Souviens-toi des jours heureux

Chapitre 9 : Responsabilités

2915 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Après avoir déposé son criminel aux bons soins de ses collègues, Undyne me raccompagna.


Une dizaine de minutes de voiture nous séparaient de la maison, si bien que je décidai d'en apprendre davantage sur Undyne. Maintenant que son criminel avait été appréhendé et faisait la tête à l'arrière de la voiture, elle semblait plus disposée à discuter.


— Est-ce que tu fais ça souvent ? lui demandai-je. Ton quotidien a l'air intense.


— Il l'est ! Bon, je ne chasse pas des criminels à travers la ville tous les jours, mais je fais plein d'autres choses cool.


— Tu es capitaine de la garde, c'est ça ? Tu ne devrais pas être... Derrière un bureau ? Déléguer des tâches, tout ça ?


— C'est pas mon style. Je m'occupe aussi de la paperasse, mais je préfère être sur le terrain. Je m'occupe des recrues, des traques, des choses plus compliquées... Il se trouve que la Surface est plus dangereuse que ce que j'imaginais, et... Enfin, je ne veux pas exposer mes recrues plus que nécessaire. Ils sont doués, j'ai confiance en eux, mais... Papyrus a dû te parler de l'attentat, pas vrai ? Contre Frisk ?


Je hochai la tête.


— La vérité, c'est que c'est moi qui aurais dû prendre cette foutue balle, pas Sans. J'étais en charge de la sécurité, j'aurais dû le voir venir. Mais dans le chaos ambiant...


— Qu'est-ce qu'il s'est passé ce jour-là ? Papyrus a été assez évasif sur les détails. Si ce n'est pas trop...


— Non, ça va. C'était une fête pour célébrer notre arrivée à la Surface. Plein de monde était invité, humains et monstres, et Frisk devait donner un discours. Il avait passé la soirée à le rédiger et s'entraîner avec Sans. Il était excité de le lire devant tout le monde, et nous aussi. C'est un peu notre gamin à tous, tu sais ? Même si c'est Toriel qui l'élève, ce gosse a changé nos vies, on tient tous à lui. Il a commencé à parler, et, comme tout le monde, j'ai baissé ma garde pour l'écouter. Et je l'ai pas vu.


Ses mains se crispèrent légèrement sur le volant.


— J'ai pas vu qu'un gars était en train d'escalader la scène sur le côté. Il avait une arme à la main. Je n'ai compris que lorsque Sans s'est jeté sur Frisk avant de s'effondrer. Après ça, la foule a commencé à paniquer, et deux autres hommes sont montés sur scène. Ils ont commencé à tirer sur des monstres au hasard. Un de mes meilleurs éléments, Doggo, est tombé à mes pieds alors que j'arrivais sur la scène. Je n'ai rien pu faire pour le sauver. C'est un miracle qu'il soit le seul à avoir été tué ce jour-là. Sans... Sans a eu beaucoup de chance. Si Toriel n'avait pas réagi aussi vite, il... Il aurait sans doute connu le même sort.


Elle soupira.


— J'ai réussi à avoir un des assaillants. Je lui ai tiré une lance dans les pieds, ce qui a permis de l'arrêter. Les autres ont réussi à se sauver. Je les ai traqués pendant des jours, et on a fini par les débusquer. On a essayé de les avoir en vie, mais ils ont refusé de se rendre. Je les ai descendus, tous les deux. On attend encore le procès du dernier. Comme il est difficile de faire correspondre les lois monstres et les lois humaines, ça prend du temps. J'espère qu'il va moisir derrière les barreaux pour ce qu'il a fait. Quinze montres et sept humains ont été blessés pendant l'attaque, et il y a eu deux morts : Doggo, et une petite fille humaine qui malheureusement a été emportée par le mouvement de foule. Sans est l'un des plus graves, avec un autre monstre qui a perdu la vue après avoir reçu une balle dans la tête. Les autres se sont tous remis, et Asgore a pris en charge tous leurs soins de sa poche, et continue de le faire pour ceux qui ont encore besoin de voir des médecins.


Je baissai le regard. Même si nous en avions parlé avec madame Pompon au moment où ça s'était produit, je réalisai qu'elle nous avait caché beaucoup de détails à l'époque, sans doute pour ne pas nous inquiéter.


— La vérité, c'est que tout est de ma faute.


Je fronçai les sourcils.


— Bien sûr que non. Tu as fait ce que tu pouvais.


— Ah, bien essayé. C'est ce que me dit Asgore, c'est aussi ce que me dit la psychologue qu'on me force à voir depuis ce qui s'est passé, mais... J'ai été entendue par la police humaine pour ce qu'il s'est passé, et les parents de la gamine qui s'est fait écraser me jugent aussi responsable que les humains qui ont commis l'attentat. Et ils ont raison. Ce procès, ça va aussi être le mien, tu sais ? Et je l'accepte. J'ai commis des erreurs, au pire moment, et c'est normal qu'ils m'en veuillent. J'aurais dû être plus vigilante, j'ai fait tuer un de mes gardes, Sans est presque mort là-bas, ça aurait pu être Frisk... C'est normal que je paie.


— Je pense que tu es trop dure avec toi-même, Undyne. Tu as vu ton ami se faire tirer dessus, et, malgré le choc, tu as quand même réussi à arrêter un homme dangereux qui aurait pu faire d'autres dégâts en ville si tu ne l'avais pas arrêté. Et puis, je suis sûre que même les parents de cette petite fille peuvent le comprendre. Personne ne s'attend jamais à se retrouver au milieu d'une fusillade, même en étant capitaine de la garde royale. Ce n'est pas juste que tu te retrouves toi aussi jugée. Tu as fait ce que tu pouvais au pire moment.


— Sauf qu'il n'y a pas que la petite fille, tu sais. Il y a Sans. Papyrus est mon meilleur ami. Je n'ai pas l'impression d'avoir été là pour lui pendant que son frère se remettait de tout ça, et même s'il ne l'avouera jamais, je sais qu'il m'en veut, ou une part de lui m'en veut. Je le comprends. Et ça ne me semble pas très juste de ne pas payer quand mes actes ont eu des répercussions jusque sur les personnes auxquelles je tiens le plus.


Je baissai la tête, vaincue. Je comprenais, d'une certaine façon. Même s'il était injuste qu'elle paie alors qu'elle n'avait fait que son travail, Undyne se sentait coupable pour les vies qu'elle n'avait pas réussi à sauver. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si j'étais à sa place. Si Neelam avait été blessée pendant l'attentat, peut-être même que je lui en voudrais également.


— Est-ce que tu as parlé de ce que tu ressentais avec Papyrus ?


— Non. Il a d'autres chats à fouetter et je ne veux pas le déranger avec ça maintenant qu'il a tourné la page.


— Je pense que tu devrais. Peut-être même qu'il le sait déjà. J'ai remarqué qu'il était très observateur, même s'il ne dit pas les choses forcément de face. Je pense qu'il comprendrait, et malgré ce que tu dis, je ne vois pas Papyrus comme étant le type à en vouloir à qui que ce soit. Après, je ne le connais que depuis deux jours, mais...


— Je ne sais pas. Peut-être...


Je n'insistai pas. Undyne n'avait pas l'air d'apprécier ce sujet, et je ne la connaissais pas encore assez pour me sentir à l'aise avec l'idée de lui prodiguer des conseils. J'espérais simplement que son procès ne lui serait pas trop préjudiciable. C'était quelqu'un de bien, ça crevait les yeux, mais les humains n'étaient pas connus pour leur justice infaillible ou juste. Elle était bien entourée, cela dit. Elle n'avait pas l'air d'être du genre à se laisser faire, aussi ne me fis-je pas trop de tracas pour elle.


La voiture freina devant chez moi. Je remerciai Undyne pour le voyage retour et descendis.


— Eh, si tu n'as rien à faire ce soir, Papyrus et moi, on va s'entraîner dans le terrain vague derrière sa maison. N'hésite pas à passer avec Neelam !


— J'y penserai ! À plus tard !


Je lui fis un grand signe de la main alors que la voiture continuait son chemin vers la maison voisine. Je poussai la porte de chez moi, ravie d'être enfin rentrée. Chamallow releva la tête de son arbre à chat, situé au bout du hall d'entrée, avant de se recoucher immédiatement.


Des voix me parvinrent depuis le salon. Je fronçai les sourcils. Neelam avait-elle fait entrer un inconnu pendant mon absence ? Je passai la tête au coin du mur.


Oh.


Une grande dame au pelage bleuté et aux oreilles de lapin tombantes était installée sur le canapé à côté de Neelam. Elle croisa mon regard.


— Te voilà enfin ! dit une voix familière. Je commençais à m'inquiéter !


Je souris à Madame Pompon, avant d'entrer plus franchement dans le salon. Elle accourut pour m'enlacer. Ses vibrisses me chatouillèrent le visage. Neelam, en revanche, ne tourna même pas la tête pour m'accueillir.


— Désolée, j'étais partie inscrire Neelam à l'école, et ensuite j'ai été kidnappée par Undyne. Tu aurais dû m'appeler, je serais rentrée plus vite. Tout va bien ?


— Je passais dans le coin. Je me suis dit que je passerais prendre des nouvelles de mes deux protégées. Tu as tout ce qu'il te faut ? N'hésite pas s'il faut que j'aille faire des courses, ou si tu...


— J'ai tout ce qu'il faut. On s'en sort plutôt bien jusqu'à présent. J'ai croisé Hermine hier par ailleurs, elle m'a proposé de travailler avec elle si jamais je ne trouvais rien. Je suis déjà sur quelque chose, mais je ne sais pas encore si ça va marcher, donc...


Elle pencha la tête sur le côté, souriante.


— Tu as tellement grandi.


— On s'est vu pour la dernière fois il y a trois jours...


— Je sais bien ! gronda-t-elle, faussement en colère. Je veux dire par là que tu as beaucoup changé depuis que je t'ai sous ma garde. Je suis fière de toi, et n'oublie pas que tu fais partie de la famille, Cheyenne, tout autant que mes autres rejetons. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis à un appel de la maison.


Elle me serra dans ses bras. Je rendis l'étreinte, plus réservée. Contrairement à Neelam, je peinais toujours à la voir comme plus que la dame qui nous avait recueillies. J'essayais depuis des années, mais il semblait que l'écart ne pouvait complètement se fermer. J'aimerais être capable de le faire un jour. Elle était plus notre mère que ce que notre mère n'avait jamais été. Peut-être que le fait que je la voyais toujours de temps à autre faisait partie des raisons. Ma mère biologique restait ma mère, et rien, pas même des années de maltraitance, n'étaient parvenues à changer ça. Une petite partie de moi espérait toujours qu'elle reviendrait, qu'elle nous accepterait enfin comme ses enfants. Je me mentais à moi-même, bien sûr, mais ça ne faisait pas de mal de rester dans le déni.


— J'ai entendu que tu t'étais pris la tête avec un des frères squelettes.


Je fronçai les sourcils. Pas encore !


— Oui, avec Sans. C'était une incompréhension, mais ça va mieux maintenant. Je ne savais pas que le roi se déplaçait personnellement pour ce genre de broutilles en revanche.


— Asgore a toujours été très investi, ne lui en tient pas rigueur. Je connais Sans et Papyrus, on était voisins dans les Souterrains. Ce sont des gens bien. Un peu bizarres, mais gentils comme tout.


— Papyrus m'a proposé de s'occuper de son frère, contre de l'argent. C'est ça, l'autre job. Je ne sais pas si... Si ça va marcher. Mais je veux essayer.


— Tu as un grand cœur, je n'ai aucun doute là-dessus. Fais-toi confiance, et sois honnête avec lui. Sans tend à faire confiance plus rapidement si les gens lui disent les choses de face. Je sais qu'il peut être intimidant, mais vraiment, tout ce qu'il faisait à Snowdin était dormir à sa station de garde et passer le reste du temps chez Grillby à rendre fou les clients avec ses coussins péteurs. Tiens-lui tête, et si jamais il t'attaque encore, dis-lui que je viendrai personnellement lui botter le pelvis !


J'éclatai de rire, amusée. Je ne doutais pas une seconde qu'elle en soit capable. Elle avait prouvé par maintes occasions avoir du caractère et ne se laissait pas facilement marcher sur les pattes. Sans n'avait qu'à bien se tenir !


Notre mère de substitution discuta encore quelques instants avec nous. Je découvris sur la table du salon un dîner concocté avec soin.... Pour au moins dix personnes, mais c'était un détail. Je pourrais toujours donner le reste à Papyrus et Undyne en allant les voir plus tard.


Madame Pompon bavarda avec nous encore quelques minutes, avant de brutalement réaliser qu'elle était en retard pour récupérer ses propres enfants à l'école. Elle nous embrassa chacune sur les deux joues, arrachant une grimace à Neelam, avant de fuir par la porte et de nous menacer de représailles si nous ne l'appelions pas bientôt pour donner des nouvelles.


Je la laissai partir avec un petit signe de main, puis retournai à l'intérieur. Je caressai la tête de Chamallow, toujours perché sur son arbre à chat, avant de me tourner vers Neelam, avachie dans le fauteuil.


— Undyne nous a invitées à venir la voir s'entraîner avec Papyrus ce soir. Ça t'intéresse ?


— Avec de la magie et tout ? demanda-t-elle en se redressant.


— Ouaip, apparemment.


Ses yeux brillèrent quelques instants avant qu'elles ne reprennent cet air nonchalant caractéristique des adolescents de nos jours.


— Ouais, pourquoi pas, répondit-elle d'un ton faussement neutre.


Je levai les yeux au ciel, mais lui dit d'être prête à partir dans quelques heures. J'envoyai un message à Undyne pour confirmer ma présence et lui demander une heure à laquelle la rejoindre. Elle ne tarda pas à répondre qu'elle passerait nous chercher à dix-neuf heures pétantes, et de porter... Une tenue de sport ?


Je haussai un sourcil, suspicieuse. Nous étions censés regarder Undyne et Papyrus faire des choses cool avec leur magie, pas participer. Si je devais être honnête, la perspective de faire du sport m'angoissait. Je n'avais jamais apprécié m'exercer à l'école, toujours sélectionnée dans les dernières dans tous les jeux d'équipe dans lesquels j'avais eu le malheur de participer. J'étais plutôt du genre canapé et films mielleux jusqu'au bout de la nuit.


Cependant, je m'étais déjà engagée. Je ravalai mon stress et prévins Neelam d'enfiler un jogging avant qu'Undyne vienne nous chercher. Sa réaction fut toute autre que la mienne. Elle sourit largement, surexcitée à l'idée d'apprendre à faire de la magie, même si je n'avais rien dit de tel. Un peu embarrassée, je lui dis de ne pas être trop déçue si ça n'arrivait pas, mais elle ne m'écoutait déjà plus.


Dans un soupir, je partis prendre une douche, puis me changer, dans l'espoir de calmer mon anxiété naissante.


Je passai les deux dernières heures à regarder la télévision, sans vraiment réussir à me concentrer sur le film qui passait. Des dizaines de scénarios où je me ridiculisais passaient dans ma tête, alors que je me triturais les mains nerveusement. C'était stupide, je le savais. Il n'y avait aucune raison qu'Undyne ou Papyrus me force à faire quoi ce soit que je ne voulais pas, n'est-ce pas ? Pourtant, mon estomac restait désespérément serré à l'idée.


Un coup sur la porte me fit sursauter. Avant même que je puisse me lever, Neelam courait à la porte pour accueillir Undyne. Elle commença immédiatement à harceler la voisine de question sur ce qui était prévu, ce qui amusa grandement la femme-poisson, qui avait échangé sa tenue de travail contre un T-shirt large qui laissait apparaître ses bras plus que musclés.


En un éclair, l'anxiété fit son retour. Undyne leva les yeux vers moi, tempérant l'excitation de ma sœur d'une main sur son crâne. Ses sourcils se froncèrent lorsqu'elle m'aperçut, mais ça ne dura qu'un moment.


— Prête ?


— Oui, oui... répondis-je dans un murmure.


— J'ai pas entendu ! Vous êtes prêtes à vous battre pour votre vie jusqu'à ce que vous genoux pètent sous une pile d'énormes rochers ?!


— Oui, capitaine ! cria Neelam, enthousiaste.


Undyne me lança un regard. Je hochai la tête nerveusement, avant de fermer la porte derrière moi.


Ça ne pouvait pas se passer si mal que ça. Tout ce que j'avais à faire était de serrer les dents quelques heures, jusqu'à ce que ça se termine.


Je pouvais le faire.


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