Une courbure de l'espace-temps (saison 3)

Chapitre 9 : Le Grand Mystère

3785 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/10/2024 09:13

Repères chronologiques : cette scène s'insère comme une scène coupée de The Umbrella Academy, saison 3, épisode 3, autour de 14:00 (pendant que Luther, Viktor et Allison discutent au bar des disparitions).


Soundtrack suggérée : Omnia - Shaman of Chaos ; Parov Stellar - All Night.


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3 avril 2019, 23:32


J'étais perturbée, lorsque je me suis téléportée hors d'Hargreeves Mansion. Plus encore - mille fois plus, à vrai dire - que lorsque j'y étais entrée en quête de réponses. Au moins, maintenant, je sais ce qui est arrivé à Christopher. Ce qui aurait pu m'arriver. Mon esprit gronde et bouillonne. Parce que maintenant, je sais ce que Reginald Hargreeves a fait de lui, et - au travers du miroir - de moi.


Tout en marchant pour laisser l'air mordant des nuits d'Avril me stimuler, j'ai compris qu'il n'avait pas entièrement menti à Klaus. Qu'il avait admis entre ses lignes tortueuses - chose incroyable - avoir merdé dans l'éducation des Umbrellas en optant pour une 'parentalité' de contrôle absolu. Qu'il avait utilisé le groupe-témoin que nous étions : Lila, moi et peut-être d'autres, pour étudier ce qu'auraient donné nos pouvoirs dans d'autres situations d'éducation.


J'ai aussi eu une forme de confirmation du fait qu'il a finalement adopté les Sparrows non pas pour simplement remplacer ses précédents enfants, mais pour les compléter par un lot éduqué différemment. En pleine conscience que Cinq lui ramènerait les Umbrellas. Cette fois, il a pris le contrepied complet et fondé son éducation sur la maîtrise des pouvoirs, la valorisation et la construction de l'ego. Engendrant des personnalités si confiantes qu'il pourrait bien se laisser dépasser une nouvelle fois : c'est au minimum ce qui s'est passé pour Christopher, et qui lui a coûté cher.


Deux types de parentalité différents, deux échecs en tombant dans l'excès. Vraiment, c'est comme si Reginald Hargreeves était incapable de nuance, dès lors qu'il s'agit de comprendre la psychologie humaine, alors qu'il est capable de manipuler les plus incroyables technologies.


Et il y a malheureusement plus, dans le trouble qui est le mien à présent. Plus tôt, une autre de ces vagues d'énergie terrible a pulsé, si forte que mes mains se sont portées à mes tempes. Incroyablement puissante, cette fois : comme si elle m'était tirée à bout portant. Comme si elle naissait des entrailles-mêmes d'Hargreeves Mansion.


Rainshade Square était absolument déserte lorsque je l'ai traversée. Sans une âme, comme jamais : à la façon de ces films de zombies ou d'épidémie, où les villes sont vides de gens, et silencieuses. Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec les mots de Cinq, plus tôt dans la voiture. Avec cette nouvelle apocalypse qu'il annonce, en raison du paradoxe que nous sommes devenus. Un nouveau type de jugement dernier, qu'il suppose inexorablement voué à emporter tout être, puis toute chose.


Et pourtant, le bus est passé. Quelques passants sont de nouveau entrés dans mon champ de vision, à mesure que nous avons traversé les quelques arrêts nous séparant de l'Hôtel Obsidian. C'est beaucoup à encaisser, pour une seule journée, et je me sens comme dans un état second. Il me sera très difficile de dormir, même si je suis lessivée.


C'est invisible et immatérielle que je traverse le lobby, comme si je voulais rester cachée de tous et de tout. Ne plus exister moi non plus, pratiquement, juste pour un moment. Chet n'est déjà plus derrière son comptoir : seul Iggy sirote encore un petit verre, tout seul au bar, la longue plume de son chapeau se détachant en noir sur les bouteilles d'alcools mordorées. Je repense à notre conversation du matin, mais je ne m'arrête pas. Je me dirige vers le Grand Escalier, cachée hors de vue de quiconque, sans faire ralentir mon pas.


Je n'utilise même pas les boutons pour faire fonctionner l'ascenseur. J'introduis mon énergie directement dans son système, et je me retourne pour observer les portes se refermer sur le lobby rétro-futuriste.


Il s'ébranle.

Je ferme les yeux.

Et mon pouvoir sonde ce qui se trouve autour de moi.


Je ressens l'énergie et la mécanique qui me tirent vers les étages supérieurs, à la manière dont Klaus m'inciterait à ressentir le shakti traversant mes chakras. Tout comme je me suis un jour introduite dans la mécanique du bus que nous nommions Priscilla. J'explore les systèmes électriques des étages que je passe, des chambres, laissant les ramifications se faire jusqu'au sous-sol et plus haut, toujours plus haut. Les machines à café, les suspensions Art déco, les téléphones. Jusqu'au crépitement du grand néon rouge sur le toit.


Plus que tout, se détachent pour moi dans l'énergie les hauts piliers du lobby. Eux qui distillent cette lumière bleue presque stellaire apparaissent paradoxalement en doré à mes sens, derrière mes paupières closes, tout comme la console en forme de fer à cheval du standard téléphonique. J'ai toujours ressenti l'énergie à l'intérieur des machines comme cet entrelacement de sillons dorés, jusqu'à l'explosion provoquée un jour de colère contre Klaus et Lloyd, à Merelec en 1963. Et en cet instant, tout est clair.


Je suis au coeur d'une machine, je n'en doute pas un instant.


Une machine dont les ramifications plongent dans la matière et l'énergie du quartier, de la ville, peut-être au delà. L'Hôtel me semble s’entremêler à toute chose, en cet instant, et ma poitrine se serre. L'énergie - tout autour de moi - est comme le 'Grand Mystère' des Lakota, qu'Iggy a nommé Wakȟáŋ Tȟáŋka. Cette force de vie créatrice qui imprègne et relie toutes choses dans la machine univers.


*Ding !*


Ma concentration se relâche, tandis que les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur le couloir des chambres que nous occupons. Je secoue la tête pour me forcer à revenir de ma contemplation.


Je n'utilise pas non plus l'interrupteur pour allumer les plafonniers, je marche jusqu'au bout des tapis sans prêter attention aux sons ténus qui me parviennent des chambres des Hargreeves. Je passe au travers de la porte de la suite que j'occupe. À l'intérieur, la pièce aux murs roses est baignée de la seule lumière de l'enseigne au dehors. Je n'utiliserai pas les lampes, ici : j'ai promis à Klaus de conserver ma discrétion. En revanche, je redeviens enfin visible et matérielle, faisant voler mes chaussures contre le bar dont les verres tintent un peu.


Je souffle, dans la demi-pénombre grésillante, je tente de laisser couler mes pensées sans les laisser m’agripper, comme nous avons appris à le faire dans les ashrams de Rishikesh. Je foule le tapis de longs poils blancs, au demeurant très laids, mais dont le contact apaise mes sens troublés.


Et je le regarde. Au dessus de la cheminée.


Je me demande combien il pesait, de son vivant, ce bison blanc dont les yeux noirs me fixent comme je les fixe en retour. Son poil est d'un blanc limpide, tout comme celui des tapis. Lourd de signification dans la culture des Lakota, qui le relient au Grand Mystère. Il symbolise un passage vers ce Grand Tout qui lie les choses et les êtres. Et une promesse de la restauration d'une harmonie, le jour venu.


L'harmonie. Quelle immense bullshit.


Je le fixe comme par défi, mon regard à présent dur. Car moi, je me demande chaque jour un peu plus quelle est ma place, dans ce monde où je serais supposée ne même plus exister. Là ou une étrangeté cubique teigneuse a pris ma place, où ma grand-mère ne se souvient pas de moi. Là où la mère de Klaus ne l'a jamais enfanté. Là où nos vies n'existent plus que dans les souvenirs que nous en partageons.


Là une nouvelle apocalypse est à nouveau en chemin.


Si nous faisons vraiment partie du Grand Mystère, pourquoi avons-nous sans cesse le sentiment que nous pourrions en être effacés ? Mon regard se fait dur, comme si je lui en voulais.


Plusieurs secondes, je le fixe encore. Et soudain - comme si c'était une réponse qu'il me donnait - quelque chose attire mon attention à ma droite. Un élément de décoration de cette chambre que je n'avais pas remarqué, pour avoir été trop épuisée, à chaque fois que je suis entrée dans cette suite.


Une machine à sous - ici à vocation décorative - possiblement un pachinko. Rétro éclairée, rutilante, émettant ce grésillement que je reconnais comme celui qui me réveille la nuit. Vibrant d'une énergie étrange, derrière ses buttoirs à pièces stylisés à la manière d'un tableau de Kandinsky. Stylisés ?


Putain de merde. Comment ne l'avais-je pas remarqué ?


Là, fondu dans les éléments de l'un des jeux de hasard, de richesse et de ruine les plus célèbres qui soient, est tracé le même motif que celui que je porte maintenant irrémédiablement à mon bras. Celui que j'ai qualifié de 'nexus' hier soir, en partageant avec Klaus une cachaça. Des carrés concentriques. Des lignes perpendiculaires. Des points.


Mes yeux s'ouvrent grand tandis que je recule en portant ma main à mon avant-bras, manquant de trébucher en arrière en me prenant les pieds dans le tapis de fourrure. Terrifiée, fascinée, je ne saurais vraiment le qualifier. Sous les yeux du Bison Blanc, je ne demande pas mon reste, je recule encore, j’attrape mes bottes contre le bar. Et tandis que mon coeur bat à s'en rompre contre mes côtes, je me mets à courir hors de la pièce, me rendant transitoirement intangible pour traverser la porte qui me fera sortir d'ici.


"PUTAIN".


Tandis que je débouche dans le couloir et me rends de nouveau tangible, je réalise que je viens de passer à travers quelqu'un, la main levée pour frapper à ma porte. Quelqu'un au travers duquel j'ai bien manqué de me rematérialiser, ce qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses...


"Klaus ?"


Je prends appui contre le mur, la spirale de mes émotions clairement visible sur mon visage, haletant comme je le peux, avec encore une forme d'effroi. Mais bordel, est-ce qu'il porte une combinaison de plongée, et un bonnet de bain ?


"Qu'est-ce qui t'arrive", me demande-t-il en tournant vers moi des yeux d'incompréhension. "Tu nous fais une Sigourney Weaver dans Ghostbuster ?"


Il se tourne vers la porte de la suite du Bison Blanc dans laquelle - lui - n'est encore jamais entré, et ses sourcils épais se froncent en dessous du couvre-chef en néoprène qui enferme sa manne de boucles insensée.


"Rien... rien...", lui dis-je en remettant mes bottes, car je ne suis pas capable d'autre chose, dans l'instant.


Je suis déjà en train de me demander si j'ai bien vu ce que je crois avoir vu, et si ce n'est pas mon cerveau épuisé qui a inventé de toutes pièces la vision de ce motif, là où il n'y avait rien d'autre que les lignes décoratives d'un objet industriel. C'est sûrement ça, d'ailleurs : ce tracé m'obsède tellement que je l'ai de nouveau probablement fantasmé.


"Ça va", lui dis-je. "Je crois que j'ai juste du mal avec le gros trophée de chasse du bison blanc".


Klaus n'est pas idiot, même quand il finit tous les fonds de verres restants au bar, en fin de soirée. Je vois bien qu'il se demande ce qu'il y a réellement là-dedans. Mais je ne peux pas l'emmener, pas maintenant. Pour le moment, j'ai juste envie de m'en éloigner, pour une raison paradoxale : jamais l'attraction que je ressens pour cette suite n'a au contraire été aussi immense. Je pense qu'il le devine sur mon visage, car il fixe à nouveau la porte, puis de nouveau moi, et me dit :


"Oui, moi aussi, la taxidermie me fait flipper. Mais il m'intrigue de plus en plus, ton petit nid douillet".


Je secoue la tête, vigoureusement, comme si je sortais moi aussi de l'eau glacée, attrapant son bras caoutchouteux pour l'entrainer un peu plus loin dans le couloir, tout en changeant de conversation.


"Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu fiches dans cette combi... Tu vas aller faire du tuba dans les chutes du Niagara ? Et d'ailleurs, tu as trouvé ça où ?"

Il hausse les épaules.

"J'ai emprunté cette merveille au placard des objets trouvés de l'hôtel. On dirait que mes capacités de crochetage sont intactes. Tu n'imagines pas les fringues merveilleuses que j'y ai dénichées, y compris plusieurs jolies chemises moutarde à fleurs, dont celle que je portais aujourd'hui. Je passe en mode Fashion Week, mon chou. Tu peux fouiller, toi aussi".


Je soupire, mais de le retrouver ainsi fidèle à lui-même m'aide un peu à me sentir mieux. Son caractère improbable est réellement quelque chose qui me tire vers le haut, et j'hausse un sourcil encore tremblant.


"La fashion week ? Vivienne Westwood fait une collaboration avec Scubapro ?"


Je réalise que je ne lui ai pas encore reparlé depuis qu'il est revenu de Pennsylvanie. Depuis que j'ai vu Granny, aussi. Il était endormi à l'arrière de la voiture lorsque Cinq m'a prise en stop un peu plus tôt, et m'a tout raconté. Mon coeur se serre tandis que je repense au fait qu'il n'a pas trouvé de trace de la dénommée Rachel, comme il l'espérait tant. Mais il a peut-être déjà passé une forme de cap dans sa déception, car il me semble perturbé, mais pas abattu.


"Tu as raison", me dit-il avec son air de raton-laveur dégingandé en bonnet de bain, tout en faisant un petit tour sur lui même. "Même si j'espère que la mode steampunk façon 'Vingt-mille lieues sous les mers' redeviendra tendance bientôt, parce que ça met plutôt bien en valeur l'essentiel. Mais non. Je fais des essayages en vue de ma mission d'infiltration de demain".

Je fronce les sourcils.

"Une mission d'infiltration ? Où ça ?"


Il me désigne la fermeture éclair de sa combi, dans son dos, pour que je l'aide à la remonter complètement. Je marque un bref arrêt, parce que j'ai l'impression qu'il porte en dessous un justaucorps en sky noir à bretelles, sous un short de bain bleu. Mais les associations vestimentaires de Klaus ne me font même plus me questionner. Et il me répond honnêtement.


"Tu sais, quand on s'est connus... Quand je chapardais des trucs à mettre en gage, dans le bureau de Papa..."


Je force un peu, mais la combi se ferme finalement. Bien sûr que je me souviens. C'est justement de cette façon qu'il avait rapporté le talon de chèque portant le nom de Rachel.


"... j'entrais directement dans son cagibi par les canalisations et le chauffage central de l'Académie. Et puis la même chose dans l'autre sens pour ressortir. Puisque toi, tu bosses demain... j'ai opté pour l'autonomie, et ce joli tuba".


Il a raison. Je ne pourrai pas le téléporter à l'intérieur demain, comme je l'ai fait quelques fois. Mais surtout, je me demande pourquoi il est déterminé à s'infiltrer à Hargreeves Mansion, alors que tout nous est hostile, là-bas.


"Qu'est-ce que tu vas y faire ? Klaus, Cinq m'a dit, pour Rachel. Pour toutes les autres aussi. Je ne crois pas que de chercher d'autres documents t'apportera quoi que ce soit de plus, maintenant. Surtout si l'apoc..."

"Non. Non", répète-t-il en se retournant. "Ce que je veux... c'est interroger Papa."


Ses yeux sont brillants, et pas moins déterminés qu'hier soir au Nexus. Mes paroles se bloquent dans ma gorge, et il ajoute, avec un sérieux qui me laisse figée sur la moquette du couloir :


"C'est juste quelque chose que j'ai besoin de faire, Rinny. Pouvoir au moins clore ce chapitre. J'ai besoin de savoir si la mort de nos mères est de son fait".


Ma poitrine s'affaisse un peu. Je sais comment on se sent, dans ces cas-là. Je sais que la recherche d'un coupable est un réflexe presque aussi naturel que le désespoir, visiblement même lorsqu'on n'a pas connu la personne, et qu'on s'accroche uniquement à l'espoir et à l'idée que l'on s'en était fait.


J'ignore ce que Klaus avait espéré, même en omettant l'idée qu'un double de lui puisse circuler. Que sa 'mère' lui ouvrirait sa porte et l'accueillerait à bras ouverts ? Qu'elle l'adopterait comme un fils, à presque trente-quatre ans ? Qu'elle lui donnerait toute l'affection dont il manque, et que moi, je suis passablement nulle à donner ? D'un coup, le bison blanc, le pachinko, le Grand Mystère et toute l'angoisse que j'ai ressentie me semblent loin. Et je soupire.


"Tu penses qu'il aurait pu provoquer leur mort... pour vous empêcher d'exister ?"

Mes sourcils sont bas, à présent, tandis qu'il me regarde fixement en retour.

"Il en est capable. Diego et Viktor le pensent. Et... Ils ont raison".


Je sais que Reginald Hargreeves l'aurait pu, et que le passif de tout ce qu'il a pu faire à Klaus et à ses frères et soeurs ne fait que renforcer le caractère plausible de cette hypothèse. Mais je l'ai entendu parler, plus tôt, ce vieil homme qui n'est peut-être pas aussi infaillible que ce que son ancien alter-ego laissait croire. Je pense au contraire que les porteurs de Marigolds sont précieux à ses yeux - même si j'en ignore la raison - et qu'il n'aurait possiblement pas fait ça. Non pas pour eux... mais pour lui.


"Et si ce n'est pas lui ?"


Klaus soupire, je vois qu'il ignore ce qu'il ressentirait et ferait, dans cette éventualité-là. Il peine à trouver ses mots. Je ne vais pas réellement essayer de le faire changer d'avis, sa démarche est de toute façon respectable. Tout ce qui m'importe - dans l'instant - est qu'il ne fasse pas quelque chose qui relancera son syndrome de stress post traumatique et détruira de nouveau ses nuits. Alors je cligne des yeux, et je lui demande la seule chose - au fond - qui me semble compter :


"Tu es sûr que tu veux lui parler ?"

Il secoue sa tête d'homme-grenouille.

"L'interroger, en réalité. Mais cette version de Papa est différente, Rin. Il m'a offert des biscuits, hier, pendant que les autres étaient occupés à s'envoyer des gnons".


Mes épaules tombent légèrement en entendant ça. Certes, j'ai moi aussi été témoin d'un Reginald affaibli, le dos un peu voûté, enfermé dans des routines et presque au service de ceux qu'il a élevés. Presque un valet ou un agent de maintenance, en ce qui concernait Christopher, n'ayant qu'une envie : de finir rapidement ses vérifications pour pouvoir retourner à sa télé, ses charentaises et son thé. Mais une fois encore, je me méfie de l'eau qui dort.


"Des biscuits ? Klaus, des biscuits n'ont jamais été une preuve de bonne intention !"

"Rin-rin, tu sous-estime le pouvoir de domination sur le monde des glucides. Et je ferai attention, je te promets. J'ai... J'ai besoin de réponses. Juste des réponses".


Je passe une main sur mon front. Depuis que nous sommes arrivés, j'ai le sentiment d'être tiraillée sans cesse entre la nécessité de recontextualiser mon existence, et le regret de ne pas pouvoir l'aider dans la quête de sa propre identité.


"J'aurais voulu venir avec toi. Mais c'est mon jour d'essai à la quincaillerie".

Il acquiesce avec une compréhension tintée de déception.

"Je sais, je sais. Ces derniers temps, tu as besoin d'air frais, et demain, tu seras brillantissime à la farandole des vis et des boulons. C'est juste... que je regrette un peu le temps où tu étais Indiana Jones, et moi l'Arche Perdue".


Je ris, un peu tristement, me demandant un instant s'il faut y voir une allusion grivoise ou pas. Mais bien malgré moi, je regarde de nouveau au fond du couloir, là où la porte de la suite du Bison Blanc semble encore m'appeler, faisant remonter un long frisson dans mon dos.


"Et au fait, Granny ?" me demande-t-il en me tirant à nouveau de mon trouble, comme s'il l'avait compris. "Je venais toquer à ta porte pour te demander comment ça s'était passé pour toi".

Mes lèvres se pincent.

"Je peux te raconter... mais seulement autour d'un demi-litre de café".


Cette journée a été longue, bien trop longue. Je n'arrive pas à croire que je vais bosser demain. Et pourtant, je veux qu'il sache tout, pour que ce qu'il est advenu de ma grand-mère... et de Christopher. Je serais incapable de le garder pour moi.


"Parfait", dit-il. "Pour moi ce sera un Irish Coffee".


Il me tire vers l'ascenseur, sa combinaison crissant un peu à chacun de ses pas. J'entre à sa suite, me demandant vraiment si son tuba va servir à quoi que ce soit, étant donné qu'il a déjà du mal à stabiliser sa respiration en plein air. J'appuie sur le bouton du rez-de-chaussée, et je me laisse finalement aller à un sourire sincère envers lui.


"Tu comptes te balader dans la rue comme ça, demain ? Sans aucun doute, tu feras forte impression..."


En pliant les genoux, il fait une petite révérence. Et en renfonçant quelques boucles fugitives sous le néoprène, il ajoute, comme pour me rassurer tandis que les portes de l'ascenseur se referment sur nous :


"Ne t'inquiète pas, je mettrai un imperméable par dessus. La foule de The City n'y verra que du feu".


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Notes :


Rin commence à se questionner sur la nature de l'Hôtel Obsidian, qui s'apparente à une machine, au coeur de la mécanique de l'univers. Elle ne comprend pas encore le lien avec elle, malgré cet attrait inné qu'elle possède pour les machines au travers de l'énergie, depuis la Saison 1. Et pourtant... ce symbole maintenant à son bras est aussi sur le pachinko de la suite du Bison Blanc.


Il est légitime qu'elle se demande où est sa place dans tout ça. Tout comme Klaus cherche encore la sienne, avec immense déception. Pourtant, la quête de Rachel le conduira bientôt à plus de compréhension sur lui-même.


Tout commentaire fera ma journée ! ♡

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