Pour le bien de l'humanité

Chapitre 36 : Course contre la mort

2318 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Sans ne sentait plus ses jambes. Depuis combien de temps courait-il comme ça, à en perdre haleine ? Dix, quinze minutes ? Le groupe était loin devant lui, il voyait encore la tête de Doggo à travers les buissons. Papyrus l'encourageait de toutes ses forces et il tenait, encore et toujours. Il n'osait pas se retourner. La dernière fois qu'il l'avait fait, les chevaux le talonnait de près. Plusieurs monstres avaient déjà succombé à l'assaut, massacrés sans la moindre difficulté par les soldats de l'Empereur. Il se concentra sur la forêt devant lui. Les équidés commençaient à être mis en difficulté par les branchages, mais les guerriers ne tarderaient pas à les rattraper à pied s'ils devaient courir encore longtemps à cette vitesse. Si seulement il pouvait se débarrasser de cette maudite armure ! Elle ralentissait ses mouvements et l'empêchait de respirer correctement.


Une flèche se planta dans l'arbre jusqu'à côté de lui. Dans un réflexe, il se retourna. Un bras en armure lui saisit brutalement le bras et le propulsa à terre. Sans cria de détresse et commença à se débattre sous son assaillant qui tentait désormais de lui enfoncer un couteau de combat dans la poitrine. Il garda son sang-froid et transperça le guerrier avec un os gigantesque qui le traversa du ventre jusqu'au crâne. Pantin désarticulé, sa victime resta figée, la bouche ouverte dans une expression d'horreur. Sans, pour la première fois, ne s'apitoya pas sur son sort et se força à se relever. Sa cheville lui fit terriblement mal, signe qu'il se l'était sans doute foulée dans l'opération. Mais il ne pouvait pas s'arrêter. D'autres arrivaient déjà. Il boîta vers la forêt, sans la moindre idée d'où il allait. Les autres n'étaient plus à portée de vue.


Tâchant de ne pas céder à la panique, il ferma les yeux. La lueur blanche si familière ne tarda pas à l'appeler, loin devant. Papyrus. Il releva la tête, déterminé, et reprit sa course en essayant d'ignorer la douleur et la peur qui lui rongeait les os. Il ne tarda pas à l'apercevoir au bout du chemin, toujours perché sur le dos de Doggo devant l'entrée d'une grotte. Le chien poussa un soupir de soulagement en l'apercevant, mais son regard se braqua bientôt sur un point derrière lui. Sans accéléra le pas pour les rejoindre, puisant dans ses dernières forces.


"Sans, attend. Prends ton frère sur ton dos. Je vais aller les retenir."


Il ne lui laissa pas le temps de répliquer et décrocha le petit squelette de ses épaules. Sans ressentit un grand soulagement lorsque ses petits bras lui serrèrent le cou. Néanmoins, la peur de se trouver de nouveau seul dans les bois lui brûla l'estomac. Il voulut aider Doggo, mais le chien s'était déjà jeté vers les soldats, épée à la main. Sans hésita, puis progressa dans la caverne, son frère dans les bras. Il entendait des voix plus loin dans les profondeurs et il les suivit, jusqu'à tomber sur le reste du groupe. Lady Rosaline était accroupie à côté d'Hélène, une flèche plantée dans l'épaule. Plusieurs monstres étaient couchés sur le sol et tentaient de reprendre leur souffle. D'autres venaient en aide à la vieille femme que Sans avait aidé avant leur départ, mais elle tomba en poussière avant qu'ils ne puissent faire quoi que ce soit. Il ne restait plus que les passeurs, un jeune monstre insectoïde et une femme qui ressemblait à un brocoli. Tous les autres étaient morts ou perdus dans les bois.


"Enfin, vous voilà ! s'écria la femme-lapin. Vous allez bien ? Où est Doggo ?


— Il les retient dehors, annonça tristement Papyrus."


Sans ne répondit pas, les yeux perdus sur le reste du groupe. Ils n'y arriveraient pas. Les hommes tueraient Doggo, et puis ils viendraient pour eux. C'était la mort de Toryne qui se répétait devant leurs yeux. Ses jambes lâchèrent et il se laissa glisser contre un rocher, Papyrus sur les genoux. Il trembla légèrement, avant de croiser de regard de son petit frère, toujours positif malgré la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient.


"Sans, tu as promis de ne pas abandonner. Je crois en toi ! On va s'en sortir ! l'encouragea son petit frère. On a connu pire que ça, tu peux nous sortir de là.


— Pap... J'ai peur, dit-il la voix brisée. Je n'ai pas envie qu'on se retrouve encore une fois tous seuls. J'ai peur que tout le monde meure à cause de nous encore une fois... Si j'avais pas eu ces pouvoirs..."


Papyrus le serra dans ses bras.


"On va s'en sortir Sans."


Des pas retentirent dans le tunnel de pierre. Lady Rosaline bondit sur ses jambes, un grand couteau à la main. Ses yeux se mirent à luire d'une lueur orange. Le trait de la bravoure, comme Papyrus. Elle n'eut heureusement pas à se servir de son arme. Doggo boîta dans leur direction, soutenue par une grande forme encapuchonnée. Une autre personne les suivait de près.


"Doggo ! s'exclama Lady Rosaline. Tes... Tes yeux...


— Je suis désolée, dit calmement la voix de la personne à côté de lui. J'ai fait ce que j'ai pu pour l'aider, mais le jet d'acide lui a brûlé les rétines. Au moins est-il en vie."


Le regard de Papyrus s'illumina et un grand sourire que Sans n'avait pas vu depuis des semaines étira son visage.


"Lady Toriel ! cria-t-il. Lady Toriel !"


Toriel abaissa la capuche qui lui masquait le visage et s'approcha des enfants. Sans sentit les larmes lui monter aux yeux, alors qu'elle les serra tous les deux contre elle, soulagée.


"Je suis tellement désolée, dit-elle. Je n'aurais jamais dû accepter de vous laisser partir. Vous avez tous les deux étaient très braves.


— Ils ont causé la perte de notre peuple, répondit sèchement une voix derrière eux."


Sans se figea sur place et se releva d'un bond, comme s'il avait été électrocuté. Il se plaça protectivement devant son frère pour faire face à Gaster, lui aussi camouflé sous une grande cape. Toriel fut très agacée de son intervention.


"Pourquoi il est là ? s'alarma Sans.


— Il m'a suivie, grogna Toriel. Nous avons été pris en chasse par des humains et, malheureusement, j'ai été contrainte de le protéger. Mais ne t'inquiète pas, nous avons eu hier soir une conversation fort intéressante où je l'ai mis en garde contre ce que je pourrais lui faire s'il osait lever un doigt sur vous, menaça-t-elle."


Le scientifique royal ne s'offusqua pas de son indignation et se contenta de rester en retrait. Sans, sur ses gardes, le suivit du regard, près à lui sauter à la gorge s'il faisait la moindre chose stupide. A côté de lui, Papyrus était plus hésitant. Il avait manifestement très envie d'aller le saluer, mais il se retenait, en proie au doute suite à la réaction de son frère. Comment pouvait-il seulement envisager de le pardonner ? Il avait causé leur situation ! Il les avait envoyés à la mort et avait prévu que les humains tueraient Papyrus. Ce squelette ne les aimait pas, il les utilisait comme des rats de laboratoire.


Toriel lança un regard noir au scientifique, qui tourna finalement les talons pour retourner au chevet de Doggo. Le contour de ses yeux était désormais dépourvu de poil, brûlé sévèrement. La reine se radoucit un peu et s'installa à côté des enfants. Elle récupéra Papyrus et souleva son pantalon, pour se rendre compte par elle-même des dégâts. Sans l'entendit étouffer un soupir d'horreur, mais il ne tourna pas la tête vers elle. Gaster s'était retourné et se rapprochait pour voir la blessure lui aussi.


"Qu'est-ce qui s'est passé ? murmura la reine, horrifiée.


— Ils l'ont frappé avec un marteau parce que j'ai poignardé l'Empereur, répondit froidement Sans, toujours yeux dans les yeux avec son géniteur.


— Oh mon... Tu l'as poignardé ?


— Oui, répondit Sans d'une voix vide."


Elle n'insista pas et commença un sort de soin sur les jambes de Papyrus, qui n'appréciait définitivement pas la tension qui régnait entre son père et son frère.


"Sans a été très brave, Lady Toriel. Il l'a fait parce que les humains voulaient me faire du mal et... C'est de ma faute. Je ne le croyais pas quand il m'a dit de me méfier de lui et il m'a cassé le bras et après il m'a enfermé dans une cage et il disait des choses horribles sur Sans et...


— Oh, Papyrus, tu n'y es pour rien. Les humains sont les seuls responsables, le rassura Toriel. Et lui, ajouta-t-elle d'une voix sombre à l'attention de Gaster."


Le scientifique pouffa.


"Au moins, j'ai essayé de faire quelque chose, répondit-il, amer. On sait tous les deux que je ne l'aurais jamais fait s'il y avait eu un autre choix. J'ai tout sacrifié pour lui, parce qu'il est unique.


— Tu savais que j'étais un Juge, et tu n'as rien dit, constata Sans.


— Bien sûr, répondit-il sans prendre de pinces. Pourquoi crois-tu que j'ai envoyé Papyrus avec toi ? Il n'est pas capable de prendre la moindre décision ou de se battre et le lien que tu partages avec lui était si fort qu'en se brisant, tu aurais pu détruire une partie de leur armée à toi tout seul. Mais non, s'énerva-t-il, même ça, tu n'as pas été capable de le faire. Tu es une déception, Sans. Tu l'as toujours été.


— Gaster ! cria Toriel.


— Oh oui, je devrais être plus gentil avec lui et faire comme si tout allait bien se passer comme vous ? cracha le scientifique. Parce qu'il n'a pas fait ce pour quoi Asgore et moi avons mis si longtemps à concevoir, on va pourrir dans une montagne qui va devenir notre tombeau. Combien de temps pensez-vous que l'on va tenir, Votre Majesté ? Cinq ? Six ans ? Et après ? Les monstres mourront de faim. Les hommes auront juste à briser la barrière et venir nous achever. Et ce sera entièrement et uniquement de sa faute, parce que Sans n'a pas été capable de prendre la bonne décision. Et j'espère qu'il s'en souviendra lorsqu'il tiendra le cadavre de son petit frère dans les bras lorsqu'il n'y aura plus rien à faire pour s'en sortir."


Sans hoqueta, les larmes aux yeux. Il voulut répliquer, il avait envie de hurler sur lui et de le frapper, mais il n'en avait plus la force. Abasourdie, même Toriel ne trouva rien à dire, choquée par les propos du scientifique royal. Dans ses bras, Papyrus avait caché son visage contre elle. La reine serra les poings.


"Gaster, Sans est un enfant. Il a huit ans, à quoi est-ce que tu t'attendais ? dit-elle d'une voix triste. Tu ne peux pas simplement passer ta frustration sur lui. Cette décision, c'est l'ensemble de notre peuple qui la prend, pas juste toi ou lui. Arial aurait honte de ton comportement.


— Arial est morte, répondit-il, mauvais. Mais oui, vous avez raison, c'est aussi de votre faute. Si vous n'aviez pas retourner le cerveau d'Asgore avec votre enfant, il aurait eu le courage de continuer à se battre. Il n'y en a plus que pour Asriel, n'est-ce pas ? "L'espoir de tous les monstres", se moqua-t-il. Votre fils va crever en bas comme tous les autres. Vous croyez que les hommes vont se contenter de nous enfermer ?


— Gaster, je reste ta reine et supérieure hiérarchique. Si tu as des griefs à exposer, tu le feras devant le conseil comme nos traditions l'exigent. Tu n'es pas au-dessus de nos lois et tu n'es pas roi de notre peuple. Si Asgore en est arrivé à cette extrémité, c'est parce que rien ne justifie de sacrifier d'autres soldats dans une guerre perdue d'avance. Tu es en colère parce que tu refuses de l'accepter."


Il éclata de rire, faisant sursauter les enfants. Le corps de Sans réagit comme s'il était en danger et une barrière d'os se dressa entre eux instinctivement. Toriel posa une main sur son épaule.


"Sans, ne gaspille pas ta magie pour lui. Il n'en vaut pas la peine, dit-elle, dégoûtée. Tu devrais ravaler ton rire, Gaster, parce que je peux t'assurer que tu paieras cher ce que tu leur as fait. Et je m'assurerais personnellement que ce soit le cas."


Sur ces mots, elle se releva et emporta les enfants vers un coin plus reculé. Papyrus, accroché à la reine, sourit timidement. Sans, resté en arrière, lança un regard triste vers son père. Il ne devait plus penser qu'au futur. Bientôt, son frère et lui seraient en sécurité, loin de ce fou furieux jouant avec des forces qui le dépassent. Il avait presque pitié de lui. L'enfant rejoignit son frère et vint le prendre dans ses bras. Doggo avait décrété qu'ils passeraient finalement la journée ici, le temps que les bois se vident de leurs poursuivants. Il pouvait se détendre et passer un peu de temps avec la reine.


Le dialogue s'installa naturellement. Papyrus raconta leurs aventures à mesure qu'elle soignait ses jambes, et Sans casait de temps à autre un jeu de mot pour l'embêter. Ils rièrent beaucoup cet après-midi là et, pour la première fois depuis longtemps, Sans osa espérer que tout était terminé et que maintenant que Toriel était à leurs côtés, il pourrait enfin baisser la garde.


Il se trompait.


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