Pour le bien de l'humanité

Chapitre 27 : Grand départ

2112 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 14 jours

Installés à l'arrière du carrosse royal, son petit frère endormi contre lui, Sans regardait le paysage défiler, le visage fermé. Gaster se tenait droit à côté d'eux, le visage aussi froid qu'à l'ordinaire. Il ne leur avait pas adressé un mot ces trois derniers jours. Toriel avait obtenu l'autorisation de rester avec eux et avait essayé de préparer au mieux Sans pour ce qui l'attendait. Elle lui avait appris quelques techniques de défense et d'attaque simple que le squelette s'était efforcé d'assimiler aussi rapidement qu'il le pouvait. Mais ils avaient eu peu de temps, et l'heure du départ arriva bientôt.


Au petit matin, bien avant l'aube, Gaster était venu les chercher. Sans avait traîné un Papyrus encore ensommeillé dans la douche. Celle-ci était glacée, et ils durent se frotter encore et encore jusqu'à ce que les gardes estiment qu'ils soient assez propres. Ils avaient ensuite pris le petit-déjeuner le plus riche et garni qu'ils n'avaient jamais vu. Si Papyrus toucha à absolument tout, Sans grignota à peine. Tout ceci avait un goût amer de dernier repas du condamné. Les gardes les poussèrent ensuite vers le laboratoire, où Gaster les avaient inspecté une dernière fois, avant de leur faire revêtir des blouses blanches. Enfin, ils avaient tous les deux été parqués à l'arrière du carrosse royal et enchaînés, comme s'ils pouvaient tenter quoi que ce soit désormais. Gaster, Asgore et Toriel n'avaient pas tardé à les rejoindre et le convoi s'était mis en marche.


Epuisé par le réveil trop matinal, Papyrus n'avait pas tardé à replonger dans un sommeil réparateur. C'était mieux comme ça. Il n'avait pas à supporter le regard noir de son père braqué sur eux, ou celui rempli de tristesse de Toriel. La reine faisait bonne figure, mais Sans l'avait vu par deux fois repousser sèchement la main de son mari, l'air crispé. Le squelette aurait aimé lui dire qu'il ne lui en voulait pas, qu'elle avait fait tout ce qu'elle avait pu pour les protéger, mais les chaînes anti-magies lui pompaient tellement d'énergie qu'il n'était même pas certain d'en avoir la force. Elle le savait de toute manière. Ne rien dire facilitait aussi les choses. Si elle s'attachait trop à eux, il serait compliqué de partir sans regrets.


Alors que l'aube pointait le bout de son nez, Papyrus s'éveilla doucement. Sans lui offrit un sourire rassurant et lui carressa doucement la tête pour qu'il reste calme. Le petit squelette lança un regard timide à son père, avant de se rembrunir et se coller un peu plus à son frère pour mettre le maximum de distance entre eux deux, malgré la taille exiguë de leur moyen de transport. Sans adressa un sourire victorieux à son père. Malgré tout le mal qu'il s'était donné pour les séparer, il avait échoué. Peu importe ce que l'avenir leur réservait : ils resteraient unis.


"Où se situe le point de rendez-vous ? demanda Gaster pour briser le silence.


— Dans la forêt qui borde Mont Ebott, répondit Asgore.


— Ils vont tenter de nous convaincre une nouvelle fois d'aller mourir dans la montagne, soupira le scientifique. On doit être plus ferme avec eux. Ils ont eu ce qu'ils ont demandé, maintenant c'est à nous d'obtenir ce que l'on veut.


— Peut-être que ça vaudrait mieux, s'opposa Toriel. Je préfère encore vivre sous terre que sacrifier des enfants qui n'ont rien demandé à personne.


— Nous avons déjà eu cette discussion, votre Majesté, répondit le scientifique, crispé. Sans n'est pas un enfant, c'est une arme de guerre.


— C'est un jeune squelette de huit ans qui a eu la malchance de perdre sa mère. Si Arial avait été là, elle t'aurait arraché le cœur plutôt que de te laisser t'en prendre à eux. Tu devrais avoir honte, Gaster, et ne pas fanfaronner comme si ce plan était une réussite. S'ils reviennent de ça, et ils vont en revenir, je m'assurerais personnellement que tu ne puisses plus jamais les atteindre d'une façon ou d'une autre. Tu ne les reverra jamais. De toute manière, après ce qu'ils auront vécu là bas, je doute qu'ils acceptent de te revoir."


Sans apprécia grandement qu'elle prenne leur partie. Papyrus ne comprenait pas trop ce qui était en train de se passer, mais il se rangea lui aussi du côté de Toriel. Son frère savait que le discours de son père sur le fait qu'il était responsable de la mort de sa mère l'avait marqué. Les deux nuits suivantes, le petit squelette avait eu d'horribles cauchemars. Il n'aurait jamais dû avoir à entendre ça, et Sans ne lui pardonnerait sans doute jamais de l'avoir blessé à ce point.


"Ça ne sert à rien, lâcha le squelette d'une voix sombre. Il n'a plus d'émotions, il pense qu'il est intouchable.


— Tu ne sais pas de quoi tu parles, Sans, soupira Gaster. Tu n'es qu'un..."


Il ne termina pas sa phrase et détourna le regard, agacé. Toriel leur prit la main et leur sourit gentiment. Le reste du trajet se passa dans le calme. De temps à autre, un garde royal passait devant la vitre pour s'assurer que tout allait bien. Bientôt, le paysage devint plus boisé et la route plus agitée. Le carrosse ne cessait de s'embourber dans la neige, et Asgore décida bientôt de poursuivre à pied. Le lieu du rendez-vous n'était plus qu'à trente minutes de marche.


Sans ne put s'empêcher d'être impressionné par la taille de la montagne devant laquelle ils se trouvaient. Les légendes disaient que ceux qui s'y rendaient ne revenaient jamais, dévorés par les dieux qui sommeillaient à l'intérieur. Le jeune squelette aurait tout donné pour s'enfuir là tout de suite vers son sommet et embrasser ce destin plutôt que celui qui l'attendait. Les gardes royaux les détachèrent un court instant avant de leur mettre d'autres chaines plus légères, qu'ils accrochèrent à la ceinture de cette femme-chien de la garde royale que Sans ne pouvait plus voir en couleur.


Elle les tira méchamment pour les forcer à avancer alors que tout le monde se mettait en route. Au début, les deux enfants s'accrochèrent malgré le rythme rapide de marche, mais très vite, Papyrus n'arriva plus à suivre. Sans essaya de ralentir pour faire passer le message, mais la garde ne cessait de tirer sèchement sur la corde comme s'ils étaient des chiens récalcitrants, jusqu'au moment où Papyrus glissa et s'effondra dans la neige. Sans se précipita auprès de lui.


"Tu ne t'es pas fait mal ?


— Non... Non, ça va, dit-il en retirant la neige de sa fine blouse."


La garde poussa un lourd soupir et vint attraper violemment Papyrus au bras. Surpris, le squelette poussa un cri avant de la mordre. Elle se retourna et le gifla violemment. Papyrus retomba dans la neige en se tenant la joue, les yeux embués de larmes. Elle allait revenir à la charge pour le forcer à se relever, mais Sans lui barra la route. Son oeil vira au bleu.


"Lève encore la main sur lui juste pour voir, menaça-t-il.


— Tu ne me fais pas peur.


— Toi non plus."


Elle leva la main pour le corriger, mais Sans tira. Un os d'une trentaine de centimètres lui transperça le bras. La femme-chien poussa un cri de terreur et recula vivement alors que le reste du groupe se rapprochait. Toriel lança un regard à Papyrus, toujours à genoux dans la neige, puis à Sans. Son visage se ferma.


"Détachez-les, ordonna-t-elle.


— Hors de question, s'interposa Gaster. On doit les garder sous...


— Jusqu'à preuve du contraire, je suis encore la reine des monstres, Gaster, et j'ordonne le retrait des chaines des enfants. Ce ne sont pas des animaux et je ne compte pas les laisser vivre leurs derniers instants parmi nous de cette façon. Reste à ta place, Gaster."


Outré, le scientifique se tourna vers Asgore, mais ce dernier approuva sa femme. Le squelette poussa un lourd soupir et s'éloigna à grands pas. Un garde vint détacher les enfants. Toriel récupéra Papyrus au sol et le prit dans ses bras.


"Mon pauvre petit, tu vas attraper froid. Ce sont des brutes, grogna-t-elle à l'attention du capitaine de la garde royale, en train d'être soignée par ses sbires. Viens, Sans."


Elle tendit une main que Sans prit volontiers, rassuré. Le reste du trajet se passa plus sereinement. Les enfants trouvèrent même la force de rire un peu avec leur protectrice. Malheureusement, cela ne dura pas bien longtemps. Tous les visages se fermèrent lorsqu'apparurent au loin les silhouettes des hommes. Les monstres s'arrêtèrent à une distance respectable, et seuls Gaster et Asgore s'avancèrent vers les humains.


Dans les bras de Toriel, Papyrus se mit soudainement à trembler. Peut-être réalisait-il finalement ce qui allait se passer, ou peut-être avait-il froid. Sans ne lui fut d'aucun secours. Il avait le regard braqué sur l'échange des deux groupes, le coeur serré. Il n'y avait plus de retour en arrière possible. La reine déposa Papyrus à terre, puis s'accroupit devant les deux petits squelettes.


"Je ne vais pas pouvoir vous accompagner plus loin, mais je suis de tout coeur avec vous deux. Je sais au fond de moi que vous allez vous en sortir, tous les deux. Ensemble. Papyrus, reste brave et écoute bien ton frère, il saura être là pour toi. Et Sans... Oh, mon petit, dit-elle les larmes aux yeux en posant une main sur sa joue. Tu es incroyable, une véritable force de la nature. Ne baisse pas les bras, d'accord ? Quoi qu'il arrive, tiens tête, ne lâche rien et bats toi. Pour moi. Pour ton petit frère. Si jamais vous réussissez à vous enfuir, courrez vers la montagne. Je compte aller m'y établir. Je passerais tous les jours pour m'assurer que vous n'êtes pas là. Et bien sûr, si je trouve un moyen de vous aider, je le ferais sans hésiter. Tu vaux la peine qu'on se batte pour toi, Sans. Tu vas sauver ton petit frère."


Sans sentit les larmes lui monter aux yeux. Il se jeta contre Toriel, qui le serra de toutes ses forces dans ses bras. Papyrus se glissa entre eux pour profiter lui aussi du câlin. Une main se posa sur l'épaule de Sans. Gaster. Il n'osait même pas le regarder dans les yeux.


"Il est l'heure, dit-il simplement. Allons-y."


Sans prit une grande inspiration, puis prit la main de Papyrus. Ils s'avancèrent tous les deux vers le groupe d'humains, derrière leur père.


"Bien le bonjour, dit l'humain d'une voix désagréable en s'accroupissant devant les deux enfants. Nous vous attendions depuis très, très longtemps."


Jolanger passa un doigt sur la joue de Papyrus. Le petit squelette frémit de terreur et se cacha derrière son frère. Sans resta immobile, yeux dans les yeux avec le serpent. Toriel avait raison. Il devait leur tenir tête et refuser de lui donner ce qu'il voulait.


"Nous avons rempli notre part du contrat, déclara calmement Asgore. Nous attendons désormais que vous accomplissions la vôtre.


— Avec plus de six mois de retard, répliqua sèchement l'humain. Mon employeur est très insatisfait. Nous renouvelons notre souhait de voir votre peuple enfermé dans la montagne. Nous vous laissons deux mois pour emménager, c'est un délai plus que respectable.


— Nous n'irons pas, grogna Gaster.


— Alors vous mourrez tous, répondit-il simplement. C'est à prendre ou à laisser. Il ne reste plus assez de votre armée pour nous arrêter de toute manière. Soyez sage, Asgore. Nous vous faisons confiance pour faire le bon choix."


Le roi ne répondit pas et se braqua. L'homme sourit, puis se tourna vers les gardes qui attendaient derrière eux.


"Embarquez les sujets. Et ne les blessez pas ! avertit-il. Je les veux en excellente condition pour les présenter devant l'Empereur."


Pour changer, les gardes leur enfilèrent des chaines. Gaster posa une main sur l'épaule de Sans, mais ce dernier se dégagea d'un coup d'épaule.


"Va brûler en enfer, Gaster, cracha-t-il."


Il resta silencieux, et une nouvelle larme coula le long de sa joue. Les gardes poussèrent les enfants et ils disparurent bientôt à l'horizon, accompagnés par un régiment d'humains en armure.


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