et pourtant...

Olli regarda sa montre. Il venait de terminer son service et voulait monter à l'appartement se préparer un repas. Christian travaillait jusque 15h, il avait donc une petite heure devant lui.

Il avait pris l'habitude depuis deux jours de manger à l'extérieur ou dans sa chambre. Mais il en avait marre des repas pris sur le pouce et des en-cas. Il avait envie et besoin d'un vrai repas chaud.

 

Il ouvrit la porte avec sa clé et eut un choc. Il n'était pas revenu dans cette pièce depuis sa dernière altercation avec Christian. Revoir l'endroit, de la même place où il se situait lorsque cela avait eu lieu, le saisit de stupeur.

Il referma la porte et s'adossa contre elle. Les images, les paroles lui revinrent en mémoire avec une vivacité qui accrut son mal être. Il ne s'était pas attendu à ça.

 

Il n'avait pas revu Christian depuis cet épisode.

Il faisait attention de pas le croiser. Il n'était pas revenu à l'appartement. Il observait le No Limits depuis le trottoir, attendant qu'il soit occupé pour monter sans être vu. Il avait même attendu plus d'une demi-heure la veille au soir.

Il voulait que ce soit Christian qui vienne à lui. Il voulait une preuve de son attachement pour lui. Il voulait au minimum des excuses. Il méritait au minimum des excuses.

Mais ce n'était visiblement pas l'idée de Christian.

 

Soit qu'il ne lui était pas si attaché que ça finalement, ce dont il doutait malgré tout. Soit que ses peurs soient plus fortes que ses sentiments pour lui, ce qui lui paraissait plus cohérent. Mais que pouvait-il faire face à ça ? Et cela n'avait pas dû aider qu'il lui avoue ses sentiments.

Non pas qu'il regretta de l'avoir fait. Au moins maintenant les choses étaient claires. Et c'était à Christian de faire son chemin. Mais ça ne facilitait pas les choses pour lui...

 

Il vivait tel un somnambule depuis cette après-midi là. La tête constamment prise dans un brouillard. Ses yeux voyaient sans qu'il regarde. Il entendait sans écouter. Il mangeait sans goût ni odorat. Toutes ses sensations étaient comme anesthésiées. Il vivait tel un robot, son corps continuant de fonctionner sur pilotage automatique.

Il n'était plus capable ni de s'énerver, ni de pleurer, ni de rire.

Même Olivia n'avait pas réussi à faire renaître la vie en lui... Et pourtant, qu'aurait-il voulu pouvoir se défouler sur elle ! Christian était déjà énervé avant son intervention. Probablement parce-qu'il pensait qu'il avait à nouveau couché avec Alexis... (Comment était-il au courant de sa présence ? Il ne le saurait sans doute jamais...) Mais sans le plan d'Olivia, les choses ne seraient peut-être pas passé aussi mal...

Et même là, alors qu'elle venait, souriante et légère, contente de ce qu'elle avait fait, alors que tout venait de s'écrouler pour lui. Même là il n'avait pas eu de réaction ! Il s'était contenté de l'éviter et de ne pas lui parler.

 

Tout ce qu'il faisait depuis cette après-midi là, c'était attendre. Pas même espérer, juste attendre.

Et cela faisait déjà deux jours. Et chaque heure qui passait enfonçait davantage la morsure dans son ventre. Il devrait prendre une décision à un moment ou à un autre...

Mais comment ? Alors qu'il n'avait aucune idée d'où en était Christian. Alors qu'il ne savait pas comment lui vivait les choses. Regrettait-il ? Lui manquait-il ? Comment c'était passé les choses avec son frère ? Avançait-il de son côté ? Se rapprochait-il de lui, ou s'éloignait-il au contraire ?

 

Comment décider de ce qu'il devait faire, s'il n'avait aucune donnée sur lesquelles bâtir sa réflexion ?! La seule chose qu'il savait c'est que Christian avait effectivement été troublé par lui... Dans quelle mesure, même ça il l'ignorait ! Et sa proportion à le rendre frivole et indigne de lui ne faisait pas penser que ses sentiments soient si profonds... sans compter la réaction de Gregor à ce qu'il avait entendu... peut-être que Christian l'avait définitivement rayé de sa vie depuis.

 

Combien de temps allait-il pouvoir rester ainsi dans l'expectative, à attendre un signe, même minuscule, qui pourrait faire renaître l'espoir ? Ou au contraire, un signe qui dirait clairement que tout était fini... qu'il n'y avait plus raison d'espérer.

 

Il fit la vaisselle et rangea tout, effaçant toute trace de son passage. Il avait mis exactement cinquante minutes.

 

 

 

                                                                                   *

 

 

Christian jetait un œil à la porte toutes les deux minutes.

Il savait que ça ne servait à rien. Que ça ne l'aiderait pas, au contraire. Mais il avait besoin de le voir. De voir qu'il allait bien. De voir s'il allait bien... Comme si c'était possible ! Déjà lui se sentait comme une merde, ça devait être bien pire pour lui.

Olli lui avait dit qu'il l'aimait, il restait sur une note positive de sa part. Lui, il l'avait traité de...

Il secoua la tête. Comment, comment, avait-il pu dire une chose pareille !? Prononcer ce mot !

 

Et le pire, c'est qu'il ne pouvait même pas aller s'excuser ! Parce-que s'il lui parlait...

Soit il finirait par s'énerver à nouveau, et il ne voulait plus faire subir ça à Olli, il lui avait fait assez de mal ! Soit il finirait par l'embrasser à nouveau, et malgré la chaleur diffuse qui se propageait en lui à cette pensée, il ne pouvait pas risquer que ça arrive.

Parce-que ce serait vain de toute façon... Il n'était pas prêt à faire entrer Olli dans sa vie de cette façon. Il ne le serait jamais. Il ne pouvait pas accepter cette part de lui. Et là aussi, cela ferait encore plus de mal à Olli. Cela leur ferait plus de mal à tous les deux.

 

La seule attitude raisonnable, c'était de continuer à l'éviter... Et c'était d'autant plus facile qu'Olli en était là aussi maintenant.

Olli avait raison. Il avait gagné. Il avait obtenu ce qu'il voulait.

Alors pourquoi se sentait-il aussi mal, aussi merdique ? Pourquoi n'était-il pas soulagé l'ombre du quart d'une seconde ?

 

Pourquoi continuait-il de regarder vers cette porte ? Il avait si désespérément besoin de le voir... juste de le voir.

 

 

 

 

 

*