Malédiction.
« El ! »
Je me réveillai en sursaut, manquant de tomber du lit. Dans la pénombre, je vis Zac penché vers moi.
« Qu'est qui a ?
Tu faisais un cauchemar. »
Je clignais des yeux puis sentis les larmes sur mes joues. Encore ? Cela m'arrivait de plus en plus fréquemment.
« De quoi s'agissait il ? Chuchota mon oncle.
Je... ne sais plus.
Tu ne te souviens de rien ?
Non... »
Il soupira et se rallongea. J'essuyais mes larmes et hésita. Maintenant que j'étais éveillée, allais je retourner dans mon lit ? J'en tremblais de peur : souvent, lorsque je dormais seule, je me réveillai en hurlant. Une main caressa mes cheveux.
« Rendors toi, je te réveillerais si ça se reproduit. »
J'acquiesçais et me blottis contre lui.
Mais le sommeil me fuyait.
Au bout d'une minute, je chuchotais :
« Ça t'est déjà arrivé ?
De quoi ?
De faire des cauchemars tellement horrible que tu en pleurais...
Oui. À peu près à ton âge.
Ah ? Et tu t'en souvenais ?
Jamais. (Il sembla hésiter.) Sauf vers la fin.
La fin de quoi ?
De ma dix septième année. »
Je fronçais les sourcils, perplexe.
« Pourquoi ?
Je suppose que... (Il se tut.)
Que quoi ?
Que j'avais assez grandit pour en affronter le contenu.
Tu en as refais, depuis ?
Quelques fois, il m'arrive d'en refaire, oui.
Ils parlaient de quoi ? »
Il ne répondit pas.
« Zac ?
Tu devrais dormir.
Je n'y arriverais pas. J'ai trop peur. Enfin, j'ai l'impression d'avoir trop peur. »
Un frisson me parcourut. Il entoura mes épaules de son bras.
« Je suis là, tu n'as pas à avoir peur.
Zac... Pourquoi tu ne veux pas en parler ?
C'est... Il faut que tu t'en rappelles de toi même. Si je te raconte les miens, tu... Enfin, tu penseras que ce sont les mêmes et tu ne découvriras pas vraiment ce qui te fais vraiment peur à toi mais plutôt ce qui me terrifiais moi.
Ah... »
Je l'entendis soupirer.
« Zac ?
Oui ?
Pourquoi tu n'as pas de petite amie ? »
Je me mordis aussitôt la langue. La question avait fusé dans mon esprit et je n'avais pas pu la retenir. Mais ça m'intriguait depuis toute petite. Et puisqu'il avait répondu à beaucoup de mes questions...
« Sophie les fait toutes fuir » Plaisanta t il.
Je pouffais.
« Nan, sérieux, pourquoi ?
Je... (Il chercha les mots.) Je ne sais pas. Je n'arrive pas à m'engager.
C'est parce qu'on te prend trop de ton temps ?
Pas du tout. Mais je pense qu'elle ne comprendrait pas notre famille. Et vous êtes au dessus de tout, pour moi.
Claire nous comprend très bien.
C'est différent avec elle.
C'est pour ça que ma mère n'est pas resté avec mon père ? »
ça me faisait drôle de dire « mon père » à haute voix.
« C'est un peu plus compliqué, répondit il avec hésitation.
Je suis assez grande maintenant, répliquais je.
Oui, mais il devrait plutôt t'en parler lui-même.
Il ne parle jamais, Zac. Jamais de ça. Jamais d'elle. Jamais de moi, non plus.
Ta mère... aimait vraiment John. Très fort, je dirais.
Alors pourquoi...
Tu devrais vraiment dormir.
Zac ! »
Il me serra un peu plus contre lui.
« El, ce n'est vraiment pas à moi de t'en parler.
Tu es le seul qui me parle normalement. Je ne me plains pas mais j'aimerais, quelques fois, que l'on ne me mette pas autant à l'écart ! »
Je me dégageai de son bras et lui tourna le dos.
« El... »
Je ne répondis pas. Je savais qu'il n'aimait pas que je sois fâchée contre lui.
« El, s'il te plait... »
Non, c'est non. Mon cauchemar m'avait mis sur les nerfs.
« D'accord. John ne pouvait pas rester avec elle. Elle avait été élevé trop différemment et refusait de vivre avec la famille.
Et papa n'a pas voulu quitter grand mère ?
Il ne peut pas. Aucun de nous ne le peut.
Lâches.
Ce n'est pas ça...
C'est à cause de ce qui nous a pousser à déménager ? »
Il me retourna brusquement vers lui, ses yeux verts cherchant les miens.
« Tu sais que nous sommes capable de dire non à Sophie. Je l'ai déjà fait et toi même, tu le fais tous les jours. Ton père l'a fait en sortant avec ta mère. Il l'a fait en quittant la maison pendant quelques mois. Je ne peux pas te raconter les détails, mais il a mis la vie de ta mère et la sienne en danger. Ta mère ne l'a pas supporté et l'a quitté. Il est revenu, et quelques mois après, elle s'est ramené ici avec toi. Elle ne voulait plus être lié à nous. Et tu nous liais à elle.
Tu veux dire que...
Bon, il y avait aussi le fait qu'elle ne pouvait pas t'élever décemment et qu'elle était consciente que ta vie serait bien meilleure avec nous. »
Je me tus. Il avait raison, je n'aurais pas du l'entendre de sa bouche. Pourtant, il enchaina, lancé.
« C'est en partie pour éviter le même scénario que je n'arrive pas à m'engager.
Il n'a pas cherché à la retenir ?
Il avait déjà essayé. Mais comme il t'avait toi, cela à suffit à diminuer sa peine. (Il se détendit, desserrant son étreinte sur mes épaules.) John n'est peut être pas démonstratif, mais il t'aime plus que tout. Comme Sophie. Comme Jacob.
Même Katy et Bridget ?
Même elles. Tu es leur substitut de fille.
Et pour toi, je suis quoi ?
Tu es... comme une sœur. Dès que tu es arrivée, je... n'ai pas pu m'empêcher de t'aimer aussi fort. »
Je fermais les yeux et me blottis contre lui.
« Merci.
De quoi ?
D'être mon frère. D'être là. De me parler. Merci pour tout.
D-de rien...
Je ne t'embêterais plus. Mais c'est que... Je suis consciente que cette famille a des secrets. Qu'il y a des vieilles histoires qu'il ne vaut mieux pas remuer. Mais j'en suis membre, moi aussi. Et des fois c'est dur d'être à l'écart. »
Il ne dit rien et cala son menton au dessus de mon crâne. Je ne me rappelais plus à quand remontait la première fois que j'avais dormi avec lui. Peut être à mes cinq ans. Mais ce geste était le seul qui me calmait vraiment.
« El ?
Mmh ?
Tu sais que c'est pour ton bien ?
C'est bien pour ça que je n'y pense jamais. »
Son torse vibra sous son rire silencieux.
« Quand Sophie penseras que tu es prête, elle te racontera toutes nos vieilles histoires.
Grand mère est vraiment un tyran, hein ?
Oui, mais un tyran bienveillant. »
Je hochais le menton. Une autre angoisse m'enserra le cœur.
« Tu penses qu'elle m'autorisera à avoir des amis, ici ?
Seulement s'ils ne fuient pas la première fois qu'ils viendront ici.
Je ne les emmènerais pas alors.
Même pas à moi ?
Surtout pas à toi !
Méchante. »
Je souris avant que le sommeil ne daigne enfin de cesser de me fuir... [désolée, j'ai un peu la flemme de changer les puces par des tirets... ]