et pourtant...

Chapitre 32 : la nature masculine

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:19

Il ne savait pas où commencer, tout était encore un peu flou dans sa tête. En même temps, ça lui permettrait de faire le tri.

 

- En fait, ça commence ce matin, à l'épreuve de sprint. J'avais très mal et très peu dormi, comme tu t'en doutes, et comme tu as pu le voir. Je n'arrivais pas à me concentrer sur la course. J'étais... ailleurs. Et puis, il est arrivé... avec son sourire et son putain de porte-clé coyote !

Et tout à changé. Et j'ai réussi.

Mais je me sentais tellement mal que ce soit une nouvelle fois grâce à lui. Et j'étais tellement furieux contre lui, à cause de ce que j'avais entendu... de ce que je croyais avoir entendu... Bref, j'ai été un peu... très froid. Du coup il est parti. Et j'étais encore plus mal...

 

- C'est pour ça que tu n'as pas explosé de joie alors.

Christian acquiesça.

- C'est à ce moment là que je me suis aperçu que rien n'avait l'importance que ça devrait, s'il n'était pas là...

Mais ce n'est pas pour autant que j'étais prêt à accepter... et j'étais complètement accablé, parce-que je pensais qu'il était allé retrouver l'autre.

Et ensuite, il est arrivé au bar, et j'ai cru que j'allais m'effondrer sur place...

 

- Oui. Ça j'ai vu ! J'ai eu du mal à comprendre ce qu'il t'arrivait en fait.

- Tu as remarqué ?

- Ah ben là, oui ! Tu étais nerveux, tu n'arrêtais pas de regarder vers sa table. Ton regard et ton expression quand le type s'est installé avec Olli. Dés qu'ils riaient, tu serrais les poings et la mâchoire. Et quand ils sont partis !!

- Tu as compris ce qu'il en était à ce moment là ?

- Même pas ! L'idée qu'il puisse se passer quelque chose entre vous ne m'est jamais venu à l'esprit ! Mais j'ai noté qu'il y avait un sérieux problème, et quand j'ai vu Olli monter en courant, je l'ai suivi. Et là, je dois dire, que j'ai été assez surpris...

 

 

Christian sourit tristement.

- Oui, j'imagine. Je suis désolé que tu l'ai appris comme ça...

- Tu comptais me le dire un jour ?

- Non, c'était pas prévu au programme, répondit-il en s'agitant, mal à l'aise. L'idée c'était de laisser Olli partir, et d'oublier tout ça le plus rapidement possible...

 

Gregor regarda son frère, atterré.

- Tu penses franchement que tu aurais réussi à l'oublier !?

- Euh... oui ! Ça aurait été dur au début, mais le temps aurait fait que... enfin je pense.

Décidément son frère était encore très jeune ! Pour ne pas dire autre chose.

- Christian, as-tu la moindre idée de la rareté des sentiments que tu éprouves ? On ne parle pas d'une amourette de vacances là ! Je ne t'ai jamais vu autant investi dans une relation auparavant ! Perdre ça, c'est se perdre soi-même ! Je ne suis pas sûr que tu puisses passer à autre chose si facilement...

- Je n'ai pas dit que ce sera facile ! répliqua Christian sur la défensive.

Gregor fut intrigué par le ton dans sa voix.

- Ne me dis pas que tu y penses encore ??

 

Christian tourna la tête vers son frère.

- Je ne sais pas. Je ne sais pas si je suis capable de vivre cette histoire, Gregor ! En plus,... Olli a abandonné. Ce qui veut dire que c'est à moi de le suivre.

- Et ? Ne me dis pas que tu es trop fier pour faire ça !? lança son frère d'une voix sévère.

- Non, non c'est pas ça ! Je ne sais pas si je suis assez courageux pour me lancer là-dedans... répondit Christian sans oser le regarder.

 

Gregor fut surpris. Christian avait prouvé plus d'une fois qu'il ne manquait pas de courage. Et maintenant, il savait que lui n'avait rien contre. Qu'est-ce qui le retenait encore ?

- Pourquoi ?

 

Christian s'assit sur le canapé, repliant ses jambes sur sa poitrine. Il avait honte de sa lâcheté, mais ne pouvait rien y changer.

- Je ne veux pas être ce genre d'homme devant toi, devant papa, devant... tout le monde ! Je sais que ça sonne ridicule, mais...

Gregor sentit des picotements dans ses doigts tellement il eut envie de prendre son frère par le col, là, tout de suite.

 

- De quel genre d'homme tu parles exactement ? Du genre d'Olli ? Intelligent, gentil, drôle, généreux, loyal... que sais-je encore ! C'est ce genre d'homme là que tu ne veux pas être ?

Christian voulut parler, mais Gregor le fit taire d'un geste de la main.

- « Tout le monde », on s'en fout, on ne les connaît pas. Moi, tu sais que je m'en fiche. Et papa... papa n'est plus là, Christian. Et je pense qu'il préférerait te savoir heureux avec Olli, que malheureux sans lui ! Et moi aussi.

Je me fiche que tu sois avec Coco ou Olli... A la limite je préfère même Olli, parce-que je l'estime davantage ! Ce qui importe c'est que tu sois bien.

Tu penses pouvoir être heureux sans lui ? Alors que tu ne pouvais même pas te réjouir de ta réussite aux examens d'entrée à le fac de sport, ton rêve depuis des années !!??

 

Chaque argument touchait Christian de plein fouet. Il savait tout ça. Bien sûr qu'il le savait !

Mais l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre, qui plus est de son grand frère, lui faisait prendre davantage conscience de tout ce qu'il risquait de perdre. Et de l'idiotie de pourquoi il risquait de tout perdre.

Mais le problème, c'est que ses raisons n'étaient pas raisonnable...

Il avait peur, il était mort de trouille ; et tous les arguments du monde ne changerait rien à ça.

 

 

                                                                                    *

 

 

Olli marchait, marchait et marchait encore.

Il avait envie de pleurer. Il aurait voulu pouvoir pleurer.

Pour soulager sa douleur, pour laisser évacuer tout ce qu'il ressentait à l'intérieur. Cet amalgame de sensations, de sentiments, tous plus négatifs les uns que les autres. Tristesse, déception, colère, remord, regret, nervosité... et tellement d'autres encore ! Et une fureur. Une fureur qu'il n'avait jamais connu encore.

Mais ses yeux restaient secs. Il était comme hébété. Et les larmes, qui soulagerait son âme et son corps torturés, refusaient de venir. Alors il marchait.

Il savait que cela serait pire après. Quand il se poserait, et que la réalité de ce qui venait de se passer lui sauterait au visage. Quand il serait seul et immobile, n'ayant rien d'autre à faire que d'entendre sa douleur.

Quand elle serait telle que les larmes viendraient, dévastatrices au lieu d’être salvatrices.

Il le savait, mais tant qu'il marchait il reculait l'échéance. Tant qu'il marchait.

 

 

 

                                                                              *

 

 

Christian essayait de faire le vide dans sa tête.

La conversation avec son frère lui avait fait du bien, mais l'avait troublé également. Il n'aurait jamais imaginé parler de tout ça avec lui... Il était soulagé qu'il sache et qu'il n'en tienne aucun compte, mais... mais c'était tellement bizarre ! Comme si, cela ne le concernait pas vraiment. Comme si, ils avaient discuté de quelqu'un d'autre.

Il n'arrivait toujours pas à se faire à l'idée que c'était bien lui, Christian Mann, qui était tombé amoureux d'un autre homme. Et non seulement ça, mais il le désirait également. Il répondait physiquement à son attirance pour lui. Et c'était incompréhensible...

 

Les propos de son frère était le bon sens même. Il adhérait totalement... pour les autres. Pas pour lui. Pour lui, cela restait inexplicable, et surtout inenvisageable.

 

Et pourtant, comme il souffrait de faire ça à Olli.

Et Olli l'aimait !

Et c'était génial, mais c'était pire !

Comment pouvait-il faire ça à la personne qu'il aimait, qui l'aimait ? La personne la plus exceptionnelle qu'il connaisse ?

Il ne méritait tellement pas l'amour d'Olli.

 

Il se roula en boule sur le lit. Il fallait que ça s'arrête. Il allait devenir fou.

Il fallait qu'Olli parte. Que tout redevienne comme avant.

Il savait bien que ce ne serait plus jamais le cas. Il savait qu'il se leurrait lui-même. Mais il avait besoin de se raccrocher à ça.

Il avait peur. Peur de ce qu'il ressentait, peur de ce que cela signifiait à propos de lui, de l'image que cela renvoyait, à lui-même et aux autres.

 

Et il avait peur pour Olli. Il le faisait déjà tellement souffrir.

Et le voir le mettait dans de tels états. Sa jalousie le consumait, alors même qu'elle n'avait aucun fondement.

Il ne pouvait s'empêcher de le tenir pour responsable de toute cette situation, quand bien même il savait que ce n'était pas le cas.

Il avait peur de péter le câble de trop.

Il avait peur quand il était dans des états de rage au début. Il était encore plus effrayé maintenant alors qu'il était davantage sous contrôle. Parce-que tôt ou tard, ce contrôle risquait de céder et ce qui arriverait à ce moment là...

Il avait peur de blesser physiquement Olli.

C'était idiot. Il n'était pas du genre violent. Impulsif mais pas violent. Mais là, l'intensité des sentiments qu'il ressentait... S'il perdait le contrôle encore une fois... Il n'était plus sûr de rien en ce qui concernait ses émotions.

 

Oui, décidément, il ferait mieux d'éviter Olli jusqu'à ce que celui-ci s'en aille. Pour le bien d'Olli, autant que pour le sien. Pour ne pas risquer de se perdre définitivement.

 

 

                                                                                     *

 

Olli s'assit sur le lit.

Le calme de sa chambre le fit frissonner. Il parcouru la pièce du regard.

Comment pouvait-il rester encore un mois comme ça ? Vivant à moins de dix mètres de lui.

 

Il ne savait pas ce qui le touchait le plus ; les mots qu'il avait dit, ou sa réaction et sa sortie. Il ne s'était laissé aucune chance de pouvoir revenir vers lui...

 

Mais comment pouvait-il seulement avoir encore envie de revenir vers lui ?! Après tout ce qu'il avait dit, et pas seulement ce jour-là !

Il était tellement faible devant Christian...

 

Ok, il était confus. Mais lui aussi était passé par là ! Et jamais il ne s'était permis de se défouler sur qui que ce soit. Encore moins sur la personne qu'il aimait ! Il avait géré ses frustrations par lui-même ! Encore n'était-il pas sûr de ce que Christian ressentait pour lui...

Et bien sûr, ils n'avaient pas le même parcours, ni la même personnalité...

C'était aussi cet aspect qui l'avait séduit chez lui. Cette fragilité masquée. Il était tellement différent de ce qu'il montrait quand il se sentait acculé.

Et c'était ça, il se sentait en danger avec lui ! L'homme qu'il aimait se sentait en danger à son contact !

 

Olli se leva et s'approcha de la fenêtre. La nuit était tombée, et les lumières de la ville dansaient.

Ses yeux le piquaient toujours autant. Il n'avait pas réussi à évacuer leur trop plein.

Il voulut se verser à boire, quand son regard tomba sur la tasse que Christian lui avait offerte.

Il s'en saisit doucement, caressa la faïence de son pouce. Et les larmes, enfin, se mirent à couler. D'abord doucement, puis rapidement en sanglots incoercibles.

 

 

Une bouffée de colère devant l'absurdité de tout ça monta brutalement en lui. Ses doigts se crispèrent autour de la faïence.

Il aurait voulu jeter cette tasse, la casser en milles morceaux.

Mais il ne pouvait pas ! Il ne pouvait pas renoncer à Christian...

Mais il ne pouvait pas non plus lui courir après. Il se montrait trop faible et c'était cela aussi qui l'autorisait à le traiter ainsi...

 

Il ne tiendrait certainement pas un mois encore, mais il allait lui laisser encore du temps.

Cette fois en tout cas, ce ne serait pas lui qui ferait le pas de la réconciliation. C'était à Christian de faire un geste vers lui. N'importe quel geste, même le plus petit, et Olli reprendrait la course. Mais ce petit geste, ce serait à Christian de le faire.

 

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