Le Royaume des Rats

Chapitre 33 : Adieu, la Mère

7910 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/10/2020 12:18

-         Allez, les Boyz ! On va tous les démolir !

 

Les Orques se jetèrent contre la grande porte de bois derrière laquelle se réfugiaient les habitants de Wüstengrenze. Mais ils se heurtèrent à un obstacle solide. La lourde barricade était de conception Naine, et ne faisait pas honte à ses bâtisseurs. Les tireurs continuaient de faire feu sur les Peaux-Vertes, si bien que neuf Orques tombèrent sous les balles.

 

Targhân recula avec les autres, et rugit de contrariété. Il leva le poing vers les soldats Humains.

 

-         Bande de vermisseaux ! Je vous écraserai tous sous mes bottes !

 

Puis il voulut réfléchir. Comment faire pour forcer cette protection, décimer tout le monde et faire plaisir à Gork et Mork ?

 

Une seule personne pouvait lui apporter la réponse. Il hurla :

 

-         Wozza ! Ramène tes fesses ici !

 

Wozza le Klairvoyan arriva bien vite.

 

-         Wozza, il faut qu’on démolisse ces portes !

-         Pourquoi ne pas fabriquer un bélier ou une catapulte ?

-         Parce qu’on n’a pas le temps ! Les autres Zoms derrière vont venir à la baston ! Réfléchis un peu, triple andouille !

 

Le regard du vieux chamane se fit plus glacé que la neige du Kislev.

 

-         Attention à tes paroles, Targhân. Insulter Wozza, c’est insulter les dieux !

 

L’immense chef fut subitement paralysé. Il baissa la tête.

 

-         Tu as raison, Wozza. Sans tes conseils, on n’arrive à rien. Et j’ai besoin de ta magie.

-         Et tu ne seras pas déçu, Targhân ! Je viens d’avoir un message de Gork, il m’a dit comment faire.

-         Alors quoi ? Alors quoi ?

-         Rappelle vite les Boyz ! Personne ne doit rester sur le pont ! Et envoie la moitié de tes troupes s’occuper des Zoms qui arrivent !

 

Sans hésiter, Targhân porta à ses lèvres la corne qu’il gardait attachée à sa ceinture, et souffla dedans à toute force.

 

 

Sur le chemin de ronde, Dame Franzseska, le capitaine Müller, Pol Demmler et Walter Klingmann ne rataient rien de la scène.

 

-         Ils se replient ? demanda le gros Pol.

-         Je n’aime pas beaucoup ça… Ils reculent pour mieux avancer, maugréa la grande intendante.

-         Qu’est-ce qui vous fait penser ça, ma Dame ?

-         Regardez un peu mieux leurs trognes, Capitaine Klingmann. Aucune peur, aucune panique. Les Orques ne font jamais les choses à moitié. Quand ils détalent, ils courent plus vite qu’une bande de lièvres en chaleur. Ils préparent quelque chose.

-         Regardez, certains partent en arrière !

-         Ils vont sans doute se battre contre les renforts. Kit est allé chercher Marjan et Jochen, j’en suis sûre. Ces fichus Orques n’ont aucune chance contre mes enfants.

-         J’aimerais tellement partager votre optimisme, ma Dame !

-         Vous le feriez si vous les connaissiez, Capitaine Müller.

 

 

Dans les rangs des Orques restés au campement, tout le monde se tut. Wozza était le plus vieil Orque de toute la tribu, tous le craignaient et le respectaient. Il était le messager de Gork et Mork. Et contrairement à beaucoup de chefs de cultes habitués à la manipulation, il croyait sincèrement entendre les dieux et obéir à leurs ordres. Aussi, quand il disait à son chef qu’il allait frapper un grand coup, il le pensait vraiment. Et quand il invoquait les dieux gobelinoïdes, il y mettait tout son cœur.

 

Gork allait leur ouvrir la voie, pour sûr !

 

Toute la rage, toute la soif de carnage des Boyz autour de lui l’enivra. Il sentit la force de la Waaagh remonter de son ventre à son cerveau. Puis il leva les yeux, et brandit les poings vers le ciel. Des étincelles vertes jaillirent de sa bouche, d’abord quelques-unes, puis une flopée, tel un nuage furieux de taons enragés. Et en quelques instants, les myriades de particules brillantes se rassemblèrent en une forme qui se clarifia peu à peu. Des doigts poussèrent, puis des griffes émergèrent au bout des phalanges.

 

-         Défonce tout, Gork !

 

 

Sur les remparts, la panique gagna les troupes. Au-dessus de la bande de Peaux-Vertes, un énorme poing, grand comme une maison, flottait dans les airs. Soudain, il fonça à une vitesse hallucinante à quelques yards au-dessus du pont.

 

-         Ils vont enfoncer la porte ! gémit Pol.

-         Accrochez-vous à quelque chose, ça va secouer ! répliqua Dame Franzseska.

 

Tous les soldats sur les remparts se jetèrent au sol. Pol repéra alors quelque chose qui lui fit écarquiller les yeux.

 

Ce poing gigantesque laissait derrière lui une traînée de fumée verte.

 

Le gros Skaven au poil sombre eut une inspiration. Il saisit son arquebuse et se concentra comme il ne s’était jamais concentré. Cette fumée se muait en un étroit filet, ténu mais bien net, et reliait l’apparition à une silhouette en arrière. Le Skaven distingua une tête ridée, qui ne portait pas un casque de fer, mais une coiffe fabriquée d’une peau de bélier, avec les cornes.

 

L’ordre éclata dans l’esprit de l’arquebusier.

 

Tue-le !

 

La balle partit dans une détonation de poudre, et plongea directement vers le chamane. Le vieil Orque fut atteint à la tempe au moment où le Poing de Gork allait atteindre la double porte de bois.

 

Le choc déséquilibra tous les soldats sur le rempart.

 

 

Wozza tomba à terre en criant de douleur et de frustration. Quelque chose l’avait blessé, quelque chose avait brisé sa concentration. Le Poing de Gork avait perdu le plus gros de son énergie au moment où il était sur le point de fracasser la double porte ! Deux Orques l’attrapèrent par les épaules pour le remettre sur pied. Il les repoussa méchamment. Puis il regarda en direction du pont. La porte était encore debout, mais le Poing de Gork avait tout de même endommagé l’un des lourds panneaux de bois. Il y avait désormais une brèche par laquelle deux ou trois Boyz pouvaient passer en même temps.

 

Cela n’avait pas échappé à Targhân. Il brandit le poing au-dessus de sa tête, et hurla :

 

-         Aux sangliers, Boyz !

 

Les Orques coururent tous ensemble vers l’enclos où étaient parqués les sangliers. Les premiers arrivèrent sautèrent sur leurs montures massives, impatients d’en découdre. Quand, brusquement, une pluie de feu s’abattit sur le troupeau. Les guerriers de Targhân hurlèrent tous ensemble de douleur et d’horreur. Une odeur de cochon grillé monta au nez du chef… ainsi qu’une colère redoublée.

 

-         Qui a fait ça ?!

-         Regarde, là-haut ! s’écria un de ses guerriers.

 

Tous les Orques repérèrent une curieuse silhouette sur le clocher d’un temple. C’était un individu grand et maigre protégé par une robe aux motifs rouges, cuivrés et dorés. On distinguait sous sa capuche rabattue quelques mèches de feu.

 

Targhân leva sa hache vers le nouveau venu, et ordonna à l’attention d’une trentaine d’Orques :

 

-         Archers, clouez-le !

 

Les guerriers à peau verte encochèrent et tirèrent leurs flèches. L’inconnu balaya l’air du bras. Une multitude de petites explosions crépita devant lui, réduisant en poussière les projectiles meurtriers. Puis il bondit en un impressionnant salto avant et retomba en souplesse devant les Orques, aidé par une légère vapeur magique.

 

Trois Orques coururent vers le personnage en brandissant leurs armes, et en hurlant comme des bêtes. L’homme cagoulé porta la main à sa ceinture, et fit le geste de dégainer une épée. Aussitôt, une lame de feu longue de plusieurs yards jaillit, et trancha net les trois attaquants, avant de revenir à une taille plus normale.

 

Targhân Trwadwa hésita sur la conduite à tenir. Il reconnut les traits caractéristiques aux Elfes, ces redoutables combattants qui utilisaient aussi bien la magie. Mais Wozza prit les devants.

 

-         Laisse-le-moi, Targhân, et va faire couler le sang des Zoms !

-         T’es sûr ?

-         Ouais. Gork et Mork vont me faire gagner !

 

Le chamane cria plus fort.

 

-         T’entends, le maigrichon ? Tu ne me fais pas peur ! Je boirai ton sang dans ton crâne !

 

Sans mot dire, le personnage grand et mince leva la main qui ne tenait pas l’épée. Une demi-douzaine de balles de feu jaillit de sa paume. Wozza tendit son bâton, et des éclairs jaillirent des yeux du crâne fixé à son extrémité et dissipèrent les flammes.

 

-         Allez-y, Boyz ! Je m’occupe de ce minable !

 

Targhân et ses guerriers se dirigèrent de nouveau vers le pont.

 

 

Brisingr Mainsûre n’avait pas peur de son adversaire. Mais quelque chose lui disait qu’il ne fallait pas le sous-estimer. En tant que magister du Collège du Feu, il avait étudié des formes de magie différente, dont celle des chamanes Orques. Il avait entendu dire que les sorciers spirituels des Peaux-Vertes tiraient leur énergie du nombre. Plus les Peaux-Vertes aux alentours étaient nombreux, plus l’énergie magique circulait à flots, et plus le chamane pouvait l’utiliser pour alimenter sa magie. L’enthousiasme des combattants de Targhân était sans doute un très puissant moteur pour le vieil Orque.

 

Pas le temps de jouer, finissons-en !

 

L’Elfe leva son épée, et balaya l’air de flammes crépitantes. Wozza brandit de nouveau son bâton, et les deux armes magiques s’entrechoquèrent. Brisingr eut le souffle coupé, surpris par la résistance de l’Orque. Malgré l’âge, il restait une créature bien plus musclée que lui. L’Orque, en revanche, n’hésita pas, et le repoussa avec brutalité. Il abattit son bâton vers la tête du mage. Brisingr fit un pas de côté et évita de justesse le crâne renforcé d’un cerceau de fer qui frappa les pavés et en brisa quelques-uns. L’âge ne semblait plus avoir la moindre prise sur Wozza qui enchaîna les coups de bâton à une vitesse incroyable. Et Brisingr esquivait, roulait au sol, et bondissait. Chaque fois qu’il tentait de porter une attaque de son épée, le bâton enchanté du chamane l’envoyait en sens inverse. Il savait qu’il ne pouvait pas se permettre de parer les coups, autrement Wozza l’aurait à l’usure. Le chamane utilisait la force brute, le magister devait répliquer par l’intelligence.

 

Tournant autour de son adversaire, il fit tournoyer son épée de feu d’une façon presque hypnotique. De temps en temps, il faisait un petit mouvement brusque, mais calculé, pour feinter Wozza. Mais le plus vicieux était à venir : il s’appliqua à garder l’autre main dans son dos, comme un escrimeur d’Estalie. Et pendant qu’il regardait le chamane droit dans les yeux, il remuait les lèvres, et laissait passer juste assez d’air entre ses dents pour pouvoir murmurer des syllabes d’un langage mystérieux, connu seulement des magiciens. Sa main cachée se pliait en une gestuelle rapide et précise. Un petit geyser de feu se matérialisa juste derrière Wozza et enflamma sa cape. Le Peau-Verte sursauta de surprise. Mais alors que Brisingr recula pour prendre de l’élan et pourfendre le gredin d’un coup d’estoc, Wozza fit un bond en arrière, et balança les épaules d’arrière en avant, comme s’il voulait lui donner un coup de tête. Lorsqu’il acheva le mouvement, une tête d’énergie verte de taille et de morphologie semblable à la sienne se matérialisa en un clin d’œil, et fila droit vers le crâne de l’Elfe.

 

Une explosion de douleur au front renversa Brisingr qui fut projeté en arrière. Il entendit le ricanement du chamane, il distingua vaguement la large forme verte qui laissa tomber sa tunique de cuir, et s’appuya sur le mur d’un bâtiment pour reprendre son souffle.

 

Par Hoeth ! Sacrément musclé pour un vieillard !

 

Wozza croassa rageusement, et ouvrit grand les paupières. Des rayons rouges émergèrent de ses globes oculaires et filèrent droit vers le magister. Brisingr eut le réflexe de placer son avant-bras devant son visage. Il fit apparaître un bouclier de flammes qui dévia les éclairs. L’Orque grognait, ses rayons se concentrèrent, pour devenir de plus en plus chauds. L’Elfe chercha une idée. Heureusement pour lui, il en trouva une. Du coin de l’œil, il repéra quelque chose qui allait renverser la situation.

 

Il serra les dents, poussa de toutes ses forces, et orienta son bouclier de manière à diriger le rayon de Wozza vers l’enseigne d’une boutique sous laquelle se tenait l’Orque. Le rayon lumineux coupa la tige métallique qui soutenait le panneau à l’effigie d’un poisson. Le panneau de bois tomba sur la tête du chamane. L’Orque avait la tête dure, mais il fut perturbé, et interrompit involontairement ses rayons mortels. Toujours allongé par terre, Brisingr balaya l’air avec le bras qui tenait le bouclier de flammes. Le disque crépitant fila vers sa cible, se transforma en lame de feu tourbillonnante, et se planta dans le crâne épais du chamane. L’Elfe claqua des doigts, et la lame de feu explosa, et la tête de Wozza le Klairvoyan avec.

 

 

Pendant que l’Elfe combattait le chamane, un autre affrontement plus terrible encore se déroulait au niveau du pont. Targhân et ses Boyz, rassemblés en une masse compacte, s’élancèrent en criant une fois de plus la Waaagh à pleins poumons.

 

Dame Franzseska, Müller et Walter s’empressèrent de descendre pour faire face au danger en compagnie des soldats préparés à recevoir la horde d’Orques. Ils avaient déjà anticipé un assaut ; des caisses et des chariots renversés constituaient des barricades. Dame Franzseska, le capitaine Müller, Walter et d’autres guerriers se rassemblèrent derrière les abris de fortune. Pol resta sur le rempart avec d’autres arquebusiers. Tous frissonnèrent en voyant arriver la marée verte, mais aucun ne céda à la panique.

 

Targhân voulut impressionner davantage ses guerriers. Sans ralentir sa course, il accrocha à son baudrier dorsal sa grosse hache, et dénoua de sa ceinture une hachette suffisamment légère pour être lancée d’une main. Il repéra l’Humaine qui l’avait défié au début du siège. Il balaya l’air avec de puissants moulinets du bras.

 

La grande femme braqua son arme à feu en direction du chef de guerre. Au moment où Targhân lança sa hachette, elle ouvrit le feu.

 

L’immense Orque fut arrêté net et tomba à genoux. Le capitaine Müller eut le temps de voir son faciès le quart d’un instant ; son œil gauche et tout le côté de son crâne avaient été arrachés par la balle. Les guerriers autour de lui ralentirent pour rester à sa hauteur, et les quelques-uns qui n’avaient pas vu leur chef blessé furent rapidement massacrés par les balles des arquebusiers.

 

Mais le vieux soldat n’eut pas le loisir de savourer cette victoire. Il pivota vers l’intendante, et son cœur s’arrêta. Dame Franzseska Gottlieb était figée, le visage exsangue, une expression de souffrance indescriptible tordait ses traits. La hachette de Targhân était profondément enfoncée dans sa poitrine. La tête de fer avait coupé tellement fort que la clavicule avait éclaté, et le bras gauche de la femme menaçait de se séparer du reste du tronc. L’intendante princière glissa vers l’arrière, dans une mare de sang.

 

Müller resta coi une longue demi-douzaine de secondes. La source de son inspiration, de son admiration, de son amour pour l’armée, l’incarnation de la bravoure et du sens du devoir, gisait à ses pieds.

 

Meurtrie, détruite, brisée par cette sombre brute sans âme.

 

Il sentit ses joues s’empourprer sous le coup d’une violente colère.

 

-         NOOOOOOON ! HO NOOOON !

 

Fou de rage, il saisit une hallebarde au sol, bondit à travers l’ouverture de la porte, et se précipita vers Targhân Trwadwa. L’immense Orque, un genou à terre, se remettait péniblement debout en prenant appui sur la main qui ne couvrait pas sa figure. Müller tournoya sur lui-même et abattit la hallebarde de toutes ses forces sur le chef de guerre. La tête de métal forgé s’enfonça dans la jambe gauche de l’Orque jusqu’à l’os. Targhân hurla de douleur, tandis qu’un violent flot de sang vert aspergea les alentours.

 

Le vieux capitaine ricana, et tira sur le manche de son arme. Mais la hallebarde était bien coincée, et ne bougea pas. Targhân tendit le bras, et attrapa le coude de Müller. Il tira dessus d’un coup sec, forçant l’Humain à se retrouver au sol. Alors, il l’empoigna par les chevilles, le souleva, et l’envoya s’écraser sur les pavés sans le lâcher. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Puis il leva le bras, de manière à avoir sa tête face à celle de Müller. Satisfait à la vue de la bouillie sanguinolente, il ricana à gorge déployée, et fit tournoyer le vieux capitaine au-dessus de sa tête avant de le lancer en direction de la porte. Rudy Müller roula sur le pont comme un pantin désarticulé.

 

Targhân allait repartir à l’assaut, lorsqu’une gerbe de feu faillit devant lui. Une fois de plus perché sur un toit, Brisingr Mainsûre sculptait le vent d’Aqshy. La chaleur était telle que tous les Peaux-Vertes reculèrent instinctivement. De l’autre côté, à la porte, Walter y vit une opportunité. Sans hésiter, il bondit à travers le trou, courut aussi vite qu’il put vers le capitaine Müller, l’attrapa par les aisselles, le jeta sur son dos, tourna les talons, et se précipita pour se remettre à l’abri.

 

Quand l’Elfe jugea que le Skaven et le blessé étaient hors de danger, il relâcha sa concentration, et le cyclone rougeoyant rétrécit, rétrécit, et disparut dans un petit panache de fumée blanche.

 

Les Orques virent que la voie vers leurs proies était de nouveau libre. C’est alors qu’une clameur s’éleva derrière eux. Les Humains et Skavens étaient venus à bout des Boyz envoyés par Targhân pour les contenir, et semblaient avides de faire couler le sang vert, Schmetterling et les deux Gottlieb en tête. Lorsque les renforts se retrouvèrent face aux Peaux-Vertes, les armes s’entrechoquèrent derechef.

 

-         Pour Gork et Mork ! Combattons, mes Boyz !

 

Plus enragé que jamais, Targhân fit virevolter son énorme hache, et renversa trois Humains en un balayage. Ses blessures n’avaient pas entamé sa férocité, ni celle de ses guerriers. Brisingr vit que les combattants de Schmetterling tombaient par grappes. D’autre part, de l’autre côté, quelques Peaux-Vertes étaient sur le point de franchir la porte endommagée. Il décida qu’il était temps de mettre son plan à exécution. Il repéra une arche de maintien sur la partie inférieure du pont. Il verrouilla ses pupilles sur une pierre unique, plus grosse que les autres, rapprocha ses mains, paumes à la verticale comme pour les joindre. Une petite bille d’énergie de flammes frétilla entre ses doigts. Elle grossit, grossit, et quand elle eut la taille et la consistance d’un boulet de canon, le magister la poussa d’un coup sec vers la pierre de soutien. Le projectile enchanté fila droit vers la brique de maintien, et la percuta. Au lieu d’exploser en une simple déflagration, la sphère de feu tournoya sur elle-même tellement vite qu’elle creusa la matière comme une perceuse à percussion Naine. La poussière, les gravats, les débris de bois tombèrent, et toute la structure se mit à trembler.

 

-         Reculez ! Reculez ! ordonna Marjan.

 

Privé de l’un de ses soutiens, le pont ne pouvait plus supporter son propre poids, et s’écroula dans un terrible craquement. Les Orques tentèrent désespérément de s’en dégager, mais les guerriers de Steinerburg et de Wüstengrenze les repoussèrent chacun de leur côté. Finalement, tous les Peaux-Vertes basculèrent dans le gouffre. Certains furent écrasés entre des débris en l’air, d’autres se retrouvèrent fracassés par l’impact avec la rivière, sur des rochers qui dépassaient, et quelques-uns finirent coincés sous les décombres du pont au fond de l’eau. Targhân Trwadwa tomba tête la première dans le torrent. L’eau tourbillonnante l’emporta, et il disparut.

 

Un énorme nuage de poussière bloqua la vue entre les deux côtés du pont désormais détruit. Les combattants du Royaume des Rats toussèrent, s’essuyèrent les yeux. Cela dura une minute qui parut interminable à chacun. Enfin, le calme revint, accompagné d’un spectacle désolant.

 

Il n’y avait plus rien. Là où se tenait depuis des centaines d’années le pont de conception Naine quelques instants plus tôt, ce n’était plus qu’un ravin de deux cents pieds de long.

 

Les soldats des deux côtés grognèrent, invectivèrent les Orques, certains habitants pleurèrent devant la perte de leur patrimoine.

 

L’avantage était qu’il n’y avait désormais plus un seul Orque vivant dans le périmètre.

 

 

Walter Klingmann se précipita dans la tente aménagée pour les blessés, où Sœur Carolina continuait à prodiguer des soins tant bien que mal. La jeune fille sentit son cœur se tordre de douleur quand elle reconnut le vieux capitaine.

 

-         Allongez-le ici, vite ! ordonna-t-elle en montrant du doigt un lit de camp inoccupé.

 

Le Skaven tacheté déposa Müller sur le matelas sommaire. La prêtresse de Shallya prépara à toute vitesse des linges. Le militaire était en piteux état, le sang imbibait ses vêtements, et son visage était constellé de meurtrissures violettes.

 

-         Qu’est-ce qui lui est arrivé ?

-         Ce démon de Targhân l’a sévèrement rossé, ma sœur ! Mais vu ce que le capitaine lui a fait, il n’a pas pu s’enfuir à temps !

 

Müller essaya de relever la tête.

 

-         Capitaine Klingmann…

-         Ménagez-vous ! Ne bougez plus !

-         J’ai entendu un fracas. C’était le pont, n’est-ce pas ?

-         Il s’est écroulé, et les Orques avec, expliqua Walter. Nous sommes coincés, mais au moins, le danger est écarté, désormais.

-         Bien… Ils viendront vous sauver, ne vous inquiétez pas. Allez… aider les autres.

 

Walter acquiesça et quitta la tente d’un pas rapide.

 

Les poumons de la jeune fille étaient compressés par le désespoir. Le vieux capitaine n’avait aucune chance de s’en sortir, il vivait ses derniers instants. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux.

 

-         Oh, il ne faut pas pleurer, mon enfant. Vous en avez vu d’autres, non ?

-         C’est vrai, et j’en verrai d’autres… Mais je ne pourrai… jamais m’habituer.

-         Et c’est tant mieux. Vous êtes une prêtresse de Shallya. La compassion est votre plus belle force. Elle vous fait rayonner.

 

La pauvre prêtresse se sentit rougir quand elle se surprit à apprécier le compliment venant d’un mourant. Elle serra sa main gantée entre ses doigts, et la posa sur son cœur.

 

-         Vous êtes un héros… Rudy.

-         Je ne suis qu’une vieille baderne qui a vécu trop longtemps. Vous, vous êtes quelqu’un de bien. Bien meilleure que moi.

-         Non. Seuls les servants de Nurgle ne méritent pas la considération due à tout être vivant. Tous les autres ont la même valeur aux yeux de Shallya, du plus grand des empereurs… au plus miséreux des mendiants.

 

Les larmes coulèrent franchement. Müller murmura encore :

 

-         S’il vous plaît… mon enfant… pourriez-vous m’accorder une dernière faveur ?

-         Laquelle ?

-         Je vous ai vu toujours sourire. N’arrêtez pas. J’ai la chance… de finir ma vie… avec une colombe penchée vers moi. Je voudrais partir… avec son sourire.

 

La jeune fille ne savait pas si elle devait se sentir gênée ou flattée. Elle décida d’exaucer le vœu du capitaine. Ses lèvres se relevèrent, et elle sentit un rayon de soleil percer le nuage noir qui étreignait son cœur tendre quand le vieil homme lui rendit son sourire.

 

-         Vous voyez, vous êtes si jolie. Restez comme ça…

 

Le capitaine Müller eut un dernier soubresaut, et s’immobilisa. Sœur Carolina se pencha vers lui, passa doucement ses doigts sur ses yeux pour les fermer, et murmura à son oreille :

 

-         Que Morr accorde à ton âme l’extase de ses jardins.

 

Le bruit de la bataille s’était tu. Elle décida d’aller voir de ses propres yeux la situation.

 

 

Le commandant Schmetterling mit ses mains en porte-voix pour s’adresser à Walter, de l’autre côté du gouffre.

 

-         Ohé, Capitaine Klingmann, vous m’entendez ?

-         Je vous entends, Commandant Schmetterling !

-         Faites votre rapport !

 

Le Skaven tacheté jeta un coup d’œil rapide par-dessus son épaule, et répondit :

 

-         Quelques blessés de notre côté, mais rien de grave… Enfin, nous avons quand même une perte.

-         Et notre mère ? Comment va-t-elle ? demanda furieusement Jochen.

 

Marjan, à ses côtés, ne dit rien, mais son angoisse était palpable. Le cœur de Walter se serra quand il repéra cette appréhension qui étreignait déjà le visage des Jumeaux. Tout ce qu’il trouva à dire fut :

 

-         Je suis désolé, mes amis.

 

Le jeune Humain sentit sa moelle épinière s’enflammer.

 

-         Non ! Ce n’est pas possible !

-         Elle a tout fait pour empêcher Targhân de passer.

-         Où est notre mère ? s’écria Marjan. Je veux la voir !

-         Navré, Capitaine, ce n’est pas possible.

-         Amenez-la tout de suite, Capitaine Klingmann ! Nous devons la voir !

-         Je vous en prie, écoutez-le ! gémit alors une voix juvénile.

 

Les Jumeaux distinguèrent une silhouette en robe blanche maculée de rouge venir aux côtés de Walter. Ils n’avaient jamais rencontré la prêtresse, mais ils devinèrent qu’il s’agissait de Sœur Carolina, l’amie de Kristofferson. Elle était en pleurs, et dut s’y reprendre plusieurs fois pour articuler :

 

-         Gardez le souvenir de Dame Franzseska Gottlieb comme une femme aussi forte qu’honorable ! Le chef des Orques l’a réduite dans un état indigne d’elle !

-         Elle reste la seule perte, autrement nous n’avons que des blessés ! renchérit Walter.

-         Non, Capitaine Klingmann ! Deux pertes ! Le Capitaine Rudy Müller n’a pas survécu à ses blessures ! sanglota la prêtresse.

 

Le Skaven tacheté grinça des dents, et flanqua un coup de pied dans le bras d’un Orque qui traînait par terre. Le membre tranché tomba dans le trou. De l’autre côté, Marjan et Jochen étaient en ébullition.

 

-         Nous aurions dû arriver plus vite ! marmonna Marjan, qui avait de plus en plus de mal à contenir sa colère.

-         On a fait ce qu’on a pu, aussi vite qu’on a pu, Capitaine ! rétorqua Schmetterling.

-         Pourquoi on n’a pas donné directement l’assaut ?

-         Parce que nous ne connaissions pas leurs forces, et qu’ils auraient eu l’avantage du nombre et du terrain, je vous l’ai déjà dit ! Il fallait diviser leurs rangs et les saper progressivement.

-         Ce n’est pas comme ça que notre père nous a appris à combattre l’ennemi ! protesta Jochen.

-         Votre père n’était pas là, il est mort et enterré depuis des années, et c’est moi qui suis en charge de notre régiment, à l’heure actuelle !

 

Le jeune Gottlieb n’en fut pas pour autant satisfait ou calmé. Il se mit face au commandant, et cracha :

 

-         Si nous étions passés à l’attaque sans attendre, les Orques n’auraient pas pu enfoncer la porte, on n’aurait pas eu à fracasser ce pont, et notre mère serait encore en vie ! Vous êtes responsable de sa mort à elle !

 

Schmetterling en avait assez. Il perdit son calme et sa tempérance. Il avança d’un pas, et articula d’une voix de plus en plus agressive :

 

-         Écoute-moi bien, morveux : ta mère torchait encore ton cul que j’étais déjà commandant pour le Comte Électeur Boris Todbringer ! J’ai survécu à plus de trente ans de batailles, je m’y connais mieux que toi en stratégie ! Alors tu fermes ton clapet, ou je te fous au cachot pour insubordination ! Compris ?

 

Jochen ne répondit pas. Il continua à fixer le commandant droit dans les yeux, mais n’ajouta pas une syllabe. Les deux hommes restèrent ainsi quelques longues secondes, le commandant attendait une réaction violente de la part du capitaine… mais rien ne se passa.

 

Jochen détourna finalement le regard, préférant trouver du réconfort dans le visage de sa grande sœur. Les deux jeunes gens s’éloignèrent bras dessus bras dessous. Schmetterling les héla :

 

-         Attendez, les enfants !

 

Les Gottlieb stoppèrent le pas, sans se retourner.

 

-         Elle ne sera pas tombée pour rien. Les Orques sont arrêtés, ils ne seront plus une menace pendant un moment. Leur chef est mort, il ne doit plus rester que quelques survivants épars… sans elle, ils seraient entrés dans la ville et aurait fait un carnage. Je peux vous promettre que son héroïsme sera reconnu pendant longtemps !

 

Le grand homme roux comprit qu’il n’y avait aucune réponse à attendre de leur part. Il résolut de régler une autre histoire qui le turlupinait. Il chercha du regard le magister, et le trouva, un peu plus loin, assis sur un banc, en train de méditer. L’Humain se dirigea vers lui. Brisingr Mainsûre ouvrit les yeux à son approche.

 

-         Ç’a dû vous faire plaisir, non ?

-         Vous devriez le savoir mieux que moi, Commandant : seules les brutes sans cervelle prennent du plaisir à faire la guerre.

-         Je ne parlais pas de ça, mais du pont. Détruire un pont fabriqué par les Nains vieux de plusieurs siècles, c’est quelque chose qu’on n’a pas tous les jours l’occasion de faire. Ça peut être jouissif, surtout pour un Elfe !

 

À cette affirmation, le magister se leva.

 

-         Oh, quel vilain préjugé ! Commandant, vous devez savoir que les Elfes n’ont pas la rancune aussi tenace que celle des Nains ! Les Nains sont toujours fâchés contre les Elfes pour une guerre qui a eu lieu il y a des centaines d’années, mais nous autres Elfes aimerions bien les voir passer à autre chose. Personnellement, aucun Nain ne m’a fait suffisamment de tort pour que je lui en veuille au point de me réjouir de détruire un pont qui sera sans doute très long et très coûteux à reconstruire dans une ville appartenant à une contrée dirigée par mes amis.

-         Il n’empêche que vous avez fait de sacrés dégâts !

-         J’ai suivi le plan que nous avions convenu, et que vous avez approuvé, Commandant.

-         La situation avait changé ! Ces satanés Peaux-Vertes étaient coincés, nous les aurions finalement exterminés !

-         Au prix de combien de vies, Commandant ? Ils se seraient battus jusqu’au bout. Tant qu’un Orque est aux côtés de son chef, il combattra sans faiblir. Tant qu’un chef Orque est au milieu de ses troupes, seule la mort pourra l’arrêter. Quelques-uns ont même réussi à franchir la porte, je les ai vus. Il fallait tous les anéantir d’un coup.

-         Vous ne pouviez pas simplement faire un tourbillon de flammes sur eux ?

 

Le magister eut une moue contrariée.

 

-         Commandant, ne croyez pas que je peux tout faire sur ordre sans limite. Les magiciens aussi ont leurs ressources, et celles-ci peuvent s’épuiser. Un combat comme celui-là devient aussi épuisant pour un de vos soldats que pour moi. Et il ne suffit pas de m’exposer quelques instants au soleil pour complètement récupérer. Il me restait assez de force pour frapper le pont, mais si j’avais fait ce que vous suggérez, c’eût été insuffisant. Ou pire, j’aurais eu du mal à contenir l’explosion, et peut-être que nos hommes auraient été touchés. Et le pont aurait de toute façon souffert d’une telle utilisation d’Aqshy. Croyez-le ou non, mais j’ai limité les dégâts qui sont déjà considérables.

 

Pendant que l’Elfe parlait, les survivants alignaient quelques yards plus loin les cadavres des soldats qui n’avaient pas survécu à la terrible bataille. Il tâcha de rester concentré lorsqu’il vit passer sur un brancard la dépouille sans vie de Baldur Gottwald.

 

-         Et si c’est le côté matériel qui vous contrarie, souvenez-vous que nous avons gagné. Wüstengrenze reste en bon état malgré l’attaque des Orques, et les pertes civiles sont limitées, d’après le capitaine Klingmann. J’ai des contacts dans l’Empire de Karl Franz, ils nous aideront bien volontiers à financer la reconstruction de ce pont pour nous remercier d’avoir contenu une invasion d’Orques qui aurait pu remonter jusqu’à eux. L’Empire est une nation officiellement alliée, Commandant, d’où ma présence. En attendant, nous nous débrouillerons pour évacuer les personnes avec des cordes, des poulies et des filets.

 

Le grand Humain roux réfléchit quelques instants, et ses traits se détendirent, il sembla finalement convaincu.

 

*

 

Quelques heures plus tard, c’était le crépuscule. Les soldats de Steinerburg avaient fini de comptabiliser le nombre total de soldats et de citoyens enrôlés tombés, ainsi que l’identité de chacun. Ils avaient chargé sur les chariots encore intacts de la nouvelle ville de Wüstengrenze les corps des personnes ayant une famille à qui le restituer. Quant aux autres, ils allaient être enterrés sur place dès le lendemain matin, avant le départ des troupes vers Steinerburg. La vieille ville disposait de suffisamment de vivres pour permettre à ses habitants de tenir quelques semaines, le temps pour la construction d’une passerelle provisoire.

 

Il restait une dernière tâche à accomplir.

 

Les villageois avaient construit un bûcher devant la grande porte, face au gouffre. Et tous les Skavens de Vereinbarung et les Humains étaient à présent rassemblés autour. Schmetterling, Jochen et Marjan, toujours de l’autre côté, étaient en tête. Walter et Pol amenèrent avec précaution le corps minutieusement préparé par Sœur Carolina, enveloppé dans de lourds tissus, et le déposèrent sur le bois. Puis ils commencèrent à vider dessus des jarres d’huiles.

 

Malgré son jeune âge, Sœur Carolina Kuhlmann était la prêtresse la plus qualifiée pour présenter l’éloge funèbre. Juchée sur un tonneau, elle s’adressa à toute la cantonade :

 

-         Mes amis, nous avons vécu une terrible journée. C’était le point d’orgue d’un assaut qui a pesé sur nous pendant plus d’une semaine. Une semaine durant laquelle les Orques étaient à nos portes, attendaient de nous voir dépérir, ou déposer les armes. Deux issues qu’une personne courageuse et volontaire a obstinément refusées. Pendant cette épouvantable épreuve, nous avons eu peur, nous avons vu la fin arriver, mais la Dame Franzseska Gottlieb était là. Elle nous a rappelé qu’une personne avec des principes dictés par nos dieux pouvait tout surmonter. Je n’ai eu l’honneur de la connaître que depuis son arrivée pour reconstruire Klapperschlänge, mais cela m’a suffi à constater à quel point c’était une personne exceptionnelle. Un ami m’a expliqué qu’elle était la première femme du peuple des Humains à avoir parlé amicalement à un Skaven… en l’occurrence, Dame Heike, l’épouse du Maître Mage Prospero Steiner, qui était devenue son amie. Elle a su ouvrir son cœur malgré les préjugés, et a permis à ses enfants de voir les Skavens comme des amis. Et c’est… c’est pour protéger cette amitié qu’elle s’est battue jusqu’au bout.

 

Sœur Carolina dut faire une pause pour reprendre son souffle. Elle voyait, quelques dizaines de yards devant elle, Jochen et Marjan qui l’écoutaient sans cesser de la regarder. Elle avala sa salive, et continua :

 

-         Et donc, j’espère que le souvenir de son sacrifice restera gravé dans la mémoire du Royaume des Rats à tout jamais.

-         Il le sera, dit alors une voix impérieuse de l’autre côté du gouffre.

 

Tout le monde se tourna vers le commandant Schmetterling.

 

-         Je sais qu’il n’est pas très convenant d’interrompre une prêtresse en plein office, mais le moment me semble judicieusement choisi pour vous faire cette annonce : je prendrai personnellement auprès du Prince Ludwig le Premier les dispositions nécessaires pour honorer le nom de cette Humaine courageuse. Dame Franzseska sera désormais consacrée comme « héroïne de Wüstengrenze », et je m’engage à lui faire élever une statue ici-même, au-dessus du portail d’entrée où elle a commis le sacrifice suprême, dès que nous le pourrons. Ainsi, son esprit protecteur sera toujours là pour cette ville !

 

Le grand homme roux se tourna vers les Jumeaux.

 

-         Aujourd’hui, nous avons perdu beaucoup d’hommes, mais nous avons surtout perdu une immense femme.

-         Il ne faudra pas non plus négliger le capitaine Müller, rappela Marjan. Ni tous les hommes et les femmes qui ont donné leur vie pour défendre Wüstengrenze.

-         Vous avez raison, Capitaine. Dans ce cas, nous ferons autrement : nous mettrons la statue de Dame Franzseska à droite du portail, il y aura aussi une statue pour le Capitaine Müller, à gauche du portail. Et nous ferons élever une stèle portant les noms des honorables citoyens tombés pour Wüstengrenze sur la place publique de la vieille ville !

 

Jochen et Marjan saisirent tous deux un arc et une flèche. Brisingr Mainsûre approcha d’eux, tendit la paume vers le ciel, agita ses doigts, et une petite flamme jaillit au creux de sa main.

 

-         Faites-le, mes amis.

 

Le frère et la sœur encochèrent une flèche, la passèrent dans la flammerole magique, visèrent, et tirèrent simultanément. Les deux étoiles filantes de feu tombèrent pile sur le bûcher. En quelques secondes, un immense feu s’éleva vers les étoiles. La cloche du temple le plus proche sonna. Tout le monde se recueillit.

 

Serrés l’un contre l’autre, Marjan et Jochen ne pouvaient détacher leurs yeux du bûcher en train de crépiter. La jeune femme murmura :

 

-         Adieu, la Mère…

 

Ce fut dans ces circonstances à la fois tragiques et insolites que Dame Franzseska Gottlieb quitta définitivement les Royaumes Renégats.

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