Pour le bien de l'humanité

Chapitre 29 : Détermination

4313 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 3 jours

La porte claqua sèchement derrière les petits squelettes. Leurs draps dans les mains, ils se retournèrent vers leur nouvel espace de vie avec suspicion. Ils se trouvaient dans une grande chambre spacieuse aux murs vert pâle. Deux lits étaient collés contre les murs, chacun avec une peluche en forme d'animal dessus. Au centre, un tapis multicolore était envahi de divers jouets. Elle aurait presque pu être parfaite s'il n'y avait pas ces immondes barreaux noirs devant les carreaux de chacune des trois grandes fenêtres. Une porte ouverte sur le côté droit conduisait à une grande armoire remplie de gâteaux et d'autres jouets, juste à côté d'une deuxième porte qui menait à la salle de bain la plus grande qu'ils n'avaient jamais vu.


Papyrus déposa les draps dans les mains de Sans, et s'installa devant les jouets au centre de la pièce. Son regard se porta immédiatement sur un cube aux facettes colorées en désordre qu'il s'appropria en quelques secondes, comme hypnotisé. Son frère poussa un soupir et s'occupa de faire les lits. Il n'avait pas besoin de tester les murs et les bibliothèques pour savoir qu'il n'y aurait aucune échappatoire ici. C'était une prison déguisée pour obtenir leur confiance, ni plus ni moins. Il regarda avec dédain les jouets avant de monter dans le lit de droite et se tourner contre le mur.


"Sans ? appela Papyrus."


Il ne répondit pas, mais sentit bientôt un poids sur le bord du matelas. Papyrus se hissa difficilement sur le lit trop grand pour lui avant de se laisser tomber sur le dos de son frère et de le serrer dans ses bras.


"Ils ont l'air plutôt gentils, tu ne trouves pas ? En tout cas, ils n'ont pas essayé de nous tuer pour l'instant. Si ça se trouve, tout va bien se passer ?


— Oh, Papyrus... soupira le squelette. Ils ne sont pas "gentils". Ils font les hypocrites dans l'espoir qu'on se laisse faire. Ne leur donne pas ta confiance, ils ne la méritent pas. Crois-moi.


— Mais si on est gentils avec eux, peut-être qu'ils ne deviendront pas méchants ? insista-t-il, la voix pleine d'espoir. Et puis... Ça ne peut pas être pire qu'avec papa, pas vrai ?"


Il ne répondit pas. Papyrus était trop jeune pour discerner ce ton désagréable employé par les adultes lorsqu'ils essayaient d'appâter un jeune renard pour mieux lui briser le cou. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Le pauvre se raccrochait à ce qu'il pouvait pour se rassurer, tout comme lui, mais Sans ne supporterait pas de voir la déception dans ses yeux lorsqu'ils briseraient une nouvelle fois ses espoirs, peut-être encore plus durement que Gaster ne l'avait fait.


Le petit squelette, voyant que son frère ne réagissait pas, se tut. Il se glissa sous la couverture avec lui, le cube dans les mains, et joua silencieusement avec, dos à lui. Au bout de dix minutes à peine, il dormait à poings fermés, son nouveau jouet collé contre lui. Sans décida d'en faire de même. Les humains n'étaient pas encore hostiles, il valait mieux emmagasiner un maximum de forces pour ce qui les attendaient ensuite. Il serra Papyrus contre lui et laissa son esprit vagabonder.


********


Une douce lumière flottait dans un couloir dont il ne parvenait pas à voir le bout. Sans regarda autour de lui, légèrement perdu. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait ce rêve. Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait ici. Habituellement, il se contentait de marcher tout droit et d'essayer d'ignorer les murs qui se rallongeaient à son passage. Cette fois, cependant, c'était différent.


Des pas résonnaient au loin. Apeuré, l'enfant regarda autour de lui pour trouver un coin où se cacher. Un des gros piliers ferait l'affaire. Il courut derrière une énorme colonne de marbre et s'accroupit, assez pour avoir un aperçu sur la scène, mais pas assez pour être vu.


Un squelette au manteau bleu et à l'écharpe rouge s'avança d'un pas traînant au milieu de l'allée. Une odeur de sauce tomate flottait derrière lui, persistante. Il avait l'air épuisé, mais surtout très en colère. Sans mit du temps à le reconnaître, tellement il était différent. Mais il n'avait aucun doute sur la question. C'était lui. Plus vieux, plus triste, plus en colère. Allait-il finir comme ça ? Il hésita, puis sortit des ténèbres. Le squelette braqua son regard sur lui.


"Qu'est-ce que..."


Il poussa un soupir et regarda autour de lui.


"Ecoute, gamin, tu n'as rien à faire ici. Ce n'est pas ta ligne temporelle, et tu es trop jeune pour comprendre ce qui va se passer ici. Tu dois te réveiller.


— C'est l'écharpe de Papyrus, remarqua le plus jeune des deux, en pointant le tissu que l'autre Sans portait autour du cou. Est-ce qu'il est..."


Il ne répondit pas et détourna le regard. Sans sentit les battements de son coeur s'accélérer. Des pas résonnèrent plus loin dans le couloir. Un enfant se glissa hors de l'obscurité, un sourire mauvais aux lèvres et un couteau à la main. Il avait les yeux rouges. Le jeune squelette eut un mouvement de recul. C'était comme ce bébé, devant la salle du trône. Simple coïncidence ? Il interrogea son aîné du regard, mais celui-ci se contenta de mettre une main devant lui pour le faire reculer en arrière.


"Tu dois partir maintenant, insista-t-il. Tu n'as pas à t'infliger ça maintenant.


— Sans, Sans, Sans, chantonna la voix du petit humain. Toujours là ? Tu ne commences pas à... Oh ! Mais tu as trouvé un nouvel ami ?"


L'oeil du petit squelette vira au bleu, plus par peur que pour attaquer cette fois. Le visage de l'humain était déformé par la haine et un liquide noir sombre coulait de ses yeux et sa bouche. Même s'il allait physiquement bien, ses vêtements étaient troués de partout et couverts de sang. D'un coup, il bondit en avant en éclatant de rire. Sans sentit son âme virer au bleu et il vola en arrière alors que l'autre Sans se jetait devant lui. Un craquement horrible accompagna son geste. Choqué, le petit squelette resta les yeux écarquillés alors que son "futur-lui" tremblait, une main sur sa poitrine, assis sur les fesses.


"Bon... Eh bien, je suppose que c'est la fin, pas vrai ? Juste... Ne viens pas pleurer alors que je t'ai averti."


Il se releva difficilement et se rapprocha du mur où son jeune lui l'attendait, tétanisé par la peur. L'humain ne s'en formalisa pas et continua sa route. Sans courut vers son autre lui et essaya de le soigner avec ses maigres pouvoirs, les larmes aux yeux.


"Désolé, gamin. Mais ça ne fonctionnera pas. Un seul point de vie, tu te souviens ? Et puis, articula-t-il difficilement, ce n'est pas ton univers. Ce ne serait pas... juste. Retourne auprès de ton Papyrus.


— Mais... Je... Il doit y avoir un mo....


— Ah... Crois-moi, s'il y en avait un, je ne serais pas mort cent-vingt-sept fois aujourd'hui. Tu as quoi... dix ans ? Moins ? N'y pense pas... Pas tout de suite. Sauve... Sauve Papyrus. Tout ira bien. Ça... Ça ne sert à rien de faire de vieux... os de toute... toute façon."


Il tira une grimace et cracha un peu de sang.


"Welp... Je... Je retourne chez Grillby. Pa... Papyrus, est-ce que... tu veux... quelque chose ?"


Puis il tomba en cendre. Sans resta un moment à fixer la poudre blanche, les yeux dans le vague. Était-ce comme ça que tout était condamné à finir ?


*********


"Sans ! Sans, réveille-toi, tu me fais peur, pleurnicha Papyrus."


Le squelette eut du mal à émerger. Il se redressa difficilement sur le lit couvert de sueur et totalement désorienté. Des os bleus translucides étaient encastrés dans le mur en face et derrière lui. Perdu, il mit du temps à calmer les pulsations erratiques de son cœur pour recouvrer peu à peu le sens de la réalité. Il avait perdu le contrôle pendant un de ses cauchemars. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait. Habituellement, Papyrus n'était pas là pour voir les dégâts qu'ils causaient. L'attaque était plus forte que d'habitude, cependant. Il ne souvenait pourtant pas s'être battu lors de cette rencontre... étrange, avec un de ses doubles du futur.


Il prit de grandes inspirations avant de finalement se tourner vers son petit frère. Les yeux encore larmoyants, il avait l'air aussi secoué que lui. Sans reprit le contrôle et le prit dans ses bras pour le rassurer.


"Tout va bien, désolé de t'avoir fait peur.


— C'est pas grave. Mais... Mais ne le refais plus. Je n'arrivais pas à te réveiller et j'ai cru pendant un moment que... Ne le fais plus.


— Je ne le ferais plus, je te... Je te le promets."


On toqua à la porte. Le corps de Sans se crispa immédiatement et il repoussa Papyrus derrière lui. Deux femmes en robe rouges et noirs entrèrent avec un panier. Il y en avait une jeune au visage sévère et une plus âgée qui ressemblait à Gerson, une vieille tortue célèbre pour avoir survécu à presque toutes les batailles qui avaient opposé monstres et humains ces dernières années, y compris les plus meurtrières. Elle avait l'air d'une mamie gâteau, un peu comme Toriel, même si la reine n'était pas si vieille.


La plus jeune des deux fit la grimace en apercevant les deux squelettes, retranchés dans un coin de la pièce.


"Votre Majesté nous envoie vous... désinfecter, dit-elle d'un air de dégoût. Vous mangez avec Sa Gracieuseté ce soir, et il aimerait éviter d'attraper des maladies.


— N'écoutez pas cette harpie, reprit la vieille dame. Nous ne vous voulons aucun mal, nous allons simplement faire votre toilette. Abigaëlle, enfin, ce sont des enfants.


— Ce sont des monstres, rectifia-t-elle."


La vieille dame s'approcha d'eux. Papyrus releva timidement la tête vers elle. Sans jeta un coup d'œil à l'autre femme. Ils étaient deux, elles étaient deux. Le choix était vite fait. Il dégagea Papyrus de son dos et lui sourit pour l'encourager à l'accompagner. Le petit squelette hésita, mais prit finalement la main que la dame lui tendait. L'autre, beaucoup plus sèche, attendit qu'ils soient rentrés dans la salle de bain pour attraper brusquement Sans par le bras et le traîner à son tour dans la petite pièce. Il y avait deux douches. La première, déjà occupée par Papyrus, laissait entendre de petits rires. Cela réchauffa un peu le cœur de son frère. Peut-être aussi parce qu'il savait que son expérience à lui ne serait pas agréable.


Il entra dans la cabine de douche en soupirant et laissa la femme lui retirer la chemise de laboratoire prêtée par son père. La femme fit couler de l'eau glacée sur lui, le faisant sursauter. Il essaya d'éviter le jet, mais elle repoussa sèchement en dessous avant de commencer à le frotter avec une brosse rêche. Sans se laissa faire, en grimaçant lorsque qu'elle fit exprès d'appuyer pour lui faire mal. Elle le tira ensuite hors de la cabine, avant même Papyrus, et l'essuya rapidement avant de lui faire enfiler un smoking ridicule qui lui collait à la peau. Elle se débarrassa ensuite du collier anti-magie pour le remplacer par un bracelet plus discret qui avait la même fonction. Avant même qu'il ait eu le temps de dire "ouf", elle ramassa ses affaires et quitta la pièce sans même lui adresser un regard et l'abandonna au milieu de la salle de bain. Incertain, Sans décida d'attendre son petit frère.


Il sortit quelques minutes après, joyeux, dans les bras de la vieille femme qui s'occupait de lui. Il sentait la rose, au sens littéral. Elle le déposa à terre et l'essuya avec douceur, avant de lui présenter son costume de soirée, semblable à celui de Sans. Elle accrocha un petit nœud papillon rouge autour de son cou, avant de lui placer le bracelet anti-magie à contrecœur, visiblement agacée par sa présence. Elle ressemblait à Toriel, Sans espérait avoir l'occasion de la voir souvent pour la rallier à leur cause.


"Oh, Abigaël n'a même pas bien fait son travail, dit-elle en le regardant."


Elle attrapa un ruban bleu posé sur l'évier et l'accrocha en nœud papillon autour du cou de Sans, qui se laissa faire.


"Merci de ne pas lui avoir fait... mal, dit-il à voix basse.


— Ne vous inquiétez pas. J'ai longtemps travaillé au service du roi Asgore, vous savez. C'est tragique ce qui est arrivé entre nos peuples et je refuse de vous laisser penser que tous les hommes sont des animaux sans morales. Je sais que l'âme des monstres est faite de compassion, dit-elle en pointant son torse.


— C'est quoi votre prénom ?


— Je m'appelle Hélène. C'est moi qui vais m'occuper de vous pendant votre séjour ici. Vous pouvez m'appeler n'importe quand, il vous suffit de tirer sur ce gros cordon, à côté du lit de ton petit frère."


Il y avait en effet une grosse corde rouge qui tombait du plafond. Sans s'était demandé à quoi elle servait. Il avait sa réponse.


"Il s'appelle Papyrus. Et moi, c'est Sans, se présenta-t-il.


— Papyrus, c'est un chouette nom, dit-elle en chatouillant le petit squelette. Bien, je vais vous conduire à l'Empereur pour votre dîner. Ne vous inquiétez pas, il paraît froid sur les bords, mais ce n'est qu'une façade."


Sans tira la grimace. Il n'avait pas vraiment envie d'y aller, mais on ne leur laissait pas le loisir de choisir, de toute évidence. Ils accompagnèrent leur nourrice à l'extérieur de la chambre. L'esprit du squelette se mit immédiatement en marche. Aucun garde ne les accompagnait. S'il lui prenait l'idée d'attaquer la vieille dame, il pourrait tenter de s'enfuir. Mais pour aller où ? Il ne connaissait encore rien du palais. Il allait devoir gagner sa confiance pour récolter plus d'informations. Le couloir de l'étage ressemblait en tout point à ceux du rez de chaussée : long, riche, rouge avec des tableaux. Mais ces derniers présentaient cette fois des scènes de bataille. Dans les premiers, humains et monstres combattaient côte à côte. Mais plus les peintures passaient, moins l'esprit de camaraderie se faisait sentir. Le dernier représentait l'Empereur, un pied sur le corps du roi Asgore, le visage transpercé d'une flèche. Ils avaient l'air bien sûr d'eux. Sans doutait que la guerre se termine de cette façon. Les monstres ne le pouvaient pas de toute manière. Si Asgore tombait, les monstres tomberaient avec lui. Ils n'étaient plus assez pour s'organiser sous les ordres d'un autre dirigeant. Gaster pourrait faire l'affaire pendant un temps, mais il était trop autoritaire et amoureux de son travail pour ne pas péter les plombs au bout de deux semaines. Et puis, vu la facilité déconcertante qu'il avait de vendre les siens à l'ennemi, son "peuple" pourrait aussi très bien se retourner contre lui. L'image lui rendit le sourire malgré lui.


Ils descendirent le grand escalier et prirent cette fois le couloir droit. Encore un couloir. Encore des tableaux. La décoration ici était d'une monotonie affligeante. Hélène les accompagna devant une grande porte aux bordures dorées. Deux gardes surveillaient les passages, l'œil mauvais. Sans songea que tous les soldats se ressemblaient. Qu'ils aient la tête d'un chien ou celle plate et flasque des humains, ils restaient toujours nerveux, froids et distants de tout. Il glapit en réalisant que lui-même était toujours nerveux, froid et distant de tout. Il en fut troublé. "Ce n'est pas un enfant, Toriel, c'est une arme." Il serra les poings. Gaster avait peut-être raison sur ce point, mais Sans n'était pas devenu comme ça sans raison.


"Je ne vais pas pouvoir vous accompagner plus loin, s'excusa la nourrice. Je passerais vous récupérer à la fin du repas. Passez une bonne soirée et... Courage."


Elle leur sourit gentiment avant de les laisser aux mains des gardes. Son absence se fit immédiatement resentir. L'ambiance devint moins chaleureuse alors que les deux soldats les poussaient sans ménagement dans la salle. La porte claqua derrière eux. Papyrus agrippa le bras de son frère, effrayé. La pièce était encore plus grande que la salle du trône. Des grands vitraux représentaient une fois encore des scènes de l'histoire des humains et des monstres, teintant de lumières colorées une grande table au milieu de la pièce. Il n'y avait rien d'autre, si ce n'était les cuisines, dans un autre coin, à une dizaine de mètres. L'Empereur était déjà installé avec sa femme et un bébé, dans une chaise haute, juste à côté d'elle.


"Approchez donc, les enfants, dit-il d'une voix forte et accueillante. N'ayez crainte."


Sans poussa un faible soupir et avança. Deux assiettes étaient dressées en face de lui. Les deux squelettes s'installèrent en silence devant chacune d'elle, le regard bas. Sous la table, Papyrus serrait toujours la main de son frère. L'Empereur les dévisagea l'un après l'autre, puis leur sourit.


"Vous n'avez pas besoin d'angoisser à ce point. Vous n'êtes pas en danger et vous allez partager un bon repas. Je ne vous ai pas présenté ma délicieuse épouse, Iris, changea-t-il de sujet et pointant la femme blonde à côté de lui, et notre fille, Chara."


A l'entente de son nom, le bébé gazouilla légèrement. La petite humaine avait déjà des cheveux bruns ébouriffés. Mais ce fut ses yeux rouges qui mirent Sans mal à l'aise. Il ne savait pas quoi, mais quelque chose ne lui paraissait pas normal dans les yeux de cet enfant. Se pouvait-il... Qu'il soit le même que dans son cauchemar ? Après tout, il n'avait pas réussi à déterminer quel était le genre de son assaillant. Peut-être bien qu'il s'agissait d'elle.


"Incroyable, n'est-ce pas ? Ses yeux rouges. Chara est née avec un trait d'esprit extrêmement rare, la détermination. Tous les humains en naissent avec un : patience, persévérance, bravoure, justice, gentillesse, honnêteté ou détermination. Il disparaît généralement après quelques années, mais chez certains humains, ce trait s'affirme et ils développent des pouvoirs pour l'utiliser. Nous les appelons les mages. Nos recherches tendent à prouver que lorsqu'un enfant naît avec le trait de la détermination, il le gardera toute sa vie. Chara est promise à un grand avenir. Mais je parle beaucoup, Gaster a déjà dû vous expliquer tout ça."


Était-ce la raison pour laquelle ses yeux étaient rouges ? Sans savait que la détermination était associée à cette couleur. Pourtant, lui aussi en possédait, et cela n'était jamais arrivé. Confus, il fronça les sourcils.


"Je vois dans tes yeux que tu as des questions, répondit l'Empereur à sa question silencieuse. Quelles sont-elles ?"


Des cuisiniers s'approchèrent et déposèrent des plats dans leurs assiettes. Dès que les cloches furent levées, son estomac grogna d'excitation. Un gigantesque morceau de viande était accompagné de pommes de terre et de légumes. Sans avait oublié qu'il était possible de manger autant depuis le début de la guerre. Un problème demeurait cependant. Il y avait au moins cinq types de fourchettes et de couteaux de chaque côté de l'assiette. Papyrus n'avait pas ce problème. Il avait récupéré le morceau de viande avec une grande cuillère et croquer dedans à pleine dents. Amusé, l'Empereur le regarda se débattre avec l'énorme cuisse pendant quelques secondes avant de demander à un cuisinier de l'aider et de couper la viande en morceaux. Sans piocha une fourchette et un couteau au hasard et commença à manger lui aussi. L'Empereur le regarda étrangement alors qu'il aspirait la nourriture à travers ses dents.


"Comment est-ce que ça... fonctionne ? Vous êtes des squelettes, vous n'avez pas d'estomac.


— On ne mange pas de nourriture solide, on transforme tout en magie, répondit Papyrus, enthousiaste de connaître la réponse.


— Je vois..."


Sans se tourna légèrement vers lris. Elle le regardait curieusement, toujours aussi silencieuse. Le squelette décida de l'ignorer.


"Les monstres aussi ont des traits magiques, remarqua Sans doucement. Les même que les humains.


— Exact. Les monstres de type "supérieurs" sont capables de les développer, comme le couple royal, votre père, la plupart des gardes royaux, et par descendance, vous deux. Les traits des monstres ont cependant plus de nuances que ceux des hommes. Les traits qui découlent de la patience peuvent ainsi créer le trait de la sincérité et de l'humilité, par exemple, ceux de l'honnêteté dérivent sur la fiabilité, la gentillesse sur la compassion et la clémence... Mais la détermination, en revanche, peut se transformer en haine quand elle est mal utilisée. Vous deux, êtes spéciaux pour cette raison."


Papyrus regarda son frère, puis l'Empereur.


"Pourquoi ? demanda-t-il d'une toute petite voix.


— Tu ne le sais pas ? Et toi, Sans ?"


Sans hésita avant de répondre.


"Les monstres ne peuvent pas posséder de détermination, car c'est un trait trop proche des émotions humaines destructrices. C'est incompatible avec notre magie. Mais nous sommes spéciaux, parce que Gaster nous a "modifié" pour que l'on puisse la supporter, comme... Comme des humains. C'est pour cette raison que l'on peut faire des choses que certains autres monstres sont incapables de faire. Et c'est pour ça qu'on est là.


— Exactement, le félicita l'Empereur. Tu m'as l'air d'avoir de solides connaissances en science. Cela facilitera le travail. Voyez-vous, si vous êtes là, c'est parce que nous avons besoin de l'âme d'un monstre et de l'âme d'un humain pour créer une barrière magique capable de sceller les monstres dans le Mont Ebott. Nous faisons preuve de grande clémence envers votre peuple en évitant ainsi le génocide de masse. Nos mages sont puissants, mais nous avons besoin de votre aide pour aider à ce petit problème.... Dans un premier temps."


Il prit son verre et avala une gorgée de vin.


"Dans un second temps, nous allons faire de vous nos ambassadeurs. Comme je viens de l'expliquer, il est possible de transformer la détermination en haine, ce n'est pas incompatible. C'est une magie bien plus puissante et violente, presque inarrêtable. Si Asgore oppose résistance, nous serons contraints de vous utiliser pour régler le problème de l'intérieur. Seuls les mages et les monstres ayant fondé la barrière pourront y entrer et sortir à leur guise. Je ne vais certainement pas envoyer mes hommes en bas. Mais il y a vous. De plus, même si nous n'en arrivons pas à de telles extrémités, pouvoir accéder à certaines informations pourrait nous être fort utiles. Cela nous amène à votre rôle et ce que nous allons faire avec vous ces prochains jours."


Il s'appuya sur la table, un grand sourire aux lèvres, qui fit frémir Papyrus de terreur. Cet homme n'était pas fiable, songea Sans.


"Nous allons tout d'abord tester vos capacités sur des tests simples et qui ne devraient vous poser aucun problème. Ensuite, nous travaillerons sur votre détermination et sur la barrière. Il y aura quelques expériences désagréables, je ne vais pas vous mentir, mais ce ne sera que temporaire. Cela nous amènera à dans deux semaines, où nous scellerons les monstres sous terre. Nous travaillerons ensuite sur votre faculté à répondre aux ordres. Quoi qu'il en soit, je vous rappelle que vous n'êtes pas prisonnier. Nous espérons que ces bracelets et les mesures concernant votre enfermement dans votre chambre ne soient que temporaires. Si vous vous comportez convenablement, nous vous autoriserons à aller où bon vous semble dans le palais, et peut-être même à l'extérieur. Après tout, vous êtes le futur des hommes et des monstres, nous ne pouvons pas vous traiter comme des prisonniers. Voyez cela comme... un gage de gratitude. Et puis, j'aimerais offrir à Chara une chance d'obtenir une paix durable dans le futur. Un futur où l'un de vous deux gouvernera votre peuple, et elle le mien."


Sans ne répondit pas. Tout était bien beau sur le papier, mais comment cela se passerait en réalité ? Il ne croyait pas à cette idéologie utopiste après la manière dont ils avaient été traités depuis leur arrivée ici. Ils terminèrent le repas sur des sujets plus légers. L'Empereur essaya d'en savoir plus sur eux. Il réussit à faire sortir Papyrus de sa coquille, petit à petit, mais Sans resta obstinément froid et vague.


Il ne comptait pas baisser sa garde. Il ne comptait pas trahir son peuple. Et surtout, il ne comptait certainement pas laisser cet abruti à tête couronnée transformer son petit frère en instrument politique. Il savait globalement vers où ils allaient désormais. Il allait devoir se montrer à la hauteur de l'espoir qu'avait placé Toriel en lui pour s'en échapper maintenant.


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