Souviens-toi des jours heureux
J'avais décidé que nous serions plus à l'aise pour discuter sur la table à manger. Deux tasses de thé fumantes tiédissaient entre nous deux. Le bruit des cuillères contre les tasses était le seul son perceptible.
Nerveuse, j'attendais que Papyrus entame la conversation. Après les derniers événements qui s'étaient produits dans le jardin, je n'avais plus osé croiser son regard. J'avais terriblement honte, et réfléchissais intensément à un moyen de me racheter auprès de mon nouveau voisin. Un cadeau d'excuse ? De l'argent ? Je savais qu'il était coutume de se racheter en offrant ses services chez les monstres, mais je le connaissais à peine, ce qui me parut incongru.
Chamallow rompit le silence en sautant sur la table. Ses babines étaient toujours couvertes de morceaux de pâté, qui nageaient à présent dans ma tasse de thé puisqu'il avait eu la bonne idée de renifler le liquide. Dépitée, je repoussai le mug. Involontairement, mes yeux remontèrent vers Papyrus, qui observait ma tasse, un air profondément dégoûté plaqué sur le visage. S'il fuyait par la fenêtre, je ne lui en voudrais pas.
Pourtant, il s'éclaircit la gorge.
— Donc, à propos de... Ma proposition. Qu'est-ce que tu sais des problèmes de Sans ?
Je fis un effort pour relever le regard. C'était ce que la politesse exigeait après tout. Et puis, si c'était un travail qu'il me proposait, je devais faire preuve de confidence et de professionnalisme.
— Juste ce qu'Undyne m'a dit. Qu'il a des problèmes de mémoire et que je devais simplement le réorienter si je le trouvais dans la rue ou dans mon jardin, même si je ne comprends pas trop comment il pourrait y entrer vu que tout est clôturé.
Papyrus parut soudainement gêné. Oh. Mais oui ? Comment Papyrus était-il entré dans mon jardin s'il était entièrement clôturé ? Il détourna légèrement le regard et reprit.
— C'est un peu plus compliqué que ça, mais c'est l'idée. Sans... Sans n'était pas comme ça, il y a quelques années. Il travaillait à l'ambassade, et il servait en gros de protecteur à Frisk. Pendant une conférence de presse, il y a eu... un problème, et des hommes armés ont réussi à monter sur scène. Sans a plongé sur Frisk pour le protéger mais... Il s'est pris une balle, derrière le crâne.
Je restai figé par la nouvelle. Je me souvenais en effet que les nouvelles parlaient d'un attentat, l'année qui avait suivi l'arrivée des monstres ici, mais j'étais trop préoccupée par ma situation familiale à l'époque pour y faire attention.
— Je suis désolée. Ça a dû être affreux. Il a été sauvé, et ses problèmes viennent de là, je suppose ?
— Oui, c'était une période très compliquée. Lady Toriel a réussi à le maintenir en vie après la fusillade, mais pendant deux mois, nous n'étions pas sûrs qu'il se réveillerait un jour. Il l'a fait, mais pas sans séquelles. Il ne parlait plus, ne mangeait plus, et c'était comme s'il ne nous reconnaissait plus. Et puis... Tout s'est arrangé petit à petit. Après six mois, il remarchait difficilement. Il boîte toujours un peu aujourd'hui, mais c'est mieux qu'avant. En revanche, nous nous sommes vite rendus compte qu'il y avait des problèmes avec sa mémoire. Il répétait certains choses encore et encore, oubliait ce qu'il faisait cinq minutes avant, se perdait parfois dans la maison et hurlait mon nom parce qu'il ne savait plus où il était... Et c'est toujours le cas. Il y a du mieux. Avec les médicaments qu'Alphys lui donne, il a des jours où il est parfaitement clair et ne paraît même pas avoir de handicap, et il y a les autres, où il se perd à l'extérieur, devient frustré parce qu'il n'arrive pas à se rappeler quelque chose de simple... Et certains jours où il change de comportement et devient agressif, où il ne reconnait plus personne et semble enfermé dans son propre monde.
Je restai songeuse. Je ne pensais pas que c'était à ce point. Pour moi, Sans avait une version précoce de la maladie d'Alzheimer, mais il me parut que c'était bien plus grave.
— Sans n'est plus autonome, poursuivit Papyrus. D'habitude, c'est moi qui m'en occupe, mais je suis parti étudier récemment. Toriel et Undyne se sont portées volontaire pour veiller sur lui, mais elles ont leur vie, elles-aussi, et je sais que Sans nécessite du temps, et qu'il est loin d'être facile. Il est grognon la plupart du temps, se vexe s'il a l'impression qu'on l'infantilise, il veut tout faire lui-même et s'énerve lorsqu'il n'y arrive pas, et parfois... Parfois il peut devenir effrayant et dangereux. Mais c'est mon grand frère, et je souhaite le meilleur pour lui. C'est pour ça que... Je pensais que... Puisque tu n'as pas encore de travail, tu pourrais... Le surveiller et l'aider au quotidien. Je t'apprendrai ! Et je te paierai aussi, on a les moyens. Je veux juste pouvoir aller étudier sans avoir peur constamment qu'il lui arrive quelque chose.
— C'est une grosse responsabilité, remarquai-je.
Il hocha la tête, le regard plein d'espoir. L'idée était tentante. Je n'aurais qu'à traverser la rue pour travailler, avec un squelette avec qui j'avais déjà sociabilisé, et je serais payée juste pour lui tenir compagnie et faire le ménage. Ça ne pouvait pas être si compliqué.
— Et... Sans est d'accord ? demandai-je.
Le regard coupable qu'il me lança me fit froncer les sourcils. De toute évidence, non.
— Sans pense qu'il n'a pas besoin d'aide, grommela Papyrus. Depuis qu'il a reçu son chien d'aide, il pense qu'il est invulnérable. Mais Antoinette devient trop vieille et dissipée pour ça. Elle l'aide pour les tâches basiques, mais ça devient de plus en plus compliqué lorsqu'il doit sortir longtemps ou faire quelque chose qui sort de ce qu'elle connait. Mon frère tend à vite abandonner lorsqu'un obstacle se présente, et j'aimerais que ça change. Les docteurs disent que le simuler davantage aide sa mémoire, mais depuis que je suis parti, il n'a plus personne pendant la journée pour le faire, Undyne et Toriel n'était disponible que tôt le matin et le soir.
Le squelette joua avec la hanse de son mug, le regard baissé.
— Je sais qu'il ne va pas être content, et qu'il va probablement te le faire payer les premiers jours, et que ce ne sera pas une expérience très agréable. Mais... J'ai vraiment besoin de quelqu'un pour l'aider. Les docteurs, lors de sa dernière visite... Ils n'étaient pas très optimistes. Il oublie de plus en plus de choses, et ils m'ont expliqué que si ça continuait, Sans ne pourrait pu vivre seul sans aide médicale. Et je sais... Je sais qu'il ne tiendra pas dans un hôpital. Il déteste les hôpitaux. Je... Je veux juste garder mon grand frère près de moi, le plus longtemps possible.
— Je comprends, répondis-je en lui prenant la main. Je... Je ne garantis pas d'être très à l'aise tout de suite, ni savoir ce que je dois faire exactement, mais... Je veux bien essayer.
Papyrus se redressa, les yeux brillants.
— Vraiment ? Merci !
Le mug s'écrasa sur le sol alors qu'il se lançait au travers de la table pour m'enlacer. Chamallow cracha et s'enfuit à toute hâte, terrifié par l'énorme masse qui venait de s'étaler devant lui. Je rendis l'étreinte, tout en essayant d'attraper l'essuie-tout pour nettoyer le massacre qui venait d'avoir lieu. Papyrus finit par me lâcher, et s'excusa platement pour s'être laissé emporter. Je ne m'offusquais pas. Après tout, j'avais manqué de le tuer une heure plus tôt et il m'offrait du travail, ce serait malvenu.
Une fois le thé nettoyé, Papyrus se prépara à repartir. Nous discutâmes de tout et de rien jusqu'à la porte, puis le squelette posa une main sur mon épaule.
— Je vais parler à Sans et je reviens demain pour te faire signer le contrat à la première heure ! Merci encore !
Il m'enlaça une dernière fois avant de partir, une nouvelle fois, en courant à travers la rue. Je m'apprêtais à fermer la porte quand, à la fenêtre d'en face, j'aperçus Sans. Son regard allait de son frère à moi et de moi à son frère, puis ses pupilles disparurent quand il remarqua que je l'observais. En un battement de cil, il avait disparu.
Hum. Pas du tout terrifiant.
Je pris une inspiration et refermai la porte. Dans quoi est-ce que je venais de m'engager ? J'avais l'étrange sensation d'avoir été amadouée comme on fait sortir un âne de l'étable avec une carotte. Il valait mieux ne pas trop y penser pour le moment. Il restait du temps, et si le travail ne me plaisait pas, peut-être que Papyrus me laisserait partir ? Je ne pouvais pas refuser avant d'avoir essayé.
Je plaçai ce problème sur la liste des problèmes à venir et reprit ma vie là où elle en était lorsque Papyrus l'avait interrompue. Je terminai rapidement l'aménagement du jardin, ce qui me prit la fin de l'après-midi. Satisfaite, je regagnai l'intérieur pour cuisiner... Avant de me rappeler que je n'avais pas encore rempli le réfrigérateur. Ah.
J'allumai brièvement mon téléphone. Il n'était que cinq heures. En me dépêchant, je pourrais faire l'aller-retour vers le centre-ville. Je regardai sur Internet où se situait le magasin le plus proche, puis sortit de la maison en envoyant un SMS à Neelam pour lui dire où j'allais.
Téléphone en main, je me dirigeai vers l'entrée de la rue, puis continuai tout droit, à l'opposé de là où j'avais cherché Sans la veille. Comme indiqué sur le GPS, le centre-ville ne se trouvait pas très loin, à peine une quinzaine de minutes de route. Le temps que je passe le permis de conduire, ça ferait l'affaire. Mon regard se porta sur plusieurs boutiques dans la grande rue commerçante. Plusieurs monstres et humains se hâtaient de faire leurs emplettes avant la fermeture des magasins.
Une petite épicerie était encastrée entre ce qui ressemblait à un casino à l'effigie de Mettaton, la star des émissions télévisées de la chaîne EbottTV, et une boutique de fleurs colorées. Je ne connaissais pas la plupart d'entre elles, qui devaient sans doute provenir des Souterrains. Madame Pompon m'avait expliqué qu'une serre avait vu le jour à l'entrée de la montagne pour sauvegarder les espèces végétales qui y poussaient et qui s'adaptaient mal à notre monde, comme les fleurs d'écho, qui avaient besoin d'une grande humidité et d'obscurité pour pousser correctement.
J'effleurai quelques pétales du bout des doigts avant d'entrer dans la petite épicerie. La tenante de la boutique releva la tête, avant que son visage, et le mien, ne virent à la surprise générale.
— Cheyenne ?
— Hermine !
La lapine au pelage bleu accourut vers moi les bras grands ouverts et je me jetai dedans en riant.
— Je ne savais pas que tu tenais une boutique ici.
— Je n'y travaille qu'à mi-temps, elle appartient à ma tante Hop.
Hermine Pompon était l'une des filles aînées de Vanille Pompon, la lapine qui m'avait recueillie avec Neelam et que je n'avais jamais réussi à appeler autrement que Madame malgré ses reproches. Elle avait quitté la maison familiale il y avait quatre ou cinq ans pour prendre son indépendance, mais avait toujours veillé à ce que ses petits frères et sœurs, Neelam et moi la voit régulièrement. Elle était l'une des plus âgées de ma famille d'accueil, avec son frère Renard et moi. Avant qu'elle ne parte, nous étions un trio inséparable.
Elle s'écarta pour me regarder de haut en bas, l'air soucieux.
— Comment s'est passé l'emménagement ? Tu n'as pas rencontré trop de problèmes ?
— Non, j'ai eu un coup de main de la voisine. Tu l'aurais vu, elle a porté les meubles comme s'ils ne pesaient rien. Le déménageur que tu as conseillé n'a rien fait ! Il est resté dans le camion et il nous a regardé faire des allers-retours sans bouger.
— Je savais que j'aurais dû me méfier des avis mitigés, jura-t-elle. Une voisine, tu dis ? Elle est comment ? Elle est sexy ?
— Elle est en couple. Elle s'appelle Undyne.
La lapine se figea.
— Attends, Undyne, comme... La Undyne ? Grande, écailles bleues, cheveux flamboyants et aussi musclée qu'une déesse ?
— Ça lui ressemble, oui.
— Comment ça, elle est en couple ? Depuis quand ? Tu sais que je lui ai offert des fleurs quand j'avais dix ans pour l'inviter à danser au bal et qu'elle m'a dit non ? Je ne lui ai jamais pardonné, mon cœur brisé en morceaux ! Je savais que j'aurais dû tenter quelque chose pour la reconquérir. Maintenant c'est trop tard !
J'éclatai de rire devant toutes ces révélations qui sortaient de nulle part. J'eus bien du mal à ne pas imaginer la petite lapine s'accrocher aux jambes de la femme poisson pour la supplier de danser avec elle. C'était tellement... Hermine.
— Mais attends, si tu habites à côté de chez Undyne, ça veut dire que tu connais la reine aussi. Tu as emménagé dans le quartier VIP. Et maman qui avait peur que tu ne te sentes pas en sécurité... Tu es coincée entre la capitaine de la garde royale et l'une des reines les plus puissantes que notre peuple n'a jamais connu. Neelam doit être aux anges.
— Si tu savais. Elle a presque fait une syncope lorsqu'elle a vu Toriel.
— Et les autres voisins ? Ils sont bien ?
— Sans et Papyrus ? Oh, oui. Un peu bizarres, mais très gentils.
Elle haussa un sourcil.
— Sans... Comme... Sans le squelette ? s'étonna-t-elle. Ça fait des années que je ne l'ai pas vu. C'est un sacré phénomène celui-là. Son frère aussi. Quand on était encore dans les Souterrains, ils arrivaient toujours à se mettre dans les problèmes. Méfie-toi. Partout où il passe, il y a des coussins péteurs qui apparaissent. C'est une menace.
— C'est ce que j'ai cru comprendre. Son frère est passé tout à l'heure pour me proposer de m'occuper de lui et d'être payée pour ça, mais le regard que Sans m'a lancé quand il est parti...
— T'occuper de lui comment ? demanda-t-elle d'une voix consternée.
— Oh... De... Euh... Ses problèmes de mémoire. Il faut le stimuler.
— Sans a des problèmes de mémoire ? s'inquiéta-t-elle. Je ne savais pas.
Je haussai les épaules. Je n'avais pas très envie de m'étendre sur le sujet. Je ne connaissais pas tous les détails, et je ne pensais pas que Sans et Papyrus seraient contents d'apprendre que leur vie privée était la source de murmure partout dans la capitale des monstres.
— Tu as besoin de quelque chose ? demanda Hermine pour changer le sujet.
— Oui, le frigo est vide. Je venais acheter deux ou trois choses pour ce soir.
— Oh ! Sers-toi. Le rayon pour humains est encore un peu petit, s'excusa-t-elle. On n'en voit pas beaucoup par ici.
J'hochai la tête et m'approchai du rayon qu'elle pointait de la main. En effet, il ne représentait qu'un demi-rayon : un réfrigérateur pour les produits frais et deux petites étagères pour les conserves, les légumes, les fruits, les produits de soin et les produits de nettoyage. Je pris deux paquets de pâtes, un poulet rôti, quelques pommes de terre, des carottes et un paquet de biscuits. Ça suffirait pour ce soir.
Je rejoignis ma sœur d'adoption à la caisse. Elle plaça les produits en sachet, puis me les tendit. Je clignai des yeux.
— Je n'ai pas payé ?
— Je vais le faire pour toi. Prends ça comme un cadeau d'installation ! Et... Si ça ne fonctionne pas avec Sans, n'hésite pas à venir me voir, d'accord ? Je suis sûre que je peux t'obtenir un mi-temps dans la boutique.
— C'est gentil, merci ! Je te recontacte bientôt pour venir visiter !
— Avec plaisir ! Dis bonjour à Neelam de ma part !
Je la saluai d'un grand geste de la main et quittai la boutique, le sourire aux lèvres. Pour le perdre aussitôt en tombant, devant l'entrée, sur une paire d'orbites noires braquées sur moi.
— S... Sans ?
— Pour qui tu te prends ? demanda le squelette d'une voix qui me glaça le sang. D'abord tu prends la maison de Gerson, puis tu retournes le cerveau de Papyrus, et tu crois que je ne vais rien dire ?
Je reculai d'un pas, nerveuse. La boutique était juste à côté, je pouvais toujours crier pour alerter quelqu'un s'il m'attaquait.
— Je connais les gens comme toi. Ça rentre dans la vie des autres, ça prétend vouloir aider, et à la seconde où tu baisses ta garde, ça te plante un couteau dans le dos. Je n'ai pas besoin de ton aide. Je ne veux pas de toi dans ma maison. Reste loin de ma famille.
— Je... Je ne pense pas que tu es toi-même...
Je tentai de le contourner pour continuer mon chemin, mais il m'agrippa violemment le poignet pour me forcer à le regarder. Je poussai un gémissement de douleur et laissait tomber le sac de courses sous le choc. Il me terrifiait. Je regardais partout sauf son visage, dans l'espoir que quelqu'un se rende compte de quelque chose et vienne m'aider.
— Sans... Tu me fais... J'ai mal, bégayai-je en essayant de dégager mon bras. Lâche-moi !
Il serra la prise.
— Tu crois que parce que tu as réussi à t'enfuir une fois je vais abandonner ? Je te retrouverai. Je te retrouverai et je te ferai payer pour ce que tu as fait à Papyrus.
— Sans ! cria une nouvelle voix.
Je fis volteface vers Papyrus, soulagée. Le squelette, la laisse d'Antoinette dans la main, arrivait en courant au bout de la rue. Profitant de la diversion, je tirai d'un coup sec, libérant mon poignet, et sprintait vers Papyrus. Sans que je ne réussisse à comprendre comment, je fus soudainement tractée vers l'arrière et m'effondrai sur le trottoir. Un cri de terreur s'échappa de ma gorge lorsque la pointe d'un os pointu s'arrêta à moins d'un centimètre de mon front.
La respiration rauque, je n'osai plus bouger, tremblante. Je relevai timidement les yeux. Une immense main poilue retenait le bras de Sans, reliée à un monstre massif.
— Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda le monstre à la voix profonde qui retenait le bras du squelette. Sans ? Cet humain vous a causé du problème ?
— Non ! répondit Papyrus précipitamment. Tout ça est un énorme malentendu. Je suis terriblement désolé.
Deux bras me saisirent sous les aisselles et me tirèrent en arrière, loin du pic d'os de Sans. Je m'accrochai à Papyrus de toutes mes forces. Tous mes membres tremblaient sans contrôle. Le monstre qui retenait Sans ressemblait fortement à une version masculine de Toriel, mais encore plus imposant et poilu... Et en tenue de fleuriste ?
— Tout va bien ? demanda Papyrus. Je suis vraiment désolé, il a eu une crise et... Ce n'est pas vraiment de sa faute. Je sais de quoi ça a l'air mais... S'il te plaît, ne le dénonce pas à la police, il...
— Je... Je ne vais pas le dénoncer, répondis-je d'une petite voix.
Papyrus me lâcha doucement sur le sol et s'approcha de son frère. Asgore relâcha doucement sa prise. Le cadet des squelettes siffla Antoinette, qui vint lentement se placer sous la main de Sans et lui lécha les doigts. Le squelette baissa les yeux sur la chienne, puis cligna des yeux. Ses pupilles réapparurent, et il regarda autour de lui, perdu.
— Asgore ? Qu'est-ce que... Où on est ? s'inquiéta Sans. Qu'est-ce qui...
Ses pupilles se posèrent sur moi, puis sur Papyrus, et enfin sur l'os pointu qu'il tenait dans les mains. Il le relâcha comme s'il lui avait brûlé la main, puis se téléporta. Papyrus soupira.
— Il est sûrement rentré, lâcha Papyrus, la voix teintée d'inquiétude. Viens, Cheyenne, je te ramène à la maison. Votre Majesté, désolé pour le grabuge. Je paierai les dommages faits à vos fleurs.
— Ce n'est rien, mon garçon, répondit le dénommé Asgore. Occupe-toi de ton frère avant tout. Mais... Son état devient préoccupant, Papyrus. Tu comprendras que je ne peux pas le laisser agresser des gens sans rien faire. Je ferme les yeux cette fois-ci, le problème étant maîtrisé, mais... Je ne veux pas que ça se reproduise.
— Je... Je ferai ce qu'il faut, marmonna le squelette.
Il ramassa la laisse d'Antoinette et me prit le bras. Asgore m'adressa un signe de tête, et je me rappelai d'un coup pourquoi son visage m'était tant familier. Il ne s'agissait pas de n'importe quel fleuriste. C'était le roi des monstres. Je n'eus cependant pas l'occasion de le remercier pour son aide, Papyrus m'entraînait déjà à sa suite.