Le Royaume des Rats

Chapitre 34 : La Fièvre du Combat

7790 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/11/2020 10:16

L’un des meilleurs souvenirs de Sigmund était celui de son anniversaire, quelques années plus tôt. Le prince Ludwig avait décidé d’offrir une monture à chacun de ses deux petits-enfants jumeaux. Il les avait emmenés, lui et sa sœur, chez le meilleur fournisseur de chevaux de Steinerburg.

 

Sigmund l’avait immédiatement repérée, à l’écart dans l’écurie. L’animal était massif, robuste, sa crinière noir de corbeau contrastait avec sa robe crème. Il renâclait bruyamment sur quiconque venait un peu trop près. Le dresseur avait prévenu la famille Steiner ; il ne savait pas quoi faire de cette bête. Le sevrage avait-il eu des séquelles persistantes ? Ou bien était-ce simplement un mauvais caractère ? En tout cas, personne n’avait rien pu en tirer de bon. Bianka s’était contentée d’un cheval bai docile.

 

Pas Sigmund.

 

Tout de suite, il avait eu le coup de cœur pour cette jument. Au plus profond de lui-même, il savait qu’aucune autre monture ne pourrait lui plaire autant. Cet isolement, ce caractère asocial, cette crinière noire… Autant de petites choses qui lui rappelaient bien évidemment sa propre personne.

 

Malgré les observations du prince et les sarcasmes des palefreniers, le jeune homme-rat était resté toute la journée près de l’enclos de la bête. Son grand-père et sa sœur l’avaient laissé sur place. Il avait patiemment attendu un signe de la jument, s’était assis juste derrière la barrière, sans bouger, persuadé d’être le seul à pouvoir pleinement la comprendre, et donc se faire accepter par elle.

 

Enfin, au coucher du soleil, l’animal avait levé les yeux vers lui. Ils s’étaient regardés pendant une longue minute. La jument s’était approchée lentement du Skaven Noir. Sigmund avait compris qu’il avait gagné sa confiance. Elle le laissa lui caresser le museau, puis flatter son cou et son flanc, sous le regard médusé des employés de l’écurie. Ce fut à ce moment qu’il lui donna son nom : Okapia. Jamais il n’avait su d’où il avait imaginé un tel nom, mais la jument avait toujours répondu à son appel.

 

Depuis, un lien insécable unissait le Skaven Noir à sa fidèle monture. Ils partageaient au moins un trait de caractère : l’obstination. Okapia pouvait être au moins aussi têtue que son maître, et n’était pas du genre à fuir à la première difficulté. Elle était exceptionnellement forte et endurante, et avait déjà prouvé à plusieurs reprises sa supériorité par rapport à d’autres chevaux en apparence plus grands et costauds. Et comme Sigmund l’avait expliqué à Clarin, elle ne laissait aucun autre adulte que lui-même et sa petite sœur monter sur son dos.

 

Sigmund était au milieu du tumulte. Tout autour de lui n’était que cris, gémissements, giclées de sang, toux corrompue au dernier degré. Mais il n’était pas inquiet. Il avait toute confiance en sa jument. Okapia était sa meilleure amie, en qui il éprouvait une confiance aveugle. Et donc, il savait qu’elle le mènerait jusqu’à son objectif. Soudain, elle bondit sur le côté, et évita la mèche de malepierre d’une foreuse. Le Skaven Noir s’époumona :

 

-         Bien joué, ma belle ! Allez, on fonce sur eux !

 

Par « eux », il désignait deux Skavens Sauvages dos à lui en train de manœuvrer une ratasphère quelques pas plus loin. L’un était perché sur le sommet de la roue grande comme un Norse, et la faisait pivoter dans la direction voulue grâce à des leviers, l’autre, plus costaud, poussait la machine pour la mouvoir. Les lames articulées fixées à l’avant de la machine débitaient bruyamment un Humain de Vereinbarung. Les deux fils du Rat Cornu ricanaient et insultaient leur victime. Le Skaven Noir n’y prit pas garde. Un seul petit détail l’intéressait : le Skaven Sauvage installé sur la partie supérieure de la ratasphère était pile à la bonne hauteur. Un seul mouvement de Cœur de Licorne suffit pour séparer sa tête de son cou.

 

Le Skaven Sauvage costaud comprit que quelque chose n’allait pas quand il vit le cadavre étêté de son camarade basculer sur le côté. Il repéra alors Sigmund, et glapit avec agressivité. Okapia tourna sur elle-même, et envoya ses pattes arrière en une terrible ruade qui atteignit le Skaven Sauvage en pleine poitrine. L’infortuné Skryre disparut dans la poussière, côtes éclatées. Sigmund fit approcher sa jument de la ratasphère. Il sauta à terre, attrapa la poignée, et tenta de soulever la machine. Hélas, il avait sous-estimé le poids de l’engin Skryre, et ne parvint pas à le porter sur son épaule.

 

-         C’est pas vrai !

 

Sigmund vit au loin Kristofferson se rapprocher de leur cible. Il sentit la panique monter en lui. Il n’allait pas pouvoir mener son plan improvisé !

 

Soudain, un phénomène pour le moins surprenant se produisit : deux mottes de terre s’élevèrent de part et d’autre de la ratasphère, se collèrent aux moyeux qui soutenaient la roue centrale, puis se solidifièrent pour former deux pattes de poulet géantes.

 

Ça, c’est un tour du paternel !

 

Les pattes se tendirent, et élevèrent la ratasphère à deux pieds du sol, ce qui permit à Sigmund de la pousser en courant, suivi par Okapia.

 

 

Le Démon-tempête faisait des ravages. Il balançait inlassablement des torrents de feu de malepierre dans tous les sens, sans se préoccuper des Skavens Sauvages de son terrier. En réalité, cette machine vivante était bien une des inventions mortelles du Clan Moulder parmi les plus récentes. Il s’agissait d’un Rat-Ogre modifié par les Technomages Skryre pour répandre la mort à l’aide d’armes sophistiquées. Certains recevaient des mitrailleuses ratling, d’autres des foreuses à malepierre géantes, parfois une combinaison chaotique de plusieurs instruments de mort différents. Les auteurs de ces créations avaient pris pour modèle le célèbre Vorhax, le Rat-Ogre personnel du Prophète Gris Thanquol. Thanquol avait « consommé » par le passé plusieurs Rats-Ogres, le dernier en date était un modèle spécial avec armes Skryre incluses. Plusieurs Seigneurs de Guerre de l’Empire Souterrain avaient voulu avoir leur propre spécimen.

 

Les Rats-Ogres ordinaires étaient des brutes décérébrées, incapables de réfléchir. Leur instinct les poussait à se nourrir ou se défendre, mais on ne pouvait rien espérer de plus de leur part sans la présence d’un Chef de Meute pour leur donner des ordres. Même Vorhax avait besoin d’entendre la voix de son maître pour déchaîner sa combativité. Les Rats-Ogres normaux n’étaient pas toujours faciles à manœuvrer, et c’était bien pire pour les Démons-tempêtes. La solution était venue de Malefosse. Le Maître Corrupteur Throt le Galeux du Clan Moulder, un génie à la créativité comparable à celle d’Ikit la Griffe du Clan Skryre, avait trouvé une idée particulièrement immonde pour remédier à ce problème.

 

Chaque Démon-tempête était équipé d’un « pilote », plus précisément d’un Skaven traité avec une combinaison particulière de malepierre et d’opérations de chirurgie très douloureuses. Une fois le traitement terminé, le malheureux « volontaire » était tout rabougri, ses membres devenus minuscules et trop faibles pour pouvoir supporter son corps, en particulier sa tête, dont le cerveau avait triplé de volume. Le pilote était greffé au Démon-tempête, et son cerveau était directement connecté à ce qui restait dans le crâne de la grosse bête. Il pouvait donc faire bouger le Démon-tempête, et le faire attaquer tout ce qu’il voyait à travers ses petits yeux. La bataille lui permettait d’oublier un peu l’éternelle douleur qui constituait son quotidien jusqu’à la fin de sa vie heureusement courte.

 

Et c’était précisément sur cette pitoyable engeance que Kristofferson concentrait son regard.

 

Si j’embroche cette mocheté, Sigmund n’aura peut-être même pas besoin de diversion !

 

Le Skaven brun fit galoper son cheval vers le monstre. Rapière dans la main gauche, il espérait la plonger dans l’œil de la petite créature. Il se rapprochait, savourait chaque yard en moins vers sa cible. Mais alors qu’il n’était plus qu’à quelques secondes du moment fatidique, le pilote écarquilla ses petits yeux noirs et couina si fort que le jeune homme-rat en eut mal aux tympans. Aussitôt, le Démon-tempête se retourna, et braqua ses deux lance-flammes vers Kristofferson. Le jeune homme-rat n’eut que le temps de se jeter au sol pour éviter le tourbillon de feux croisés verts. Il s’aplatit le plus qu’il put, et remarqua que le torrent de flammes ricochait sur une sorte de demi-sphère invisible qui planait juste au-dessus de lui. Sans doute un sort de protection lancé par le Maître Mage. Le feu cessa de verdoyer.

 

Merci, Père !

 

Le cheval du Skaven brun n’eut pas cette chance. Le pauvre animal se roula dans la poussière avec des hennissements déchirants. Sa crinière brûlait, sa peau carbonisée tombait déjà par plaques. Kristofferson voulut approcher pour l’achever, mais le cheval brassait l’air de ses quatre sabots avec une telle force que le jeune homme-rat n’osa pas prendre le risque de recevoir un coup. De toute façon, ce ne fut pas nécessaire. Le Démon-tempête se précipita en avant, bras tendus, attrapa le cheval par le cou, et tira, tira, jusqu’à lui arracher la tête, puis il s’amusa à disloquer la carcasse.

 

Kristofferson voulut saisir l’occasion. Il se précipita vers le Démon-tempête, et voulut le contourner. Mais à peine fut-il en face du pilote que la petite créature malingre cria de nouveau, et obligea le Démon-tempête à se relever pour faire face au Skaven brun. Kristofferson bondit en avant, s’agrippa de la main gauche à l’épaule du monstre, grimpa sur son dos, et s’accrocha le plus fermement qu’il put sur ses épaules. Le pilote n’était pas assez décérébré pour risquer de mettre le feu à son véhicule de chairs cousues. Le Démon-tempête gronda plus fort, se secoua, et tenta de déloger le jeune Steiner d’un coup de l’une de ses énormes pattes. Heureusement, Kristofferson était très agile, et même handicapé d’un bras, il restait suffisamment mobile pour éviter les coups. Malheureusement, il ne pouvait pas pour autant en profiter pour tenter de planter son arme dans la petite horreur. Entre deux esquives, il eut le temps de penser :

 

Siggy, qu’est-ce que tu fous ?

 

Le Skaven Noir fonçait vers la forme immense de l’invention abjecte des Moulder. Il savait que sa fidèle compagne de bataille allait avoir peur du Démon-tempête. Elle n’était pas habituée à la présence d’une telle aberration. Mais il n’avait pas besoin de lui faire prendre plus de risques. Toujours tenant à bout de bras la ratasphère qui tournait bruyamment, il serra les dents. L’énorme Rat-Ogre modifié était aux prises avec Kristofferson. Celui-ci, toujours accroché au monstre, passait à toute vitesse d’un côté à l’autre, sur son dos, sur son poitrail, comme un serpent aux prises avec sa proie.

 

Sigmund ordonna à sa monture :

 

-         Allez, file ! Je te rejoins !

 

La jument s’éloigna au grand galop. Le Skaven Noir leva l’arme de guerre, aidé par les pattes de poulet en glaise. Kristofferson le vit arriver, et comprit son idée. Vite, il s’empressa de se placer juste sur le poitrail du Démon-tempête, puis il dégaina son pistolet avec sa queue, et tira sous la grosse tête casquée, dans la gorge. Cela ne suffit pas à tuer le Démon-tempête, mais le pilote se retrouva déstabilisé par le choc. Kristofferson toussa de douleur quand il sentit les bras de la créature se refermer sur lui, mais il savait que sa ruse avait réussi. Le petit Skaven accroché au dos du Démon-tempête, encore ébranlé, vit alors arriver vers lui les lames qui étincelaient en tournoyant, et fut tellement surpris qu’il n’arriva même pas à couiner.

 

Sigmund pressa la ratasphère contre le dos du Démon-tempête, et poussa de toutes ses forces. Il y eut un bruit épouvantable de chairs et d’os réduits en charpie, puis la machine peina à faire encore tourner ses lames alors qu’elle attaqua l’épaisse musculature du Rat-Ogre. Heureusement pour Kristofferson, l’énorme monstre se retrouva paralysé, les bras écartés, électrisé par la douleur ressentie par le pilote. L’aîné des enfants Steiner se libéra de l’étreinte de la bête, bondit quelques pieds plus loin, et se baissa juste à temps pour éviter un jet de flammes. Le Démon-tempête envoyait ses feux de malepierre sans s’arrêter.

 

Sigmund remarqua alors le réservoir de combustible situé au-dessous du pilote, relié aux lance-flammes. Il s’efforça de faire descendre la ratasphère pour trancher les tuyaux et couper l’arrivée de carburant. Il réduisit les mortelles fontaines vertes au silence.

 

Le Démon-tempête semblait souffrir d’une douleur inouïe. Ses mécaniques se crispèrent, ses engrenages tournèrent si vite qu’ils sautèrent, ses ressorts se disloquèrent, sa lourde queue frétilla nerveusement, et ses moteurs émirent toute une batterie de sons qui ressemblaient plus à des gémissements de souffrance qu’à des dysfonctionnements. Au bout de longues et insupportables secondes, le monstre bascula en avant et s’effondra dans un grand fracas.

 

Sigmund laissa tomber la ratasphère. Celle-ci s’était arrêtée, rendue hors d’usage, elle n’était manifestement pas prévue pour taillader un gibier de cette taille. Les pattes de poulet tombèrent en poussière en quelques secondes. Kristofferson revint à ses côtés à petites foulées. Le Skaven Noir regarda encore l’arme Skryre.

 

-         Pas mal, cet engin ! On devrait peut-être le ramener à Gabriel ? Et s’il arrivait à en fabriquer un autre ?

-         Je ne sais pas si ça lui plairait… Sauf si on s’en servait pour moissonner le blé ? En tout cas, bien joué, Siggy ! Tu as assuré !

-         Alors, tu vois bien que je suis bon à quelque chose quand je suis à jeun !

-         Je n’en ai jamais douté, mon frère.

-         Ce n’est pas ce que tu disais il y a encore…

 

Kristofferson leva la main pour couper court au début de dispute qui se profilait.

 

-         Attends !

-         Quoi ?

-         Tu n’entends rien ?

-         Au milieu d’un champ de bataille ? Tu crois vraiment que…

-         Tais-toi, je te dis ! Écoute !

 

Sigmund maugréa, mais tendit l’oreille. La sueur inonda son pelage noir quand il distingua des voix. Elles murmuraient dans l’odieuse langue de l’Empire Souterrain des mots gorgés de mépris et de haine. « Sales traîtres ! » « Faiblards-mauviettes ! » « Crevez-crevez maintenant-maintenant ! » Et au fur et à mesure que les nuages de fumée émis par le Démon-tempête se dissipaient, les Skavens Sauvages apparurent en grand nombre. Ils entouraient les deux frères en un cercle de lames rouillées, de fourrure sale et malodorante, de griffes prêtes à lacérer, de dents impatientes de mordre, et d’yeux qui clignaient sous la même avidité de tuer.

 

Kristofferson regarda vite aux alentours. Il n’y avait aucune issue. Mais il eut une idée. Il leva sa rapière, se mit en position, et déclara d’une voix claire :

 

-         Le vent soufflait fort ce jour-là.

 

Mais contrairement à ce qu’espérait le Skaven brun, Sigmund ne réagit pas, ne se plaça pas derrière lui comme l’exigeait la manœuvre. Kristofferson répéta plus nerveusement :

 

-         Le vent soufflait fort ce jour-là !

-         Mais… je ne peux pas ! gémit le Skaven Noir. Je ne sais pas faire le Moulin de Siggy du côté gauche ! Change de main !

-         Je te rappelle que c’est impossible ! glapit l’aîné des frères en présentant rageusement le bras qu’il avait encore en écharpe.

-         Alors, le moulin ne tournera pas !

 

Il y avait à présent une trentaine de Skavens Sauvages autour de Kristofferson et Sigmund. Le Skaven brun reprocha, dents serrées :

 

-         Je t’avais dit de t’entraîner à la main gauche !

-         Je le ferai, c’est promis.

-         Un peu tard pour ça !

 

Les Skavens Sauvages se rapprochaient lentement, s’appliquaient à avancer au même rythme, comme une malsaine chorégraphie d’exécution, et le cercle se refermait inexorablement sur les deux frères.

 

-         Il va falloir faire se débrouiller autrement, je suppose.

-         Désolé, Kit…

-         Ce n’est pas le moment d’être désolé, mais créatif ! Nous devons percer leur…

 

Kristofferson n’eut pas l’occasion de finir sa phrase. Un grondement sourd éclata à leurs pieds, et soudain, la terre se fendit. Des mottes de terre furent brutalement catapultées par la pression de l’eau. L’eau d’un geyser qui s’échappa par la fente. Les Skavens Sauvages sur la trajectoire du jet furent renversés sur les côtés. Le geyser rompit le cercle et créa ainsi une brèche que les deux frères ne manquèrent pas d’exploiter.

 

Ils coururent aussi vite qu’ils purent en direction du torrent ascendant. Psody relâcha sa concentration, l’eau cessa de couler, laissant la voie libre à ses enfants. Au passage, Sigmund ne put s’empêcher de brailler :

 

-         Allez vous faire savonner, gros dégoûtants !

 

Économise ton souffle, imbécile ! pensa Kristofferson, contrarié. Déjà, les Skavens à terre se relevaient, tandis que les autres étaient à leur poursuite. Les deux Steiner remontaient la cuvette. Le Skaven Noir sentait presque le souffle des poursuivants sur son échine.

 

Le son d’un clairon se fit entendre. Mais ce n’était pas celui qui résonnait habituellement pendant les assauts menés par l’armée régulière de Vereinbarung. Kristofferson se demanda d’où pouvait bien venir ce ban. Il n’eut pas à chercher la réponse bien longtemps.

 

Un bataillon entier de cavaliers déboula du sommet de la carrière, et dévala vers les Skavens Sauvages. Les poursuivants des frères hommes-rats firent aussitôt demi-tour, et s’éparpillèrent de tous les côtés. Ils furent rapidement rattrapés et trucidés par les Humains à cheval.

 

Sigmund éclata de rire quand il reconnut la bannière de Sueño. Un cavalier s’approcha des jeunes hommes-rats. C’était Eusebio Clarin.

 

-         Quel plaisir de vous voir, Messire Clarin ! Vous arrivez à point nommé !

-         Nous avons chargé quand nous avons vu l’illusion dans le ciel.

-         Vous avez pris votre temps ! reprocha Kristofferson, bien moins enthousiaste.

-         Nous devions absolument rester suffisamment à l’écart pour qu’ils ne nous voient pas ! Telles étaient les instructions de votre père !

-         À ce propos, je vais voir où il en est, celui-là !

 

Kristofferson serra plus fermement son épée, et courut vers l’endroit où il avait laissé derrière lui le Maître Mage. L’Estalien sourit.

 

-         Maître Sigmund, me ferez-vous le plaisir d’accepter de vous battre à mes côtés ?

-         Tout le plaisir sera pour moi, Maître Clarin ! Accordez-moi juste un instant, le temps pour Okapia de venir…

-         Ah, votre fidèle amie est ici ?

-         Je ne pars jamais au combat sans elle !

 

Le grand Skaven Noir mit deux doigts dans sa bouche, et siffla.

 

-         En l’attendant, j’ai intérêt à rester à votre hauteur !

 

Clarin mit pied à terre, et se rapprocha de Sigmund. Un groupe de Skavens Sauvages en déroute se dirigeait justement vers eux.

 

-         Attention !

 

Sigmund projeta son bras en avant, vers l’Estalien. La dague qu’il tenait fila droit vers lui, mais ne le toucha pas. Clarin se retourna en un réflexe, le temps de voir l’arme blanche s’enfoncer dans le cœur d’un Skaven Sauvage qui s’apprêtait à bondir sur lui.

 

Clarin pivota de nouveau vers le Skaven Noir avec un petit sourire.

 

-         Ça fait un pour vous, jeune homme. Et maintenant…

 

Il sortit d’un geste un pistolet, et pressa la gâchette, abattant dans le mouvement un Coureur d’Égout perché sur le cadavre du Démon-tempête, juste au-dessus de Sigmund. L’assassin tomba aux pieds de l’homme-rat Noir. Ce dernier releva la tête vers l’Estalien, pris au dépourvu. Clarin commenta :

 

-         Ça fait un pour moi !

 

Sigmund secoua la tête, et reprit ses esprits. Et les deux compères restèrent près l’un de l’autre, et multiplièrent les passes d’armes. Chacun ferraillait à sa façon, les Skavens Sauvages détalaient plus qu’ils ne se battaient. En moins d’une demi-minute, ils avaient pourfendu tous les habitants de l’Empire Souterrain qui étaient passés dans leur périmètre.

 

Sigmund fit une petite moue.

 

-         Pas mal, votre style, Maître Clarin ! Votre lame voltige et mord cruellement par petites lacérations, ou alors elle plonge directement dans les endroits les plus sensibles du corps, de façon nette et sans bavure. Raffiné, élégant, et redoutable à la fois !

-         C’est ainsi que les maîtres d’arme d’Estalie apprennent aux enfants de nobles à se battre. C’est plus rapide que l’escrime impériale. Par contre, cela demande une certaine précision, et il n’est pas dit que cette manière de combattre soit efficace contre les adversaires grands et solides, ou lourdement protégés.

-         À moins de viser les yeux ?

-         D’où la nécessité d’être précis. Par contre, je ne sais pas si j’aurais fait le poids contre cette horreur.

 

L’ambassadeur de Sueño pointa la carcasse du Démon-tempête de son épée.

 

-         Ah, ça… Remarquez, même moi, j’ai dû utiliser les grands moyens ! répondit le Skaven Noir en montrant la ratasphère encore fumante.

 

Les deux hommes d’armes échangèrent un bref éclat de rire. Ce fut à ce moment-là qu’Okapia arriva aux côtés de son maître.

 

Sigmund bondit sur la selle de la jument. Clarin enfourcha derechef son cheval.

 

-         Venez avec moi, Maître Sigmund !

-         Je vous suis !

 

Les deux cavaliers rejoignirent un important groupe de chevaucheurs de destriers. Le Skaven Noir reconnut le capitaine Felipe Antoninus à sa tête.

 

-         Ah, jeune homme, on n’attendait plus que vous pour en finir ! Vous en êtes ?

-         Plutôt deux fois qu’une, Capitaine !

 

Une fois le Skaven Noir et l’ambassadeur à ses côtés, le capitaine Antoninus brandit son sabre.

 

-         ¡Carga!

 

La troupe de Sueño chargea une nouvelle fois vers les Skavens Sauvages. Les combattants de Vereinbarung, de leur côté, reprirent courage en voyant les soldats Estaliens leur venir en aide, et leurs assauts redoublèrent d’énergie. Trois duos de porteurs de foreuse à malepierre voulurent quand même se défendre, et les énormes mèches de malepierre tournoyèrent de manière menaçante. Les chevaux des Estaliens furent trop rapides pour eux, les contournèrent aisément, et les cavaliers, bien entraînés à ce genre de tactique, n’eurent aucun mal à tailler les Skryre en pièces.

 

 

Tous avaient été surpris en voyant arriver ces renforts inespérés… à l’exception de Nedland et Psody. Toujours au sommet de la carrière, les deux compères applaudirent l’arrivée des Estaliens.

 

-         Ah, on dirait que Manann veut bien nous aider !

-         Allez-allez ! Pour le Prince Steiner, et pour le Prince Calderon !

 

Emporté par le feu de l’action, Nedland se précipita en avant pour trouver un point avantageux, et abattre quelques fuyards. Un cri aigu attira soudain l’attention du Skaven Blanc resté seul. Il tourna la tête, et son cœur fit un nouveau bond dans sa poitrine. Là, sur les cailloux, sa fille Bianka était allongée, complètement nue, et tentait désespérément de se dégager de l’étreinte d’un Guerrier des Clans allongé sur elle. Juste à quelques pas d’elle, Kristofferson et Sigmund était en train de violemment se disputer sans même la regarder.

 

-         Regarde, pauvre soiffard, tu n’es pas fichu de protéger ta sœur jumelle !

-         Je t’emmerde, abruti ! Je pisse sur le droit d’ainesse que tu n’as jamais eu !

 

La dispute dégénéra aussitôt en empoignade. Quelque chose tomba alors sur la tête du Maître Mage : un petit fragment de malepierre brute. Puis un deuxième caillou vert tomba, suivi d’une demi-douzaine. Sigmund balaya l’air de son épée, et la tête de Kristofferson roula dans la poussière. Le tonnerre éclata, et une grêle de malepierre s’abattit sur le champ de bataille. Le Guerrier des Clans qui agressait la jeune fille-rate n’en avait cure. Il finissait d’étrangler la malheureuse, le pelage en train de brûler sous l’effet de la pierre chauffante.

 

Le tourbillon de violence et de cruauté fit tourner la tête de Psody, qui plissa les yeux en voyant ses propres mains se consumer.

 

Du calme-calme, c’est ce voyou d’Iapoch qui recommence à me secouer le cerveau. Si ça devient aussi apocalyptique, c’est qu’il met le paquet. Parce qu’il est en train de paniquer !

 

C’était l’occasion de riposter. Psody ferma les yeux, verrouilla son esprit, inspira profondément. Faisant fi des cris d’agonie de l’illusion, il concentra ses pensées sur sa fille Bianka, chercha une image positive, une pensée agréable à laquelle s’accrocher. Il en trouva une.

 

Elle était là, fière de lui montrer le parchemin signé et scellé par le responsable du temple de Verena de Steinerburg, document qui avait fait d’elle une assistante officielle aux archives. Jamais elle n’avait été aussi rayonnante. Jamais elle ne lui avait paru aussi heureuse.

 

Enfin, les cris cessèrent, la sensation de brûlure s’estompa, l’odeur de chair grillée se dissipa. Et surtout, il sentit de plus en plus clairement l’origine du vent Warp qui l’avait tourmenté.

 

Cette fois, je sais quel genre d’être tu es…

 

Soudain, ses moustaches vibrèrent.

 

ET TU ES LÀ !

 

Avec un grand cri, Psody leva les mains, tendit les doigts vers le ciel. Et son plan marcha. Quelque part, de l’autre côté de la carrière, la terre elle-même se dressa, une nuée de stalagmites jaillit spontanément du sol et forma un cercle autour d’un point précis. Le point où il avait senti la force spirituelle du Prophète Gris. L’effort fut tel qu’il en eut les larmes aux yeux. Il tomba en arrière, et roula dans la poussière.

 

-         Par la balance de Verena ! Non ! Père !

 

Psody sourit malgré la douleur qui broyait son crâne comme un étau de plomb incandescent. Il venait de reconnaître la voix bien réelle de son fils. Kristofferson lui claqua la joue fébrilement.

 

-         Père, je t’en prie ! Ouvre les yeux !

-         Ouille ! C’est bon, Kit, arrête !

 

Le Skaven Blanc releva les paupières. Au-dessus de lui, le jeune homme-rat brun oscillait entre inquiétude et soulagement. Il l’attrapa par les épaules.

 

-         Je l’ai trouvé, Kit ! gargouilla le Maître Mage entre deux souffles. Tu vois la formation rocheuse, là-bas ?

-         Ce n’était pas là à notre arrivée ! C’est toi qui l’as faite pousser ?

-         Ce petit connard est coincé dedans. Empêche-le de fuir-partir, je te rejoins dès que j’ai repris mon souffle.

 

Psody n’avait pas fini sa phrase que déjà Kristofferson était parti en courant.

 

 

La gorge lui faisait mal, tellement il n’arrivait plus à respirer. Il n’avait qu’une idée en tête : fuir le plus loin possible. Qu’est-ce qui s’était passé ? Tout le plan s’était déroulé comme le Rat Cornu avait voulu. Les choses-hommes étaient venues en nombre conséquent, mais les Guerriers de l’Empire Souterrain étaient tellement plus forts, plus nombreux, plus féroces… Et puis soudain, des renforts inattendus étaient arrivés par l’autre côté.

 

Iapoch était fou de colère. Comment ces choses-hommes-là avaient pu venir ? La chose-homme de Vereinbarung lui avait assuré que la victoire serait pour l’Empire Souterrain. Lui avait-elle menti ? Ou alors, tous les Skavens sous son commandement avaient décidé de le trahir au même moment. Oui, c’était sans doute cela. Il était bien trop intelligent, trop dangereux, et forcément, il y avait des envieux qui voulaient sa perte, et qui avaient appelé d’autres choses-hommes pour le renverser.

 

Il avait résisté. Pas question de perdre face au Grand Blasphémateur. Il avait alors envoyé tout ce qu’il pouvait pour le rendre fou définitivement. Et l’impensable s’était produit : alors qu’il allait griller la cervelle de son ennemi, quelque chose avait subitement déconcentré le Prophète Gris. La terre elle-même avait comploté contre lui en formant autour de lui une sorte de cage aux barreaux de calcaire.

 

Et pour la première fois depuis qu’il avait décidé de prendre la tête du Grand Blasphémateur, Iapoch avait peur. La situation était en train de lui échapper, cette fois, c’était sûr. Tout était contre lui, et sans une intervention directe du Rat Cornu, il n’y avait plus rien à espérer pour aujourd’hui.

 

La meilleure chose à faire était de quitter les lieux au plus vite, retourner d’où il était venu, reconstituer des forces conséquentes, et revenir. Grâce à la magie, il avait réussi à dissoudre une stalagmite, au prix d’un long et harassant effort. Il avait réussi à se glisser hors de cette cage naturelle, et à présent, il courait aussi vite qu’il pouvait à l’opposé du gros de la bataille. Il entendait les tambours et les clairons, et les râles de ses troupes massacrées par les choses-hommes. Son front était bouillant de colère.

 

Il se vengerait. Et il arracherait le cœur du Grand Blasphémateur pour le manger. Et il réduirait en esclavage toutes les choses-hommes qui s’étaient mêlées d’une bataille qui ne les concernait pas. Et il ferait des trois femelles du Grand Blasphémateur ses pondeuses personnelles jusqu’à leur mort. Et…

 

Une violente douleur lui lacéra l’intérieur de la cuisse, et le fit tomber. Les cailloux lui meurtrirent les mains et le museau. Des larmes de douleur chauffèrent ses yeux. Il tordit le cou pour regarder sa jambe, et grimaça quand il vit un trou crever sa robe grise, et du sang imbiber peu à peu le tissu.

 

Une voix autoritaire parla dans sa langue natale.

 

-         Ne bouge plus, Prophète Gris Iapoch !

 

Iapoch se retourna, et se retrouva sur le dos. Un des traîtres au Rat Cornu avançait vers lui en rechargeant son pistolet. C’était un jeune Guerrier des Clans brun. Il reconnut immédiatement le visage qu’il avait vu maintes fois dans l’esprit de Psody.

 

-         Tu… tu es le fils de mon ennemi !

-         Et tu es l’ennemi de mon père.

-         Le Grand Blasphémateur… Psody le traître ! Psody la vermine !

-         Tu te crois meilleur-meilleur ?

-         Je suis un messager du Rat Cornu ! Un de ses favoris-préférés !

-         Pour l’instant, tu as plutôt l’air d’une grosse limace cornue en train de ramper.

 

Pour la première fois de sa vie, Kristofferson voyait un Prophète Gris de près. Jusqu’à présent, il n’avait eu affaire aux dirigeants spirituels de l’Empire Souterrain que de manière très épisodique, et jamais de manière aussi directe. Chaque fois qu’il avait participé à une Récolte, elle avait eu lieu dans un terrier trop modeste pour accueillir un élu du Rat Cornu, ou au contraire, dans une cité très grande, où les pouponnières étaient généralement à l’écart des quartiers où vivaient les Skavens Blancs. Et lorsqu’il avait fallu se battre contre des poursuivants, les Prophètes Gris locaux n’avaient jamais eu le courage de les traquer jusqu’à la surface, et avaient préféré déléguer ce sale boulot aux sous-fifres.

 

Iapoch correspondait bien à l’image qu’avait Kristofferson des Prophètes Gris : un individu misérable, malodorant, tremblant de peur et de colère devant son échec. Le Skaven Blanc était assez grand, et sa maigreur le faisait paraître plus grand encore qu’il n’était. Sa robe grise portait de nombreuses taches de saleté, en plus de la trace de sang visible sous son entrejambe. Mais surtout, il émanait de tout son individu une impression étrange, anormale. Le jeune Steiner ne sut dire s’il éprouvait à l’égard du Prophète Gris de la colère, ou simplement de la pitié.

 

Le Skaven Blanc grinça des dents et foudroya Kristofferson de ses petits yeux noirs.

 

-         Tu te prends pour un grand guerrier ? Tu menaces un Prophètes Gris blessé-désarmé, et tu es fier de toi ? Pauvre imbécile ! Tu n’as rien d’un héros ! Toi et tous ceux qui ont été élevés par les choses-hommes êtes des insultes-affronts à notre race !

-         Non. Nous avons le même but, Iapoch. Moi aussi, je veux que les Skavens s’épanouissent-prospèrent. La différence, c’est le moyen. Toi, tu as gardé la violence et la peur qu’ils t’ont transmises. Ça ne fait que détruire, encore et encore. Mon père a appris à voir avec l’amour. C’est avec cet amour qu’il a créé le Royaume des Rats avec ses amis. Ce Royaume que tu cherches à détruire, c’est notre avenir-avenir. Un avenir où tu aurais pu avoir ta place, si tu avais choisi de venir à nous en ami-ami. Au lieu de ça, toi et tes complices, vous nous avez déclaré la guerre. Nous nous sommes défendus. Tu aurais fait pareil.

 

Le Skaven brun tendit calmement le pistolet vers le Skaven Blanc. Un torrent de confusion inonda l’esprit empoisonné à la malepierre d’Iapoch. Le Prophète Gris eut la peur de sa vie en discernant parmi toutes ces données erronées et absurdes un soupçon de logique. Il pria intérieurement le Rat Cornu de le sauver. Pour cela, il lui fallait gagner du temps. C’est alors qu’il vit quelque chose au loin qui le fit sourire nerveusement. Il releva la tête vers le Skaven brun, et demanda :

 

-         Qu’est-ce que tu comptes faire de moi, à présent-présent ?

-         Moi, rien. Par contre, nous allons te capturer-emprisonner. Ensuite, tu seras jugé. Nous verrons alors si nous pouvons faire quelque chose de toi ou si nous te punissons pour de bon. Dans tous les cas, je suis sûr que tu as des tas de choses à nous raconter.

-         Ho, oui ! Comme le nom de ton vrai père de chair-sang !

 

À ces mots, Kristofferson ne put réprimer un sursaut de surprise.

 

-         Qu’est-ce que tu viens de dire ?

-         Tu m’as bien entendu-compris. Tu sais ce que j’ai fait. J’ai lu dans l’esprit de Psody, le Grand Blasphémateur.

-         Je sais. N’attends d’ailleurs aucune pitié de sa part !

-         Je n’attends rien. Par contre, j’ai appris des choses… très intéressantes-amusantes. Il tient beaucoup à toi. Normal, tu es son premier-né. Du moins, c’est ce qu’il croit-pense.

-         Qu’est-ce que tu racontes, face de glaire ?

-         T’as pas encore compris-compris ? La femelle qui t’a engendré…

 

Le Skaven brun s’approcha du Skaven Blanc, le prit par le col, le releva, puis le renversa d’un coup de crosse sur le menton.

 

-         On ne parle pas comme ça de ma mère !

 

Iapoch roula dans la poussière. Il se réceptionna sur son arrière-train, releva la tête vers Kristofferson, et se massa la mâchoire.

 

-         Réfléchis une seconde, imbécile ! La… enfin, cette Skaven a passé quelques jours près du Prophète Gris Vellux, sans pouvoir lui échapper, et elle devait faire tout ce qu’il lui disait-ordonnait. Il a eu vingt fois le temps de l’engrosser ! Ça veut dire que tu as le sang de Vellux qui coule-coule dans tes veines !

 

Le jeune Skaven brun se sentit trembler de colère.

 

-         Tes mensonges sont ridicules, Prophète Gris de mes fesses !

-         Des mensonges ? Mais c’est ce que craint le plus le Grand Blasphémateur ! Au fond de lui, il sait ! Du moins, il doute !

-         Et toi, bien sûr, tu sais mieux que lui ce qu’il pense ?

-         Tu ne crois pas si bien dire-dire ! J’ai lu dans son esprit, je te dis ! Chaque fois qu’il pense à toi, il se dit « peut-être que ce n’est pas mon visage-visage que je vois quand je le regarde, mais celui de mon maître ». D’ailleurs, tu ne lui ressembles pas tellement, en fin de compte !

 

C’en fut trop pour le jeune homme-rat. Il rengaina son pistolet, ramassa une masse d’armes qui traînait au sol, la soupesa, et déclara fermement :

 

-         Tout compte fait, je ne permettrai pas qu’on te prenne vivant.

-         Tu as peur que la vérité soit connue-connue, hein ? Alors, à quoi te sert ton « amour », maintenant ?

-         À garder le bras suffisamment ferme-assuré pour te tuer en un seul coup.

-         Pourquoi pas avec ton arme à poudre ?

 

Kristofferson ne répondit pas. Au dernier moment, une étincelle illumina l’esprit d’Iapoch.

 

-         Parce que tu ne veux pas qu’on sache que c’est toi qui m’as tué-tué ! Tu refuses d’assumer ton meurtre, espèce de lâche !

-         Oh, je vais te…

 

Le jeune Steiner brandit la massue de sa main gauche au-dessus de sa tête. Mais alors qu’il s’apprêta à l’abattre sur le crâne du Skaven Blanc, il fut brutalement rejeté en arrière. Il roula sur les cailloux avec un petit couinement aigu.

 

Un picotement électrisa ses côtes, puis tout son flanc droit se liquéfia en une terrifiante onde de douleur. Il baissa les yeux, et cria de panique quand il vit dans sa tunique de cuir renforcé le trou caractéristique d’une balle. Un léger panache de fumée verte s’échappait de la blessure. Il entendit derrière son propre hurlement une voix au loin crier à son attention :

 

-         Crève, fichu traître-minable !

 

Du haut de son rocher, un Skryre brandissait son jezzail avec un ricanement de triomphe.

 

-         Merci, Rat Cornu, merci ! hurla Iapoch avant d’éclater de rire à son tour.

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