ils les ont mises là pour permettre à leurs Guerriers des Clans de se vider les couilles entre deux attaques, mais pour ce qui est de la survie de l’espèce, il leur en faudrait plus.

-         Je pense aussi-aussi. Raison de plus pour rester vigilants, ajouta Psody en baissant la voix. On a trouvé des ratons ?

-         Une bonne vingtaine, mais on ne pourra en prendre que quelques-uns, ils sont assez mal fichus. Comme elles, tiens.

 

Les trois pondeuses, comme toutes les prisonnières de la folie reproductrice des Fils du Rat Cornu, étaient allongées nues sur de la paille sale, et semblaient toutes trois dans un état d’absence totale, abruties par l’encens de malepierre. Le Maître Mage n’était pas du tout optimiste. Vrai, elles n’étaient pas aussi grosses que celles qu’il avait vues pendant les Récoltes, mais les médications des Skavens Sauvages avaient déjà commencé leurs épouvantables effets : leur ventre était déjà bouffi et tendait leur peau, elles portaient les traces évidentes de violences et d’enfantements successifs, et le pire était leur manque de réactivité. Le lieutenant Renata s’accroupit près de l’une d’elles, glissa son épée dans un des anneaux de la chaîne qui la maintenait attachée au sol, et le rompit.

 

-         Voilà, tu es libre.

 

La pauvre créature allongée par terre leva péniblement la tête, cligna des yeux. Aucune intelligence n’apparaissait dans son regard. Elle ricana doucement, laissa sa tête retomber sur la paille, écarta les jambes, et ne bougea plus, comme si elle attendait le prochain Skaven à venir.

 

Psody secoua négativement la tête.

 

-         Nous arrivons trop tard pour elles, je le crains-crains.

-         Qu’est-ce qu’on va en faire, Maître Mage ?

 

Quand le Skaven Blanc pivota vers le lieutenant Renata, son cœur se serra. Elle le suppliait du regard.

 

-         Désolé, Lieutenant, mais il n’y a plus rien à faire. Voyez, elle en est au stade où son cerveau ne réagit plus qu’à la saillie, ou la béatitude de la drogue. Nous ne pourrons pas continuer à les traiter à la malepierre. Cette béatitude va être rapidement remplacée-remplacée par la douleur de l’état de manque, une douleur qui va les rendre folles au point de mourir d’hystérie.

 

La femme brune fit une moue contrariée.

 

-         Vous voulez dire que la seule chose à faire, c’est les achever ?

-         Tant qu’on n’a pas encore développé de remède contre la malepierre, c’est tout ce que nous pouvons faire.

 

Devant l’air déconfit du lieutenant, le Maître Mage crut bon ajouter :

 

-         Dites-le.

-         Quoi donc, Maître Mage ?

-         Ce que vous pensez des Skavens Sauvages. Dites-le devant moi, si ça peut vous soulager.

-         Vous savez déjà ce que je pense d’eux, Maître Mage. Et vous savez aussi que je ne vous compte pas parmi eux. Les insulter dans le vent ne ferait rien d’autre que vous blesser. Je n’ai pas envie de vous faire du mal, à vous. Et si j’avais entre mes mains le connard qui a tiré sur votre fils, je lui arracherais les mains avant de le gifler avec !

-         Vous aurez du mal, Lieutenant, je lui ai fait sauter le caisson, répondit évasivement Nedland.

 

Pleine d’une compassion qui la surprit elle-même, le lieutenant Renata prit doucement la main de la pondeuse. Celle-ci eut juste un petit gloussement.

 

-         C’est la première fois que je vois ce qu’ils font à leurs femmes, Maître Mage.

-         Et je vous souhaite que ce soit aussi la dernière-dernière. C’est pour ça qu’on se bat.

-         Comment vous faites, lorsque vous en trouvez une dans cet état ?

-         Je lui donne un somnifère très-trop puissant. Elle s’endort, et ne se réveille plus. Efficace et sans douleur.

-         Si vous le permettez, Maître Mage… j’aimerais m’occuper d’elles. Les trois.

 

Les sourcils de l’homme-rat Blanc se levèrent.

 

-         Ne vous sentez pas obligée de le faire. Habituellement, c’est moi qui m’en charge.

-         J’espérais leur sauver la vie, Maître Mage. Si je ne peux rien faire pour ça, je voudrais au moins les soulager.

-         C’est tout à votre honneur-honneur. Nedland ?

-         Ouais, Psody ?

-         Tu veux bien aller chercher la potion ? Romulus en a pris une dame-jeanne, au cas où.

-         Tout de suite !

 

Le lieutenant Renata soupira.

 

-         Il avait prévu le coup, hein ?

-         Quand il y avait des Récoltes-Récoltes, on laissait les pondeuses en vie. Celles-là sont condamnées, il n’y a plus personne pour les nourrir-nourrir. Autant leur éviter une souffrance-souffrance inutile.

-         Quelle différence, Maître Mage ? demanda alors une autre voix.

 

Le Skaven Blanc se tourna vers celui qui avait parlé. C’était un grand homme au visage anguleux, brun, coiffé en brosse, avec un regard cynique.

 

-         Si vous aviez empoisonné les pondeuses de tous les terriers et colonies que vous avez visités, ça aurait fini par diminuer leur nombre ? Faute de femelles, plus de reproduction, et plus de rats géants.

 

Trois Skavens s’approchèrent à ces mots.

 

-         Hé, Kürbis, tu te rends compte de ce que tu viens de dire ?

-         Et si une race tuait toutes les Humaines pour qu’il n’y ait plus d’enfants, tu ferais quoi ?

-         Ce sont nos filles que tu veux éliminer ! Même malades comme ça, elles restent des nôtres !

 

Le dénommé Kürbis ne répondit pas, mais soutint le regard du premier Skaven qui avait parlé. Celui-ci continua :

 

-         Si tes parents avaient fait ça, on n’aurait jamais vu le jour ! Je suis sorti du ventre d’une femme comme elle !

 

Kürbis fit craquer ses doigts, et demanda de nouveau au Maître Mage :

 

-         Sérieusement, Maître Mage, je sais de quoi je parle. J’ai participé à une Récolte ou deux, de toute façon, ces filles-là sont condamnées. Celles que vous avez laissées en vie dans les colonies ont continué à souffrir jusqu’à la mort. Peut-être même que les Skavens Sauvages se sont vengées sur elles, et qu’elles ont pris deux fois plus de coups. Alors, pourquoi vous n’avez pas achevé celles que vous avez vues ?

 

Psody resta calme. Il réfléchit à ses paroles un court instant et répondit :

 

-         Techniquement, votre raisonnement est juste, soldat Kürbis : on épargne aux prisonnières plus de douleur-douleur, et on diminue le taux de reproduction des Skavens Sauvages, ce qui les affaiblira. Mais il y a une grande différence-différence entre technique et éthique. Ce n’est pas le genre de pratique que le Prince approuve-accepte. Ce serait exploiter les mécanismes de la nature pour tuer un peuple. Un peuple intelligent, pas une espèce d’animaux nuisibles. Ce serait se mettre au niveau des Pestilens qui nous considèrent comme de la vermine à exterminer-éliminer, et nous envoient leurs maladies pour ça.

 

Cet argument semblait avoir interpellé Kürbis, qui avait perdu son air cynique. Le lieutenant Renata s’en rendit compte, et en profita pour renforcer cette argumentation.

 

-         Et puis, autant dans les petites colonies comme celle-ci, ça pourrait marcher, autant dans des endroits comme Sub-Delberz ou Skarogne, il y a beaucoup trop de pondeuses, et elles sont trop bien protégées pour qu’une telle opération soit réalisable. Ou alors, on perdrait trop d’hommes pour que ce soit rentable. Maintenant, si la vue vous répugne, retournez vous rendre utile dehors, soldat Kürbis.

 

Le soldat obéit sans mot dire. Le Maître Mage se pencha une dernière fois vers le lieutenant Renata.

 

-         Parlez-lui si vous voulez, mais ne vous attachez pas trop.

-         Ne vous en faites pas, Maître Mage. Je veux juste la rassurer, qu’elle sache qu’elle pourra partir en paix.

 

Le Skaven Blanc fit un petit sourire, et reprit son exploration.

 

Il savait où chercher le cabinet d’Iapoch. Aucun Prophète Gris digne de ce nom ne pouvait se passer d’appartements privés où concocter ses potions et préparer ses complots. Toujours dans la caverne la plus sûre et plus confortable. Pas forcément la plus grande, au contraire, une chambre de grande taille pouvait receler plus de cachettes où un Eshin attendrait.

 

Les Skavens Sauvages n’avaient pas pris la peine de creuser de nouvelles galeries. Psody passa par une immense salle, et comprit que les Skryre s’y étaient installés pour fabriquer leurs armes de guerre. Il n’y avait qu’à voir tous les câbles de cuivre reliés à d’épaisses chaudières à l’intérieur desquelles luisaient encore des blocs de malepierre brûlants, et les établis où trônaient des armes que les Technomages n’avaient pas eu le temps de finir. Il y avait dans un coin quelques cages. Sans doute la propriété du Clan Moulder, si l’on se fiait aux grognements qui s’échappaient d’entre les barreaux. Sans ralentir, Psody continua sa route et s’enfonça davantage.

 

L’oreille du Skaven Blanc pivota quand il entendit des couinements aigus et très forts.

 

-         Arrêtez-le !

 

Dans un autre tunnel sur sa droite, il vit trois soldats aux prises avec deux Guerriers des Clans… enfin, pouvait-on parler de « Guerrier des Clans » ? Les soldats tentaient de maîtriser deux tout jeunes Skavens Sauvages à peine sortis de la pouponnière. Un Humain tenait fermement au sol l’un des enfants-rats, tandis que les deux autres poursuivaient le deuxième qui filait à toute allure.

 

Le soldat avait du mal à maintenir sa prise ; la petite créature malingre ne faisait pas plus de trois pieds de haut, ne devait pas peser plus d’une vingtaine de livres, et pourtant elle se débattait avec une férocité bestiale. Elle mordit sa main gantée si fort qu’il cria. Furieux, il répliqua d’une violente gifle qui assomma l’enfant-rat.

 

L’autre petit Skaven Sauvage courait à perdre haleine vers Psody. Celui-ci eut une idée. Il leva les bras, le regarda sévèrement, et ordonna en queekish :

 

-         À genoux devant ton Prophète Gris !

 

Le jeune enfant-rat, mû par un automatisme inséré dans son crâne à grands renforts de menaces et de punitions, se figea sur place, se jeta au sol, et se prosterna. Il fut immédiatement rattrapé par les deux soldats qui l’embarquèrent à son tour.

 

Le Maître Mage continua son chemin. Il sentit une larme lui chatouiller la pommette.

 

Si jeunes, et déjà conditionnés… Ça va être dur-dur de les récupérer. Heike ne devait pas être plus âgée que ça quand ils l’ont trouvée-ramenée… mais elle n’était qu’une victime. Ces deux petits mâles ont déjà été transformés en bourreaux-bourreaux !

 

Une fois de plus, la pensée la plus désagréable qu’il pouvait avoir s’imposa à son esprit.

 

Quand je pense que j’ai été un rouage de toute cette machine infernale !

 

Pendant un instant, il ne put penser à autre chose. Les cauchemars envoyés par Iapoch lui revinrent en mémoire. Et s’il s’était comporté comme un Prophète Gris normal ? Et s’il s’était sorti de ce marécage pour trouver une autre colonie où s’installer ? Il avait bien eu l’occasion de le faire, s’il avait suivi Jourg du Clan Moulder des années auparavant, il aurait sans doute été le maître de Gottliebschloss. Et il n’aurait jamais souffert de ce genre de tourment.

 

Est-ce que ça valait-vaut le coup ?

 

La réponse fut évidente quand il revit chacun de ses enfants au même âge que les deux jeunes prisonniers, et les moments de joie vécus ensemble. Il ne se posa plus de question.

 

Il était temps, d’ailleurs, de se concentrer, car il venait d’apercevoir une lourde porte. Le genre de porte installée pour entreposer les outils précieux. Une porte qui pouvait fermer à clef. Le Maître Mage se contenta de désagréger la roche qui maintenait les charnières en place, en prenant garde à ne pas entamer une paroi de soutènement. La porte tomba au sol dans un grand bruit, et le Skaven Blanc la franchit.

 

L’endroit était tel que Psody se l’était imaginé : un espace réaménagé selon le cœur d’un Prophète Gris, avec autant de signes qui ne trompaient pas. Il y avait des restes de nourriture qui traînaient par terre, un bureau sur lequel il vit quelques fioles et un gros carnet de notes, une étagère garnie de parchemins reliés, et dans un coin un tas de paille qui puait l’urine.

 

Psody s’appliqua à fouiller méthodiquement les lieux. Il consulta les parchemins… rien que des écrits sur le Rat Cornu et ses commandements, les choses-hommes, et autres choses banales. Il consulta le carnet de notes sur le bureau. Iapoch avait rassemblé des informations telles que des comptes, un inventaire des ressources de la mine de Kreidesglück, la liste des armes Skryre et Moulder. Les dernières pages étaient noircies d’exercices d’écriture. Le Prophète Gris s’était entraîné à écrire en reikspiel.

 

Mais rien qui nous permettrait de remonter au traître-traître…

 

Rien non plus dans le meuble lui-même, les tiroirs étaient tous vides. Le Maître Mage fourra tout de même le carnet dans sa sacoche. Il balaya du regard le bureau une dernière fois, puis poussa un soupir déçu. Il se dirigea vers la sortie à petits pas.

 

Au moment où il allait franchir la porte, il s’arrêta net.

 

Quelque chose venait d’attirer son attention. Un de ses sens avait réagi à un stimulus. Pendant une demi-seconde, il tâcha de discerner lequel. Avait-il entendu un bruit ? Perçu un courant d’air ? Vu quelque chose briller ?

 

L’odeur !

 

Oui, il y avait une odeur. Il huma l’air nerveusement. Cette odeur était trop familière pour être une erreur. Il ferma les yeux, et focalisa toute son attention sur son odorat. Instinctivement, il suivit l’odeur, il se la représenta, en train de tourbillonner comme un léger nuage. Enfin, il en était sûr, il était pile devant l’origine de cette odeur. Il releva les paupières, et ses yeux s’ouvrirent en grand.

 

Il dut réfléchir une demi-douzaine de secondes supplémentaires pour comprendre, puis faillit éclater de rire.

 

Comment ai-je pu rater-rater ça ?

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