Une courbure de l'espace-temps (saison 2)
Repères chronologiques : cette scène s'insère comme une scène coupée de The Umbrella Academy, saison 2, épisode 9, autour de 02:10 (après la déflagration de Viktor qui projette Klaus violemment à l'autre bout du couloir). TW : considérations au sujet de la mort, évocation d'EMI (expérience de mort imminente) ; mort mineure de personnages principaux (oui, c'est possible) ; référence à des usages de drogues.
Avant de lire ce chapitre, je recommande éventuellement de relire le chapitre de la saison 1 intitulé 'L'antichambre de l'au-delà'.
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Dans l'obscurité, nous ignorons tous à quel point nos corps nous pèsent. Nos âmes également, même lorsque nous avions le sentiment d'aller bien. La réalité est que chaque jour de nos vies nous afflige d'une charge de plus en plus lourde. Semaine après semaine, année après année, elles s'accumulent si nous n'en faisons rien : nous ensevelissent, nous écrasent, nous étouffent. Et nous n'en prenons conscience qu'au moment de nous en trouver libérés.
Je me suis toujours considérée comme une noix difficile à briser. Je pense avoir traversé quelques épreuves et avoir toujours tenté de me relever. De relever les autres autour de moi, aussi, dans nos chemins d'infortune. J'ai conscience d'avoir porté une partie du poids de l'existence de Klaus - en plus de la mienne - j'admets aussi sans mal avoir parfois manqué de m'y perdre. Mais je n'avais pas réalisé à quel point mon être en était marqué, fatigué, usé. Comme une corde élimée qui n'attendait finalement que de se rompre.
Ces deux dernières années, lui, avait cessé de me dire qu'il aurait été soulagé de mourir, ce qui était pour le mieux car - à chaque fois qu'il le faisait - il manquait de m'asphyxier un peu par ses mots. Quand vous donnez tout ce que vous avez pour quelqu'un, le suivez de squats en couloirs de désintox, de cellules de commissariats en apocalypses, quand vous luttez pour essayer de lui tirer un sourire autre qu'une façade au milieu de sa souffrance... et que vous entendez ceci en retour : je peux vous jurer que votre poitrine semble se fendre en deux. Et pourtant je comprends, maintenant. Je comprends ce qu'il recherchait sans cesse en défiant la mort par autant d'overdoses répétées que de nuit passées presque en hypothermie. Il espérait simplement que ce poids accumulé lui soit enfin enlevé.
Il m'a dit parfois qu'il n'y avait pas de 'bonne façon de mourir' : pas même dans son lit comme les gens le prétendaient. Qu'il pensait que l'on était toujours invariablement seul au moment de mourir, même accompagné. Une peur et une souffrance finale solitaires, paradoxalement euphorisantes à la fois, dont il était très difficile d'oublier la clarté si d'aventure on la frôlait. J'ai toujours pris avec précaution ses récits d'EMI. Mais j'imagine que c'est parce que j'ai réprimé le souvenir de ce qui m'est aussi arrivé dans le passé. En ce jour lointain, où Luther ne se rappelle même pas de m'avoir tuée.
La première chose que je retrouve est ce silence tranquille, uniquement traversé par le son de la brise et celui du vol des libellules. Ce sentiment de légèreté soudaine, tandis que j'ouvre les yeux. Je m’assois, je me lève, contemplant l'endroit luxuriant où je me réveille à présent. Je reconnais ces massifs, ces ruisseaux, ces étangs, dans la lumière irréelle qui baigne toute chose : sépia, presque monochrome. Oui, je les ai déjà vus, ces sentiers de gravier fin crissant sous le pas. Et ces serres, semblables à celles du jardin botanique Thao Cam Viên à Ho Chi Minh Ville, où ma mère et ma grand-mère avaient l'habitude de m'emmener lorsque j'étais enfant.
"Fait chier", est l'expression qui me vient. Car même si j'ignore tout de la nature de l'endroit où je me trouve, la perception qui me reste de ma propre énergie ne me trompe pas quant à un fait certain :
Je ne suis plus en vie.
Je soupire, assaillie sur le coup par la réalisation de ce que ma mort implique. De ce que je perds, de ce que je laisse. Je pourrais en trembler. Pourtant, je n'ai guère le temps de m'y attarder : soudain, ma contemplation est traversée par un mouvement différent de celui des carpes qui fendent l'onde claire, au milieu des iris d'eau.
Une robe d'été, un chapeau à ruban. Une jeune-fille - presque une enfant - arpente comme moi ce jardin aux parfums délicats. Je fronce légèrement les sourcils tandis qu'elle traverse un petit pont de bois : elle inspecte ce qui l'entoure avec un oeil critique, et possède cette assurance que l'on a lorsque l'on est parfaitement chez soi.
"Ces carpes sont plus nombreuses que la dernière fois", me dit-elle sobrement. Puis elle ajoute de façon toute aussi factuelle : "Il m'étonne toujours qu'autant d'entre vous apprécient les poissons".
Je cligne des yeux puis contemple moi aussi l'étang où ondulent les koï, paisibles et intemporelles, leurs écailles brillant de quelques reflets dorés. Oui, elles sont chères à mon coeur, à moi aussi.
"Elles semblent placides", lui dis-je alors que j'ignore en réalité à qui je m'adresse, "mais ma grand-mère disait toujours qu'elles sont aptes à déployer des prodiges de résilience, et capables de remonter tous les courants".
La jeune fille ne sourit pas, elle tourne juste vers moi son visage à la peau brune. Dans ses yeux noirs, il y a quelque chose de bien trop sage et ancien pour être en adéquation avec ses traits d'adolescente.
"Es-tu aussi de ceux qui croient que si elles arrivent à remonter les cascades, alors elles se changent en dragons ?"
Je laisse filer un rire discret.
"Pourquoi ? C'est important pour toi, ce en quoi je crois ?"
Elle hausse les épaules et regarde à nouveau en contrebas du pont, tandis qu'une filet de vent vient chasser les perles d'eau des feuilles de lotus.
"Pas vraiment, non" me dit-elle, "J'admets tout le monde. Presque tout le monde. Mais toi, tu n'as à nouveau droit qu'à un badge de visiteur".
Je fronce les sourcils, avec toutefois un sourire en coin,
"Est-ce que tu vas me foutre dehors ?"
S'ensuit un bref silence, où elle me semble bizarrement agacée.
"Oh non. Non. Moi, je te garderais bien, mais il y aurait conflit d'intérêt".
De nouveau, mes yeux se plissent, car je ne suis pas sûre de comprendre, mais elle est déjà en train de me faire signe de me retourner. Je place mes mains dans mes poches, je pivote sur moi même avec un scepticisme curieux, pour regarder derrière moi en direction d'un petit bois où s'agitent les lueurs discrètes des lucioles.
"Oh..."
Cette fois, mon interjection est celle d'une surprise touchée. Là, entre deux arbres aussi anciens que ceux du bosquet nord d'Argyle Park, se trouve une cabane dont la vue me saisit au coeur. Un toit de tôle ondulée, des fenêtres envahies par les herbes grimpantes. Une porte forcée, calfeutrée par un rideau tentant d'endiguer le froid qui - ici - n'existe pas. Sur le côté, la gouttière a été dérivée vers l'intérieur pour permettre la collecte d'eau de pluie. Ce cabanon de jardiniers abandonné et squatté, je le reconnaîtrais entre mille, même aussi ectopique qu'ici, au milieu des étangs du jardin Thao Cam Viên.
"Comment se peut-il que..."
Mais la jeune-fille n'est déjà plus là - comme volatilisée - et rien de ce que je vois ne me permet de deviner où elle s'en est allée. Je fixe de nouveau le cabanon où Klaus et moi avons passé tant de nuits autour de nos dix-neuf ans, et j'amorce un pas pour m'en approcher.
Quand - d'un coup - la porte s'ouvre en me faisant me figer.
"AH FICHTRE. Je le leur avais dit que je n'étais pas fait pour toutes ces conneries héroïques".
Mon menton tombe quelque peu. Il n'a plus dix-neuf ans. Il n'a plus non plus ses joues de gamin, sous pourtant les mêmes yeux de paradoxale innocence. Ses cheveux sont aussi longs que quand je l'ai quitté à la voiture ce matin, devant chez Allison. Marchant vers moi avec un soupir résigné, mais en aucun cas étonné, Klaus - bel et bien celui de 1963 - masse sa nuque au dessus de sa chemise texane préférée, vérifiant que ses cervicales sont en place.
"Rinny, j'ai cru que j'allais me faire déboucher comme une bouteille de Prosecco".
Mais ses vertèbres n'ont clairement rien, et la douleur - ici - ne me semble pas exister. Je le détaille, de sa tignasse à ses bottes.
"Qu'est-ce que tu fous là, Klaus. C'est toi le conflit d'intérêt ?"
Il manque de trébucher sur une racine et cligne de ses yeux couleur mousse.
"Eh, oh, ne m'engueule pas. Je me suis fait propulser en arrière par la même "Crise Viktorienne" que toi. Comme dans le Magicien d'Oz, mais avec... plus d'hématome sous-dural. Ah la vache..."
Il se masse encore la nuque par réflexe, et je comprends qu'il a du sévèrement valdinguer. Mais il soupire bruyamment, avec en réalité une expression de soulagement joyeux.
"Quand même, ce que ça fait plaisir de revoir ça !"
Ses longs bras se tendent vers le cabanon qu'il a squatté pendant des mois avant de devoir changer d'option, comme souvent au cours de ses années de sans-abri. Et il me fait me retourner pour le contempler quelques secondes avec lui.
"Il y a même ta cannette de café froid à l'intérieur. Sur la caisse de bière Bellwoods. Tu te rends compte ?"
Dans cet endroit, nous avons autant ri que pleuré, baignés en permanence dans l'odeur de la baraque à gaufres de l'allée d'à côté. Un lieu de festins de tacos chapardés, où nous avons aussi lutté contre bien des fantômes à la défaveur de nuits troublées. Où malheureusement, je l'ai aussi trouvé par deux fois inanimé dans les vapeurs de cuisson d'héroïne : mais - comme lui - il semble que je n'en garde que les souvenirs affectueux.
"En plus, t'es là. Bon sang, c'est la meilleure expérience de mort imminente qui me soit arrivé".
Je ne commenterai pas sur le terme "imminent", mais je viens d'arquer un sourcil sceptique tandis qu'il continue.
"C'est incomparablement mieux que la dernière fois, où mon père m'avait rasé de près avant de retourner au Rotary-club des fascistes morts".
"Je me rappelle".
C'est vrai. Je me souviens de son 'coup sur la tête', peu avant qu'une spirale de Hargreevismes et une courbure de l'espace-temps nous emportent jusqu'en cette ère où Elvis ne semble pas vouloir lâcher le haut des charts. Je remonte le sentier de gravier, en direction de l'étang.
"Alors tu te retrouves toujours dans des endroits comme ça..."
Il me rattrape sur le chemin, me regarde fixement tout en marchant... Puis me répond par une autre question.
"Pourquoi... toi non ?"
Je m'arrête. Il vient de demander ceci avec une extrême prudence, comme s'il tentait de me sonder, ce qui me trouble au plus haut point. Et il a ici une forme d'aisance qui me perturbe, comme si - lui aussi - était un peu chez lui. Et je bredouille :
"Je... Manquer d'y passer, c'est ta spécialité, pas la mienne. Moi, je n'en sais rien".
L'air qu'il affiche me trouble au plus haut point. J'ai toujours cru qu'il ne se rappelait pas la mission au cours de laquelle nous nous étions croisés. Celle pendant laquelle je suis certaine qu'il m'a ramenée à la vie d'une façon ou d'une autre, après le geste malheureux de Luther. Mais sa mine, en cette seconde, me colle un terrible doute, et encore plus lorsqu'il reprend :
"'Rien' comme nada, que nenni, Gar nichts ? Ou alors 'rien' comme quand le tube de dentifrice semble vide, mais que t'en trouves quand tu te donnes la peine d'appuyer ?"
Il ne me lâche pas du regard. Des années durant, j'ai essayé de lui parler de ce qui est arrivé, et voici que j'ai la soudaine impression que la situation s'est inversée ?
"Je..."
Ce balbutiement et le silence lourd de sens qui s'ensuit sont déjà une réponse en soi. Je baisse les yeux tandis qu'il me surplombe comme s'il m'accompagnait bizarrement dans cet aveu.
"Si. C'est arrivé une fois. J'étais juste certaine... que tu ne t'en souvenais pas".
Et il rit en se remettant à marcher vers l'eau claire et le petit pont, avec un large sourire et la désinvolture de celui qui profiterait maintenant d'une promenade dominicale.
"Tu te souviens, Rin, quand je t'ai dit que mon cerveau était une foutue éponge bouffée à l'acide".
Je le suis en trottinant à côté de lui, mes jambes étant bien plus petites que ses longues cannes. Il ne me regarde pas mais il dégage malgré tout une attention tranquille, entièrement dirigée vers moi.
"Tu m'as répondu que ma mémoire fonctionnait sur des détails inattendus. Et bien il y en a un..."
Il sursaute soudain et chasse de façon agitée une libellule qui vient de tenter de se poser sur son bras.
"Saletés. Bref. Il y en a un - de détail - qui m'est revenu souvent, pendant tous ces derniers mois d'absurde sobriété et de méditation..."
Je ne dis rien, je le laisse finir. Et il s'arrête pour finalement me regarder, là en bas.
"Est-ce que ta crête était teinte en orange, ce jour-là ?"
Mes yeux s'écarquillent. Parce qu'il s'agit en réalité de la dernière fois où j'ai porté cette couleur pour mes provocantes coiffures punk de l'époque. J'ai par la suite donné dans le bleu, le rose, le violet. Mais jamais - jamais - je ne suis revenue au orange : je ne l'ai jamais pu, après la violence de cet événement pour moi. Mais alors, il l'avait remarquée... même si elle était largement planquée dans ma capuche. Et le lien avec mon invisibilité... il a fini par le faire.
"Alors tu te rappelles..."
Il sourit les lèvres fermées. En coin, seulement du côté droit.
"Rinny, tu sais que je suis comme un chien renifleur de coke, quand une âme expire. J'ai juste... mis du temps à comprendre que c'était toi".
Je souris et je prends son bras pour marcher. Il est si rare que nous parlions sans que rien n'interfère d'autre que le bruit du vent et des insectes, même si ce ne sont que les mirages de l'au-delà.
"Tu m'as ramenée à la vie..." lui dis-je.
Directe et franche, sans chercher à paraphraser ou compliquer mes mots. J'ai décidé d'en terminer avec les faux semblants à ce sujet, maintenant. Mais il fronce très légèrement ses sourcils épais et secoue la tête lentement.
"Non, je ne crois pas".
Cette réponse non plus, je ne m'y attendais pas. Comment ça, 'il ne croît pas' ? C'est un fait : jusqu'à ce matin, je suis en mesure d'affirmer que j'étais bel et bien en vie, mais il ajoute :
"Je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de plus qu'avec les salopards spectraux que je conjurais à l'époque. Vraiment. Mais ça me fait dresser les poils, quand tu me surestimes - tu peux le refaire, s'il te plaît ?"
Je ris doucement tandis que nous passons l'une des hautes serres où s'ouvrent les orchidées, mais il continue :
"Non, je pense plutôt... qu'une fois conjurée sous forme de spectre, toi tu as été capable..."
Et je termine sa phrase, dans une forme de réalisation :
"... de recanalyser mon énergie à l'intérieur mon corps".
Je fais maintenant le lien avec ce que Ben a murmuré, à savoir que - lui - n'avait pas pu être ramené à la vie parce que les circonstances étaient différentes... et parce que son pouvoir 'n'était pas le mien'. Agir sur mon énergie et ma matière est ce que je fais au quotidien, lorsque je me rends intangible ou invisible, et Klaus pourrait bien avoir raison : j'ai probablement été capable de simplement 'remettre à sa place' l'énergie spectrale qu'il a ramenée. Il n'a fait qu'utiliser son pouvoir de façon ordinaire, et moi aussi. Mais nous l'avons fait... de façon conjuguée.
"Alors je suis autant responsable de mon retour que toi..."
Il hausse les épaules de façon faussement angélique.
"Les officiers de tous les postes de police de The City le savaient - à notre grande époque - qu'un-par-un nous étions pénibles... et qu'à deux nous étions une menace..."
C'est un rire léger qui m'échappe. Je n'avais jamais imaginé l'éventualité de combiner nos pouvoirs, tout comme je pense que les Hargreeves ne l'ont jamais fait entre eux. Ils avaient déjà un mal fou à collaborer, avant ces jours-ci. Une 'juxtaposition de gens seuls', comme je l'ai dit à Raymond. Mais à présent, j'effleure à quel point nous pourrions aller loin. Deux à deux, tous ensemble. Et au fond de moi, s'agite l'idée que c'est exactement ce genre de bénéfices que Reginald Hargreeves espère générer, en nous recommandant de faire équipe.
"Tu veux dire... un fléau..."
Nous rions de nouveau tandis qu'il ignore une autre libellule, mais - soudain - son expression change et il ralentit son pas. Son mon bras, je sens son tonus changer, comme si ses jambes étaient en train de le lâcher.
"Évidemment", soupire-t-il. "Juste quand je commençais à m’habituer à toutes ces bestioles..."
Autour de nous, les carpes passent en silence, insensibles au fait que Klaus est maintenant obligé de s'asseoir au sol pour ne pas tomber.
"Qu'est-ce qui se passe...", je lui demande, alors que je devine que sa vision s'obscurcit.
Il pose une main parfaitement tangible sur celle avec laquelle je tient toujours son bras.
"Rien. C'est toujours comme ça avec ces EMI. C'est juste le moment... de retourner en scène".
Et il se hâte de parler, car je devine que les secondes sont comptées.
"Je peux te conjurer, j'en suis sûr. Tu feras... simplement comme la dernière fois. Si la Terre n'a pas été calcinée entretemps".
"Klaus..."
Mais il ferme les yeux, serrés à s'en plisser. Il ne peut plus m'écouter, et je sens qu'il s'en va. Je le sais, qu'il est de nouveau capable de conjurer des fantômes, comme avant qu'il ne commence à faire couler toutes ces substances chimiques dans ses veines. Comme à l'époque des premières missions de l'Académie, qu'il a progressivement laissées derrière lui. Mais il y a une différence de taille, par rapport au temps où ma crête était orange.
"KLAUS, CE N'EST PAS COMME LA DERNIÈRE FOIS", j'essaye de lui crier alors que ma main passe maintenant au travers du parapluie sur son avant-bras.
J'étais sous forme intangible au moment où Viktor a provoqué cette déflagration : je n'avais pas de matérialité, pas de réalité corporelle. J'ai tout simplement été dissipée dans l'énergie, comme une bouffée de fumée dans une bourrasque. Je n'ai pas laissé de corps derrière moi, et j'ignore si...
"KLAUS, PUTAIN !"
Entre mes mains, dans l'atmosphère monochrome redevenue tranquille, il n'y a déjà plus que l'air immobile. Un seul clignement des yeux, il s'en est retourné là dont nous venons.
Je m'assoie, seule au milieu des herbes qui se balancent dans la brise. Malgré la tranquillité éternelle de cet endroit, même si ce lieu est sans aucun doute l'idée la plus belle que j'aurais pu me faire de l'au-delà, je tremble à l'idée de rester là. Ma tête tombe sur mes genoux relevés, et si j'avais eu des larmes, j'aurais possiblement pleuré.
Je ne sais pas combien de temps passe dans le monde des vivants, peut-être une seconde, peut-être une année. Pour pour moi - bientôt - quelque chose de nouveau vient de nouveau me faire ouvrir les yeux.
Un appel.
Irrépressible.
Impossible à ignorer.
Une force d'attraction inexorable à laquelle aucune âme défunte ne pourrait et ne voudrait résister.
Wayne Wilson a un jour dit que - pour les morts qu'il attire ou conjure - Klaus est littéralement 'comme un phare dans la nuit'. Je ne suis maintenant plus rien d'autre que l'un d'entre eux : un papillon enivré, une flamme infime que lui-seul est capable d'attiser. Je relève les yeux une dernière fois vers le ciel qui n'en est pas un, au dessus du jardin.
Tandis que ma vision vire au noir d'encre, je me laisse conjurer. Glisser.
Vers l'endroit où je sais qu'il sera.
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Notes :
J'ai exploité la violence du choc infligée à la tête de Klaus lors de la déflagration de Viktor, et sa perte de connaissance juste après qu'il ait vu partir Ben en direction du fond du couloir. J'implique ici qu'à cette occasion, il ait pu une nouvelle fois (temporairement) mourir.
Même si la tentative échouera, la saison 3 nous donnera l'occasion de contempler que les Hargreeves (en famille élargie) sont capables de contenir temporairement un kugelblitz entier, lorsqu'ils conjuguent leurs pouvoirs. C'est la même idée qui régit ici ce que vous aviez possiblement senti venir : que ce soit par l'association des aptitudes de Klaus et Rin que cette dernière ait pu revenir à la vie. Un arc que je déroule depuis la saison 1.
Ce chapitre me permet aussi d'élaborer la question des espaces personnels de chacun dans l'au delà, et ce qui se passe pour les esprits lorsque Klaus les invoque. Cette attraction inexorable. Et - non - il n'a toujours pas compris qu'il ne s'agissait pas d'EMI...
Comme Rin le devine, la situation est différente par rapport à son premier 'retour'... Qu'adviendra-t-il d'elle, à présent ?