Horrortale : Pomme Pourrie

Chapitre 7 : Rayon de soleil

2835 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Le portail grésilla et s'ouvrit à l'entrée de Snowdin. Sans en sortit le premier, suivi de Toriel. Le squelette ne savait pas à quoi s'attendre en arrivant mais sentit quand même son âme battre plus fort à la vision du champ de bataille qu'était devenu l'artère principale de la ville. Le panneau de la bibliothèque avait été arraché, les vitrines de Grillby brisées et sa façade taguée d'un "Sans = Traître" loin d'être subtile. Les sentinelles marchaient dans la rue, alertes. Pour la sécurité des habitants, un couvre-feu avait été instauré en attendant la fin de l'élection. Ici plus qu'ailleurs, on trouvait beaucoup de partisans d'Undyne et beaucoup de partisans de la reine. Convaincre tout le monde serait compliqué.


Toriel posa une main douce sur son épaule pour le rassurer. Il avait au moins ça pour lui. La reine semblait bien décidée à le placer sous sa protection. Il s'assurerait que ses plus fidèles amis fassent aussi partie du dispositif. Il accéléra le pas jusqu'à chez lui. Dogamy et Dogaressa montaient la garde devant la porte. Une fenêtre avait été brisée, mais dans l'ensemble, sa vieille maison était toujours sur pied. Sans les salua d'un signe de tête et rentra. Plusieurs têtes se tournèrent vers eux.


Assis à la table du salon, Grillby lisait un livre, le visage fatigué. Son costume était déchiré à plusieurs endroits, mais il tenait la forme. Sur des vieilles couvertures, la famille de Monster Kid était roulée en boule, endormie. Il reconnut aussi les sœurs lapines et leur ribambelle d'enfants, installées dans la cuisine et occupées à essayer d'endormir les enfants. Le squelette tira une des chaises de la table et se laissa glisser dessus en soupirant.


— Tu as une mine affreuse, Grillbz', se moqua-t-il gentiment.


— Parle pour toi. Tu n'as pas dormi depuis quand, huit heures ? Sacré record.


Il ouvrit sa veste et déposa une bouteille de ketchup sur la table. Le regard de Sans brilla d'envie et il l'attrapa immédiatement. Toriel rit un peu. Elle se sentait plus légère depuis la fin du conseil.


— Comment va Papyrus ? finit-elle par demander après un silence.


— Il a tenu jusqu'à la fin du conseil et il s'est endormi. Je l'ai ramené dans sa chambre. Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Il était salement amoché en arrivant.


— Il a tenté d'aider Undyne, répondit le squelette sombrement. Elle l'a remercié d'un coup sur la tête et l'a abandonné comme ça.


— Ces soldats, tous les mêmes, siffla-t-il. Il a été secoué parce tout ce qu'elle t'a envoyé au visage, avoua le barman. Je pense que tu dois te préparer à en discuter avec lui. Je sais qu'il est apte à pardonner facilement, mais cette fois-ci... Peut-être vaut-il mieux qu'il reste loin d'Undyne.


— C'est ce que je pense aussi. Mais c'est à lui de décider. Je ne peux pas lui interdire, il trouvera un moyen de le faire dans mon dos, et c'est la dernière chose dont j'ai besoin. Mais... Le départ de Frisk, la mort du roi, la trahison d'Undyne... Je pense que ça commence à faire beaucoup, même pour lui. Dommage que ça arrive au moment où l'on a le plus besoin de son optimisme.


Il poussa un soupir et enfouit sa tête dans ses bras. Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas senti épuisé à ce point. Pour une fois, il avait l'impression d'avoir servi à quelque chose, même s'il n'était pas encore certain des conséquences que ça engendrerait.


Toriel posa une main sur son épaule.


— Tu devrais aller te reposer. Demain sera encore une longue journée.


— Bonne idée. Le canapé est encore libre. Je peux encore sortir des couvertures au besoin...


— Je vais garder un œil ouvert, répondit Grillby. Vous pouvez aller dormir, votre Majesté.


Toriel le remercia chaleureusement. Sans descendit un paquet de couvertures de l'étage avant de retourner dans sa chambre. Il s'écroula sur son matelas et sombra en quelques secondes dans un sommeil profond.


********


— Vous devriez avoir honte de votre comportement ! Nous ne sommes pas un peuple de sauvages. Vous avez beaucoup de chance qu'il ne soit pas là pour voir ça. Vous allez m'effacer ça immédiatement !


Sans entrouvrit les yeux. Il grogna et s'étira, le dos douloureux. Il se sentait reposé et, pour une fois, les cauchemars avaient décidé de le laisser tranquille. Un poids reposait sur sa poitrine, et il ne tarda pas à comprendre qu'il s'agissait d'un bras. Papyrus l'avait rejoint et le serrait contre lui, toujours endormi. Il sourit, content de le retrouver, avant de poser un doigt sur son front. Le contact arracha un grognement à son cadet qui cacha son visage dans la capuche de son gilet, avant de finalement ouvrir un œil.


— Sans ! s'écria-t-il soudain en se levant d'un bond. Tu es enfin réveillé !


— Parle pour toi, se moqua-t-il gentiment. Qu'est-ce que tu fais ici ?


— Je vous ai entendu rentrer hier, mais tu dormais déjà quand je suis venu donc...


Un bruit de verre brisé l'interrompit. Les deux frères se lancèrent un regard inquiet avant de se lever d'un seul homme. Ils sortirent de la pièce et se penchèrent au-dessus de la balustrade. Des cris provenaient de l'extérieur, inamicaux. Grillby, balai à la main, tentait de rassembler les restes d'une des quatre fenêtres du rez-de-chaussée. Retranchés dans la cuisine, les monstres qu'ils avaient hébergé la veille patientaient. Les enfants pleuraient, effrayés, alors que les adultes faisaient de leur mieux pour les rassurer.


— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Sans, inquiet.


— Cet abruti de Mettaton a dit à la télévision que la reine était ici. Des gens ont fait le déplacement juste pour exprimer leur désaccord et... Ce n'est pas beau à voir, grogna-t-il en pointant le verre brisé autour de lui. Toriel est sortie les calmer.


— Je vais la rejoindre.


— Ce n'est pas une bonne idée, Sans. Ils en ont aussi après toi.


Le squelette, qui avait descendu quelques marches, s'arrêta. Il tourna la tête vers son frère, soudainement nerveux.


— Pourquoi moi ? Qu'est-ce que je leur ai fait ?


— Ils reprennent les mots d'Undyne. Comme quoi tu es un traître, tout ça. N'y prend pas garde. C'est absolument ridicule.


— Sans... Est-ce qu'on va avoir des problèmes parce qu'on a aidé l'humain Frisk ? demanda Papyrus derrière lui, agité.


— Non, bien sûr que non, Pap'. C'est une brochette de crétins. Ils sont juste jaloux d'à quel point tu as été cool avec Frisk.


Papyrus força un sourire pour la forme, mais le cœur n'y était pas. Les deux frères rejoignirent le rez-de-chaussée. Pendant que son frère se dirigeait vers la cuisine pour préparer de quoi manger pour tout le monde, Sans aida Grillby à nettoyer les morceaux de verre. Un coup d'œil à l'extérieur lui apprit que la situation ne s'améliorait pas. Toriel se tenait droite devant une assemblée de monstres qui lui lançait des horreurs au visage. Elle ne répliquait pas et tentait d'apaiser ceux qui pouvaient l'être de sa voix calme et posée. Sans reconnut beaucoup des monstres présents, des habitués de son stand de hot dog ou des spectacles au MTT Resort. Il croisa le regard d'Aaron, un cheval à la queue de poisson, dont le regard s'élargit d'un coup.


— Regardez ! cria-t-il en embrassant un de ses biceps, le traître est là !


Aussitôt, une cinquantaine de paires d'yeux se tournèrent vers lui. Grillby eut juste le temps de le tirer en arrière qu'une pluie de cailloux, de briques et d'autres déchets volèrent à travers la vitre pour l'atteindre. Quelques attaques le frôlèrent de près, mais heureusement sans jamais le toucher. Le squelette resta figé face à cette démonstration de violence. C'était vraiment tout ce qu'ils pensaient de lui après tout ce qu'il avait fait pour leur communauté ? Il se sentait profondément blessé par leur attitude. Alerté par les éclats de voix, Papyrus avait bondi hors de la pièce, une casserole à la main.


— Sans ? Ils t'ont...


— Non, ça va, répondit-il d'une voix sombre. Grillby a raison. Ils n'en valent pas la peine.


— Ils vont se calmer, tenta de le rassurer l'homme de feu. C'est encore trop récent pour qu'ils acceptent la situation.


La porte s'ouvrit sur Toriel. Elle referma à clé derrière elle et poussa un soupir alors que les éclats de voix redoublaient à l'extérieur. Elle sourit à Sans et Papyrus avant de s'installer à la table du salon.


— Je suis désolée que vous ayez à assister à cela. J'ai bien compris que cette capitaine est populaire ici et à Waterfall. J'ai peur qu'elle ne cause plus de mal que de bien en s'interposant aussi violemment à moi. Comment puis-je la convaincre ?


— Undyne est impulsive et caractérielle, réagit Papyrus, mais elle n'est pas méchante. Elle a besoin de temps pour se calmer, mais je suis sûre qu'elle va revenir vite vers vous pour aider. Je... Je peux essayer d'aller la voir. Elle m'écoutera peut-être ?


— C'est trop risqué, Pap', le tempéra son frère. S'ils sont aussi agités devant chez nous qu'à Waterfall, ils vont s'en prendre à toi. Et rien ne garantit qu'elle ne te refasse pas le même coup qu'hier.


À sa grande surprise, il ne répliqua rien et se contenta de déposer son assiette de spaghettis sur la table. Il s'assit à côté de la reine et regarda ses pâtes d'un air triste.


— Qu'est-ce qui va se passer maintenant ? demanda Papyrus. Bien que j'aime cette maison, je ne pense pas qu'on puisse y rester jusqu'à la fin des temps. Il n'y a presque plus de spaghettis dans le frigo.


— Ça te donnera l'occasion d'essayer une de mes quiches, le charria Sans avec un clin d'œil.


— Jamais, grimaça-t-il. C'est plein de graisse et de sucre.


— On verra ça quand il n'y aura plus rien d'autres à manger, rit-il. Tu pourras toujours me manger, mais je crains ne pas avoir grand-chose.... Sur les os, acheva-t-il en haussant les épaules, déclenchant un rire de Toriel.


— Oh mon dieu, Sans, tais-toi.


— Oh, il commence à te courir sur le haricot ? se moqua gentiment Toriel.


— Nyeh ! cria-t-il. Je vous déteste tous ! Nyooh hoo hoo...


Il croisa les bras et cacha son visage à l'intérieur. Sans lui frotta gentiment le crâne en continuant de le harceler de mauvais jeux de mots. Mais il se figea quand quelque chose de rond vola sur la table.


— Papyrus !


Sans se téléporta avec son frère, la reine et Grillby derrière la maison. Ils eurent juste le temps d'atterrir qu'une gigantesque explosion fit éclater les fenêtres et une partie du mur. Papyrus se jeta sur Sans et éleva une barrière d'os autour d'eux alors qu'une pluie de gravats leur tombait dessus. Entre les ouvertures, Sans s'aperçut que Toriel avait levé un bouclier magique pour se protéger avec Grillby, accroché comme un koala à elle. Epuisé par la téléportation, Sans se sentit partir. Il n'avait pas assez de magie pour téléporter autant de personne et si l'adrénaline le gardait conscient, il subissait le contre-coup de plein fouet.


— Tiens... Tiens bon, Sans, murmura Papyrus au-dessus de lui.


Peu à peu, le nuage de poussière s'évapora. Le plus grand des squelettes relâcha son attaque et, effaré, se tourna pour regarder les dégâts. La maison s'était effondrée sur elle-même. Il ne restait plus qu'un tas de ruines. Encore abasourdi, Sans ne réalisa pas immédiatement ce qui se passait, sous le choc. Il entendait son souffle saccadé, mais il n'arrivait pas à se calmer. Ses genoux se dérobèrent sous lui et il se mit en position fœtale dans la neige, tous les membres tremblants. Papyrus le souleva doucement et le serra contre lui.


— Tout... Tout va bien, c'est terminé. Je vais bien, tu vas bien et... Oh... Oh mon dieu, les autres, ils étaient toujours...


Papyrus et Toriel échangèrent un regard horrifié. Le squelette déposa son frère dans les bras de Grillby et fonça vers les gravats. La foule s'était dispersée sous l'explosion, mais plusieurs monstres gisaient autour d'eux, gravement blessés, choqués ou en cendres. Des cris ne tardèrent pas à retentir dans la maison et sortirent Sans de sa transe. Papyrus fit plusieurs allers retours. Il évacua Monster Kid, une des femmes lapins, hystérique et hurlant de colère et de peur, et deux de ses enfants. Toriel sortit quelques secondes plus tard et secoua tristement la tête avant d'aller aider ceux qui en avaient besoin.


— C'est... C'est de ma faute, murmura Sans. J'ai... J'ai pas eu le temps de les téléporter... Je les ai laissés mou... Je les ai laissés mourir...


— Calme-toi, chuchota Grillby en s'asseyant à terre. Tu as fait ce que tu as pu. Ce sont eux les seuls et uniques responsables, dit-il d'une voix sombre en pointant le reste des manifestants.


De l'autre bout de la ville, les sentinelles canines arrivèrent en renfort, menés par Undyne. La capitaine de la garde royale resta immobile quelques secondes, horrifiée par ce qu'elle avait sous les yeux, puis tourna le visage vers Toriel.


— Où est Papyrus ? s'exclama-t-elle.


— Parce que vous vous en souciez maintenant ? cracha la reine, acide, une main sur une des plaies de Dogaressa.


Dogamy et Dogaressa retenaient la foule peu avant l'explosion. Dogamy n'avait pas réussi à mettre sa femme à l'abri avant l'explosion. Il lui tenait la main, une partie du visage en sang, les yeux exorbités. De temps à autre, un gémissement inquiet s'échappait de sa gorge. Undyne les observa avant de prendre sur elle et de souffler de soulagement en apercevant Papyrus en train d'aider un peu plus loin.


Elle hésita, puis se tourna vers les chiens qui encerclaient la scène.


— Les Sentinelles, écoutez-moi ! cria-t-elle. Doggo, Lesser Dog, vous allez aider ceux qui sont encore là. Greater Dog et moi, on va organiser un périmètre de sécurité. J'appelle Alphys en renfort, on a besoin de soigneurs. Ceux qui n'ont rien à foutre là dégagent.


— Mer... Merci, capitaine, lâcha timidement Toriel.


— On verra ça plus tard. Sauvez un maximum de personnes.


Papyrus se rapprocha. Undyne lui lança un regard coupable. Le squelette agita les mains, nerveux, avant d'oser dire quelques mots.


— Je... Je veux aider aussi.


— Ils ont besoin de toi ici, mon grand. Tu peux soigner des gens. On... On parlera plus tard, d'accord ? Est-ce que Sans...


— Oui, il est avec Grillby derrière.


— Bien. Je... Je suis désolée, je n'ai jamais voulu ça. Je ne sais pas ce qui leur a pris. Je vais calmer le jeu. Je ne suis toujours pas d'accord avec... Tu sais... Mais je refuse que mon nom soit lié à ce qui vient de se passer. Ceux qui ont fait ça vont payer. Pap'... Fais attention à toi. D'accord ?


Le squelette hocha la tête et repartit aider les blessés. Undyne le suivit un long moment du regard avant de tourner les talons. Plusieurs heures furent nécessaires pour évacuer tout le monde. Avec l'aide d'Alphys, de Mettaton et de la Garde Royale arrivée en renfort, l'évacuation des lieux se fit plus rapidement. Une fois qu'il en eut fini avec les blessés, Papyrus retourna auprès de Sans. Toujours agité, ses yeux anxieux allaient de tous les côtés. Grillby était resté avec lui sans broncher et continuait de discuter avec lui pour le rassurer. Toriel les rejoignit la dernière après s'être assuré que tout le monde était bien rentré et remercié Undyne. La guerrière resta en arrière pour sécuriser la maison et éviter un suraccident. Elle promit de rapatrier au palais les effets personnels de frères squelettes qui n'avaient pas été détruits.


— Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? entendit-elle Papyrus dire à son frère. Même l'échoppe de Grillby est dans un sale état...


— Ne t'inquiète pas, Papyrus, le rassura Toriel avec un sourire. Je vais vous aménager une chambre à Nouvelle Maison, vous pourrez y rester le temps qu'il le faudra. Vous êtes aussi le bienvenue, monsieur Grillby.


L'homme de feu rougit avant de décliner l'offre avec politesse. Il préférait rester ici pour réparer son bar lui-même. Toriel envoya quelques monstres de confiance récupérer ses affaires dans les Ruines et décida de raccompagner les frères au palais. C'était plus prudent. Papyrus serrait Sans contre lui, endormi, l'air inquiet. Ils prirent congé de Grillby et prirent la route de Waterfall.


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