Une dernière promesse

Chapitre 25 : Évacuation

2566 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a environ 2 mois

La nuit était bien entamée et, de retour chez Sans et Papyrus, Frisk ne tenait presque plus debout. Les récentes révélations de Flowey tournaient dans sa tête et il s'inquiétait. Papyrus n'avait rien dit lorsque l'adolescent avait expliqué la situation, mais son regard s'était un peu assombri. Toriel avait finalement décidé de retourner au palais pour assister à la réunion de crise, confiant l'enfant entre les mains du frère de Sans. Couché sur le canapé, il attendait que Sans revienne, ou plutôt tentait de rester éveillé jusqu'à ce qu'il revienne. Dans la cuisine, Papyrus s'occupait de faire la vaisselle avec nervosité. De temps à autre, il lançait un regard vers le salon pour s'assurer que Frisk était toujours là.


Après ça, le squelette s'installa dans le canapé, à côté de lui. Frisk hésita, puis vint finalement se blottir contre lui comme il en avait l'habitude avant toute cette histoire lorsqu'il passait ses week-ends chez les frères squelettes à manger des hot-dogs avec Sans et regarder des films d'horreur kitch qui ne traumatisaient que Papyrus. Le programme du jour était fort différent : un énième navet mettait en scène Mettaton dans une relation amoureuse complexe avec lui-même. Aucune action, aucune émotion et des répliques toutes plus clichées les unes que les autres. L'enfant sentit à peine ses paupières se fermer alors qu'il sombrait dans les bras de son gardien, qui, par ailleurs, piquait du nez lui aussi.


"Oh, c'est adorable, chuchota une voix féminine.


— Je n'arrive pas à croire qu'il a réussi à faire dormir Papyrus. Le gamin est vachement doué."


Frisk bailla à s'en décrocher la mâchoire et releva la tête pour regarder les deux intrus qui venaient de rentrer. Affalé derrière lui, la tête pendant dans le vide, Papyrus dormait profondément, de discret "nyeh" sortant de temps à autres de sa gorge. Toriel et Sans étaient de dos, chacun un sac dans les mains qu'ils remplissaient de diverses choses. Inquiet, l'enfant se redressa et s'accouda au canapé, s'attirant un regard de Sans.


"Désolé gamin, on ne voulait pas te réveiller, sourit-il.


— Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi vous faites des sacs ?


— On s'en va à l'aube, répondit Sans. Ordre d'Asgore. Tout Snowdin va être évacué par mesure de sécurité."


Frisk regarda sur la table. Il n'y avait que deux sacs. Il fut immédiatement pris d'un très mauvais pressentiment.


"Vous n'allez pas rester là quand même ? s'exclama l'enfant.


— Toriel a une magie offensive puissante, et... Je suis réquisitionné si on a besoin d'une dernière barrière, expliqua Sans. Je suis membre du Conseil pour de vrai, tu sais, et donc c'est aussi mon devoir d'être là. Mais ne t'inquiètes pas, cette fois, je mets Papyrus à couvert. Je ne veux pas avoir encore à risquer de le perdre, ajouta-t-il sur une note plus sombre. Ne me déçois pas.


— Mais... Moi aussi, je peux aider ! répondit Frisk d'une voix suppliante.


— Gamin, restes-en dehors de ça. S'ils sont là pour parler, on parlera. S'ils viennent se battre, on fera front. Nous sommes prêts pour ce scénario.


— Sans a raison, approuva Toriel d'une voix plus douce. Nous ne pouvons pas prendre le risque de perdre des monstres inutilement. Nous avons un plan, nous avons travaillé dessus une partie de la nuit avec Sans, la capitaine Undyne, le docteur Alphys et Asgore. Tout se passera bien."


Frisk n'en était pas convaincu. Il n'aimait pas ce scénario.


"Et si vous vous faites tous tuer ? ne put-il s'empêcher de demander agressivement.


— Frisk... soupira Sans. On avisera quand...


— Quand quoi ? Quand il ne restera que Papyrus et moi comme la dernière fois ? Je peux être utile !


— Tu es un enfant, Frisk, rappela Toriel. Tu n'as pas à porter une charge pareille sur tes épaules. Ce n'est pas...


— Maman, je sais me défendre ! Je l'ai déjà fait, même si tu ne t'en souviens pas. Sans ! Dis-lui ! Je peux me battre !"


Le squelette détourna le regard et poussa un soupir.


"On ne reviendra vers toi que si la situation dégénère. Jusque-là, obéis à Toriel et empêche Papyrus d'aller me chercher.


— Quoi ? s'écria Frisk. Parce que tu comptes encore ne rien lui dire ?"


Papyrus sursauta et se redressa. Il regarda Sans, Toriel, Frisk et fronça des sourcils imaginaires. Le visage de Sans se fit immédiatement plus sombre.


"Gamin, c'est pour son...


— Non ! Je t'interdis de dire ça. Ce n'est pas pour son bien, tu es juste égoïste, Sans ! Si tu meurs encore, je refuse de devoir prendre la responsabilité de tes mensonges. J'en ai marre de devoir être le seul qui assume pour ce qui s'est passé.


— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Papyrus, alerte. Sans ?


— Tu vas évacuer Snowdin avec le gamin, dit froidement Sans. Je veux que quoi qu'il arrive, quoi que tu voies sur les caméras d'Alphys, tu restes en bas. Empêche Frisk de sortir me rejoindre par tous les moyens et ne le laisse pas approcher des machines du laboratoire. C'est un ordre d'Asgore et ma parole fait foi en tant que membre du Conseil."


Frisk fronça les sourcils. Il se releva, attrapa sèchement la veste de Sans et s'avança vers la porte avec détermination.


"Frisk ! entendit-il appeler derrière lui. Reviens ici ! cria Sans."


Il claqua la porte pour toute réponse. Il hésita, et finalement se dirigea vers la seule source de lumière de la ville : la taverne de Grillby. Dès qu'il entra, une odeur de frites trop grasses lui monta au nez. Il n'y avait plus grand monde, ainsi, il put se glisser sur un des sièges, les mains encore tremblantes, dos contre le mur derrière lui. Grillby s'approcha de la table, lui lança un regard surpris avant de le fixer avec insistance.


"Un milkshake Deluxe, s'il te plaît, dit-il en déposant quelques pièces sur la table."


L'homme de feu prit la monnaie et repartit sans dire un mot. L'enfant ferma les yeux et se massa légèrement les tempes pour se calmer. Il ne savait pas pourquoi il réagissait aussi violemment. Sans et Toriel cherchaient juste à le protéger, ça n'avait rien de nouveau, mais l'attitude du squelette, il ne pouvait plus la supporter. Sans ne pouvait pas simplement faire comme si tout se passait bien comme ça et le laisser porter les conséquences de ses actes.


Grillby revint avec sa commande qu'il déposa doucement sur la table. Même s'il n'avait pas encore eu l'occasion de faire "officiellement" les présentations, le barman restait incroyablement gentil. Frisk le remercia chaleureusement et le laissa repartir au comptoir. Il avait découvert ses milkshakes à la Surface, en soutien à Papyrus qu'ils avaient dû traîner de force dans l'établissement un soir après qu'ils soient sortis trop tard. Le squelette avait refusé de toucher à quoi que ce soit qui contenait de la graisse, et Sans l'avait calmé en commandant un milkshake Deluxe. Curieux, Frisk en avait demandé un lui aussi. Depuis, c'était devenu comme une addiction.


Comme il s'y attendait, la porte ne tarda pas à s'ouvrir sur Sans. C'était bien le problème avec le squelette : il se mettait en colère, puis n'assumait plus. Partiellement caché dans son fauteuil, Frisk remonta ses jambes pour ne pas qu'il le voie.


"Grillbz, le gamin est là ? l'entendit-il demander."


Grillby ne répondit rien, mais Frisk suspectait qu'il communiquait par télépathie. Quoi qu'il en fût, l'ombre menaçante de Sans ne tarda pas à apparaître au bout de sa table. Il s'installa en face de lui sans demander la permission et commanda un burger au grand désarroi de l'hôte des lieux qui venait juste de fermer son four et le ralluma dans un soupir résigné.


"Tu comptes faire la tête encore longtemps ? demanda le squelette."


Il poussa un soupir. Frisk détourna le regard.


"Je sais de quoi tu es capable et ce n'est pas pour cette raison que je suis obligé de te mettre de côté. Je le fais parce que Toriel a raison : tu es encore un gamin, Frisk, que tu le veuilles ou non. On ne parle pas de sauver le monde, là, mais de ne pas déclencher une guerre involontaire entre les humains et nous. On ne survivrait pas à des représailles, tu comprends ? Ce n'est plus juste les monstres, c'est tout le royaume qui est menacé. Ce n'est rien d'autre qu'une autre forme de politique.


— Mais je le sais, tout ça ! s'écria Frisk. Ce que je te reproche, c'est encore de le faire en ne disant rien, en faisant comme si tout allait bien se passer alors que tu sais que c'est faux et de me laisser gérer les choses avec Papyrus comme si je devais servir une justification à chaque fois que tu risques ta vie. Je n'en peux plus, Sans ! J'en ai marre de servir juste de vide-émotions entre toi et Papyrus. Tu me parles très bien comme si j'étais un adulte, pourquoi c'est si dur pour toi de faire la même chose pour ton frère ?


— Ce n'est pas aussi facile que tu ne le penses. Papyrus ne fonctionne pas comme toi et moi. Il a besoin de faire du sens avec ce que je lui dis. Il... Il n'a pas la même conception du monde que nous. Des choses qui te paraisses simples, qui me paraissent simple, ne le seront pas pour lui. Des choses qui te paraisses logique ne le sont pas pour lui sans explication. Tu ne peux pas attendre de lui de lui dire les choses crûment et qu'ils les comprennent directement. Et oui, peut-être que je n'essaie pas assez, mais comment tu veux que je lui explique que je vais risquer ma peau et que je ne veux pas qu'il me suive parce qu'on sait tous les deux comment ça va se terminer s'ils sont mauvais ? Papyrus est profondément gentil et ne comprend pas la notion de mal, c'est pour ça que je suis obligé de le tenir à l'écart."


Frisk croisa les bras, un peu coupable. Il savait très bien tout ça, mais il ne parvenait pas à accepter que Sans l'utilise comme "excuse" pour justifier son inhabilité à expliquer les choses à son frère.


"Je ne serais pas seul cette fois, en plus, tenta-t-il de la rassurer. Nous sommes par équipes de deux. Toriel et Undyne se battront ensemble, Alphys et Mettaton protègent Hotland à distance et je tiens le palais avec Asgore. Les sentinelles et les gardes royaux vont également être répartis un peu partout pour veiller au grain. Tout va bien se passer. Même si on n'en a pas l'air, la plupart d'entre nous ont déjà vécu la guerre, en tant que victimes ou soldats. Tu n'as pas à t'inquiéter pour nous, on va se déb...


— Frisk !"


Flowey sortit du sol avec difficulté, entre deux interstices du plancher de Grillby. Le regard de Sans se fit menaçant. L'adolescent comprit immédiatement que quelque chose n'allait pas. Les pétales de la fleur étaient abîmés et il respirait vite, en proie à la panique.


"Frisk ! cria Flowey en ignorant Sans. Ils sont là, et ils ne sont pas pacifiques. Ils... Ils sont au moins quinze et ils ont déjà détruit la moitié des monstres dans les Ruines. Ils sont presque aux portes de Snowdin !


— Quoi ? s'exclama Sans. Mais ils ne devaient être que quelques-uns !


— Ils sont revenus beaucoup plus nombreux que la dernière fois. Il faut évacuer Snowdin, maintenant ! Ou... Ou briser la Barrière. Frisk... Si je...


— Le gamin n'ira nulle part avec toi, grogna Sans, menaçant. J'appelle Alphys. Retourne à la maison, maintenant, ordonna-t-il.


— Mais Sans...


— Fais ce que je te dis ! Ce n'est pas un jeu, Frisk. S'ils sont nombreux, on va devoir improviser."


Sans poussa un soupir et s'enfonça dans son fauteuil en grommelant. Flowey hésita, toujours alerte, avant d'escalader Frisk et de s'accrocher à son bras.


"Ecoute-moi bien, sac poubelle ambulant. Ce n'est pas en rejetant tes insécurités sur Frisk que ça va aider qui ce soit. Il y a un moyen de briser la barrière plus rapidement et partir d'ici avant qu'ils arrivent, et ce moyen, c'est de me donner les âmes.


— Bien sûr, une tasse de thé avec ça ? rit Sans, d'humeur sombre.


— Sans... Flowey n'est pas qui tu crois, avoua Frisk d'une voix maladroite. Il n'est pas foncièrement méchant, et depuis le dernier reset, il veut vraiment aider.


— Cette fleur pouvait reset avant toi, et ce qu'il a fait pendant tout ce temps, tu peux être certain que je ne l'oublierais jamais, cracha Sans, sur la défensive. Il a joué avec Papyrus comme si c'était un pantin, l'a manipulé, l'a brisé mentalement et physiquement des dizaines de fois, juste pour voir ce que ça faisait. Tu n'étais pas là quand il m'a brisé os par os juste pour s'assurer de la loyauté de mon frère qui ne pouvait rien faire pour m'aider sans aggraver les choses. Ce n'est pas quelqu'un de bien, ce ne le sera jamais et je doute qu'il ne l'ait été jamais un jour. Alors ne me demande pas, yeux dans les yeux, de lui faire confiance aveuglément. C'est hors de question et je ne changerai pas d'avis."


Le squelette perdait son sang-froid, en proie à un vent de panique. Frisk hésita. Ça ne servait à rien de l'énerver encore plus et de se le mettre à dos alors que la situation était sur le point de déraper.


"D'accord, je vais chercher Papyrus, accepta-t-il à contre cœur. Mais toi, dit-il en posant un doigt sur la poitrine du squelette, tu dois me promettre que tu vas revenir vivant. Et réfléchis bien avant de faire cette promesse, parce que si tu brises la tienne, je briserais aussi la mienne et je me mêlerais de ton problème d'âme, et je ferais des reset autant de fois qu'il le faudra pour trouver une solution et te ramener, c'est clair ?"


Sans serra les poings. Il lança un regard nerveux à Flowey et se redressa.


"Si tu veux. Je vais appe...


— Non, pas si je veux. Promets-le, Sans, insista Frisk.


— Je... Je le promets, dit-il d'une voix plus hésitante."


L'enfant sourit et quitta le bar, son milkshake à la main, laissant Sans seul. Il retourna vers la maison des frères squelettes, Flowey toujours accroché à son bras.


"Frisk... Tu vas vraiment le laisser faire ?


— Oui, pour l'instant. S'il se met en danger stupidement, on passera à ton plan. Je ne compte pas attendre indéfiniment dans le laboratoire d'Alphys.


— D'accord. Je... Je vais aller attendre dans la salle du trône, au cas où. Oh, et Frisk ?


— Oui ?


— Merci de m'avoir défendu face à Sans, je sais que... Ce n'est pas facile."


L'adolescent le redéposa doucement à terre et il disparut dans le sol en quelques secondes. Alors qu'il atteignait la porte de la maison, une alarme se mit à résonner dans tout Snowdin. L'évacuation venait de débuter.


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