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Chapitre Quatrième : Angoisse
L’après-midi fila à toute allure.
Bella fut stupéfaite lorsque deux berceaux furent livrés et installés, sur l’ordre d’Edward, dans la chambre située face à la sienne. On apporta également des chaises hautes, convenant à des nourrissons mais adaptables par la suite à des bambins, accompagnées de cartons et de paquets de toutes les formes et de toutes les tailles.
- Ce n’est pas nécessaire, protesta-t-elle. Nous n’allons passer que deux jours ici.
- Peut-être, mais ce sera plus agréable, répondit Edward.
Le dîner fut plaisant.
Les enfants étaient confortablement assis dans leurs chaises neuves et Esmé fit l’essentiel de la conversation.
En revanche, Edward demeura silencieux la plupart du temps, l’observant d’un air énigmatique qui ne fit qu’ajouter à la nervosité de Bella.
Après dîner, ils se réunirent dans le salon et se mirent à décorer le sapin. Esmé fournit du coton et des aiguilles pour enfiler le pop-corn et les baies fournies par Lauren, tandis qu’Edward déplaçait les chaises hautes afin d’installer les jumeaux aux premières loges.
- Si je m’occupais des guirlandes électriques ? suggéra-t-il.
Esmé sourit à Bella.
- Il est prêt à tout pour éviter de se servir d’une aiguille et de fil, ironisa-t-elle.
- La couture est un travail de femme, affirma Edward.
- Oh ! Têtu et sexiste ! Quelle surprise ! lança Bella avec humour.
- Je ne suis pas sexiste ! C’est juste que je n’aime pas les aiguilles.
- Ok. Têtu et douillet alors ! le taquina Bella.
Esmé éclata de rire.
- Enfin une femme qui peut te remettre à ta place, Edward !
Il la regarda, remarqua Bella. Dans les profondeurs de ses yeux brillait une lueur de désir qui trouva aussitôt un écho en elle.
- Aïe ! Je me suis piquée.
Comme elle portait le doigt blessé à ses lèvres, Edward déglutit.
- Et voilà pourquoi je n’aime pas les aiguilles, marmonna-t-il en se penchant sur les luminaires.
Il y avait quelque chose entre eux, songea Bella. Elle n’était pas amoureuse de lui et ne le connaissait pas assez pour savoir au juste ce qu’elle pensait de lui.
Mais l’attirance physique était indéniable.
- J’ai toujours voulu un arbre comme celui-ci, dit Esmé. Tout simple, comme autrefois. Carlisle Senior aimait le clinquant et le tape-à-l’œil.
Un petit sourire se dessina sur ses lèvres.
- Le mot « simple » n’était pas dans son vocabulaire.
- Il vous manque, murmura Bella doucement.
Esmé se cala contre les coussins du canapé, souriant toujours.
- Il était têtu comme une mule, et il fallait parfois avoir une patience d’ange pour le supporter, et pourtant, oui, il me manque chaque jour.
Elle porta une main à sa poitrine.
- Mais il est encore là.
Bella la regarda, le cœur serré. C’était cela qu’elle voulait, un amour tel que celui qu’Esmé et Carlisle Senior avaient partagé, un amour qui durerait toute l’éternité.
- Je suis désolée, souffla-t-elle en couvrant la main d’Esmé de la sienne.
Esmé sourit et lui pressa la main, puis la lâcha et se remit à enfiler du pop-corn.
- Merci. Je regrette seulement qu’il ne soit pas là aujourd’hui pour voir ses petits-enfants. Il aurait été si heureux !
Il y eut un bref silence, puis Edward prit la parole.
- Je compte aller en ville demain matin. Je me demandais si tu voudrais m’accompagner, Bella. Maman peut garder les enfants pendant une heure ou deux.
- J’en serais ravie, affirma Esmé.
Bella hésita. Elle n’avait jamais confié les jumeaux à personne depuis leur naissance.
- Oh, je ne sais pas…
- Je vous promets de ne pas les maltraiter et de ne pas les enchaîner à leurs lits, reprit Esmé doucement.
Bella se mit à rire.
- Je n’ai pas pensé à ça une seconde, affirma-t-elle en se tournant vers Edward. Tu n’as pas peur de sortir alors qu’on a tiré sur toi… sur nous… hier soir ?
- Je me refuse à être un prisonnier dans ma propre maison, répondit-il d’un ton empreint de détermination.D’ailleurs, mes hommes surveillent la propriété et nous ne risquons rien en ville. Personne n’oserait m’attaquer au milieu de tant d’autres gens.
Bella était partagée. Bien que réticente à l’idée de laisser les garçons, elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine excitation à la perspective d’une sortie en ville en compagnie d’un adulte. D’un autre côté, elle était surprise qu’Edward semble traiter à la légère la menace qui pesait sur lui.
- Comme je te l’ai déjà dit, je ne crois pas que ma vie soit en danger, insista-t-il. Je suis persuadé qu’on essaie seulement de me faire peur.
- Très bien. Je viendrai avec toi, dit-elle, se demandant aussitôt si elle ne commettait pas une nouvelle erreur.
- Parfait. Nous partirons après le petit déjeuner et nous serons de retour avant midi.
- Tout ira bien, mon petit, affirma Esmé en tapotant la main de Bella. Je me souviens de la première fois que j’ai laissé Edward avec quelqu’un d’autre. Il devait avoir l’âge des jumeaux, et Carlisle Senior avait décidé que j’avais besoin de sortir un peu.
Elle se tut un instant, perdue dans ses souvenirs.
- En l’espace de deux heures, j’ai dû téléphoner une dizaine de fois pour vérifier que tout se passait bien. En fin de compte, Carlisle Senior m’a ramenée à la maison.
Bella sourit.
- Ils arrivent à un âge où il suffit de cligner de l’œil pour manquer un moment important.
- J’en ai déjà trop manqué, lança Edward d’un ton quelque peu véhément.
Bella l’observa à la dérobée. Elle était sûre qu’il ferait un père merveilleux. Ses yeux débordaient d’un amour farouche lorsqu’il contemplait Anthony et Nessie. C’était insensé, mais une petite partie d’elle regrettait qu’il ne la regarde pas de la même manière…
Elle refoula aussitôt cette pensée stupide. Edward était un célibataire endurci. Et s’il décidait un jour de se marier, il pourrait faire son choix parmi un harem de femmes aussi séduisantes que fortunées.
Il aurait été ridicule de se bercer d’illusions à son sujet, même si Edward avait affirmé qu’ils étaient liés à jamais par l’existence des jumeaux. Leur relation n’irait pas plus loin que cela.
La sonnerie du téléphone interrompit ses réflexions. Edward se leva pour aller répondre, laissant Bella avec sa mère. Elle se tourna vers la femme qui l’avait traitée avec tant de gentillesse.
- Je n’ose pas imaginer ce que vous pensez de moi, murmura-t-elle.
Esmé sourit.
- Je ne voudrais pas que quelqu’un se penche sur certaines choses que j’ai faites dans ma vie et porte un jugement, dit-elle simplement. Je ne vais certainement pas le faire en ce qui vous concerne.
- Merci, répondit Bella avec reconnaissance.
Elle se prit à imaginer combien la situation aurait pu être douloureuse, et n’en éprouva que plus de gratitude envers Esmé et Edward pour leur accueil et leur acceptation enthousiasme des jumeaux.
Comme il entrait dans la pièce, Anthony éclata d’un rire sonore. Edward se figea, ravi et émerveillé.
- Qu’y a-t-il de si amusant, bonhomme ? demanda-t-il en se penchant pour ramasser le hochet que le bébé avait fait tomber.
Il lui tendit le jouet, qu’Anthony se hâta de laisser tomber de nouveau, avant de regarder Edward en riant. Edward l’imita, ramassa le hochet et le lui rendit. Une fois de plus, Anthony le lança par-dessus le rebord de sa chaise haute.
Bella se mit à rire.
- C’est son nouveau jeu et il y jouera aussi longtemps que tu voudras.
Les yeux d’Edward pétillèrent, pleins d’une chaleur qu’elle n’y avait pas vue auparavant.
- Ils sont fantastiques, n’est-ce pas ? Il est déjà évident qu’ils sont intelligents.
Bella sourit, amusée de le voir en papa fier de sa progéniture, certain que ses enfants étaient plus adorables et plus intelligents que tous les autres bébés du monde.
Le reste de la soirée passa vite. Ils burent du chocolat chaud et habillèrent l’arbre de guirlandes, avant d’ajouter des ornements. Esmé connaissait l’histoire de chacun d’entre eux et Bella l’écouta, sous le charme.
- Et j’ai acheté ceux-ci cet après-midi, ajouta Esmé en prenant sur la bibliothèque une boîte que Bella n’avait pas remarquée jusqu’alors.
Elle retira le couvercle et en sortit des ornements qu’elle tendit à Bella.
C’étaient deux petites figurines, l’un de cow-boy et l’autre de princesse, qui portaient chacun l’inscription Le premier Noël de Bébé. L’espace d’un moment, Bella les fixa, le cœur trop gonflé d’émotion pour parler.
- Je ne sais pas quoi vous dire, parvint-elle enfin à articuler, refoulant les larmes qui lui montaient aux yeux. Encore une fois, merci pour votre gentillesse.
- Choisissez un bel endroit et accrochez-les sur l’arbre, dit Esmé. C’est le début d’une nouvelle tradition. Chaque année, il y aura un nouvel ornement à ajouter à la collection des enfants. Quand ils quitteront la maison et qu’ils auront leur propre sapin, ils pourront les emporter.
Bella se leva et s’approcha de l’arbre, sentant le regard d’Edward posé sur elle. Il l’avait observée tout au long de la soirée, avec une intensité qui la troublait.
Une folle attraction existait entre eux, un désir brûlant pareil à celui qui les avait jetés dans les bras l’un de l’autre le soir de la tempête de neige. Elle le lisait dans ses yeux, et l’air semblait se charger d’électricité chaque fois qu’il était proche d’elle.
Elle accrocha les ornements. Presque aussitôt, Anthony commença à s’agiter.
- Il est l’heure de les coucher, déclara-t-elle en le prenant dans ses bras.
Edward se pencha sur Nessie.
- Je m’occupe d’elle.
- Je vais vous souhaiter bonne nuit aussi, annonça Bella en se tournant vers Esmé. Merci pour cette merveilleuse soirée. À demain matin.
Esmé déposa un baiser sur le front de chaque bébé et sourit à Bella.
- Dormez bien, mon petit.
Bella gravit les marches de l’escalier, consciente de la présence d’Edward sur ses talons. Elle sentait son odeur si masculine, si tentante.
Il était plus facile de maîtriser l’attirance qu’il lui inspirait lorsqu’Esmé était là, songea-t-elle.
Quand elle se retrouvait seule avec lui, elle ne pouvait s’empêcher de penser à la caresse de ses lèvres sur les siennes, au vert électrique de ses yeux lorsqu’il l’avait possédée ce soir-là.
Anthony dans les bras, elle entra dans la chambre en face de celle où elle avait dormi la veille. Les deux berceaux étaient prêts. Les jumeaux étaient déjà vêtus de leur pyjama. Il ne restait plus qu’à les changer.
- Tu peux déposer Nessie dans son lit, dit-elle à Edward. Je me charge du reste.
- Qu’y a-t-il à faire ? demanda-t-il.
Elle sourit tout en dégrafant le pyjama d’Anthony.
- Mettre des couches propres.
- Donne-m’en une et je vais m’occuper de Nessie, répondit-il.
Bella le regarda, surprise.
- Je manie du bétail, fit-il en souriant. Je pense pouvoir venir à bout d’une couche.
Quelques minutes plus tard, les bébés étaient changés et à demi endormis. Bella déposa un baiser sur leur front, puis gagna le seuil et appuya sur l’interrupteur, après avoir pris soin de laisser une veilleuse allumée dans un coin de la pièce.
Edward et elle sortirent sans bruit dans le couloir.
- Et maintenant, ils vont dormir ?
- Avec un peu de chance, répondit-elle. Si c’est une bonne nuit.
- Et si c’est une mauvaise ?
Il se tenait si près d’elle que la chaleur de son corps se communiquait au sien.
Des images de la soirée qu’ils avaient passée ensemble défilèrent devant les yeux de Bella. Elle se souvint de sa main sur la sienne lorsqu’ils avaient couru s’abriter dans la vieille maison, de sa douceur quand il l’avait aidée à retirer ses chaussures et ses chaussettes mouillées.
Il lui avait frictionné les pieds, puis avait préparé un feu dans la cheminée.
Aussi insensé que cela puisse paraître, cette nuit-là entre les bras d’un inconnu, elle s’était sentie plus aimée, plus protégée qu’à aucun autre moment de sa vie. Cela en disait long sur la solitude qui avait été la sienne jusqu’à maintenant.
Au fond, elle s’était sentie seule même lorsqu’elle sortait avec Mike.
Elle prit conscience qu’Edward la regardait d’un air interrogateur, qu’il lui avait posé une question à laquelle elle n’avait pas répondu.
- Si c’est une mauvaise nuit, je me lève et je les berce ou les promène jusqu’à ce qu’ils finissent par s’endormir, expliqua-t-elle. J’espère que cela ne se produira pas pendant que nous sommes ici. Je ne voudrais pas qu’ils te réveillent ou qu’ils réveillent ta mère.
- Ne t’inquiète pas pour ça. Ma mère occupe l’aile opposée de la maison. Quant à moi, cela ne me dérange pas. Je serais content de les bercer ou de les promener si nécessaire.
Elle le regarda, touchée par ses paroles. Elle était en train de tomber amoureuse du père de ses enfants, songea-t-elle avec consternation.
- Eh bien, je vais aller me coucher, dit-elle en reculant. Bonne nuit.
- Bonne nuit, Bella, répondit-il, avant de reporter son attention sur la chambre des jumeaux.
Ce fut seulement plus tard, une fois blottie entre les draps, que Bella sentit un malaise la gagner.
Les berceaux neufs, les chaises hautes, et même les ornements du sapin revêtirent brusquement un sens menaçant.
Au début, elle avait redouté qu’Edward ne veuille pas être présent dans la vie de ses enfants.
À présent, elle redoutait le contraire.
Et s’il n’avait pas acheté tous ces objets pour rendre son séjour plus agréable ? S’il envisageait d’avoir les jumeaux ici de manière permanente ?
Edward possédait certainement assez d’argent et de pouvoir pour essayer d’obtenir leur garde. Elle ne serait pas en mesure de lutter contre lui, elle le savait.
Elle tenta de refouler cette horrible pensée. Rien jusqu’ici ne lui permettait de tirer de pareilles conclusions. Pourtant, la peur demeura. Bella resta longtemps éveillée, tenaillée par l’angoisse.
Edward avait-il l’intention de lui voler ses enfants ?