Souviens-toi des jours heureux
La matinée avait été mouvementée, mais fructueuse. Je promis à Papyrus de revenir le lendemain pour mon premier jour d'entraînement, avant de laisser les deux frères en famille. Après tout, le plus jeune squelette venait de rentrer, ils avaient sans doute des choses à se dire.
Je traversai la rue quelques secondes plus tard pour retourner à la maison. Étalée sur le canapé, Neelam pianotait sur son téléphone, un paquet de chips à côté d'elle. Je levai les yeux au ciel, mais ne fit pas de commentaires. Je n'avais plus la force de me battre ce matin. Asgore, Toriel et les frères squelettes avaient complètement vidé ma batterie sociale pour la journée.
Faire la cuisine n'était donc pas au programme non plus.
— Ça te va pizza ce midi ? demandai-je à ma petite sœur.
Elle haussa les épaules pour toute réponse, mais comme tous les enfants, elle semblait atteinte de la mystérieuse maladie du ni oui ni non. J'attrapai mon téléphone dans la poche arrière de mon pantalon et commandai rapidement deux larges pizzas au restaurant le plus proche. Elles n'étaient pas données, mais je compris rapidement pourquoi en jetant un coup d'œil à l'enseigne : MTT Resort. Ça expliquait sans doute la mention « Pas de paillettes » sur certaines propositions en livraison.
Je rajoutai deux gaufres à l'effigie de Mettaton à la commande pour le dessert, et envoyai la requête d'une pression sur le bouton rose « Commander » en bas de la page.
En attendant le livreur, je me penchai un peu sur les papiers d'inscription pour l'école de Toriel. Neelam m'adressa un regard mauvais depuis le canapé en remarquant ce que j'étais en train de faire, mais ne commenta pas. Elle n'avait pas tellement son mot à dire dans cette histoire. Scolariser la jeune fille était l'une des conditions des travailleurs sociaux pour l'autoriser à vivre en autonomie avec moi. Sans ça, j'aurais dû la laisser chez Madame Pompon jusqu'à sa majorité, ce qui était hors de question. Je m'étais toujours battue pour que l'on reste ensemble, ça ne changerait pas maintenant que nous étions autonomes.
Le formulaire se révéla barbant. Je le remplis sans trop de problèmes, avec toutefois une hésitation quant aux cases à remplir sur les parents. J'étais légalement la représentante légale de Neelam, mais j'écrivis les coordonnées de Madame Pompon également, au cas où. Je savais que ça ne la gênerait nullement. Si je trouvais du travail, je craignais de ne pas être là pour pouvoir m'occuper de ma sœur. Elle le serait toujours.
On sonna à la porte à la seconde pile où je reposai mon stylo. J'attrapai mon porte-monnaie en chemin avant d'ouvrir la porte à un chat anthropomorphisé qui me lança un regard désespéré. Il y avait de quoi. Je ne savais pas ce qu'il lui était arrivé, mais il était couvert de boue, à l'inverse de la boîte à pizza, d'un blanc immaculé.
— Votre commande, grogna-t-il.
— Euh... Merci. Excusez-moi, mais... Vous allez bien ?
— Je ne suis pas autorisé à répondre à cette question, petiote. Si je le faisais... Si je le faisais, je ne serai pas parti d'ici avant plusieurs heures.
Il éclata d'un rire étranglé. Ses yeux sortirent de ses orbites, vision terriblement effrayante, avant qu'il ne se plie en deux et éclate en sanglots. De toute évidence, ce pauvre minet n'allait pas bien. Je plissai les yeux pour lire le nom sur son badge. « Burgerpants ». Ça ne pouvait pas être son vrai nom.
— Vous voulez entrer prendre une douche ? lui proposai-je, par pitié.
— Non, ça ira. Je vais retourner au restaurant. Si j'arrive en retard, il va m'étriper et m'obliger à tourner des vidéos jusqu'au bout de la nuit. J'aimerais trouver une famille pour lui inculquer la notion d'empathie.
— À qui ça ?
— Le robot. Mett... Metta... Mettaton, cracha-t-il d'une voix subitement grave.
Je souris, patiente. Burgerpants déposa les boîtes à pizza dans mes mains et claudiqua vers sa moto. L'avant avait été enfoncé, et je ne tardai pas à comprendre pourquoi. Lorsqu'il démarra l'engin, un immense trait de flammes roses s'échappa du pot d'échappement, propulsant le véhicule en avant à une vitesse terrifiante. Le pauvre chat ne parvint pas à tourner le guidon et s'enfonça directement dans le premier poteau venu, qui se trouvait avoir la même forme que le trou à l'avant de sa moto. Je serrai les dents et hésitai à aller voir s'il allait bien. Il hurla au ciel une flopée d'insultes, puis redémarra, avant de s'écraser dans un autre poteau à peine trois mètres plus loin. Je compatis pour sa douleur. Son travail n'avait pas l'air des plus tranquilles...
Les pizzas en main, je retournai à l'intérieur. J'en larguai une dans le canapé à côté de Neelam et partit manger la mienne sur la table du salon. Lorsque j'ouvris la boîte, je fronçai le nez. Malgré ma demande, la pizza était couverte de paillettes. Je testai la nourriture, mais à peine en bouche, je dus recracher. Immangeable pour des humains. Dans un soupir, je relançai l'application pour me faire rembourser, photos à l'appui, sans grand espoir. Neelam avait eu plus de chance avec la sienne. Elle me fixait du regard intensément, me signalant qu'il était hors de question de partager la sienne. Je me rabattis donc sur les gaufres, par défaut. Leur odeur chimique me piqua le nez, mais elles n'étaient pas si mauvaises.
Après ce repas fort pitoyable, j'émis l'hypothèse de visiter l'école de Toriel pour repérer les lieux. Neelam me fit bien comprendre à sa grimace d'y aller seule. Qu'à cela ne tienne. J'en profiterai pour visiter un peu la ville. Elle devrait bien sortir du déni à un moment ou un autre de toute manière. Je lui fis promettre de ne pas ouvrir la porte aux étrangers et de rester ici, mais je ne m'inquiétai pas trop. Neelam avait toujours préféré rester à l'intérieur pour lire ou jouer aux jeux vidéo. Elle restait solitaire. Peut-être que Frisk réussirait à la faire sortir de sa coquille ? Ce serait le scénario idéal.
J'ouvris la porte et sortis. Il faisait toujours un peu chaud en cette fin d'été, mais les températures n'étaient plus suffocantes. Par chance, plusieurs des enfants de Madame Pompon maîtrisaient la magie de glace et avaient permis de rendre la chaleur supportable, parfois en transformant la maison en véritable patinoire. J'allais devoir me passer de leurs services à présent.
Devant la maison d'en face, Papyrus... marchait dans le vide. Je restai un long moment interloquée à le regarder nettoyer les fenêtres de l'étage, les deux pieds à au moins trois mètres du sol. Il me salua d'un grand geste de la main, avant de se reconcentrer sur sa tâche. D'accord. Je n'avais jamais vu de monstre voler avant. En tout cas, pas sans ailes ou autres étranges attributs physiques permettant cet exploit. Je secouai la tête, enregistrant cette information dans un coin de mon esprit, avant de me diriger vers le bout de la rue, où se trouvait l'arrêt de bus.
L'école se trouvait un peu plus bas dans la vallée. Il n'en existait que deux pour les monstres, dont celle de Toriel, qui commençait à s'hybrider. Neelam et moi allions dans une école humaine pendant notre séjour chez Madame Pompon, ce qui n'avait pas été une grande réussite. Malgré tous les efforts pour effacer les différences, habiter chez des monstres avait tendance à froisser bon nombre de personnes. Ma sœur et moi en avions fait les frais tout au long de notre scolarité. J'étais bien contente que Neelam puisse évoluer dans un autre environnement maintenant que nous étions autonomes.
Le bus ralentit deux minutes plus tard. Je grimpai à l'intérieur et me fis une place parmi les nombreux monstres présents. Je réussis à m'asseoir à côté d'un imposant loup gris qui fit de son mieux pour se coller contre la vitre pour me laisser un peu de place.
Beaucoup, si ce n'était la plupart des monstres, n'avaient pas de voiture. Undyne, ou même Papyrus, dont j'avais aperçu plus tôt la décapotable rouge, restaient des exceptions. Les humains n'avaient pas encore trouvé de solutions pour adapter les véhicules à la variété de morphologies de leur peuple. D'autres craignaient aussi la technologie humaine dans son ensemble et se montraient méfiants envers toute innovation, ce qui pouvait se comprendre étant donné l'histoire du peuple des monstres.
La méfiance s'étendait par ailleurs parfois à toute l'espèce humaine, au même titre que celle des humains envers eux. Je surpris le regard d'un étrange hybride entre cheval et hippocampe, clairement hostile. Les altercations restaient rares, les monstres ayant tendance à éviter naturellement les problèmes. Ajouté à ça, comme l'avait souligné Toriel, la police tendait à favoriser automatiquement les humains lorsqu'il y avait des conflits.
Les arrêts défilèrent et avec eux leur lot de monstres qui montaient et descendaient. Mon compagnon de route me laissa la place après quelques minutes, ce qui me permit de profiter du paysage, et en particulier l'imposante montagne qui surplombait la ville. Les Souterrains avaient été complètement désertés l'année précédente, avec le déplacement des populations aquatiques. De longs mois de travaux avaient été nécessaires pour leur permettre de vivre à l'extérieur, avec la construction d'un immense bassin de l'autre côté de la montagne. Humains et monstres cherchaient à présent des solutions pour leur permettre d'évoluer hors de l'eau, leur étang étant certes plus grand... Mais toujours une prison inacceptable pour des créatures qui avaient pleinement conscience de leur statut.
Le bus ralentit à l'approche de mon arrêt. Je me levai et me traçai un chemin vers la porte. Une bonne partie du bus se vida et je suivis le mouvement. L'école se trouvait juste à l'extérieur du centre-ville, marquant la limite entre la zone commerciale et les quartiers plus résidentiels d'Ebott City.
Téléphone à la main, je tournai quelques secondes sur moi-même pour trouver dans quelle direction pointait le GPS. Il indiquait trois minutes de marche, je ne devais donc pas me trouver très loin de ma destination. Je repérai bientôt un groupe d'enfants, sacs sur le dos, qui se dirigeait vers une grande bâtisse en briques et décidai de les suivre. Ils me menèrent directement devant un grand portail en fer, derrière lequel plusieurs dizaines de jeunes monstres excités couraient dans tous les sens, dans une immense cour. J'y repérai aussi bon nombre d'adolescents, installés sur les appuis de fenêtres ou traînant encore devant l'école. Humains ou monstres, certaines choses ne changeaient pas.
Un peu perdue, je m'aventurai dans la cour, à la recherche d'un panneau m'indiquant où je devais me rendre. Plusieurs choix de portes s'offraient à moi. Je m'apprêtais à interpeler un des élèves quand une main m'effleura le dos, me faisant sursauter. Je fis volte-face et rencontrai les yeux de Frisk, curieux. Je me détendis immédiatement.
— Tu as besoin d'aide ? signa-t-il.
— Ah, tu vas peut-être pouvoir m'aider. J'ai les papiers d'inscriptions de Neelam, mais je ne sais pas où je dois les donner.
— Suis-moi, je vais t'emmener voir Maman.
Il ouvrit la voie et m'accompagna jusqu'à une porte reculée, sous le préau, que je n'avais même pas repérée en arrivant. Elle menait sur un long couloir que je devinais être l'administration. Il se dirigea sans hésitation vers la dernière porte à droite, et toqua gentiment avant de rentrer.
— Ah, Frisk ! Tu as besoin de quelque chose ? entendis-je.
L'adolescent s'écarta pour me laisser passer. Je restai un moment à l'entrée. Le bureau était immense, les murs couverts de bibliothèques et de dossiers à n'en plus finir. Au milieu de la pièce, Toriel était installée derrière un grand bureau, lunettes sur le nez, visiblement en pleine rédaction. Elle sourit en m'apercevant.
— Désolée de déranger, tentai-je, embarrassée. J'ai terminé de remplir les papiers de ma sœur, et comme je ne savais pas où aller, Frisk m'a accompagnée jusqu'ici.
— Ah ! Parfait ! Voyons ça.
Elle se leva et récupéra les papiers que je lui tendis. Elle les inspecta un à un pendant quelques secondes, avant de hocher la tête.
— Tout me semble en ordre, c'est parfait. Le temps de traiter tout ça, Neelam pourrait commencer la semaine prochaine ? C'est la dernière semaine de cours avant les vacances. Elle pourra se familiariser avec les lieux sans que ce ne soit trop brusque. Tous les professeurs seront avertis et s'adapteront. Et puis, je suis sûr que Frisk pourra lui montrer les lieux. Elle sera dans la même classe.
Je me retins de demander comment Frisk pouvait se trouver dans la même classe qu'elle quand il avait clairement deux ou trois ans de plus. Toriel sembla lire dans mes pensées.
— Frisk n'a pas eu la chance d'aller à l'école plus jeune. C'est encore nouveau pour lui aussi. Et je sais que... Se retrouver dans une école avec très peu d'humains peut être impressionnant.
— Je suis sûr que ça se passera bien, me rassura Frisk. Tout le monde est très gentil.
— Je n'en doute pas, je vous fais confiance.
Toriel posa les papiers sur son bureau.
— Est-ce que tu as pu parler à Sans et Papyrus ? me demanda-t-elle, une pointe de nervosité dans la voix.
— Oh ! Oui. Ça s'est bien passé. On a pris le temps de faire connaissance, et j'ai discuté avec Sans de ce qu'il pensait de se faire aider. Il n'a pas l'air très enthousiaste, mais il a accepté d'essayer.
— C'est bien. C'est très bien. Je suis certaine qu'il va vite sortir de sa coquille. Nous serons là pour t'épauler au besoin, dit-elle dans un sourire. J'espère que ça fonctionnera, pour tous les deux.
— Je l'espère aussi, avouai-je dans un souffle. Je ne vais pas déranger plus longtemps, je vois que tu as du travail.
— C'était une pause bienvenue. Il n'y a jamais assez de pauses au milieu des papiers. Frisk, est-ce que tu peux la raccompagner ?
L'adolescent hocha vigoureusement la tête et me fit signe de le suivre. Je saluai Toriel d'un dernier signe de la main avant de le suivre jusqu'à la grille principale. Frisk me souhaita une bonne journée et me dit que Neelam pouvait venir le voir avant sa rentrée si elle avait besoin d'être rassurée, ce qui pouvait toujours être utile. J'avais comme l'impression que ces deux-là s'entendraient bien.
Après quelques minutes d'échange, Frisk dut retourner en cours. Un coup d'œil à mon téléphone m'apprit que le bus ne serait pas là avant encore une heure, j'avais donc un peu de temps devant moi pour flâner dans les environs et en découvrir un peu plus sur la ville.
Je m'aventurai dans les différentes boutiques, et gardai certaines en tête notamment pour l'anniversaire de Neelam, qui arriverait déjà dans un peu moins de deux mois. Elles étaient toutes gérées par des monstres. Après quelques minutes de marche, je décidai de me poser dans un grand bar, proche de l'arrêt de bus. La devanture ne payait pas de mine, mais la grande affluence à l'intérieur m'apprit que le lieu était prisé. Plusieurs monstres installés me lancèrent des regards curieux, presque choqués, alors que je me dirigeais vers le bar.
— C'est un humain ? murmura un grand flocon de neige vivant de manière pas si discrète. Elle est perdue ?
Je les ignorai, habituée aux remarques de ce type. Le tavernier m'accueillit d'un sourire chaleureux. Il était constitué de flammes en intégralité, si ce n'était son costume impeccable et le tablier qui le protégeait.
— Bienvenue chez Grillby's, voici la carte.
Je le remerciai et explorai mes options quand la porte valdingua brutalement à travers la pièce, ratant le bar – et mon visage – de presque rien. Sous le choc, je me retournai, comme tous les monstres présents.
Dans un silence de plomb, une figure familière s'avança dans la pièce. Cheveux de feu, sourire de requin, Undyne venait de faire son apparition. L'homme de feu derrière moi soupira, résigné, avant d'aller ramasser la porte. À juger sa réaction, ce n'était pas la première fois que ça se produisait. Le pauvre.
— Je ne vais pas y aller par quatre chemins, s'exclama-t-elle d'une voix forte. L'un de vous s'est introduit dans l'ambassade cette nuit et a volé la Deltarune royale, celle en or. On a des vidéos de surveillance, donc ce n'est même pas la peine d'essayer de me berner.
Elle avança comme un cowboy entre les tables. Son regard croisa brièvement le mien. Elle m'adressa un grand sourire, avant de se refocaliser sur sa mission. Elle s'approcha d'une table reculée, où un petit monstre se ratatina sur lui-même sous le regard inquisiteur de la garde royale. Il ressemblait à une espèce de corbeau, mais avec un seul et unique œil au milieu du visage. Undyne frappa du poing sur la table, le faisant sursauter.
— Alors ? Où est la broche, Cornelius ?
Pendant un instant, il sembla que le monstre allait obtempérer. Jusqu'à ce qu'il bondisse sur la table et s'envole à tire d'ailes au-dessus de la policière pour foncer vers la sortie. Loin de s'agacer, Undyne sembla fortement ravie de ce changement de situation.
— Enfin un peu de fun. Toi ! cria-t-elle en me pointant du doigt. Tu viens avec moi.
— Hein ? eus-je juste le temps de prononcer.
Undyne me souleva du sol comme si je ne pesais rien et me balança au-dessus de son épaule. Je lançai un regard plein de détresse au tenant du bar, qui m'offrit pour toute compensation qu'un sourire de pitié. La femme-poisson se jeta vers la sortie, manquant de peu de me décapiter au passage, puis me jeta sur la place passagère de sa voiture. Sous le choc, je mis quelques secondes à comprendre ce qui se passait, alors qu'Undyne lançait la voiture à toute blinde derrière le fuyard.
Elle attrapa la radio d'une main, l'autre encrée sur le volant.
— Ici la capitaine Undyne. J'ai le suspect en visuel, poursuite en cours !
Elle poussa la pédale d'accélérateur, me plaquant contre le siège. Paniquée, j'attrapai la ceinture de sécurité à deux mains et m'attachai aussi vite que possible. La voiture prit de l'élan sur le dos d'âne, avant de voler sur une dizaine de mètres, dans une pente raide.
Je poussai un cri de frayeur, mes ongles s'enfonçant dans le siège. Elle allait nous tuer ! On allait mourir toutes les deux ! Ce n'était pas dans le programme du jour !
La corneille apparut en visuel. Elle volait toujours en direction du... Du lac ! Et Undyne ne ralentit pas pour autant. Mon anxiété monta en flèche lorsque la voiture quitta la route, pour foncer droit vers les barrières de sécurité.
— Undyne ? Qu'est-ce que tu fais ?
— Accroche-toi bien.
Pas le moins du monde rassurée, je saisis à deux mains ma ceinture, maigre protection. La voiture heurta de plein fouet les barrières, avant de plonger en direction du lac. Je poussai un nouveau cri, terrifiée, mais au dernier moment, la voiture remonta en piquet, avant de poursuivre de nouveau le corbeau, de plus en plus proche.
La voiture... volait.
Celle-là, je ne l'avais pas vu venir.
En quelques secondes, Undyne rattrapa son retard sur le suspect, qui volait à présent à côté du véhicule.
— Tiens le volant, me dit Undyne, en ouvrant la portière.
— Quoi ? Je ne sais pas conduire !
— Tiens le volant, je te dis !
Je finis par obéir dans un juron. À ce stade, je n'avais plus rien à perdre. Undyne s'accrocha à la portière et saisit le suspect à la patte. Le corbeau se mit à s'agiter dans tous les sens dans une pluie de plumes pour tenter de lui échapper, mais la guerrière tint bon, et finit par le traîner à l'intérieur du véhicule. Elle le poussa sur le siège arrière et menotta ses jambes tant bien que mal à un anneau prévu à cet effet. Une fois son travail terminé, elle referma la portière et reprit son rôle de conductrice.
La voiture ralentit légèrement, avant de faire demi-tour pour regagner la ville. Essoufflée, je restai un moment à regarder le paysage, avant de me tourner vers elle.
— Pitié, la prochaine fois, préviens-moi.
— Ce n'était pas si terrible comme premier rendez-vous entre copines ! C'est Papyrus qui m'a appris ça ! Parfois, il faut forcer le destin.
— Il a tendance à faire ça. Beaucoup. Attends... Tu as fait ça juste pour qu'on passe du temps ensemble ?
— Oh, c'était un vrai criminel. Mais rien de tel qu'une bonne arrestation pour se rapprocher !
D'accord.
J'étais quelque part heureuse qu'Undyne veuille se rapprocher de moi à ce point. J'apprécierai encore plus qu'elle m'invite simplement à prendre un verre ou quelque chose de plus normal la prochaine fois. Mon cœur ne pourrait pas supporter une deuxième « sortie entre copines » comme celle-là.
— Je te ramène à la maison ? me demanda-t-elle innocemment.
— S'il te plaît, oui. Avant que je ne fasse un malaise.
Elle éclata d'un grand rire franc avant de me donner une grande tape dans le dos qui me coupa presque le souffle.
Décidément, les personnes de mon voisinage n'avaient pas fini de me dévoiler leurs secrets.