Souviens-toi des jours heureux

Chapitre 6 : L'affaire du siècle

4197 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 24 jours

J'avais refusé net l'offre de Papyrus de passer un moment chez lui. Je voyais bien qu'il était en état de détresse après ce qui venait de se produire, mais je ne me sentais pas de lui faire face pour l'instant. Et puis pour lui dire quoi ? Que j'avais eu la peur de ma vie ? Il l'avait vu, il n'avait pas besoin de moi pour le confirmer.


Mes jambes tremblaient encore lorsque je poussais la porte de ma maison. Je me laissai glisser le long du premier mur que je trouvais et tâchai de retrouver une respiration normale.


— Cheyenne ? Tout va bien ?


Depuis le couloir, Neelam m'observait, Chamallow dans les bras. Elle vint s'asseoir doucement à côté de moi.


— Je vais bien, dis-je d'une voix tremblotante. Juste quelques ennuis en allant faire les courses. Sans... Sans m'a fait un peu peur, mais je vais bien, ce n'est pas de sa faute.


— Qu'est-ce qu'il a fait ? Il t'a fait du mal ?


— Non ! Non, tout va bien. Papyrus est arrivé à temps et tout est vite rentré dans l'ordre. Je vais bien, je te le promets. J'ai juste besoin d'un moment pour me remettre de mes émotions.


Elle ne parut pas convaincue pour autant, mais hocha la tête. Elle glissa le gros chat dans mes bras et repartit en direction de sa chambre. Je serrai Chamallow contre moi. Il se mit à ronronner doucement, ravi de l'attention.


Je ne savais quoi penser de cette altercation. Papyrus m'avait assuré que Sans n'était pas comme ça au quotidien, mais il avait manqué de me tuer et je n'avais même pas commencé à apprendre à le connaître. S'il avait réagi de cette façon après que Papyrus lui ait annoncé que c'est moi qui l'aiderait les prochains mois, je n'étais pas certaine d'avoir envie de creuser le sujet. Je ne savais pas si je serais à la hauteur de la tâche.


Lentement, je me remis sur mes jambes et entrepris de ranger les courses que j'avais toujours à la main. Chamallow me suivit jusque dans la cuisine, miaulant à fendre l'âme pour m'indiquer qu'il était l'heure de manger. Je cuisinai rapidement pour lui et pour Neelam et moi, avant d'emporter mon assiette dans ma chambre. J'envoyai un SMS à ma sœur pour lui dire que le repas était prêt, avant de me laisser tomber dans mon lit pour manger avec la télévision. Une fois le repas pris, je me mis sous la couette, avant de sombrer à la première pause publicité.


Le lendemain matin, je me réveillai au doux sons de coups contre la porte. Je grognai de mécontentement et lançai un regard vers le réveil. Il était déjà dix heures du matin. Je me glissai hors du lit maladroitement et enfilai des vêtements au hasard, histoire de paraître correcte. J'entendis la porte s'ouvrir dans le même temps, et la voix de Neelam, bien plus réveillée que moi, accueillir la personne qui avait sonné de si bon matin.


Des bruits de pas pressés accoururent jusqu'à ma chambre. La porte s'ouvrit à la volée sur ma petite sœur, de toute évidence paniquée.


— Cheyenne, c'est le roi ! Il y a le roi des monstres dans la maison ! Dépêche-toi !


— Quoi ? C'est une blague ? Qu'est-ce qu'il serait venu faire ici ?


— Je ne rigole pas, habille-toi vite pendant que je lui sers une tasse de thé.


Elle disparut aussi vite qu'elle était entrée. Le cœur battant la chamade, je terminai de m'habiller. Je pris quelques secondes pour arranger ma coiffure devant le miroir, afin de ne pas paraître sortie du lit, bien que ce fût le cas. Qu'est-ce que le roi des monstres pouvait bien me vouloir ? Était-ce à cause de l'altercation d'hier ? Je n'avais pas vraiment eu le temps de me présenter à lui ou de m'excuser pour avoir écrasé la moitié de ses fleurs lorsque Sans m'avait projeté contre elles de force. Oh non, et s'il réclamait de l'argent pour les dégâts ? Je n'avais pas encore de salaire et ça allait être encore plus embarrassant.


Je me préparai mentalement et ouvrit la porte. Le couloir qui me séparait de la salle à manger me parut une éternité à parcourir tant j'avais l'impression que mes jambes s'étaient alourdies. Je pris secrètement une grande inspiration avant d'entrer dans le salon, où une figure titanesque patientait, installée sur le canapé qui semblait bien trop petit pour sa carrure.


Je l'avais déjà vu quelques fois en vrai, notamment à Noël, où il jouait les Père Noël pour les enfants du quartier, ou encore à la télévision, mais sans son costume rouge ou la protection d'un écran, il était impressionnant. Gigantesque, il me dépassait facilement de trois têtes, même assis. Ses cornes effleuraient presque le plafond. Il n'y avait aucune chance qu'il tienne debout ici. Il discutait avec une Neelam surexcitée, une tasse de thé ridiculement petite entre les mains.


— B... Bonjour, bafouillai-je.


Son attention se porta sur moi et un grand sourire illumina son visage. Je sentis la tension redescendre doucement. Il n'était pas hostile, c'était plutôt une bonne nouvelle. J'avais lu dans la presse que ses crises de colère pouvaient être impressionnantes, en particulier lorsque quelqu'un cherchait des noises au peuple monstre. Tout le monde respectait cet homme à l'épaisse barbe rousse qui inspirait l'autorité au naturel.


— Ah, bonjour ! Je suis désolé de ma visite improvisée, j'ignorais que certains humains avaient besoin de plus de sommeil que d'autres.


Mes joues s'empourprèrent alors que je fusillai Neelam du regard, à demi cachée derrière la carrure imposante du monarque. Elle s'excusa d'un simple haussement d'épaules.


— Ce n'est pas dans mes habitudes, mais... Ce qui s'est passé hier m'a un peu secouée. J'avais besoin d'un peu de repos.


— Je comprends, dit-il, sincère. C'est justement à ce propos que je suis là.


Sa voix était descendue d'un octave, subitement plus sérieuse. Il m'invita à m'asseoir sur le fauteuil d'à côté. Je m'exécutai, les jambes tremblantes. Neelam parut également un peu nerveuse.


— Si c'est pour les fleurs, je suis désolée, ce n'était pas dans mon intention de...


— Oh, non, non, ne vous inquiétez pas. Il n'y a pas eu tant de dégâts que ça, et ce n'était nullement de votre faute. Quelques jours de soin et elles seront comme neuves, vous savez, la plupart des plantes sont très résistantes, mais... Revenons au sujet. Vous m'avez l'air d'une jeune femme intelligente, et je pense que vous connaissez les... difficultés que rencontrent mon peuple pour s'intégrer.


— Bien sûr, répondis-je d'une petite voix, très impressionnée.


Il joua un moment avec l'anse de la tasse, puis releva les yeux vers moi.


— Si une affaire comme ce qui s'est passé hier venait à s'ébruiter dans la presse, bon nombre de monstres pourraient avoir des problèmes. Je sais bien que tous les humains... ne nous veulent pas du mal, mais il est normal que vous souhaitiez réparation après avoir été...


Est-ce qu'il achetait mon silence ? Je restai bouche bée un instant, avant de le couper net.


— Je ne vais pas dénoncer Sans aux autorités, si c'est ce dont vous avez peur. Je reconnais que j'ai eu peur, très peur même, mais je sais aussi qu'il a des circonstances atténuantes, et que c'est probablement de ma faute. Papyrus est venu me voir hier pour me demander si je pouvais m'occuper de lui lorsqu'il serait à l'université, et je pense que ça ne lui a pas plu et que ça a déclenché... Ça. Mais ça ne veut pas dire que je suis en colère ou que je vais aller le jeter en place publique. J'ai de la famille dans votre peuple, je sais très bien les conséquences que ça peut avoir.


Asgore se détendit, et retrouva le sourire.


— Merci. Je suis désolé de mon manque de confiance, j'ai simplement l'habitude de gérer... des problèmes similaires. Vous dites que vous avez de la famille ?


— Oui, j'ai été placée en famille d'accueil très jeune chez Madame Ponpon, avec ma sœur. C'est elle qui nous a élevé pendant, eh bien, une grande partie de mon adolescence.


Son regard se fit plus pétillant.


— Je me souviens de cette affaire. Ma femme, enfin, mon ex-femme a initié ce projet. Je connais Madame Ponpon, et plusieurs de ses enfants travaillent dans les alentours, comme la petite Hermine, dans l'épicerie d'à côté.


— Oui, je m'en suis aperçue hier ! Je ne veux pas de mal aux monstres, vous pouvez me croire. J'ai malheureusement subi quelques critiques en grandissant, et je sais très bien que les humains ne sont pas tous aussi tolérants que je le suis.


— C'est bon à savoir. Désolé de vous avoir dérangé. Néanmoins, cela nous aura permis de faire connaissance. N'hésitez pas à passer à la fleuristerie au moindre problème, j'y suis deux après-midi par semaine. Le reste du temps, eh bien, disons qu'il y a encore du travail pour assurer que mon peuple fasse entendre sa voix.


— Je comprends.


Il sourit et se redressa. Ses cornes claquèrent contre le plafond. Je grinçai des dents, autant par compassion que pour les bouts de plâtre qui se décrochèrent et qu'il ne sembla pas remarquer.


— Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, m'assura-t-il. Cependant, je vais m'assurer que Sans vienne s'excuser. Je sais bien que sa condition est préoccupante, mais ce n'est nullement une raison pour agresser des gens dans la rue. Merci encore de ne pas lui en porter rigueur. Et... Si cela peut aider votre prise de décision, je vous assure que ce que vous avez vu hier n'était pas lui. Sans est charmant et drôle, un peu timide parfois, mystérieux, je le conçois, mais il n'est pas dangereux. Ne baissez pas les bras juste à cause de ce petit accrochage. Il mérite qu'on se batte pour lui.


— Je le garde à l'esprit, souris-je franchement. Bonne journée votre Maj...


Alors que j'ouvrais la porte, ma voix mourut en m'apercevant que nous n'étions pas seuls. Les mains sur les hanches et le regard dur braqué sur le roi, Toriel se trouvait de l'autre côté de la porte. Elle n'avait pas l'air contente. Et même plutôt énervée.


Asgore Dreemur se fit soudain tout petit, et tenta même de se camoufler derrière moi. Coincée au milieu du couple royal, je ne pus qu'assister impuissante à la scène de ménage qui s'annonçait.


— Qu'est-ce que tu viens faire ici, Dreemur ? rugit-elle, d'une voix qui me rappela subitement pourquoi elle avait été reine avant de devenir institutrice.


— T... Tori ! salua maladroitement le roi. J'ignorais que tu étais là ce matin. Je ne faisais que rendre une petite visite à cette jeune femme suite à...


— Je ne le crois pas ! Tu m'as promis que tu arrêterais de menacer des gens ! Je t'ai dit hier que je m'occuperais de cette affaire !


— C'est que... Eh bien...


— Sors et disparais. Je n'ai pas envie de me donner en public aujourd'hui.


Sous mes yeux médusés, Asgore s'éloigna vers sa voiture, un air de chiot battu plaqué sur le visage. En quelque secondes, il disparaissait au bout de la rue, sans même avoir dit au revoir. Toujours un peu sous le choc, je me tournai vers Toriel, qui se radoucit presque immédiatement.


— Désolée, mon enfant. J'espère qu'il ne t'a pas trop fait peur. Asgore a une sale habitude de... Ce n'est pas important. Je venais simplement m'assurer que rien de mal n'était en train de se produire. Mauvais souvenirs.


— Je comprends. J'ai encore un peu de thé.


Je me poussai de l'entrée pour l'inviter à entrer. Elle hésita, mais finit par me suivre à l'intérieur. Elle regarda partout autour d'elle, un sourire chaleureux aux lèvres.


— J'aime beaucoup ce que vous deux avez fait de cet endroit. Je suis contente de revoir un peu de vie dans cette maison.


— Undyne nous a beaucoup aidé. Je crois que tout serait encore dans les cartons sinon.


— C'est une bonne petite. Tête brûlée et têtue comme jamais, mais avec un grand cœur. Elle adore rendre service. N'hésite surtout pas à lui demander si tu as une course urgente à faire. Elle rentre tard et prend toujours le temps de faire quelques courses avant de rentrer. Elle aime faire la livraison.


— C'est bon à savoir.


La reine salua Neelam, qui sourit en retour, Chamallow sur les jambes. Elle partit s'asseoir à l'exact emplacement où se trouvait Asgore quelques minutes auparavant. Sa tasse, en revanche, avait disparu. Je remerciai ma sœur silencieusement. Ça n'aurait fait que jeter de nouveau de l'huile sur le feu.


Je savais que le couple royal battait de l'aile, sujet favori des journaux à scandale, mais j'ignorais que c'était à ce point-là. La situation semblait tendue, et je n'avais encore jamais vu Toriel emplie d'autant de rancœur et de colère. Ça ne lui seyait pas.


J'attrapai une tasse propre dans les placards et retourna auprès d'elle pour lui servir le thé. Elle me remercia chaleureusement avant de la prendre dans ses mains. Je me laissai retomber sur le fauteuil.


Allait-elle elle aussi me parler de...


— J'ai entendu ce qu'il s'est passé avec Sans hier.


Oui, de toute évidence. Je poussai un léger soupir.


— Je ne lui en veux pas. Je sais qu'il n'était pas dans son état normal. Il n'avait pas l'air de réaliser ce qu'il était en train de faire.


— Oui. Je suis désolée que tu aies eu à le voir comme ça aussi tôt. Je t'assure que ce genre de crises est rare. À dire vrai, il n'en avait pas fait une pareille depuis quelques mois. Malheureusement, lorsqu'elles arrivent, il est difficile de le raisonner. Il... Il se sent coupable. Je l'ai eu au téléphone ce matin. S'il ne contrôle pas ce qui se passe pendant les crises, il s'en souvient par la suite et... Je sais qu'il a peur actuellement. Papyrus essaie de le convaincre d'aller s'excuser, mais je sais que tout serait plus simple si tu allais simplement le confronter.


Je baissai la tête, les mains un peu moites.


— Je ne sais pas si...


Elle posa une main douce sur mon genou.


— Actuellement, Sans pense qu'il va avoir des ennuis avec la justice parce qu'il a attaqué un humain. Et Papyrus aussi. C'est d'ailleurs très probablement lui qui a demandé conseil à mon ex-mari. Je sais que ce n'est pas le cas. Mais... Ce n'est pas la première fois que ça se produit, et la dernière fois a été traumatisante pour lui et pour son frère. Il a simplement peur de devoir retourner en garde-à-vue.


— Quelqu'un lui a déjà attiré des ennuis ? demanda Neelam, une once de tristesse dans la voix.


— Malheureusement, tous les humains ne sont pas aussi ouverts d'esprit et tolérants que vous deux. C'est probablement pour ça qu'Asgore est venu te tester ce matin. Nous avons sorti Sans de là difficilement, et une nouvelle altercation pourrait très certainement le conduire en prison. Nous ne voulons pas ça, d'autant plus que son état est préoccupant. Malheureusement, contrairement aux humains, il n'y a aucune reconnaissance des défauts de l'esprit chez les monstres. Sans serait jugé comme étant pleinement conscient de ce qu'il faisait. Et sa peine durcie suite à ce qu'il s'est déjà passé.


— Mais c'est absurde ! réagis-je.


— En effet. Et nous continuons à nous battre pour que ces derniers droits qui nous résistent encore nous soient attribués. Cela viendra, j'ai confiance, mais avec du temps.


Je souris légèrement.


— Je suis sûr que ça viendra.


— Je l'espère bien.


Elle se tut un instant, puis se rassit de manière plus confortable dans le canapé.


— J'ai crû également comprendre que Papyrus t'avait demandé pour... S'occuper de Sans. J'espère que ce qui est arrivé hier ne va pas influer sur ta décision. Sans est têtu, il pense qu'il n'a pas besoin d'aide et qu'il s'en sort seul, mais... Ce n'est pas vrai. J'aimerais être plus présente pour lui, et si je le pouvais, j'assumerais cette charge avec plaisir, mais avec le travail à l'école et à l'ambassade, il m'est à peine possible de dégager un peu de temps pour m'occuper de Frisk.


— J'y réfléchis toujours.


— Merci. Je ne souhaite pas influencer ton jugement, mais sache qu'une fois que Sans aura compris que tu n'es pas une menace, ce qui peut prendre du temps, désolée, il peut faire un ami fidèle et loyal. Je n'ai pas toujours été aussi... sociable. Mais Sans m'a prouvé qu'il y avait d'autres moyens de l'être, et les choses ont évolué naturellement ensuite. Il peut paraître un peu distant parfois, mais tout comme Papyrus, il fait partie des plus empathiques de mon peuple. Papyrus a simplement plus de facilité à le montrer, même s'il peut parfois être un peu maladroit. J'ignore d'où viennent ces deux squelettes, personne ne le sait, mais s'il y a quelqu'un à qui je confierai ma vie sans hésiter, c'est bien eux.


Je souris à cet aveu touchant. Je ne connaissais pas encore très bien mes voisins, mais je pouvais deviner que des liens forts les unissaient tous et toutes.


— Je vais aller les voir, décidai-je.


— Je suis certaine que ça va bien se passer. Bien, je vais vous laisser. J'ai encore du travail à faire, et les devoirs de Frisk à contrôler... Oh ! Et je venais apporter ceci en premier lieu. J'avais presque oublié.


Elle sortit une pochette en carton de sa poche. Je préférai ne pas questionner comment était-ce seulement possible. J'ouvris le porte-document.


— Ce sont les papiers d'inscription pour l'école. Notre école est mixte, humains et monstres. Si tu le souhaites, bien sûr. Nous proposons des enseignements de la maternelle à l'université, étant donné que, eh bien, nos enfants sont encore assez peu nombreux. Mais ça tend à s'améliorer.


— Je comptais l'inscrire là de toute manière, c'est parfait. N'est-ce pas Neelam ?


Elle fronça le nez pour toute réponse, manifestement ravie de retourner à l'école. Toriel rit à son expression dépitée, de toute évidence habituée à ce type de réaction. Sur ces mots, la reine se leva et nous salua toutes les deux une dernière fois avant de quitter la maison.


Il ne me restait qu'une dernière tâche à accomplir pour en finir avec ce début de journée interminable. Pendant que Neelam partait enfin sous la douche, non sans grommeler sur son retour prochain à l'éducation, j'enfilai un blouson.


Mes mains tremblaient encore, mais Toriel avait raison. Je ne pouvais pas laisser Sans et Papyrus croire que j'allais dénoncer l'aîné des frères squelettes à la police. Le plus tôt la glace serait brisée, le plus tôt nos relations auraient une chance de s'arranger. Déterminée, je traversai la route pour rejoindre leur habitation.


Je m'arrêtai un instant devant la porte, nerveuse, avant que ma main ne décide pour moi et frappe trois grands coups contre le bois.


— J'arrive ! cria la voix familière de Papyrus derrière la porte, qui ne tarda pas à s'ouvrir. Laisse-moi quelques minutes pour attraper mes baskets et je...


La voix du squelette mourut instantanément à l'instant où il posa les orbites sur moi. De toute évidence, je n'étais pas la personne qu'il s'attendait à voir. Son visage se fit tout de suite plus soucieux et il commença à jouer avec ses mains, mal à l'aise.


— Je peux entrer ?


— Hum... O-Oui ! Bien sûr ! dit-il d'une voix qui transpirait l'anxiété.


Il s'écarta du chemin pour me laisser passer. C'était plus petit que chez Toriel, mais pas moins chaleureux. L'entrée ouvrait sur un grand salon-cuisine, où Papyrus était de toute évidence en train de faire cuire quelque chose. Un escalier montait à l'étage où devaient se trouver les chambres.


Papyrus ferma la porte, puis me fixa nerveusement, incapable de décider quoi faire de ses mains.


— Je... Je voulais mettre les choses au clair. Toriel m'a expliqué ce qui s'est passé avec d'autres humains et... Je voulais simplement dire que je ne compte pas dénoncer Sans aux autorités. Je... Je ne l'ai jamais voulu, en vérité.


Un poids considérable sembla se décrocher des épaules de Papyrus qui lâcha un immense soupir de soulagement, qui me décrocha un sourire. En un instant, comme si on venait de regonfler un ballon, il se détendit et reprit confiance en lui, déjà plus similaire au Papyrus que j'avais rencontré deux jours plus tôt.


— Merci infiniment, dit-il en me serrant brièvement dans ses bras. Ce n'est pas que je n'avais pas confiance ou... Je ne voulais pas influer... Et hier, tu n'avais pas l'air... Je suis désolé.


— Tu n'as pas à t'excuser, tu n'as rien fait de mal. J'ai été secouée, je ne vais pas mentir, mais c'est du passé, d'accord ? Il m'a fait peur, mais je ne compte pas lui attirer des ennuis pour autant.


Il hocha la tête, puis se figea en fixant un point derrière mon dos. Je me tournai par réflexe. Sans se trouvait dans les escaliers. Ses yeux allaient de son frère à moi, comme s'il le questionnait silencieusement. Lorsqu'il se rendit compte que je l'avais vu, il grimaça, pris au piège. Il acheva de descendre les marches comme un condamné à mort le jour de son exécution.


— B'jour, grogna-t-il à voix basse.


— Salut, répondis-je au tac au tac.


Il y eut un long silence gênant. Sans baissa les yeux sur ses pieds et n'osa plus les relever. À le regarder dans son pyjama aux motifs de planète, je me demandais bien comment j'avais pu avoir peur de lui. Il n'avait rien d'effrayant avec cette grosse tête ronde disproportionnée et ses immenses orbites tristes. Involontairement, un sourire naquit sur mes lèvres.


Je me rappelai les mots de Toriel. Sans n'aimait pas faire le premier pas. Je poussai un petit soupir et pris sur moi.


— Je ne t'en veux pas.


Sans releva les yeux vers mon visage, incrédule.


— Pourquoi ?


La question me prit au dépourvu. Je m'attendais à ce qu'il pousse un soupir de soulagement comme Papyrus et qu'on en reste là, pas qu'il questionne mon choix de le pardonner ! Je lançai un regard semi-paniqué à son frère, qui ne sembla pas comprendre ma détresse, trop occupé à surveiller ses pancakes sur la poêle, de loin.


— Eh bien... Je... Je sais que tu ne pensais pas vraiment à mal, et je n'ai pas été blessée donc, tout va bien. Toriel m'a dit que tu avais peur que j'aille voir la police, mais ça ne m'avait même pas traversé l'esprit. Donc la prochaine fois, au lieu de faire venir le roi à la sortie de lit... Venez me voir pour en parler ? m'adressai-je aux deux.


Papyrus joua nerveusement avec ses mains, alors que Sans lui lançait un regard surpris. De toute évidence, Papyrus avait omis de préciser que le roi avait été impliqué dans toute cette histoire.


— Merci... murmura Sans. Je suis désolé, je... Je ne suis pas comme ça d'habitude. Je ne sais pas ce qui m'a pris hier. Je n'étais pas au meilleur de ma forme et lorsque Papyrus a parlé de... Je ne sais pas. Je n'ai plus rien contrôlé.


— Je suis là pour parler de ça aussi, avouai-je.


Papyrus se redressa, nerveux. Ses épaules s'affaissèrent légèrement quand il vit que je n'avais pas l'air enthousiaste.


— Tu vas refuser ? demanda-t-il, défaitiste.


— Non. Pas tout de suite. Mais si on le fait, je veux que Sans soit d'accord. Je ne veux pas juste lui imposer ma présence et l'aider s'il n'en a pas envie. Son consentement est important aussi, et je ne pense pas que tu aurais dû m'en parler avant, Papyrus. Pas avant de lui en avoir parlé. Si on m'avait mis devant le fait accompli, moi non plus je n'aurais pas bien réagi.


— C'est vrai... soupira Papyrus. Est-ce que... On peut en parler maintenant ? J'ai fait des pancakes ! On pourrait prendre le petit-déjeuner.


Au dernier mot, des bruits de pattes accoururent dans les escaliers. Antoinette passa entre mes jambes et vint s'asseoir devant la cuisinière, une patte dressée. De toute évidence, elle avait faim.


Je souris, puis hochai la tête. Maintenant que j'étais là, autant en profiter. Sans m'adressa un signe de tête et nous nous dirigeâmes vers la table du salon.


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