Une dernière promesse

Chapitre 29 : Résolution

3084 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 4 jours

Dans l'ascenseur vers les catacombes, Asriel était de moins en moins confiant. Accroché à Papyrus, il regardait les étages défiler avec nervosité. Frisk lui tenait la main pour le rassurer, mais il ne parvenait pas à détacher son regard des chiffres qui défilaient au-dessus de leur tête. La porte s'ouvrit dans un "ding" discret, révélant le camp souterrain. Hormis Doggo qui montait la garde, endormi sur son banc, personne ne s'était encore aperçu de leur présence. Grâce au point de vue offert par son ami squelette, Frisk réussit néanmoins à apercevoir Undyne et Asgore plus loin dans le camp, en patrouille. L'enfant sentit un frisson d'excitation remonter le long de son dos.


"Je ne sais pas si c'est une bonne idée, répéta Asriel une nouvelle fois. J'ai fait des choses horribles, Frisk, je ne sais pas si je pourrais les regarder dans les yeux...


— J'ai avoué à Maman ce que j'ai fait, répondit Frisk. Elle était triste, je l'ai vu dans ses yeux, mais elle m'a aussi pardonné presque immédiatement. On sait tous les deux que tu as des remords, et puis, tu as déjà sauvé ce monde, tu te souviens ?


— L'humain Frisk a raison, prince Asgore. L'important, c'est d'être honnête envers soi-même et d'accepter d'avoir fait une erreur.


— C'est amusant que tu dises ça vu comment ton frère est doué au jeu de l'honnêteté et de l'acception des erreurs, répondit-il avec sarcasme. Ne change jamais, Papyrus."


Frisk leva les yeux au ciel. Peu impressionné, le squelette les fit traverser la distance qui les séparaient des quartiers d'Alphys. Plusieurs monstres commencèrent à les pointer du doigt, les yeux écarquillés, mais ils disparurent trop rapidement pour laisser le temps à la rumeur de se propager.


"Lady Asgore, je suis de retour ! fanfaronna Papyrus en poussant la porte d'un grand coup de pied."


La reine se tourna pour le saluer, mais lâcha immédiatement la tasse de thé bouillante qu'elle avait dans les mains. Elle s'écrasa au sol dans un bruit de verre brisé. Les larmes lui montèrent aux yeux en quelques secondes et elle avança vers eux, avant de se figer, comme si elle n'y croyait pas. Frisk se dandina pour que Papyrus le repose à terre et sauta à cloche-pied vers elle pour lui prendre la main. Toujours accroché à Papyrus comme un koala, Asriel ne disait rien, nerveux.


"Mais comment ? demanda-t-elle finalement, la voix nouée. Ce... Asriel ?


— Coucou, Maman..."


Le squelette fit descendre le deuxième enfant. Asriel fit quelques pas hésitants, puis tomba à genoux et éclata en sanglots. Toriel bondit en avant pour l'attraper, lui, ce fils qu'elle avait perdu depuis des années. Elle le serra contre lui de toutes ses forces et laissa enfin les larmes couler. Frisk resta à l'écart à côté de Papyrus, sourire aux lèvres. Le squelette lui tenait la main et retenait tant bien que mal l'émotion qui se dessinait sur son visage. Papyrus avait toujours été comme ça : empathique, profondément gentil et une éponge à émotions.


"Mais comment est-ce que tu peux être là ? demanda Toriel, n'arrivant toujours pas à y croire.


— C'est... Une longue histoire. Je n'ai pas vraiment envie d'en parler aujourd'hui, si ça ne te dérange pas.


— Oh ! Bien sûr ! Tu as l'air épuisé, mon pauvre petit. Je... Viens, je vais te mettre au lit."


Elle le porta et l'embrassa sur le front. Asgore rentra à ce moment-là. Visiblement, il avait couru, et même dépassé Undyne, essoufflée, qui arriva quelques secondes après lui. Le roi balaya la pièce des yeux avant de poser ses mains sur sa bouche, sous le choc. La nouvelle du retour du prince n'avait pas mis longtemps à traverser la caverne, de toute évidence. Asgore arracha son fils des mains de Toriel et l'étouffa dans un câlin.


"Eh beh, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu comme ça."


Frisk sursauta et tomba sur les fesses. Sans venait juste d'apparaître entre l'adolescent et Papyrus, qui n'avait même pas esquissé un mouvement de recul. Le cadet lança un regard triste à son grand frère.


"Il y a un problème ? demanda Sans de sa voix la plus sérieuse.


— Non ! Non, ce n'est pas ça, soupira Papyrus. C'est juste que... Non, rien. C'est stupide."


Il sortit de la pièce sans laisser le temps à son frère de le rattraper. Sans se tourna vers Frisk, qui haussa les épaules pour lui indiquer qu'il ne savait pas non plus ce qu'il avait. L'adolescent grimaça en s'appuyant sur le mur pour se relever. Il clopina jusqu'au canapé et s'installa dessus. Sans le rejoignit. Derrière eux, les Dreemur s'en allaient vers les chambres. Undyne et Alphys, sur le pas de la porte, discutaient à voix basse. Tout semblait enfin rentrer dans l'ordre. Frisk osa un regard discret vers Sans.


"Quoi ? demanda le squelette, sur la défensive.


— Est-ce que tu m'en veux toujours pour...


— Non. C'est oublié. Frisk, je dois te parler de quelque chose."


L'adolescent se tut, attendant la suite dans un silence quasi religieux. Les pupilles de Sans avaient disparu, c'était sérieux. Il sentit son cœur se mettre à battre un peu plus vite.


"J'ai discuté avec Alphys de... ça, dit-il en pointant son âme. Et de ce que le vieux t'a dit sur la machine à détermination. Il... Il se trouve qu'il y a peut-être... Ne t'emballe pas, dit-il en le voyant se relever. Il y a une possibilité de transférer seulement une partie de ta détermination, mais pour qu'elle se régénère, cela pourrait prendre des années, ce qui ne m'accorderait qu'un sursis de quelques mois tout au plus. Ou... Il y a la possibilité de m'implanter un fragment de ton âme. Ça pourrait me tuer. Ça pourrait te tuer. Je pourrais finir comme les amalgames en bas. Alphys pense pouvoir réussir à pratiquer l'opération, mais le temps que la fusion se fasse complètement, ça prendrait plusieurs mois qui ne seraient ni agréable pour toi ou pour moi, puisque cela impliquerait que tu doives prendre aussi un bout de mon âme, pour éviter que je tombe en poussière avant même d'avoir fait quoi que ce soit et pour éviter que ton âme se fracture.


— Et tu accepterais de le faire ?"


Sans resta silencieux un moment, puis poussa un soupir.


"Seulement en dernier recours et après que tout ça soit terminé, dit-il en pointant les caméras. J'ai aussi mes conditions. Si tu le fais, va au bout de ta démarche d'honnêteté et parle à Tori'. Elle vient de retrouver un enfant, ce n'est pas pour en sacrifier un deuxième stupidement. La deuxième condition, c'est que si ça se passe mal, pour toi ou pour moi, ou les deux si le karma le veut, ça ne doit pas retomber sur Papyrus. Tori' peut me haïr si on meurt, mais il est hors de question qu'elle reporte sa colère sur lui. Et la troisième... Si je viens à mourir encore une fois, je ne veux pas que tu me ramènes. Je ne veux pas me réveiller encore une fois ici, je ne veux pas non plus donner un faux espoir à Papyrus. Plus de resets, jamais."


Frisk ouvrit la bouche, mais Sans posa une main devant.


"Non. Je ne veux pas seulement que tu acceptes mes conditions. Je veux que tu me le jures, Frisk. Yeux dans les yeux, âme dans l'âme. Notre dernière promesse."


L'adolescent baissa la tête. Il savait ce qu'impliquer les promesses avec Sans. C'était un serment qui ne pouvait être brisé sans toutes les conséquences qui allaient avec. Frisk posa une main sur sa poitrine et en fit sortir son âme.


"Je te promets sur mon âme que je ne ferai plus jamais de reset. Et que j'accepte tes autres conditions. Mais, toi, tu dois aussi me promettre d'arrêter de te lever chaque matin et de regarder le ciel avec ce regard triste comme si c'était la dernière fois que tu voyais, tu dois parler à Papyrus honnêtement de ce qui va se passer et avec tous les risques que ça implique, et je veux que tu me promettes d'arrêter de t'inquiéter constamment pour moi. Je n'ai plus sept ans, Sans, et je ne pourrais rien faire si je continue à avoir peur de ce que tu pourrais faire si je dis quelque chose qui ne va pas dans ton sens. Et... Je veux que tu parles aux autres des resets. Comme je l'ai fait. Ils ont le droit de savoir ce que tu as vécu aussi et pourquoi tu as le droit d'être en colère après moi."


Le squelette hésita, puis posa une main sur sa poitrine pour en faire sortir son âme.


"Tu es bien le gamin de Tori'. Toujours plusieurs demandes à la fois. Je... Je ne sais pas si je serai à la hauteur, je ne suis pas l'espèce de héros que tu penses que je suis. Je sais que je t'ai fait du mal. Je sais que je ne l'ai pas toujours fait de manière neutre. Mais je te promets d'essayer d'être une meilleure personne à partir d'aujourd'hui, de parler aux autres et... à Papyrus."


Frisk fit disparaître son âme et le serra dans ses bras. Sans resta immobile, avant de pouffer de rire et de lui tapoter gentiment le dos. Le squelette le fit ensuite reculer, toujours un peu mal à l'aise avec les signes d'affection.


"En attendant, on a toujours ce paquet d'humains sur le dos, et on va devoir faire quelque chose à propos d'eux.


— Je pense toujours que si on envoie des ambassadeurs, on peut leur parler. Tout le monde peut devenir meilleur s'il essaie, non ?


— Mais qui ? S'ils voient Asgore, ils vont tirer à vue. Undyne ne sait pas parler sans attaquer et je n'ai honnêtement pas la patience de leur faire face alors qu'ils ont assassiné plusieurs de mes amis aujourd'hui.


— Moi je connais quelqu'un. Il est grand, patient, très gentil, passionné, ouvert d'esprit et très doué pour faire culpabiliser des meurtriers psychotiques.


— Frisk... Je ne peux pas envoyer mon petit frère tout seul là-bas.


— Oh, mais il ne sera pas tout seul. J'irai avec. Et Asriel aussi. Après tout, Asgore dit que nous sommes l'espoir et le futur de tous les monstres.


— C'est trop...


— J'ai battu Asgore. J'ai même battu Asriel alors qu'il avait avalé les âmes de toutes les personnes des Souterrains. J'ai tenu tête à Undyne alors qu'elle a essayé de me tuer plusieurs centaines de fois. Et je t'ai même battu, toi. Ce ne sont pas quelques humains dégénérés qui vont venir à bout de ma détermination. Et puis... Si ça se passe mal, il y a toujours.... Elle, ajouta-t-il en tapotant sa tête. Je sais que tu ne l'aimes pas, et honnêtement, elle te déteste aussi, peut-être même plus que n'importe qui ici, mais si Asriel est là, peut-être qu'elle... Peut-être que je pourrais enfin la sauver, elle aussi."


Sans grogna et croisa les bras, peu convaincu. Frisk l'imita.


"Et puis si tu as peur de laisser Papyrus sans armure, ça peut s'arranger. C'est un garde royal, il a une armure magique, et si tu demandes gentiment à Alphys d'ajouter des lasers ou un jetpack dessus, elle le fera. Tu as aussi promis d'arrêter de t'inquiéter pour moi.


— Tu ne changeras pas d'avis de toute manière, pas vrai ?


— Non.


— Alors il est temps de se mettre au travail. Mais avant ça... Je dois aller parler à Papyrus. Il n'avait pas l'air bien, et je crois que je sais pourquoi."


Frisk fronça les sourcils.


"Pourquoi ?


— Eh bien... D'aussi loin que je me souvienne, nous sommes des enfants perdus. Pas de parents, pas d'attache... Nos premières années à Snowdin n'ont pas été les meilleures. Il a toujours mal digéré de voir les autres enfants.... Montrer de l'affection à leurs parents. Je sais qu'il m'aime, mais je sais aussi que je ne remplacerais jamais ça. Mais... Honnêtement, il vaut mieux que cela reste ainsi. Je sais que j'ai promis de lui parler, mais pas de Gaster. Pour son bien comme pour le mien.


— Sans...


— Ne me lance pas ce regard, ce n'est pas ce que tu crois. Pap' est persuadé que nos parents nous ont abandonné et sont morts à la guerre en héros. Il n'apprécierait pas de savoir qu'il a été un moyen de me garder en laisse auprès de Gaster, et de savoir que son "héros" de père l'a brisé encore et encore jusqu'à ce que je ne le supporte plus et l'assassine en le poussant dans le CORE. Ne crois pas un mot de ce que Gaster te dit. Et ne le laisse jamais, jamais voir que tu as peur."


Frisk fronça les sourcils.


"Il lui a fait du mal ?


— Oui. Et à beaucoup, beaucoup d'autres personnes, même s'ils ne s'en souviennent pas.


— Pourquoi personne ne se souvient de lui ?


— Je n'en sais rien. Après sa mort, il a été comme effacé de la ligne temporelle. Personne ne s'en souvient à part... À part moi. Papyrus ne connait que les jolis côtés de l'histoire, et c'est mieux comme ça.


— Je comprends. Il y a aussi une raison pour laquelle je ne parle jamais de mes parents."


Sans n'insista pas. Il poussa un soupir et se leva. Frisk lui sourit et le laissa aller voir Papyrus. L'adolescent resta quelques secondes seul, soulagé par cette conversation, puis se leva à son tour. Il prit sa détermination à deux mains et sauta à cloche-pied jusqu'aux chambres.


Toriel et Asgore étaient installés autour de lit, en grande discussion avec Asriel. Il souriait, un peu plus calme que plus tôt. La reine essuyait régulièrement une larme du coin de la main, tandis qu'Asgore essayait tant bien que mal de ne pas fondre en larmes. Dès qu'il entra dans la pièce, les regards se posèrent sur lui.


"Oh, Frisk ! Je suis désolée, s'excusa Toriel, je ne t'ai même pas installé dans le fauteuil.


— Je comprends, maman."


Il sautilla jusqu'au lit et se hissa sur le lit, en face d'Asriel. Le prince se redressa pour lui prendre la main.


"Asriel nous a expliqué que tu l'as beaucoup soutenu pendant sa transformation, expliqua Asgore. Merci beaucoup, mon garçon. Ce cadeau... C'est le plus beau que je pouvais espérer. Je sais que je n'ai pas toujours fait les choses correctement, mais à partir d'aujourd'hui, tout ça va changer. Un nouveau monde s'ouvre à nous, et même si on ne sort pas tout de suite d'ici, je peux te promettre que tant que tu le voudras et que tu resteras parmi nous, tu auras une famille.


— Oh, mais on va sortir d'ici, dit Frisk. J'ai... passé un marché avec Sans. Je vais aller parler aux humains. Avec Papyrus, et... Et Asriel, si tu le veux bien. Je suis sûr qu'on peut les raisonner.


— C'est dangereux, s'inquiéta Toriel. Ils pourraient...


— Mais on ne sera pas seuls. Parce qu'on est...


— L'espoir des monstres et des humains, répondit Asgore à sa place, avec un sourire. Je pense aussi que c'est dangereux, mais ça vaut le coup d'essayer. À la seule condition que des gardes royaux vous suivent à distance au cas où ça se passe mal. Je ne sais si tu as eu l'occasion de discuter avec Undyne, mais tu peux voir ça avec elle. Elle est fiable et ne sacrifie pas ses hommes inutilement. Si tu réussis à la convaincre, alors nous mettrons ton plan en place. Mais Sans est-il d'accord ?


— Oui. Il est dur en affaire, mais nous sommes arrivés à un arrangement."


Toriel plissa les yeux, mais ne répliqua rien. Asgore attrapa Frisk à la taille et l'allongea à côté d'Asriel.


"En attendant, sauver le monde est une chose, mais vous avez tous les deux besoin de dormir. Nous en discuterons plus tard. Tori', tu viens ?"


Elle approuva d'un signe de tête distant. Le roi s'éclipsa. Elle se leva et embrassa la tête de ses deux enfants.


"Je ne peux pas dire que j'approuve ce plan, dit-elle. Mais tu n'as pas fait tout ce chemin pour t'arrêter maintenant, pas vrai ? Vous tenez vraiment d'Asgore, dit-elle en souriant. Dormez-bien."


Elle éteignit la lumière et ferma la porte. Asriel bailla à s'en décrocher la mâchoire, avant de lever un regard fatigué vers Frisk.


"Elle a raison, tu sais. C'est un plan stupide. Les humains n'accepteront jamais de discuter. J'en sais quelque chose.


— On doit au moins essayer. La violence ne règle pas tous les problèmes. Elle les aggrave. Ils ont déjà tué des monstres, s'ils retournent à la Surface en affirmant qu'ils ont été attaqués, qu'est-ce qu'il va se passer d'après toi ? Si on ne leur fait pas changer d'avis, on va droit vers une nouvelle guerre. Et après ce qui s'est passé la dernière fois, je ne suis pas sûr de vouloir voir ça.


— D'accord... Mais pourquoi Papyrus ? Il est gentil, mais si ça tourne mal, il va se faire tuer le premier.


— J'ai compris quelque chose dernièrement. Quand j'ai tué Papyrus, j'ai pensé au premier abord qu'il était juste naïf et stupide, mais... Il l'a fait parce qu'il savait que si parler ne changeait rien, alors rien ne le pourrait. Si on ne parvient pas à leur faire changer d'avis, alors on va devoir capturer des humains. Et qui de meilleur que lui pour s'en occuper ?


— ... Undyne ?


— Undyne n'a pas la patience de discuter, elle frappe directement. Si ça ne fonctionne pas, on l'utilisera en dernier recours. Elle ne m'aime pas encore beaucoup, mais je sais comment me la mettre dans la poche.


— Vraiment ?


— Oui."


Frisk sourit, et se coucha plus confortablement et ferma les yeux.


"D'accord, mais... Comment ? insista Asriel.


— Demain, c'est mercredi. Et le mercredi, c'est spaghetti."


Le prince lui lança un regard confus, mais était trop fatigué pour chercher plus loin. Il s'enfonça dans le coussin et s'endormit à son tour, un sourire aux lèvres. Le premier, il l'espérait, d'une longue série.


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