Une dernière promesse
Frisk ouvrit un œil en sentant qu'une main lui secouait doucement l'épaule. A moitié allongé sur Papyrus, un album ouvert sur les genoux, il s'était misérablement endormi en lisant l'histoire. Il releva la tête vers la personne qui venait de le réveiller et écarquilla les yeux en repérant le regard moqueur de Sans dans la pénombre. Le squelette lui fit signe de le suivre. L'enfant s'exécuta et l'accompagna dans la salle principale. Son regard s'arrêta sur les caméras devant lesquelles Alphys se trouvait. Les hommes étaient sortis des Ruines et s'aventuraient sur le chemin de Snowdin. Un grand groupe, comme l'avait dit Flowey, au moins quinze et bien armés, des pistolets accrochés à la ceinture. Ils attendaient devant un des pièges à leviers de Papyrus, pendant que l'un d'eux l'analysait, visiblement suspicieux. Sur une autre caméra, Undyne patrouillait dans Snowdin dans son armure intégrale. Elle semblait tendue.
"Ils sont déjà là, remarqua l'adolescent, nerveux.
— Tout va bien, la situation est sous contrôle pour l'instant, le rassura Sans. Mais j'ai besoin de toi pour vérifier quelque chose, viens. Regarde ça. Al' ?"
La scientifique fit un zoom sur le visage d'un des assaillants. Frisk eut immédiatement un mouvement de recul. Il aurait pu reconnaître cet homme parmi mille autres. Barry Flicker. L'homme qui avait anéanti le peuple des monstres, assassiné Undyne de sang-froid et provoqué la mort de Papyrus.
"C'est bien ce que je pensais, grogna Sans. Notre cher "président" est de toute évidence du côté des anti-monstres.
— Tu as de la chance de ne pas avoir été là, dit Frisk d'une voix blanche. Ce qu'il a fait... Oh... Oh non, paniqua Frisk, on doit évacuer tout le monde. Il est complètement fou.
— Relax, il n'y a rien à craindre pour le moment, Toriel et Undyne sont en ville.
— Mais tu ne comprends pas ! Il a tué Undyne de sang-froid la dernière fois ! Si elle n'a pas pu faire face à six hommes qui lui tiraient dessus, comment est-ce que tu crois qu'elle va s'en sortir face à quinze ?
— Q-quoi ? s'alarma Alphys. Comment ç-ça ?
— Je peux voyager dans le temps, annonça Frisk de but en blanc. Et cet homme est la raison pour laquelle j'ai été forcé de le faire. Il a lancé une bombe sur la ville, piégé Asgore et Toriel, tué Undyne de sang-froid et provoqué la mort de Papyrus, dit-il en accentuant bien la dernière partie de la phrase. Sans, il faut les sortir de là !"
Sans resta silencieux, les yeux sur l'écran. Son œil brillait d'une lueur jaune inquiétante. Frisk sourit, rassuré. Il l'avait déjà vu, cette lumière, quand Sans évaluait la justice de deux actions risquées. Il pesait le pour et le contre, comme quand il l'avait fait, bien des années plus tôt, lorsqu'il avait dû décider entre protéger Frisk et poursuivre l'homme qui l'avait poignardé sur cette maudite scène.
"Sans ! S'il te plaît. Il y a assez de place ici. Si on reste cachés le temps qu'ils atteignent la Barrière, ça nous laisse du temps pour trouver un autre plan et chercher un moyen de sortir d'ici. Il faut évacuer Hotlands et Nouvelle Maison.
— L-Le problème, c'est qu'ils ne peuvent p-pas quitter les Souterrains sans l'âme d'un monstre suffisamment fort pour les aider à le faire ou par... par absorption. En revanche, il ne nous manque qu'une seule âme pour qu'Asgore termine ses projets. S-Si on en...
— Non, répliqua sombrement Sans. Personne ne tue personne. Ils sont dangereux et violents, mais si on en tue un et laisse les autres partir, les humains se retourneront contre nous à la seconde où l'on mettra un pied dehors."
La porte s'ouvrit. Papyrus, les yeux ensommeillés, leur lança un regard perdu.
"Je vous ai entendu parler, dit-il d'une voix fatiguée. Peut-être qu'ils ont simplement besoin de quelqu'un pour leur expliquer que nous ne sommes pas violents, tout simplement. Je suis un bon ambassadeur, je pourrais...
— Hors de question, tranchèrent Frisk et Sans en même temps."
L'intéressé leva les yeux en l'air.
"Je ne suis pas en sucre, je peux me défendre tout seul. Ça vaut le coup d'essayer. Si on attaque, ils l'utiliseront contre nous. S'ils attaquent, on ne réussira probablement pas à faire front, alors qu'est-ce qu'on perd ? S'ils n'écoutent pas, je ne pense pas que Toriel et Undyne seront suffisants pour les arrêter. En revanche, il y a Asriel. Sous sa forme de..."
Il mima de grandes cornes et des ailes avec ses mains.
"Hein ? lâcha Sans. Qu'est-ce que le prince vient faire ici ?
— Tu te souviens d'Asriel ? s'exclama Frisk, aussi surpris que lui. Mais... Je pensais que personne ne se rappelait rien de... ce moment ?
— Quel moment ? répéta Sans, complètement perdu.
— Oui, répondit Papyrus. Enfin, non. Enfin... J'en ai des souvenirs confus, mais avec ce que tu as expliqué sur les resets, ça me semblait logique que ce soit réel aussi."
L'enfant hésita, avant de se tourner vers Sans.
"C'est... C'est que j'essayais de t'expliquer à Snowdin. Flowey est Asriel. C'est compliqué, mais quand Alphys a fait ses premières expérimentations avec la détermination, elle l'a fait sur la première fleur du palais, là où les cendres d'Asriel reposaient. Et ça l'a ramené, en quelques sortes, sans âme et avec de la détermination. Après mon combat contre Asgore, quand vous êtes tous venus, il a pris les âmes de l'entièreté des monstres des Souterrains pour devenir... Une sorte de dieu ? J'ai sauvé tout le monde, et lui aussi, en acceptant de rendre les âmes et en brisant la barrière. J'ai promis de ne rien dire pour ne pas... Enfin... Pour ne pas que Toriel et Asgore le découvrent. Ce n'est plus Asriel, ce ne sera jamais plus Asriel. Et... Je ne sais pas si ça peut fonctionner, Papyrus. Si on a pu le faire la dernière fois, c'est parce qu'il a absorbé l'intégralité des âmes des Souterrains. Et puis... Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
— Je vois, répondit simplement Sans, pensif. Je suis d'accord avec le gamin, ce n'est pas une bonne idée, Pap'. Fais-moi une faveur et reste loin de la mauvaise herbe. Tous les deux. On s'en occupera plus tard."
Frisk releva les yeux vers les écrans, nerveux. Les humains venaient de passer le puzzle de Papyrus et continuaient leur progression vers Snowdin. Dans quelques minutes, ils arriveraient à destination.
"Qu'est-ce qu'on risque ? se rebella Papyrus. Ce n'est pas comme si on pouvait récupérer sept âmes si les choses tournent mal, dit-il en pointant l'écran.
— Et si sa détermination surpasse celle de Frisk avec les âmes ? On fait quoi ? grogna-t-il. Ce n'est pas un jeu, Pap'. Des vies sont en jeu.
— Et on a un moyen de faire les choses d'une meilleure façon ! répliqua son frère. On peut au moins essayer !
— C'est trop dangereux !
— Et donc quand c'est toi qui t'y colles, ça l'est moins peut-être ?"
Sans serra les poings et se tourna vers Frisk.
"Voilà pourquoi je ne voulais pas que tu lui parles des resets, dit-il sombrement. Tout ça, c'est de ta...
— Ce n'est pas la faute de Frisk, répondit Papyrus en se plaçant devant l'humain. C'est de ta faute, Sans. Tu ne dis jamais rien ! Tu fais toujours comme si tu avais tout sous contrôle, mais c'est faux ! Il n'y a rien de mal à demander de l'aide de temps à autre et Flowey est le seul à pouvoir nous aider maintenant !
— C'est un meurtrier ! Il n'est pas fiable !
— Et toi, tu l'es ? hurla Papyrus. C'était quand la dernière fois que tu as été sincère avec moi, Sans ? Je ne suis plus un enfant, tu n'as pas besoin de me protéger. Je suis un garde royal !
— Tu es un garde royal seulement parce qu'il fallait quelqu'un pour surveiller le gamin !"
Papyrus recula d'un pas, surpris. Même s'il tenta de le cacher, sa dernière remarque avait laissé une marque. Il serra les poings et tourna les talons. Frisk se tourna vers Sans. Derrière lui, Alphys ne savait plus où se mettre. La scientifique, cachée derrière une pile de cartons, frappait frénétiquement sur son téléphone. Frisk ne mit pas longtemps à comprendre qu'elle parlait avec Undyne puisque la chef de la garde royale parut soudainement très nerveuse.
"Tu es fier de toi ? dit Sans d'un ton sombre. Bravo, tu as eu ce que tu voulais. Maintenant il est au courant. S'il se sacrifie stupidement à cause de toi, l'intégralité des Souterrains sera trop petit pour te cacher de ce que je vais te faire."
Frisk resta impassible, avant de sourire tristement. Il retira sa veste et la jeta aux pieds du squelette.
"Ce n'est pas en me menaçant que ça va aller mieux. Ce qui vient de se passer, c'est de ta faute. La tienne et personne d'autre. Papyrus est un bon garde royal, et ce que tu viens de lui dire est juste odieux. Bonne nuit, Sans."
L'adolescent tourna les talons et sortit pour chercher Papyrus. Le squelette avançait dans l'allée principale, les poings serrés. Frisk descendit les quelques marches qui menait vers la "salle de repos", quand une ombre vint lui barrer la route. L'enfant releva la tête vers un ours blanc imposant. Il fit un pas sur le côté pour s'écarter, mais il l'imita pour se mettre au travers de son chemin. Du coin de l'œil, il aperçut deux autres monstres lui bloquer la route vers l'appartement où se trouvait encore Sans et Alphys. Il déglutit et s'excusa d'une petite voix, avant d'essayer de passer de force.
La patte de l'ours se souleva et s'écrasa contre son visage avec force, le poussant au sol sans la moindre difficulté. Frisk posa une main sur sa joue. Il pouvait sentir un liquide chaud couler le long de son menton. Les griffes avaient laissé une marque profonde. A moitié sonné, Frisk se força à se remettre sur ses jambes, et évita de justesse une boule de feu qui volait dans sa direction. La foule grandissait, attirant les curieux, mais ravivant aussi l'excitation de ceux qui voulaient en découdre.
"Il ne manque qu'une âme, dit l'ours avec dédain. Tout ce qu'il faudrait, c'est un petit accident. Tu n'es pas le bienvenu ici. Tout ça c'est à cause de toi. Ces hommes sont venus te chercher, et maintenant, on va tous crever ici !"
Des hochements de tête approuvèrent son discours improvisé. Frisk plaça ses mains défensivement devant lui.
"N... Non, je suis là pour vous aider. Je... Je ne vous veux pas de mal.
— Menteur ! cria un autre monstre. Personne ne veut de toi ici.
— Asgore sera si content lorsqu'on aura tiré ton âme de ta poitrine. On va anéantir ton espèce !
— A mort l'humain ! commença à scander la foule.
— Une tournée générale à celui qui le tue !"
Frisk continua de reculer, jusqu'à se rendre compte qu'il était encerclé. Sa respiration s'accéléra, alors qu'il sentait la panique le gagner. Il regarda autour de lui, priant pour que Papyrus ou Sans se rendent compte de quelque chose, en vain. Une créature brandit une lance. Frisk voulut l'éviter, mais deux bras le repoussèrent. L'arme lui traversa la jambe, lui arrachant un cri de douleur. A terre, il était vulnérable. La foule se rapprocha et les coups commencèrent à pleuvoir. Il cria, pleura, appela à l'aide en vain. Assoiffés de sang, les monstres voulaient le voir mort. Très vite, il perdit la notion d'espace et de temps alors que les coups s'abattaient sur sa tête. Il allait mourir ici. Il le sentait.
Et puis, deux bras forts écartèrent la foule. Papyrus poussa un cri de surprise en l'apercevant et se jeta sur lui pour le protéger. Il força les montres à reculer d'une barrière d'os, avant de créer une cage bleue pour les protéger.
"Frisk ! Frisk, tu m'entends ? paniqua le squelette. Oh... Owie, dit-il en découvrant la lance qui lui transperçait la cuisse.
— Qu'est-ce qui se passe ici ? cria une voix autoritaire."
Tous les monstres se figèrent lorsque le roi quitta l'ascenseur. Si certains tinrent tête, la plupart des participants du lynchage s'enfuirent à toutes jambes. Asgore se fraya un chemin dans la foule et ses yeux s'écarquillèrent d'horreur en découvrant son état. Alerté par le bruit, Sans ne tarda pas lui aussi à débouler, l'œil brillant d'une lueur inquiète.
"Ils... Ils l'ont attaqué, dit Papyrus. J'ai essayé de les arrêter, mais ils étaient comme fous.
— Tu n'as rien à te reprocher, mon garçon, l'encouragea Asgore. Ramenons-le dans la zone protégée, nous pourrons y discuter plus sereinement."
Papyrus posa une main sous le genou de Frisk, mais l'enfant gémit de douleur. Sans le poussa doucement.
"Je l'ai, viens."
Frisk sentit son âme, puis tout son corps s'alourdir sous la magie bleue. Sans le souleva du sol, parfaitement immobile, et le guida jusqu'à leur habitation. Le temps d'arriver, bercé par la magie de Sans, il perdit connaissance.
**********
Frisk se redressa sur un tas de fleurs dorés. Il regarda autour de lui, légèrement paniqué. Était-il revenu encore une fois au début de son aventure ? Ou n'était-ce qu'un songe ? Il s'assit et posa une main sur sa tête, avant de remarquer que ce n'était pas les fleurs des Ruines, mais celles du palais d'Asgore. Un grand squelette lui tournait le dos et regardait à travers la vitre, silencieux. L'adolescent dut faire un effort monstrueux pour se rappeler de son nom, comme si, à chaque fois qu'il l'avait sur le bout de la langue, celui-ci s'enfuyait pour ne pas qu'il le prononce.
"Gaster ?"
Un sourire étira le visage du monstre et il se tourna vers lui.
"Peu de gens parviennent à faire ce que tu viens de faire. Je suis désolé de m'introduire de cette façon dans ton esprit, mais... J'étais curieux. Un être qui partage un double-esprit, ce n'est pas courant. Je n'avais pas réalisé, à notre précédente rencontre. Mon esprit est plus lent que ce qu'il fut jadis.
— Je pensais que vous ne pouviez pas quitter la porte grise ?
— C'est le cas. Papyrus est à côté de toi. Tant qu'il te touche, je peux me glisser dans ton âme pour discuter. Il ne sent rien, il dort, le rassura-t-il à sa question silencieuse. Je n'existe pas, c'est totalement indolore. J'avais envie de... discuter."
Son dernier mot fut appuyé un peu trop fort. Frisk avait perçu comme un ton de reproches dans sa voix, similaire à celui que Sans employait parfois pour paraître plus menaçant. L'adolescent se tendit un peu, nerveux. Il se releva et mit un peu d'écart entre lui et le squelette.
"Qu'est-ce que vous voulez ?
— Oh, rien de bien méchant. Je suis discrètement ce qui se passe depuis ta visite et je ne peux m'empêcher de questionner tes intentions. Que recherches-tu vraiment ? Pourquoi un tueur en série se prend-t-il soudainement d'affection pour ses proies ?
— Je tiens à eux.
— Oh vraiment ? Intéressant. S'ils se souvenaient, penses-tu qu'ils tiendraient à toi ? Oh, non, pardon. Si tu n'avais pas ce pouvoir et Papyrus entre tes mains, penses-tu que Sans serait encore là pour toi ?
— Sans est méfiant et a de gros défauts, mais ça reste mon ami, répondit Frisk sans une once d'hésitation. Il sait qu'il peut me faire confiance et je sais que je peux lui faire confiance."
Gaster sourit.
"Oh, mon enfant. Un peu de naïveté n'a jamais tué personne, mais... Enfin, as-tu vu comment il agit depuis ton dernier retour en arrière ? Il cherche à t'écarter parce qu'il sait que tu ne tiendras pas promesse.
— C'est faux. Et puis, si c'était vrai, il ne m'aurait pas dit de me méfier de vous.
— Oh, il a dit ça ? C'est mignon. Il a raison, quelque part. Si j'étais toujours "vivant", tu serais mort à la seconde où tu aurais posé un pied ici. Je sais qui se cache dans ton esprit, et je sais ce qu'elle a fait. J'étais là, lorsque l'humain a empoisonné le roi pour essayer de s'emparer de son âme. Asriel et Asgore ont peut-être pardonné, mais... Tu veux connaître un secret ? Je n'ai jamais cru en sa bienveillance. Le thé que l'enfant a bu était suffisant pour le rendre malade, pas le tuer. Le petit prince est venu pleurer à ma porte pour le sauver. Je lui ai donné une seringue, remplie de substances toxiques. Aucun soupçon, une mort lente et douloureuse. Je n'avais pas prévu que le prince se sacrifie ensuite, mais... Eh bien, une marge d'erreur."
Frisk tourna la tête. Chara venait d'apparaître, les poings serrés. Gaster sourit.
"C'était beaucoup trop facile."
Une cage d'os bleu sortit du sol, emprisonnant la petite fille qui réagit trop tard. Elle se brûla la main et Frisk gémit en sentant sa vitalité diminuer. Ce n'était pas des os ordinaires, réalisa-t-il en voyant ses points de vie continuer à descendre. Il s'agissait de la même magie que Sans, celle qui faisait des dégâts en fonction du niveau de violence.
"Il est temps d'arrêter cette mascarade, sourit le scientifique. Vous allez mourir, tous les deux. Aux yeux du monde, tu auras juste succombé à tes blessures. Que c'est triste.
— Pourquoi est-ce que vous faites ça ? Je ne vous ai rien fait ! se défendit Frisk. Laissez Chara tranquille !
— N'as-tu pas écouter ton ami Flowey ? Ici, c'est tuer ou être tué."
Un os traversa Chara. La fillette poussa un cri perçant à mesure que sa vitalité diminuait. Frisk tomba à genoux et haleta, alors que son âme se brisait.
"N... Non... Papyrus ! appela-t-il d'une voix étranglée. Papyrus !"
Gaster resta impassible, mais sa magie flancha, pendant un moment. Et puis, soudain, il disparut.
**********
Frisk se redressa en inspirant une grande goulée d'air frais. Papyrus était au-dessus de lui, complètement paniqué, alors qu'Alphys arrivait avec ce qui ressemblait fort à un défibrillateur. Le squelette souffla de soulagement. Il tremblait comme une feuille. L'enfant cligna des yeux, un peu perdu, et reprit peu à peu pied dans la réalité. Il était de retour dans la "cabane" d'Alphys, sur le canapé. Sans et Asgore se tenaient en retrait, eux aussi secoués.
"Ne refais plus jamais ça, supplia Papyrus. Tu nous as fait terriblement peur, humain Frisk. Tout allait bien, et puis tu ne respirais plus, et puis tes points de vie ont commencé à chuter, et...
— Du calme, Pap', dit Sans en se rapprochant. Tout va bien. Il va bien.
— N... Non... Ga..."
Sa gorge était sèche. Sans voulut se retourner pour aller chercher un verre d'eau mais Frisk lui agrippa la manche.
"Gaster, articula-t-il difficilement. Il a... Il a essayé de..."
Sans lança un regard nerveux vers son frère. Il comprit le message et se dirigea vers la cuisine pour aller chercher de l'eau.
"Quoi, Gaster ? chuchota Sans. Il t'a parlé ?
— Il a essayé de nous tuer, Chara et moi, dit-il d'une voix éraillée. J'ai... J'ai peur, Sans."
Il ne répondit rien, mais posa une main sur sa tête, l'air soucieux. Il poussa un soupir et lança un regard vers les écrans.
"On a rappelé Tori et Undyne. Les hommes ont massacré les gardes royaux qui étaient à l'avant-garde. On préfère ne pas prendre de risques. On évacue New Home et on avisera ensuite. Je suis désolé pour tout à l'heure, je ne voulais pas..."
Frisk tapota gentiment sa main. Sans était une grande gueule, mais il regrettait vite ses éclats de colère. Papyrus revint dans la pièce. A en juger par son silence, la situation était toujours tendue entre les deux frères. Le squelette aida l'enfant à se mettre en position assise. Frisk gémit de douleur au frottement du drap contre sa jambe.
"Je suis désolé, humain Frisk. Si je n'étais pas parti comme ça, ils n'auraient jamais... J'étais censé te protéger...
— Ne te flagelle pas, mon ami, répondit gentiment Asgore. Ce qu'ils ont fait est intolérable, et je m'assurerais qu'ils en paient les conséquences. Nous ne sommes pas des barbares, ils auraient dû se comporter mieux que cela. Je m'excuse en leur nom, Frisk. Cette situation ne se reproduira pas."
L'enfant hocha la tête et se contenta de boire. Papyrus s'installa à côté de lui et le serra contre lui avec un sourire. Frisk rendit son étreinte pour le rassurer. Le roi avait raison, ce n'était pas de sa faute. L'adolescent n'avait pas réfléchi. Les monstres étaient un peu tendus et il ne leur en tenait pas rigueur. Il était de toute façon mal placé pour dire quoi que ce soit. La porte s'ouvrit à la hâte et Toriel fonça droit vers lui, le regard de plus en plus horrifié à mesure qu'elle se rapprochait. Elle lança un regard incendiaire à Asgore qui se fit tout petit et tenta même de se cacher derrière Undyne, qui la suivait de près. La garde royale lança un regard à l'enfant, puis à Papyrus.
"Tu es blessé ?
— Non, tout va bien, répondit-il avec un demi-sourire. J'ai pris quelques coups, mais rien de grave. Rien que le grand Papyrus ne puisse supporter. Après tout, je suis le meilleur dans tout ce que j'entreprends."
La voix manquait de conviction et trahissait sa fatigue, mais personne ne sembla le relever à part Frisk. L'adolescent serra un peu sa prise sur lui. En parlant de fatigue, lui aussi commençait à avoir besoin de sommeil. Mais la peur de se retrouver de nouveau face à Gaster l'effrayait. Toriel s'assit sur le bord du lit et posa une main sur son front. Une douce magie l'enveloppa et il s'endormit sans même s'en rendre compte, dans un sommeil sans rêves.
Il ne sut pas trop quand il se réveilla. Il se trouvait toujours sur le canapé dans les bras de Papyrus qui ronflait doucement. Sans était roulé en boule sur le sol, les bras repliés autour d'un coussin. Il grelotait de froid mais ne se plaignait pas. Sur les écrans, les hommes avaient établi leur camp chez Grillby et les gardes discutaient entre eux. Devant la télévision, une petite fleur jaune somnolait, dans un pot trop petit pour lui.
"Flowey ? appela Frisk."
Il se retourna vers lui, l'air fatigué.
"Le sac poubelle souriant m'a récupéré au château, dit-il d'une voix d'où perçait les reproches. Comment est-ce qu'il sait qui je suis vraiment ?
— Je n'avais pas d'autres choix pour qu'il accepte de te faire confiance. Et puis... Je crois que, de toute manière, Papyrus sait déjà qui tu es."
La fleur sourit.
"C'est mon meilleur ami, est-ce si étonnant ? Enfin... Ne tentons pas le diable et repose-toi. Sans vouloir être méchant, tu as vraiment une sale tête. On discutera demain. Je crois que ton crétin de squelette a un plan.
— Le crétin de squelette t'emmerde, grogna une voix plus basse.
— Mais il a raison sur un point, rit Frisk. On en parlera demain. Sans... Tu ne veux pas monter sur le canapé ? Il y a encore de la place."
Le squelette releva les yeux vers lui, incertain. Frisk leva les yeux au ciel. La seule raison pour laquelle il ne les avait pas rejoints était sa culpabilité. Heureusement, l'enfant était là pour faire le premier pas, comme toujours. Il sourit et escalada son frère. Frisk s'accrocha à lui et enfoui sa tête dans sa veste.
"Merci Sans, murmura-t-il en soufflant d'aise.
— Pour quoi ?
— Pour m'avoir fait confiance pour Flowey."
Il sourit et lui tapota gentiment la tête. Papyrus grogna et les serra un peu plus contre lui pour les faire taire.
"Bonne nuit, gamin. Ne me fais pas regretter ma décision.
— Promis."