Pour le bien de l'humanité

Chapitre 39 : Sa faute

2334 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Sans s'accroupit derrière un gros tronc d'arbre couché qui donnait sur la scène. C'était une catastrophe. Lady Rosaline gisait au sol, une main sur sa poitrine ensanglantée. Les autres passeurs, mis à part Doggo, en train de se replier avec Hélène, étaient tombés en cendre. Au cœur de la bataille, Toriel et Gaster avaient terminés de se battre pour allier leurs forces contre une troupe d'humains. Il n'en restait plus beaucoup, mais les deux monstres commençaient à faiblir et à fatiguer. L'enfant lança un regard en arrière pour s'assurer que Papyrus ne l'avait pas suivi, et sorti doucement de sa cachette pour aller au chevet de la dame qui l'avait recueillie après leur fuite de chez l'Empereur.


Un simple coup d'oeil avertit Sans qu'elle ne s'en sortirait pas. Elle avait un trou dans la poitrine, gigantesque, et même les sorts de soin les plus puissants ne pourraient rien faire. Son regard se posa sur Sans. Elle sourit et posa une main sur sa joue.


"Tu... Tu peux encore faire la différence. Ne les... Ne les laisse pas gagner."


Et elle disparut. Sans resta silencieux alors qu'elle tombait en poussière entre ses doigts. Encore une qui était tombée à cause de lui, parce qu'il avait été incapable de prendre une décision. Combien d'autres faudrait-il pour que ce cauchemar s'arrête ? Il se sentait mal. Il se redressa sur ses jambes et de manière automatique, il avança vers Toriel et son père. Derrière lui, deux blasters étaient en train d'apparaître, les yeux mauves. Gaster et Toriel cessèrent immédiatement de se battre pour se tourner vers lui.


"Sans ! s'écria Toriel, effrayée. Retourne avec Papyrus ! Fuis !"


Le petit squelette ne bougea pas, yeux dans les yeux avec son père. Gaster déglutit.


"Il ne vous entend plus, votre Majesté. Il est activé. Malheureusement, pas contre la bonne cible."


En effet, Sans avait braqué ses deux énormes armes dans sa direction. Dans la direction de celui qui avait fait de sa vie un enfer. Dans la direction du seul qui n'avait jamais été neutre dans cette histoire. Plusieurs humains levèrent leurs armes vers lui, hésitant. Les blasters les tuèrent sur le coup avant même qu'ils ne puissent réagir. Distant, perdu dans les ténèbres, Sans entendit à peine Toriel hoqueter d'effroi. Il ne comprenait plus ce qui était en train d'arriver, tout son corps avançait par pur instinct. Il devait rétablir la justice. Et pour ça il devait le tuer.


Dans un cri bestial, il attaqua son père de plein fouet. Gaster dressa une barrière magique qui amortit l'attaque, mais cela n'empêcha pas Sans de le toucher et de l'envoyer au sol. Son père tenta de le tenir à distance, mais aucun de ses os ne toucha. Il se téléportait à chaque fois sur le côté, puis en avant. Ironique comment ce sort qui lui avait demandé tant de concentration il y avait seulement quelques semaines lui paraissait désormais ridicule.


"Sans ! tenta de le raisonner Toriel. Est-ce vraiment ce que tu veux ? Si tu le tue, à quoi est-ce que ça va t'avancer ? Il mérite un procès et un jugement en règle, ne lui fais pas le plaisir de lui ôter la vie avant qu'il ne doive répondre de ses actes. En le tuant, tu ne te fais pas justice, tu te condamnes à n'avoir jamais aucune réponse à tes questions. Et que penserait Papyrus ?"


Le nom de son petit frère le déstabilisa. Les deux blasters disparurent et il tomba à genoux, complètement sonné. Son regard balaya les corps des humains à côté de lui et il hoqueta de terreur en réalisant ce qu'il venait de faire. La reine posa une main sur son épaule, puis vint le serrer contre elle pour le rassurer. Encore sous le choc, Gaster mit quelques secondes à se remettre debout. Il remercia Toriel d'un signe de tête avant d'adresser un regard noir à son fils. Cependant, il ne dit rien et retrouva sa froideur habituelle.


"Nous devons profiter du chaos pour y aller. Maintenant.


— Il faut aller chercher Papyrus, répondit Sans en se relevant.


— Il va nous ralentir, gronda méchamment son père. Les hommes ont envahi la forêt, il est sûrement déjà mort."


Sans eut un mouvement de recul. Il tourna les talons et courut vers la forêt en sens inverse. Il entendit à peine Toriel hurler sur son père et l'insulter de tous les noms d'oiseaux. Mais il n'y avait plus rien d'autre qui comptait. Il devait retrouver Papyrus. Il devait s'assurer qu'il allait bien. Il activa son lien... Et rien ne lui répondit. Son cœur rata un battement. Il s'approcha du tronc d'arbre et le contourna à toute vitesse. Vide. Il était pourtant sûr qu'il l'avait laissé là !


"Papyrus ! cria-t-il, la voix paniquée. Papyrus, réponds-moi !"


Il tourna sur lui-même. Il ne pouvait pas être loin ! Il ne pouvait pas marcher ! Il activa encore une fois son lien pour le localiser. A son grand soulagement, il le ressentit, proche. Mais où ? Où pouvait-il être ? Un bruissement de feuilles mortes le fit frémir de peur. Il fit volte-face et sentit son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine.


L'Empereur était là. Il tenait Papyrus par le cou. Le petit squelette pleurait et se débattait en gémissant, suppliant son frère de l'aider, alors qu'il étouffait peu à peu. Sans sentit ses membres se figer de peur. Non. Pas après tout ça. Il n'avait pas fait tout ce chemin pour voir son frère mourir maintenant !


"Eh bien, eh bien... Ne serait-ce pas l'espoir de l'humanité en personne, dit-il d'un ton sarcastique. Bravo. Je dois l'avouer, j'ai été vaincu. Mais je ne referais pas deux fois la même erreur.


— Lâchez-le !


— Taratata ! Non. Nous savons tous les deux que je n'ai pas besoin de lui. Mais je te laisse le choix : soit tu te rends gentiment et je le laisse ici, soit tu joues les difficiles et je te force à le regarder agoniser alors que je lui briserai les os un à un. Tu n'es pas en état de te battre ou de négocier. Ne sois pas idiot, Sans.


— Sa... Sans, j'ai... j'ai peur, articula difficilement Papyrus alors que les larmes dévalaient son visage dans un flux continu.


— Laissez l'enfant tranquille, intervint une voix derrière eux."


Sans se retourna. Toriel l'avait rejoint, une boule de feu à la main. Gaster était là lui aussi, plus en retrait, l'air neutre.


"Oh, voyons, "votre Majesté", vous savez que ça ne fonctionne pas comme ça. J'ai acheté ces enfants, ils sont ma propriété et j'ai le droit d'en disposer comme je le veux. Si je veux briser la nuque de ce chouinard, je le peux. Posez vos armes et rendez-vous !


— Non ! cria Sans, la voix étranglée. Il n'a rien fait ! Papa ! Fais quelque chose ! supplia-t-il, complètement affolé.


— Tuez-le, répliqua froidement Gaster. Il n'est pas important. Nous n'allons pas nous rendre et vous allez mourir."


Le regard de Papyrus s'écarquilla de terreur et sa crise de larmes s'accentua. L'Empereur resserra la prise sur lui. Il lui attrapa fermement le bras. Sans comprit immédiatement ce qu'il allait faire. Mais pas cette fois. Son regard vira au noir, tout comme son âme et un gigantesque blaster apparut derrière lui. Toriel tenta de l'arrêter, mais trop tard. Sans se jeta sur l'homme, propulsé par l'énergie du désespoir. Papyrus tomba à terre et roula dans la boue alors que Sans attrapait l'Empereur à la tête. Il n'hésita pas une seule seconde avant de lui enfoncer ses doigts dans les yeux. L'homme eut beau hurler, se débattre, Sans ne bougea pas et lui non plus. Il le maintenait au sol avec sa magie bleue et l'empêchait de se relever. Le sang coula le long de ses doigts mais il ne s'en aperçut même pas. L'homme fit glisser sa main jusqu'à sa ceinture et y saisit un couteau. Il frappa, mais Sans l'évita sans difficulté. Le petit squelette attrapa une pierre assez grosse et la leva au-dessus de sa tête.


L'espace d'un instant, il hésita. S'il le tuait, cela le soulagerait-il vraiment ? Et puis son regard bascula vers Papyrus, roulé en boule à terre. Cet homme n'avait eu aucun remord à lui faire mal. Il n'avait eu aucune pitié, même quand il le suppliait, même quand Papyrus l'avait supplié. Alors le caillou s'abattit sur son crâne. Une fois, deux fois, dix fois. Il ne parvenait plus à s'arrêter. Il voulait le faire souffrir comme il l'avait fait souffert. Il voulait qu'il brûle en enfer pour avoir seulement osé lever sa main sur Papyrus. Plus personne ne lui ferait de mal. Plus jamais.


Une main arrêta son geste. La respiration sifflante, il reprit peu à peu contenance, complétement épuisé.


"Il est mort, Sans, dit doucement Gaster. Arrête."


Le squelette posa son regard sur l'Empereur, ou ce qu'il en restait. Son visage était méconnaissable, disparu dans une bouillie de sang et de cerveau, qui recrouvrait aussi l'enfant. Sans tomba en arrière et éclata en sanglots incontrôlables. Il ne savait pas pourquoi il pleurait. Peut-être de soulagement. Peut-être d'horreur en se rendant compte de ce qu'il venait de faire. Il était complètement sous le choc. Une cape se posa sur son dos. Il releva la tête vers Toriel. Elle lui adressa un sourire triste, mais ses yeux reflétaient son trouble : elle avait peur de lui. Tant mieux. Ils devraient tous avoir peur de lui. Il avait décidé qu'il ne dépendrait plus jamais de qui que ce soit. Aujourd'hui, il était libre.


Enfin presque.


"Papyrus !"


Il bondit sur ses jambes et courut prendre son petit frère dans ses bras. Papyrus le serra contre lui de toutes ses forces, les membres tremblants. Secoué physiquement et mentalement, il n'avait cependant aucune autre blessure, à son grand soulagement.


"Je suis désolé, murmura Sans, je n'aurais jamais dû te laisser tout seul. Je ne te laisserais plus jamais tout seul. Je te le promets.


— Sa... Sans... Me... Merci."


Toriel s'abaissa au niveau des deux enfants. Elle essuya le visage de Sans avec sa cape, puis tendit les mains pour les porter tous les deux.


"Il est temps de rentrer. Nous en avons tous vu assez pour aujourd'hui."


Sans ne pouvait pas être plus d'accord.


Sans chef, le camp humain céda au chaos et à la haine. Humains et monstres se livrèrent une dernière bataille sanglante, menée par Asgore, pour permettre à sa femme et aux monstres encore dehors de rentrer dans la montagne. Le premier ministre de l'Empereur décida d'en terminer au plus vite. Le soir-même, sept puissants mages décidèrent de lever le sort pour piéger les monstres à jamais dans la montagne.


Asgore Dreemur, de l'autre côté, jura yeux dans les yeux avec l'humain qu'il n'en resterait pas là. Peu importe le temps qu'il faudrait.


Les monstres seraient libres un jour. C'était une promesse.


*********


"Papyrus !"


Une furie bleue dérapa sur le carrelage du palais pour se jeter au cou du petit squelette, qui éclata de rire, souriant. Undyne l'étouffa dans un câlin, heureuse de le retrouver, malgré son état préoccupant. Toriel la détacha gentiment de lui et l'emmena vers les chambres pour le soigner de manière plus efficace. La petite fille le suivit en sautillant.


Sans hésita, mais resta finalement dans le hall principal, à côté du roi. Il était épuisé, couvert de sang et tenait à peine debout, contre-coup de tout ce qui venait d'arriver. Asgore s'assit en face de lui, l'air grave.


"Mon pauvre petit, je suis sincèrement désolé de tout ce qui est arrivé. Tout cela n'aurait jamais dû aller aussi loin. Je sais que j'ai ma part de responsabilité dans tout ça, mais je sais aussi que je n'ai rien fait contre le plan de ton père. Mais je te promets d'y remédier dès à présent. Tant que tu en auras besoin, ton frère et toi pourront habiter ici. Nous prendrons soin de vous, ma femme et moi. Je ne suis pas le monstre sanguinaire décrit par les hommes, je suis avant tout un père et je refuse que nous restions sur cette note négative tous les deux. Acceptes-tu de me laisser une deuxième chance ?"


Il ne répondit pas tout de suite. Ce n'était pas comme s'il avait autre part où aller de toute manière. Son vrai père avait déjà filé, soi-disant pour mettre en route le CORE, son projet d'alimentation des Souterrains, mais surtout pour fuir toute responsabilité et ne pas avoir à rendre de compte. Asgore était moins lâche et plus honnête. Là tout de suite, c'était tout ce dont il avait besoin. Il voulait retrouver un semblant de stabilité et offrir à Papyrus l'enfance dont il n'avait jamais pu bénéficier. Il n'était pas trop tard pour le faire.


Il sourit timidement.


"C'est d'accord. Mais à une condition. Je ne veux plus jamais être considéré comme une arme, et je ne veux pas que Papyrus revoie Gaster. Jamais."


Dans le regard du roi passa, pendant un instant, une grande tristesse.


"Il n'est pas mauvais, tu sais. Il a fait ce qu'il pensait être juste, pour le bien de notre peuple et de l'humanité. Quand les choses se seront tassées, je suis certain que tu trouveras la force de discuter avec lui.


— Peut-être. Peut-être que non. Mais sans Papyrus. On est d'accord ?


— On est d'accord."


Le roi tendit la main, et Sans vint la serrer, sourire aux lèvres.


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