Une courbure de l'espace-temps (saison 3)
Repères chronologiques : cette scène s'insère comme une scène coupée de The Umbrella Academy, saison 3, épisode 1, autour de 26:34 (au moment où les Hargreeves se chamaillent pour entrer dans l'Hôtel Obsidian par la même porte rotative), puis autour de 35:52 (au moment de l'installation dans les chambres).
Soundtrack suggérée : Sherman Myers - Say you love me
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2 avril 2019, 13:18
À l'intérieur de la porte rotative de gauche, j'entends les Hargreeves se battre pour parvenir à se décoincer. J'ai opté pour celle de droite - seule - ce qui résume assez bien la dynamique que j'entretiens avec eux. Impassiblement, je les regarde pratiquement s'entasser les uns sur les autres en se faisant vomir par le tourniquet jusque sur le paillasson. Et tranquillement, les mains dans les poches, je passe moi aussi sous les hauts plafonds du lobby.
Tandis qu'ils se pestent les uns sur les autres, les regards des quelques personnes se trouvant là à cette heure se tournent vers eux, scrutateurs. Celui d'un couple en fourrures dégustant des cocktails derrière des lunettes fumées, d'un vieux groom poussant un chariot chargé. Ainsi qu'un homme barbu en veste de velours ressemblant à Hemingway, qui déplie immédiatement son journal, près des machines à café.
Rien n'a changé à l'Hôtel Obsidian, comme si le temps n'affectait pas ce lieu. Les hauts piliers de métal et de verre distillant une lumière bleue en contraste des lustres ambrés. La moquette, azur aux motifs d'étoiles orangées, la console en forme de fer à cheval qui abrite le standard téléphonique, les banquettes circulaires recouvertes de velours jaune, l'atmosphère tamisée. Sur la droite, derrière le comptoir du concierge où halète un petit carlin dodu, un poste de radio crache le swing vintage de Sherman Myers.
"Oh... Hôtel Obsidian..." s'émeut Klaus, à peine de nouveau sur ses pieds. "Tu m'as manqué, espèce de vieille salope !"
Je pourrais presque en sourire : c'est ce qu'on appelle ne pas être rancunier.
"Imprégnez-vous d'elle ! Accueillez-là dans votre petit coeur !"
Je secoue la tête, et - tandis qu'il continue son tour opérator en énonçant le palmarès historique des hôtes fameux ayant arpenté ces couloirs - je m'appuie contre l'un de ces piliers surréalistes, donnant pratiquement une note futuriste à ce design d'intérieur par ailleurs désuet. Mes yeux errent sur le bar lounge, bien caché sous une mezzanine abritant une petite galerie commerçante et une rangée de billards.
Comme par le passé, l'endroit me procure une impression étrange, qui me revient intacte au point que je n'écoute même plus Klaus déblatérer. Un sentiment à la fois enrobant et inquiétant, un étouffement sublime. L'impression d'être hors de The City, sans doute parce que les fenêtres opaques ne permettent pas de voir l'avenue. Ou peut-être est-ce parce que ce qui se passe en ce lieu - définitivement - y reste à jamais gardé secret ? D'une façon paradoxale, je me sens déjà à l'abri, même si un type étrange à la peau mate en tenue de soldat cavalier-léger australien me fixe en fumant une longue pipe.
"Vous venez ?"
Klaus me tire de mes pensées, et mes yeux tombent sur Viktor, dont l'expression est pour le moins médusée.
"Cet endroit est vraiment étrange", me dit-il tandis qu'Allison part pour téléphoner, et je ne peux qu'acquiescer.
"On en fait plus depuis les années vingt, des comme ça".
"Certains semblent apprécier".
Lui aussi a remarqué le couple en fourrures, la dame écartant un instant son cocktail pour glisser un mot à son compagnon, derrière ses lunettes noires. Ils semblent sortis d'un film noir tissé de fatalité, de trahison et de moralité ambiguë. Viktor hausse un sourcil tandis que nous suivons les autres.
"Toi aussi tu venais te défoncer ici ?"
Au moins, c'est demandé avec franchise.
"Non. Je suis juste venue ramasser Klaus en miettes, quelques fois, je n'y ai même jamais dormi".
Et je ne suis pas sûre que nous le puissions ce soir, car il y a un problème majeur qu'aucun de nous n'a soulevé : nous n'avons objectivement le moindre moyen de payer. Nous n'avons rien, dans ce temps, si ce n'est ce que nous portons sur nous. Et je soupire : je ne suis pas certaine d'avoir envie d'assister au désastre de négociation qui se profile, et je m'attends à devoir mettre les voiles et chercher une autre option.
"Si Klaus obtient des piaules, fais-moi signe", lui dis-je, quelque peu blasée. "En ce qui me concerne, il me reste seulement un dollar, et je compte bien le dépenser pour un bon café".
Tandis qu'il rejoint ses frères et soeurs sur la droite du lobby, j'oblique à gauche vers le bar qui semblait presque m'appeler. Avec son zinc anguleux derrière lequel s'alignent des bouteilles d'alcools, et ses chaises hautes de bois sombre reflétant les suspensions lumineuses orangées. Bullant mornement entre le Gin et le Whisky, se trouve un aquarium à homards : de l'autre côté, à toute heure du jour et de la nuit, est disponible un buffet.
Derrière la tireuse à bière, le barman n'est pas plus dégarni que la dernière fois que je l'ai vu, lui qui - d'une main experte - est en train de verser un Bourbon à un client en veste de cuir noir à franges. Je ne le regarde que rapidement, avec son chapeau à plume de rapace posé sur un bandana et ses lunettes noires, mais il me fait penser à une sorte d'hybride entre Iggy Pop et John Bon Jovi. Je m'assoie sur la chaise à sa droite, posant mon unique dollar sur le comptoir, en espérant que l'Hôtel Obsidian ne posera vraiment pas de question sur la date imprimée dessus.
"Je voudrais juste un café", dis-je en faisant abstraction de ce qui se passe dans mon dos au niveau de la Conciergerie, où j'entends le bourdonnement indistinct et ordinaire des Hargreeves.
"Un café, un".
Le barman ne regarde effectivement même pas mon dollar, et s'en va jusqu'au percolateur aux leviers chromés. D'un geste net, il en vide le porte-filtre en libérant une odeur de café moulu qui me prend tout de suite divinement au nez.
"Vous faites une entrée remarquée, toi et ta clique", constate factuellement mon voisin d'une voix de fumeur, et je le détaille enfin.
Avec ses cheveux longs, ses bracelets en os et ses colliers à plumes, il me semble associer à son allure punk-rock de sérieuses influences amérindiennes. Il doit avoir quelque chose comme cinquante ans, même s'il m'est très difficile de lui donner un âge. Je lui souris vaguement. Les originaux intemporels comme lui me plaisent assez.
"Nous venons de revenir à The City".
Ce n'est pas un mensonge, mais il ne me posait de toute façon pas de question. Je le sens presque satisfait de voir de nouvelles têtes, sur ces moquettes étoilées, et je lui demande :
"Vous êtes un habitué ?"
Il fait tourner entre ses doigts son verre de beau liquide doré et me répond simplement :
"Il y a une éternité que je sillonne ce couloir et ce lobby".
Je souris.
"Eux tous aussi, on dirait".
Je regarde de nouveau le vieux soldat australien dans les vapeurs de sa longue pipe, et le sosie d'Hemingway qui croise et décroise ses jambes derrière son journal. Dans l'escalier, deux dames avec des chats blancs dans les bras sont en train de converser. Et Iggy - car je ne saurais pas le nommer autrement - me regarde même si je ne vois pas ses yeux derrière ses lunettes.
"Toi non plus, ce n'est pas la première fois que tu viens ici".
Je fronce les sourcils.
"Effectivement, mais c'était il y a longtemps. Comment le savez-vous ?"
Il se redresse un peu sur sa chaise haute.
"Je te l'ai dit : il y a une éternité que je sillonne ce couloir et ce lobby".
Je suis un peu décontenancée, mais son attitude comme sa voix sont amicales. Tout comme l'ensemble du hall et probablement de l'hôtel, mon interlocuteur semble tissé de cette alchimie étrange, à la frontière de l'inquiétant et du rassurant.
"Ce n'est pas une époque que je regrette", lui dis-je en toute honnêteté. "J'ai surtout vu cet endroit comme une maison de passe haut de gamme et un fumoir d'opiacées".
Il reste immobile, puis me dit :
"Les Lakota disent que les secrets sont comme les pierres : certains sont lourds, et d'autres sont précieux".
A son poignet, il fait tourner l'un de ses bracelets de perles en os blanc, dont l'une est taillée à la forme d'un bison. Le percolateur fume, et bientôt le barman fait glisser vers moi mon café. La tasse est de porcelaine blanche, avec un unique sucre en forme de triangle et une petite cuillère ornée d'un motif en éventail et chevrons.
"Les Lakota sont pleins de sagesse", lui dis-je en portant le nectar noir à mes lèvres. "Je suis d'accord pour donner à cet hôtel une seconde chance".
D'un seul coup, les arômes saisissent mon olfaction. Une seconde gorgée, puis une autre. Putain, ce café est une merveille en comparaison de tout ce que j'ai pu boire à Dallas : je me rappelle maintenant pourquoi il est si bon d'être en vie. Et je comprends un peu ce que Klaus voulait dire en suggérant 'd'absorber l'atmosphère' de cet endroit : pour la première fois depuis des jours, dans ce swing désuet et cette lumière tamisée, je me sens apaisée. Je soupire d'aise, mais j'hausse les épaules :
"Enfin. Si mes camarades réussissent à nous obtenir des clés".
Le barman passe son torchon sur son épaule, puis appuie ses deux mains sur son zinc en faisant un mouvement de tête pour désigner ce qui se passe derrière moi.
"Il semble bien que oui".
Je me retourne brièvement et vois Viktor me faire un signe. Alors, je vide d'une traite la toute fin de ma tasse, avant de descendre de ma chaise haute.
"Merci pour ce moment, l'ami", dis-je sincèrement à 'Iggy'.
"Tokša".
Je ne parle pas le Lakota, mais je devine qu'il m'a souhaitée de nous revoir bientôt. Je souris, je renfonce mes mains dans mes poches. Et tandis que je me dirige vers l'ascenseur devant lequel est planté Diego, il soulève son verre de Bourbon comme pour porter un toast, et boit enfin.
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13:41
"C'est absolument HORS DE QUESTION, Klaus".
"Mais pourquoi ? Il y a un canapé dans la chambre d'Allison et Viktor ! Ou alors tu prends ma place dans le lit superposé, j'ai réussi à devancer Cinq et à avoir la couchette du haut. C'est mille fois plus confortable que quand on dormait sur les banquettes de Priscilla, ou en tas à douze ou treize sur des tapis."
Je m'appuie contre la tapisserie du couloir aux motifs foliacés d'un vert profond.
"C'est bien ça, le problème. J'ai assez donné. Deux ans de hippies, de bus, d'ashrams..."
"Ça y est, tu en as de nouveau marre de moi".
"Mais non ! Mais maintenant que je sais ce que ça fait que de retrouver une chambre à soi, il n'y a pas de retour en arrière, tu comprends ? Vraiment aucun. En plus, Allison ronfle, et Luther pète."
Nous nous taisons une seconde, le temps de laisser passer les dames aux chats, et Klaus concède, face à mon accès d'Hargreevophobie :
"Je ne peux pas nier ça. Mais allons, c'est quand même infiniment mieux que de dormir tout seul..."
Je soupire.
"Ça c'est ton point de vue, pas le mien".
Et je sais bien pourquoi. Klaus a toujours eu du mal à supporter la solitude et le silence. Se retrouver seul dans une chambre la nuit compte parmi les choses qu'il ne fait qu'en dernier recours, quand il ne peut l'éviter. Même encore maintenant qu'il parvient à mieux tenir les fantômes à distance. En ce sens, l'époque hippie lui convenait très bien. Mais moi, j'ai envie d'une nuit ou deux de silence et de calme, après les derniers jours que nous avons traversés. Mais il se penche, et adopte un air de connivence taquine.
"Toi, tu as envie de pouvoir te promener à poil sans être dérangée".
Et je proteste.
"Putain ! Ça aussi, c'est ton truc à toi !"
"Ah non. Moi, je suis extrêmement pudique. Jamais je ne montre pepperoni à la légère".
"Il n'y a bien que ça. Bref, peu importe. Ça n'a rien à voir. Je ne dors pas avec une horde de Hargreeves !"
"Rinny, ce que tu fais, ça s'appelle une moisissure argumentative. Il n'y a que deux Hargreeves dans cette chambre-ci".
Il désigne la chambre de Viktor et Allison, et je ronchonne.
"Deux, c'est déjà assez pour provoquer une nouvelle apocalypse".
Je croise les bras, mon air probablement plus fermé que jamais. Je sais que je ne devrais pas faire la difficile, que nos moyens de subsistance sont maigres, dans cette version de 2019, et que Luther s'est séparé de la précieuse montre offerte à ses treize ans par Reginald en tant que Numéro Un. La montre qui a - étrangement et subitement - déclenché l'obtention de ces chambres pour une semaine, avec une formule 'All Inclusive' imbattable comprenant location de voitures, spa, pressing et coiffeur-barbier. Mais vraiment, ma réaction est épidermique, sans doute parce-que je suis épuisée. Et Klaus lève au plafond ses paumes impuissantes, agitant 'Goobye' comme 'Hello' avec perplexité.
"Et alors, tu vas dormir où ? Tu as un plan, en dehors du placard à balais sous l'escalier, ou du panier de Mr Silvercrumb ?"
"Pennycrumb".
Ciel, non. En plus, je déteste les chiens de poche comme celui-ci.
"Je... je pourrais..."
J'hésite.
"Est-ce que tu as vu le tableau des clés, dans le lobby, Klaus ?"
Pris de court, il laisse retomber ses mains le long de ses hanches et fronce les sourcils, tandis que les dames aux chats blancs repassent, toujours en conversant sans que nous puissions comprendre au sujet de quoi. Et je le regarde de façon appuyée.
"En dehors des deux putains de dortoirs moisis qui vous ont été attribués, absolument aucune - aucune chambre - n'est en ce moment occupée. Il y a quelques noms sur le registre, mais toutes les clés sont à leur place".
Je lorgne dans le dos de deux femmes, les queues fournies de leurs beaux chats s'enroulant autour de leurs torses comme des plumets blancs. Et j'ajoute :
"... en dépit de tous les gens étranges qu'on croise dans les couloirs".
Klaus me fait signe de parler plus bas, puis me tire au fond du couloir, dans l'encadrement d'une porte de chambre fermée.
"Rin... Rin... Tu dois jouer le jeu. À l'Hôtel Obsidian, personne ne te posera jamais de question, personne. Alors tu ne dois pas en poser non plus. Il y a ici tout un tas de salons privés, je peux te dire qu'il s'y passe assez de choses pour que booker des chambres soit superflu".
Mes yeux se plissent. Je ne suis que modérément convaincue, et de toute façon, ces images mentales dérangeantes ne sont pas ma priorité.
"Peu importe que ces gens sont là pour... des enchères illuminati, des nuits blanches à sniffer de l'opium ou des orgies. Il y a des dizaines, voire des centaines de piaules libres dans cet hôtel ! À une époque, tu n'aurais eu aucun scrupule à invoquer la 'trève hivernale'".
D'un coup, son expression change du tout au tout.
"Ah ? Est-ce que tu serais en train de solliciter un consulting de ton expert-squatteur préféré ? Finalement, ton petit caprice pourrait bien me plaire."
Je finis par sourire en coin.
"Peut-être. Temporairement, en tout cas, parce que j'ai bien l'intention de me faire réembaucher à la quincaillerie de Rodrigo, et d'avoir de quoi payer à la fin de la semaine".
Il soupire dramatiquement, comme si mon zèle l'exaspérait, et mon regard se fait plus dur. J'ai bossé pendant la première apocalypse, la semaine de la seconde, y compris dans une Amérique et une époque qui n'auraient a priori pas voulu de moi. Bien sûr, je vais tout faire pour me faire réengager. Telle est ma résolution, peut-être même que j'essaierai cet après-midi. J'imagine que ça me donne l'impression de contrôler la situation.
"J'ai besoin de travailler, Klaus. De gagner à la loyale ma vie, mon logement et ma bouffe".
"Je sais, je sais. Chacun ses addictions".
"Mais en attendant... pour quelques nuits... Oui, je veux bien de tes services de 'maître squatteur', parce que j'ai décidé de bien pioncer".
Il retrouve le sourire, et vérifie rapidement que le couloir est vide à présent.
"Très bien. Les règles d'or d'un squat réussi sont".
Il énumère maladroitement sur ses doigts :
"La juste temporalité, la non-effraction : la porte doit avoir l'air parfaitement fermée et intacte, la minimisation des signes de présence... la mobilité rapide si tu te fais remarquer... Et la possession permanente d'une source de lumière - mais ici les néons de la façade font qu'on a toujours de la lumière partout."
Même si son ton est humoristiquement professionnel et léger, ses conseils me rappellent douloureusement l'époque où il devait sans cesse bouger pour échapper aux représailles de Mothers of Agony, et où il commençait à avoir épuisé l'ensemble des planques abandonnées de The City. Mais il ne me laisse pas m'appesantir sur ces heures sombres, et me tape sur l'épaule en murmurant plus bas :
"Toi, tu peux entrer dans n'importe laquelle de ces suites dantesques, sans même en effleurer le loquet. Ni vu ni connu : invisible et intangible, sans te faire repérer. Il te suffirait... de bien faire le lit le matin - pas de cheveux sur l'oreiller - de ne rien boire dans le mini-bar, et de ne pas marcher en talons. Mais tu n'as jamais emprunté les miens".
Il réfléchit.
"En fait, je ne suis même pas sûr que le service de ménage passe, si les chambres sont inoccupées".
J'étire un sourire en coin.
"De toute façon, j'imagine que le personnel de l'hôtel ne poserait pas de question, puisque c'est le principe, ici..."
"Exactement, tu as tout compris ! Mademoiselle Rose pourrait trucider le Colonel Moutarde dans l'une de ces piaules, cet endroit fermerait les yeux. Alors avoir un juste petit passager clandestin... C'est si excitant !"
Il glousse et m'adresse un regard entendu. Et je souffle : "Dans ce cas, tant qu'à faire, je vais me choisir une chambre un peu classe", ce qui le fait sourire avec jubilation.
"Tu vois, tu as des prédispositions à la vie de Bohème, arrête d'essayer sans cesse de te ranger".
Je secoue la tête : il sait que c'est peine perdue.
"Je te revaudrai tes services de consulting".
"Magnifique, j'ai plein d'idées".
Je ris doucement tandis qu'il s'éloigne en direction de son entrepôt à Hargreeves, sans doute d'ores et déjà malodorant et peut-être même partiellement détruit. Au minimum, je parie que Cinq aura profité de son absence pour lui piquer le lit du haut. Mais même s'il me fait un bien fou de le voir aussi enthousiaste - au plus joyeux depuis longtemps - je me méfie, quand il dit qu'il a des idées.
"Bien sûr, je m'accorde le droit de véto !", je lui crie à travers le couloir, et il éclate de rire avant de disparaître.
Je reste seule près des plantes en pot du fond du couloir, à sourire de façon idiote. L'euphorie d'être de retour en 2019 est en train d'achever de me saisir, moi aussi : celle de reprendre nos vies, même si ce n'est pas exactement où nous les avions laissées. Je regarde autour de moi, les accès aux suites plus luxueuses que toutes les autres chambres de l'étage. La porte de gauche ou de droite ? J'observe les petites plaques sur le bois sombre et brillant, et un nom attire mon attention.
La suite du 'Bison blanc'...
Je cligne des yeux, étrangement saisie par une forme d'appel que je ne comprends pas. J'hésite, et je repense au bracelet que 'Iggy' a fait tourner en m'adressant quelques perles de sagesse Lakota. Alors je souris, et je décide de suivre mon intuition. Je tourne la tête, je regarde les dames aux chats disparaître dans l'ascenseur.
Et alors - en me rendant intangible à peine trois secondes - j'entre dans ce qui sera mon squat de standing, pour les prochaines nuitées en tout cas.
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Notes :
Vous l'aurez sans doute remarqué en regardant la série, même si jamais elle n'élabore à leur sujet : il y a quelque chose de troublant et de profondément lié à la nature de l'hôtel, dans les personnages que l'on voit y circuler. Rin l'a remarqué, et elle a rencontré l'un d'eux, que ce soit au hasard ou non.
Je prends un plaisir fou à écrire l'Hôtel Obsidian, ses ambiances, son swing rétro, ses occupants. Si The Umbrella excellait autrefois pour une chose, c'était pour ses atmosphères, à leur paroxysme avec l'Hôtel et ses mystères.
Écrire Klaus au début de la saison 3 est également très plaisant, car son humeur est pour le moins radieuse, jusqu'à ce que la thématique des 'mères' prenne le dessus. En tout cas, si vous avez vu la série, vous savez que Cinq... aura fini par avoir le lit du haut.
Tokša !